intrigue en cours Entre les Enfants de Prométhée et l'Ordre de l'Hydre, la guerre semble à présent inévitable. Les uns comme les autres se préparent à l'affrontement. De son côté, le Conclave Écarlate peine à se faire à l'absence des Fawkes et au nouveau leadership des Ackerman. À moins que les laboratoires d'Amaranth Pharmaceuticals ne fassent de grandes découvertes dans peu de temps, ou que le Conclave ne mette la main sur un immortel, il se pourrait bien que ces tensions coûtent cher à l'organisation... Et après être longtemps resté dans l'ombre, un vieil ennemi s'apprête à refaire surface.
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 Sharpen your tongue || ft. Santiago

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(#) Sharpen your tongue || ft. Santiago    Sam 18 Sep - 13:14

Sharpen your tongue
The sun's gone dim, and the moon's gone black. For I loved him, and he didn't love back. @Santiago Ortega

Il n'y a rien de plus ordinaire pour lui que les matinales de la maison de la radio. Partout ça s'agite, ça court partout pour rejoindre le bon studio, une tablette dans une main et un gobelet starbuck dans l'autre. Anthony – ou  juste Tony, pour la plupart de ses collègues – s'est habitué à ce rythme frénétique, décortiqué en tranches d'heures précises où chacun.e sait ce qu'il faut faire, et comment le faire. Derrière le flegme décontracté des échanges au micro entrecoupés de chansons, c'est tout un rituel calculé à la seconde près qui fait fonctionner les fourmis de la BBC, sans que rien n'y déroge, dans la joie et la bonne humeur.

Sauf ce matin.
Dés que Tony passe la porte de l'ascenseur, il pressent que quelque chose ne tourne pas rond. Pas besoin d'enquêter bien longtemps, quand il entend à l'autre bout du couloir un éclat de voix suraiguë familière, enclenchée à chaque coup de pied dans la fourmilière.
Lorna Huxley, la coordinatrice des matinées, a ce pouvoir particulier de transcender les oreilles de n'importe qui quand elle est en colère.
Et, visiblement, elle l'est.

« Hein ?! Mais c'est une CATASTROPHE !! Tu nous mets dans la merde, t'en as conscience de ça ?! »

Plus personne n'ose bouger, le nez soudainement plongé dans des tonnes de papiers, ou à chercher le bureau le plus proche pour se cacher. Anthony, lui, reste devant la porte en fer, son casque rabattu autour de son cou. Il sait comment ça va finir, quand Lorna est ainsi. Il est le seul à ne pas ciller, à faire mine de rien, scrollant sur son téléphone nonchalamment tandis que les talons de sa supérieure hiérarchique viennent claquer jusqu'à lui. Elle vient de raccrocher, elle-même, plus furieuse que jamais.
Il la voit s'approcher du coin de l'oeil, sa queue de cheval blonde agitée sous ses pas frénétiques.
Il compte dans sa tête : impact dans trois, deux... un...

« C'est pas possible, ce type va me... ANTHONY !! »

Voilà.
Inutile de s'enfuir, il savait que ça finira par lui retomber dessus, d'une manière ou d'une autre. Où qu'il soit, ou peut importe ce qu'il doit faire ce matin-là. En cas de problèmes, Lorna sait vers qui se tourner. Ce gars particulier qui lui sourit comme si de rien était.

« Bonjour Lorna, comment vas-tu ? Mais dis-moi, ce nouveau pull est splendide, tu as fais des folies ce week-end, hm ? »

Dans toute sa fureur, il lui arrache une petite remontée de fossette. C'est déjà ça de gagné, pour lui et les autres. Les éclats de Lorna sont toujours justes, mais fracassant à plusieurs niveaux.

« Oui mais on en parlera plus tard, pour l'instant j'ai besoin de toi.
- J'ai cru entendre, oui.
- Kyle ne viendra pas ce matin. Il est malade et a une extinction de voix, comme par hasard...
- Ah. C'est peut-être vrai remarque, il avait une sale tête hier. »

Ainsi qu'un rendez-vous tinder à la sortie du boulot, mais ça n'avait sans doute rien à voir, non non.

« Je m'en fous ! », reprend-elle, plus vive. Dans toute sa colère et son petit visage constellé de tâches de rousseurs, elle ressemble à une souris anthropomorphe perchée sur des échasses en daim. « C'était le matin à ne pas nous foutre dedans, et monsieur n'est pas là ! On a attendu des semaines avant d'avoir un créneau parfait pour cet invité, si on a personne pour l'interviewer, on est foutus ! Les grands pontes vont nous couper l'émission, je vais être virée, et-
- Du calme, respire. Je vais te la faire, ton interview.
- C'est vrai ?! »

Ses grands yeux noisettes s'illuminent, tandis que les bleus de Tony roulent vers le ciel, amusés.

« Ne fais pas l'innocente, tu allais me le demander de toutes façons.
- Ouais, bon... Désolée, ça tombe comme un cheveu sur la soupe, t'es sûr que c'est bon pour toi ? Si Karen prend ta place pour la matinée, ça devrait aller hein ? Tu l'as bien formée ?
- Oui, ça ira. Elle se débrouille bien, je lui fais confiance. Allez, file moi ton gars, ça me fera une dette de plus à faire payer à Kyle comme ça.
- Je t'aime, tu le sais ça ? Rappelle-moi de t'épouser dans une prochaine vie !! »

Lorna jubile et lui tend sa propre tablette. Elle babille des injonctions, des recommandations, tandis qu'elle ouvre le bon dossier.
Avec le bon nom, la bonne photo.
La bonne identité, qui se déploie devant le regard figé de l'immortel.

Son sang s'arrête, avant de pulser franchement dans ses artères. Il n'y croit pas.
C'est impossible.
C'est pathétiquement, ironiquement impossible.

Et pourtant il le reconnaît. Il n'aurait pas pu l'oublier ; Dieu sait qu'il a essayé, en vain. Il reconnaît ce visage, ces traits, ces yeux, paralysés dans le temps comme sur ce cliché.
Son propre sourire a disparu. Il a flanché, comme sa capacité à tenir l'objet, qui lui échappe des mains avant que Lorna ne le rattrape in extremis.

« Chéri, ça va ? T'es tout pâle d'un coup... Me dis pas que tu as choppé la même chose que Kyle hein ?
- … Il arrive quand ?
- Qui ça ?
- L'invité.
- Ah ! En fait... il est déjà là. Il est arrivé plus tôt que prévu mais t'inquiète pas, t'as le temps de potasser, on a l'antenne que dans une demi-heure ! »

Il n'en faut pas plus à Anthony pour s'échapper, cette fois. Vers un lieu où personne ne le trouvera, un lieu où il pourra respirer tout l'air qui lui manque. Il bredouille un « ok » de complaisance et laisse Lorna, interloquée, qui lui rappelle que ça se passera dans le studio numéro 3.

Tout ces détails, Anthony s'en fiche royalement. Les mains cramponnées à la tablette, il court s'enfermer dans les toilettes les plus proches. De l'eau fraîche sur son visage émacié, pour se prouver qu'il n'est pas en train de rêver. Son reflet dans le miroir lui renvoie l'image aigre qui s'y découpe. Il accuse, subitement, le poids des années de traque qui arrivent à leurs termes.

Je te tiens.

Je te tiens enfin, Santiago.


Les pensées affluent et refluent, comme les souvenirs qui se brisent dans son vieil esprit. Seul au-dessus de l'évier, il passe les dernières minutes restantes à éplucher toutes les questions qu'il doit poser. Elles sont toutes vides de sens, n'apportent rien de concret.
Il en a d'autres, une dizaine de milliers d'autres, qu'il se répète sans cesse depuis plus de cent ans.

Un instant suspendu, comme l'air dans ses poumons après trois cigarettes, fumées à la fenêtre. Il ferme les yeux, comprime ses larmes montantes. Pour cette fois, et cette fois seulement, il doit endurer.
Il en a rêvé tant de fois, de ce moment-là. Hors de question de le gâcher.

Il reprend un peu de contenance et sort. De toutes façon, c'est presque l'heure. L'expression plus fermée que d'habitude, son naturel ressort par touches.
Son pas presse, quand il arrive près du studio trois. Lorna est là, papote de tout et de rien, meuble comme elle peut avec Lui.

Dans son apparat du vingt-et-unième siècle, Santiago dégage la même aura qu'à l'époque victorienne. Il provoque tout, rafle tout, un ras-de-marée par sa seule présence ici. Cet indicible sentiment qui met Anthony dans une rage folle, bouillonnante derrière son masque froid. Un masque qui trompe Lorna, quand elle le présente au fameux monsieur Ortega.

« Et voici Anthony Lawson, c'est lui qui sera avec vous pendant toute la durée de l'émission ! Je suis sûre que vous allez très bien vous entendre ! »

Anthony retient – difficilement - un rire narquois. L'innocence de la mortelle le touche, elle n'est au courant de rien, et c'est bien mieux ainsi. Elle s'approche et lui chuchote des encouragements.

« Tony, tu es sûr que ça va aller ? Si tu ne le sens pas...
- ... Je suis juste un peu stressé, parce que ça fait longtemps. Mais tout va bien se passer.
- J'en suis sûre, je compte sur toi ! Je vous laisse faire connaissance ! »

Lorna finit par s'éclipser, rester en retrait pour surveiller, comme à son habitude, le bon déroulé de l'émission. Le silence revient. Un silence pesant entre eux deux qui vient se faire trancher d'un ton aimable, lancé par l’écossais. Prétendre, faire semblant, c'est aussi un peu son métier. Une question de dignité, face à la bataille qui se joue déjà.

« Bonjour. Ravi de vous rencontrer enfin, Santiago. J'ai beaucoup entendu parler de vous. », déclare-t-il, le regard éloquent derrière son sourire poli, une façade bien huilée où jaillit une envie de meurtre à peine dissimulée. « Allons-y, voulez-vous ? L'antenne est bientôt à nous et... j'ai beaucoup de questions à vous poser. »

Il soutient son expression quelques secondes avant d'entrer dans le studio. Quelque chose qu'il a déjà fait plein de fois, sans être jamais aussi nerveux qu'aujourd'hui. Assis face à lui, Anthony le fixe, sans se soucier de ce qu'il dégage.
Il s'était imaginé cette scène des milliers, des millions de fois, sans tomber sur ce scénario-là.
Et pourtant.
Ils seront seuls ensembles, pour l'heure qui suit. Elle est là, l'occasion attendue. Mais avant toute chose, il a un boulot à faire, ici et maintenant.
Le compteur défile, nouveau décompte dans la tête d'Anthony, nouveau visage aussi. Trois, deux, un.

« Bienvenue, bonjour à tous et merci de nous rejoindre dans notre matinale consacrée à la découverte et à l'exploration ! Aujourd'hui nous accueillons Santiago Ortega, reporter de guerre, venu nous parler de son expérience sur le terrain. Bonjour à vous Santiago, merci d'avoir accepté notre invitation. Pouvez-vous nous parler un peu de vous, de votre parcours ? Nos auditeurs sont tout ouïe, et moi aussi ! »

Le regard piquant de malice chasseresse, Anthony attend. Dans la fourmilière très organisée de la BBC, un prédateur vient de s'infiltrer par un couloir dérobé.

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(#) Re: Sharpen your tongue || ft. Santiago    Sam 18 Sep - 16:11


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« Je suis un assassin immortel âgé de plusieurs siècles qui tue pour une organisation juste visant à remettre le monde dans le droit chemin – avec nous à sa tête. » n’est, bizarrement, pas quelque chose qui vous permet de vous faire une place sur le marché mondial du travail. Tu n’as donc pas pu mettre sur ta dernière identité que ton meilleur talent était ton agilité sans faille et ta capacité à tirer droit, ou que tu avais visité plus d’un pays pour y laisser une traînée de sang à ton départ. Enfin tu… Tout est relatif. Tes faux papiers, voilà bien longtemps que tu t’en occupes plus et qu’on te les fournit dans une jolie enveloppe kraft étiquetée de ton simple prénom. Les Adorateurs ont le chic pour s’en occuper efficacement à ta place.

Sur la dernière identité qu’ils t’ont forgée il y a dix ans environ, ils t’ont refilé le dur job de reporter : quoi de mieux pour justifier tes déplacements et le sang de tes vêtements qu’un journaliste sur les terres de plus en plus rongées par le conflit ? Printemps arabe, révolutions, prises de pouvoir. On pense te voir de partout et tu fais de ton mieux pour vendre des articles que t’écris tous les trente-six du mois. Tes mots sont rares mais précieux : la mise est de taille à chaque papier qui veut mettre en première page ton titre. Tu cours le monde et tu en rigoles le soir venu quand, les veines bouillonnantes, tu causes en un souffle plus de carnage que ce que t’as du rapporter sur ton écran.

On t’a invité ce matin pour causer de ta carrière, de ton avis sur la situation géopolitique merdique – comme toujours depuis quasi six siècles – du dernier ouvrage controversé des racistes du pays sous couvert de prôner à l’antenne une liberté grise. Tu t’es habillé sobrement au fond de ton appart tout aussi sobre : t’as mis une chemise pour faire bon genre, noire pour faire moins sage. Un pantalon neuf plus clair qui te rendrait presque beau si tu pouvais t’aimer. T’as accentué la couleur de tes yeux, si tu restes concentré, elle ne fluctuera pas avant que tu ne sortes du métro sur le retour.

On t’a guidé le long du bâtiment, t’a offert un café pas trop mauvais tandis que tu charmais la jeune femme venue t’aider à tenir l’attente. Ca n’est jamais difficile : le sourire en coin toi qui préfères faire la gueule te rajeunit de cinq ans ; le clin d’oeil discret qui fait glousser ; les petites anecdotes saupoudrées des vérités banales que les autres ont tous entendues à la radio au moins une fois, histoire de les rapprocher du réel que t’as vécu. C’est pas le métier que t’aurais choisi, reporter, mais t’étais loin de regretter de le faire.

Le prénom Anthony te touche à peine quand on t’annonce l’arrivée  de ton interviewer.
Parce que t’es trop concentré sur le visage qui apparaît dans l’embrasure de la porte. Sur le corps qui cache la lumière dégueulasse du néon qu’il a laissé s’engouffrer et – pourquoi tu parles de lumière, putain !
(Parce qu’il est mort et que les fantômes laissent passer la lumière)

Ton visage reste de marbre : tu as retenu à temps la surprise avant qu’elle ne saute sur tes traits. « Enchanté, monsieur Lawson. » Les mots te foutent la gerbe, la pièce va tanguer, tu vas t’effondrer, tu vas…
Tu vas tenir. Tu n’as pas le choix, Santiago. Tu croises les mains devant toi et te poses dans ton siège. C’est qu’un mauvais moment à passer. Vous êtes en public, vous ne vous connaissez pas, il n’a pas le bon nom, juste le même prénom et la gueule de ton ex.
(
Mais les noms changent, Tadeas.)
Tu ne veux plus y penser. Ravale ta logique et sors ta fierté.

Une éternité en trois secondes. Il veut faire ça, vraiment ?

Tu n’es pas certain d’pouvoir y arriver.
Et tu soutiens le regard du doppleganger de l’homme que t’as aimé. C’est pas lui, tu t’en convaincs. C’est pas Anthony. C’est un mensonge, un descendant caché, une coincidence. C’est pas lui, t’en es certain. Tu voudrais.
« Bonjour, Anthony. » Ta voix vibre, tu t’humectes les lèvres. Ca fait trop longtemps que tu n’as pas prononcé ces mots et te laisses pas emporter. « Alors… Je vais vous épargner mes histoires d’enfance, ça vous ennuierait plus qu’autre chose. Erhm… J’ai été plus autodidacte qu’en cours, étant très peu assidu aux séances. J’ai eu beaucoup de chance on peut dire. J’ai commencé à travailler en tant que stagiaire dans un petit quotidien, puis j’ai monté les échelons pour finir journaliste indépendant. Ca, couplé à ma passion naturelle du voyage, m’a amené à considérer le reporting… Et c’est comme ça que vous me trouvez devant vous aujourd’hui. Un peu grâce à mon côté tête brûlée aussi. »

Inspire, expire, souris. Tu fais semblant d’être à l’aise quand tu es bien trop perturbé pour ton propre bien. Tu n’aimes pas ne pas avoir les cartes en main. Tes doigts jouent sur la table, tapotent. Qu’est-ce que tu donnerais pas pour avoir une clope…

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(#) Re: Sharpen your tongue || ft. Santiago    Sam 18 Sep - 17:46

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« Bonjour, Anthony. »

Ses mains s'articulent en poings serrés.
Sa bouche piquent autant que ses yeux humides.
Bon sang.
Il pensait que ce serait plus facile.
Il pensait qu'il n'aurait rien à lui prouver, qu'il n'aurait qu'à lui rendre au centuple la tristesse qu'il avait éprouvé tout ce temps.
Dans sa tête, tout était clair, millimétré comme du papier à musique. Il lui aurait d'abord fichu une gifle, ou quelque chose du genre. Puis, il lui aurait demandé pourquoi, un nombre incalculable de fois, jusqu'à ce qu'il avoue. Sans doute en pleurant, beaucoup. Puis il l'aurait laissé là, et aurait enfin eu de quoi vivre pour lui-même.
Une machination parfaite. Bien plus clair que ce qu'il se passe en ce moment, la gorge asséchée face au micro.
Anthony titube. Anthony prend sur lui, plus qu'il ne l'a jamais fait. Ne pas flancher, ne pas tomber, ne rien laisser paraître et continuer. Une litanie viscérale pour lutter contre l'envie d'empoigner le col de cette chemise trop parfaite et lui demander des comptes, là, maintenant, tout de suite.

Heureusement – ou malheureusement ? -, Santiago joue le jeu. L'écossais ignore ce qui peut bien se passer dans sa tête, ce qu'il peut bien penser de ces retrouvailles improvisées par le hasard et le manque de professionnalisme de Kyle. Mais quoiqu'il s'agite dans son esprit, son ancien amant tient bon. Et comme de raison, Anthony écoute ses paroles, un peu trop sereinement à son goût. Il replonge malgré lui dans les coulures de son timbre de voix vibrant. De sa pointe d'accent. De sa manière de parler, sa gestuelle aussi. Tout le ramène bien trop loin, à une époque où il croyait encore aux rêves partagés et aux promesses échangées. Une époque où tout semblait possible entre ses bras.
Ça suffit.
Un stylo sur la table vient servir de bouc émissaire à sa nervosité, glissant entre ses doigts agités. Ne pas flancher. Ne pas tomber. Ne rien laisser paraître, et continuer.

Mais la voix de Santiago.

L'entendre, à nouveau.

C'était quelque chose de spécial. Un paramètre qu'il n'avait pas pris en compte. Parce qu'il se sentait plus fort que ça.
Parce qu'il se se sentait hors d'atteinte et inflexible. Comme le fantôme d'un autre plan.

Il ne répond pas, pas dans l'immédiat. Dans un soupire discret, Anthony fait mine de se rasseoir correctement, reprenant un peu de contenance.

« Ce n'est pas ce qu'on peut appeler un parcours typique. », ponctue-t-il, son regard lâchant finalement le sien pour se perdre sur la bille de son bic. Faussement décontracté, il poursuit, les questions toujours en coin de l'oeil sur la tablette posée près de lui. « Je pense que ça inspirera nos auditeurs sur le bien-fondé du dicton : quand on veut, on peut, n'est-ce pas ? »

Il se sent dériver, lentement mais sûrement. Lorna va le tuer s'il ne suit pas le fil directeur de l'interview.
Mais il l'ennuie, profondément. Qu'est-ce qu'on s'en fiche des endroits où tu es allé, Santiago... L'important c'est que tu sois ici, avec moi.

« Tête brûlée, vous dites... » Un autre silence, moins long. « Est-ce que vous pensez que c'est un trait de caractère à posséder dans votre métier ? Ou même, au quotidien ? J'imagine que ça n'a pas dû vous apporter que des bonnes choses... »

Une ombre de sourire en coin, lorsqu'il accroche les yeux ébènes un instant. Avant de les quitter à nouveau.

« Mais revenons-en à vos exploits. Vous avez donc couvert beaucoup de conflits armés, lors des dix dernières années. Y'a-t-il une expérience en particulier que vous avez envie de partager avec nous à ce sujet ? »

Bla bla bla. Des choses bateaux à demander. Kyle compose ses questionnaires comme ceux des sites bon marché, avec un retour de satisfaction client garanti dans tout les cas. Lisses, et sans saveur.  
Anthony en a déjà assez. Qu'importe ce qui se passera, ce n'est pas ça qu'il veut entendre Lui.
Alors, il se décide à improviser. Et Lorna convulsera, et il perdra peut-être son travail.
Mais tant pis.
Il craque un semblant de rire, entre pitié et pathétisme. Envers la situation. Envers lui-même, surtout.

« … Désolé. Mais c'est un peu maladroit, vous ne trouvez pas ? De vous demander tout ça. » Du bleu se plante dans le sombre. Plus aguerri. Plus franc, aussi. « Quand je suppose que vous avez du voir plus d'horreurs que nous tous réunis dans ce studio... bien trop pour une seule vie. »

Il attend. Il ne sait pas encore quoi, mais il attend. Une réaction, un mot, un signe de Santiago. Sa ligne de conduite est en train de faire une multitudes de loopings mal agencés, prête à craquer.
Et Anthony a peur de ne pas savoir à quoi se raccrocher quand elle finira par se briser.

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(#) Re: Sharpen your tongue || ft. Santiago    Dim 19 Sep - 11:50


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Qui a dit que tu pourrais toujours t’en sortir ? Ce matin, dans ce studio aux murs capitonnés et aux couleurs violine et bois, t’as l’impression d’étouffer : la pièce ressemble à un cercueil duquel tu ne pourrais pas t’échapper, tes doigts grattent la table sous toi comme tu grifferais ton nom sur les parois. C’est sans espoir. Mal à l’aise malgré le sourire que t’affiches, tu voudrais être ailleurs. Tu voudrais fuir – pour une fois que t’es la proie ! T’es pas certain d’apprécier cette sensation. T’es pas sûr, Santi, d’apprécier l’entendre te répondre d’une voix qui sonne trop comme la sienne. Ton fight or flight avait pourtant abandonné le côté flight y a deux centaines d’années lorsque tu t’es résolu à la violence inhérente de ce système que tu as, par la force des choses, fait tien.

Et voilà que tu veux fuir maintenant !
Tu n’es pas à l’aise malgré tout ce que tu peux affirmer : le regard fier et droit, le sourire ravageur qui t’enlève dix ans, la confiance de ta voix. T’es le menteur parfait, tu soutiens le regard de l’héritier de l’homme que t’aimais pour te retenir de craquer. « Je pense que c’est une épée de Damoclès au dessus des têtes de ses porteurs. Celle-ci peut s’abattre sur nous sans prévenir et nous précipiter dans des carnages dont on n’est pas certain de sortir vivant. La vérité suinte de tes paroles. T’as toujours considéré après coup que tes actions étaient stupidement dangereuses et auraient pour de simples mortels des conséquences…. Eh bien…. Définitives. Mais ils n’étaient pas toi. J’enjoins souvent les collègues à la prudence et à la retenue. Il en faut bien. Un petit rire t’échappe. Mais ce côté devil may care me permet aussi de voir des situations extraordinaires… Qui, quelquefois, n’en valent pas forcément la peine. » On ne se souvient jamais de tout.

Le manque d’originalité des questions que l’on t’assène te sèche sur place. Quelle est la prochaine ? Les endroits idylliques ravagés par la guerre ? Les grandes figures politiques et ce qu’il pense d’elles ? Ou les anecdotes surprenantes des champs de bataille peut-être ? Du vu et du revu. Vous êtes journalistes, que diable ! Vous maniez les mots pour embraser les âmes – tu le fais, en tout cas. Qu’on veuille se résoudre à ces platitudes te fatigue. « Je dirais le Printemps Arabe, un de mes premiers passages sur le terrain. C’était quelque chose que de voir le peuple se soulever ainsi contre les régimes. » Heureusement que peu de gens regardent la radio et les live studios : ils verraient l’air presque ennuyé que tu as face à cette question.

« Maladroit ? » Un ersatz de véritable conversation t’échappe. Son regard te fait déraper – le bleu céruléen d’un ciel sans faille, comme tu l’as écrit. Ne pas sombrer, Santi, ce n’est pas lui. T’as vu la tombe, t’as payé les funérailles pour que ta femme soit en paix. Tu sais que c’est pas lui. « Les horreurs ne sont pas toutes sur un champ de bataille. Les soldats de notre armée vous le confirmeront. Bien entendu, les corps et le sang vous marquent plus sûrement que tout et la violence s’accroche à votre esprit, mais sur le moment elle n’est rien. Ton sourire a disparu, t’es grave (dans ta tête comme dans ta voix). C’est lorsqu’on referme la porte et que l’on revoit son significant other pour la première fois, qu’on les serre contre soi, qu’elle prend tout son sens. J’ai vu des horreurs et j’ai connu l’immonde vérité des champs de bataille… Mais moi, je ne l’ai pas ramenée avec moi. Je l’ai exorcisée comme j’ai pu en vous la confiant, à vous tous. Fragmentée et déliée dans mes paroles, dans chaque article, elle n’a pas empoisonné ma vie car elle était à nouveau offerte au monde. »

Ce n’est pas tout à fait vrai : les crimes que tu as commis te hanteront toute ta vie. Tu n’en parleras jamais et tu les portes en étendard, fièrement, glorieusement. Tu as tué plus que de raison mais tu n’en fais pas ta croix – faux chrétien que tu es.
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(#) Re: Sharpen your tongue || ft. Santiago    Dim 19 Sep - 15:12

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Les secondes s'égrainent comme sa palabre. Face à la réponse composée de Santiago, où se démêle petit à petit le vrai du faux, Anthony sent ses instincts les plus profonds bouillir. Ils remontent, viscéralement viciés, jusqu'à la surface. Dans son regard, dans sa manière d'agiter son stylo sans fondement entre ses doigts.
Il n'aime pas particulièrement ça, d'habitude. Il réprime ses colères les plus sourdes, pour des envolées plus dramatiques, faussement grandiloquentes, histoire de taire ses ressentiments les plus ancrés.
Mais pas cette fois.
Cette situation sans contrôle le pousse à tenter de reprendre les rennes, d'une manière ou d'une autre.
S'il ne s'accroche à rien, il finira par tomber dans le vide abyssal de ses yeux sombres. Il le sait, et c'est bien là le plus terrible.

Anthony ne semble pas réagir, une fois que Santiago lui a exprimé ce que c'était, pour lui, la véritable portée des horreurs traversées.
Foutaises.
Il a envie de vomir face à autant de bien-pensance. Ce n'est pas vrai., songe-t-il. Ce n'est pas en revoyant les siens que l'on se rend compte de terreurs qui habitent ce monde, c'est en étant victime nous-même. Il n'y a que comme ça que l'on comprend cette fameuse vérité à retranscrire, à partager.
Et aujourd'hui et maintenant, Anthony a sa propre vérité à retranscrire. A partager.
La vérité au sujet de l'homme qu'il est chargé d'interroger.

Sa patience a atteint son seuil. Il se penserait plus endurant. Tant pis.

Le silence perdure. Ses yeux bleus voilés se redressent nonchalamment vers l'un des panneaux de bois du studio. Son expression est indéchiffrable, perdue entre mélancolie d'un autre temps et ironie contrôlée.
Il n'a pas envie de continuer. Mais s'il doit se forcer, alors ce sera à sa manière cette fois.

« Ce doit être terriblement difficile, j'imagine. Toute cette violence, tout ce fardeau à porter pour quelqu'un comme vous... »

Le ton est flottant, différent. Moins professionnel et plus intime.
Sa main libre fait défiler les différents éléments de la page préparé au sujet de Santiago. La pulpe de son index zoom sur la tablette, indolemment.

« J'ai, sous la main, des coupures de presse vous concernant. Certains articles parlent de vous comme d'un « héros contemporain, au front comme un soldat au service de la réalité. » »

Et dans un geste tout aussi flegmatique, Antony éteint la machine, la repousse sur la table. Il n'en a plus besoin. Il n'en a jamais eu besoin.

« Cependant je vais être honnête, monsieur Ortega : les questions que mon collègue a préparé pour vous sont sans intérêt.  Vous avez déjà répondu à la plupart d'entre elles, dans ces fameux articles ô combien élogieux. »

Ses mains se rejoignent, se croisent sur la table. La posture et les yeux droits. Il tente autre chose, d'une espièglerie mal venue, qu'on lui connaît pourtant sous ses dehors d'enfant de chœur.

« Alors, je vous propose autre chose. Un jeu de choix, entre deux options. Nous serons deux à jouer, évidemment ! Sinon ce ne serait pas amusant. Chacun notre tour, si cela vous va. »

Son regard soutient le sien. De toutes manières, il ne les posera pas, ces questions stériles. Autant changer la donne.

« Vous êtes partant ? Je suis certain que ce sera un peu plus ludique, pour vous, comme pour nos auditeurs. »

Un sourire en coin, emprunt d'un charme de composition. Il est remonté sur scène, avant de se noyer complètement dans les coulisses de son cœur cassé.

« Je commence, avec un exemple. »

Il fait mine de réfléchir, tout en ignorant la posture tendue de Lorna non loin, de l'autre côté de la vitre. Elle vrombit.

« Voyons voir... » Une pause. Une lumière dans les yeux francs. « Faisons simple. Partons du postulat fictif que vous même, vous ayez eu à commettre un meurtre. Vous préféreriez échapper à votre sentence en trahissant un être cher, ou bien être condamné tout en vous sachant intègre ? »

Il demeure impassible, accroché à la digue des remparts qu'il franchit, un par un. Il espère l'atteindre, ce véritable Lui.

Celui qui n'a pas hésité à lui tirer dessus, en dépit de leur amour.

Il veut l'offrir au monde, comme on lui rend l'horreur.

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(#) Re: Sharpen your tongue || ft. Santiago    Dim 19 Sep - 18:12


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In this garden, there's no feeling and you say the words so often that I barely know the meaning and when all the flowers are rotten and all the cannons shot I'll scream, but you won't hear "Forget me not"


Est-ce que tu crois une seconde à ce que tu dis ? Que tu souffres pas quand tu reviens du champ de bataille ? Est-ce que lui, il croit à ce que tu dis ? Est-ce qu’il est aussi débile que ça, aussi stupide que toi ? Sans doute pas : ton oreille n’est pas parfaite et tend à se faire sourde quand tu le veux, il est cependant impossible de manquer le ton qui déraille et quitte le professionnalisme fade des questions que l’on t’a balancées jusque là. Tu les renverrais en ricochets si ce n’était pas l’inverse complet du principe de l’interview. Oh, ton visage ne laisse rien paraître ! Mais au fond de toi tu voudrais éteindre les micros et te lever, le chopper au col et le plaquer au mur loin des regards pour savoir ce qui cloche ou ce qu’il fabrique. Savoir s’il est lui, savoir ce que t’as laissé derrière, qui t’as enterré alors, on t’a pas laissé regarder, t’as pas voulu regarder, tu t’en mords les doigts mais c’est impossible qu’il soit là. C’est impossible. Tu te détraques de l’intérieur pendant qu’il te suce à demi-mots pour cacher le plan qu’il dessine derrière.

Et comme l’imbécile que tu es, tu tombes dedans. Tu ne vois pas où tu mets les pieds, aveugle que tu es dans cette situation. Le micro devient secondaire et une arme avant toute chose. Des questions. Il pense t’avoir avec ça. Que veut-il de toi ? « C’est mignon, la prochaine étape sera un action ou vérité, Anthony ? » que tu le nargues sans sourire. Ta voix pourra tromper les auditeurs, faire croire que tu plaisantes et que le tout n’est qu’une émission débile, que c’est un script, qu’une scène répétée se joue entre vous. Balances-moi ta question, vas-y, ça sera jamais plus douloureux que de te voir et de t’entendre en face de moi. Tes synapses crâment de tant de déjà-vu. Ptêtre que t’es déjà foutu. « Je suis toujours prêt. »

Tu ris quand on t’accuse. Pris de court, tu ris. Amusé, sidéré, éclaboussé d’étonnement génial, tu ris. Le son se répercute dans le micro, grésille sur les ondes et choque les oreilles des personnes qui ont augmenté le son durant le court silence ayant suivi la question. Tu n’est pas un meurtrier. Tu es un assassin. (Ton coeur sait faire la différence. ) « Je n’ai jamais été quelqu’un de très logique, mais choisir sans raison n’est pas mon fort. Donnez-moi du contexte, mon cher. Qui ai-je tué ? Etait-ce de la légitime défense, sur un champ de bataille où je craignais pour ma vie ? Tu te penches en avant et tes mains jointes se serrent nerveusement. Du coin de l’oeil, tu as l’impression qu’une lumière s’est éteinte dans le studio, mais impossible d’en trouver la source. Ai-je tué par devoir, par amour ? Par obligation, un flingue sur la tempe ? Ou bien ai-je pété une durite et décidé d’aller frapper à la porte de mon voisin de palier pour, je suis désolé de la violence qui va suivre, lui coller une balle entre les omoplates quand il me tourne le dos ? »

Tu ne choisis jamais tes cibles au hasard.
Tu ne parles jamais pour ne rien dire.
Le feu au fond de tes yeux dansent sur les charbons de ton âme. Saute pour s’annihiler dans la mer bleutée en face.
S’il réagit…

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(#) Re: Sharpen your tongue || ft. Santiago    Dim 19 Sep - 23:02

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Ce rire.
Oh, ce rire.
Il met tout à mal, décide du pire et du meilleur. Il récupère ce qu’il restait du peu de raison d’Anthony, le broie entre ses ondes et le disperse comme des cendres calcinées.
Ce rire, pour lequel il se serait damner autrefois ; pour lequel il tomberait encore si la situation le permettait.
Mais il tient, encore. Encore un peu, maintenant que Santiago a accepté d’entrer dans son jeu. Au diable les masques, ils ne sont bons que pour amuser les spectateurs.
Pas les acteurs.

Anthony l’écoute distiller le champ des possibles, d’un sérieux affable, d’un regard entendu. La lumière a changé autour d’eux, l’homme de radio sait au fond de lui ce que Lorna a décidé face à son improvisation. Elle a demandé à dévier le canal, et d’urgence. Karen doit probablement être en train de paniquer, à devoir lancer ses interventions musicales beaucoup plus tôt que prévu.
Tout ça à cause de lui. Et de Lui. Et de tout ce qui est en train de se passer, dans cette petite bulle de passé, capitonnée.

L’immortel se fiche des conséquences de sa déviation pour les auditeurs. Pour Lorna, qui ne risque pas grand-chose au fond malgré ce qu’elle en dit. Pour Karen, qui doit se frotter aux aléas du métier. Pour son travail, peut-être, et encore. C’est sa première et dernière bavure. Mais elle devait être tentée, il ne pouvait pas en être autrement.

Comme de raison, Anthony lui sourit en retour. Sans tendresse et sans joie, une expression de sournoiserie intime, rien de bien différent de ce que son amant a pu parfois déceler dans ses traits lors de leurs années côte à côte. A la lueur des chandelles, quand personne ne pouvait les trouver. Ils étaient maîtres du monde, au-dessus des juges et des impérieux.
C’est étonnement encore le cas, ici-bas.

« On dirait que j’ai piqué votre curiosité. Tant mieux. », déclare-t-il, le regard aiguisé. « Pour ce qui est de la légitime défense… écartons ce cas de figure, bien trop sentencieux pour mon exemple. »

Son dos s’appuie contre le dossier de la chaise en feutre, faussement détendu. Il étaye, négligemment, se prêtant au jeu pleinement.

« Quant à tuer par amour… c’est un non-sens, trop romantique qui plus est. Très dix-neuvième siècle, si vous voulez mon avis. Par devoir me paraît plus cohérent. Quoique d’une froideur terrible, quand on y pense. »

Le reste le surprend un peu, la tournure du vocabulaire si bien composée de son vis-à-vis est devenue plus personnelle. Parfait.

« Il ne ferait pas bon d’être votre voisin, hm ? Vous devriez vous mettre à l’écriture de fictions policières, après vos essais de géopolitique. »

Lui-même se permet de rire, plus franchement. Anthony virevolte d’une sentence à une autre, y trouvant de quoi mener sa barque, jusqu’à l’impact finale contre la rive.
Où il ne sourit plus, où il prend son temps.
Où il détaille son intention d’un froid polaire, le bleu de ses yeux glissant vers la banquise.

« … Je vous parle d’un crime qui vous aurez repoussé dans vos derniers retranchements. » Son phrasé est dur, percutant. Peu importe si d’autres l’entendent. Tout ceci n'est que pour son invité. « Un tel coup du sort que vous en auriez oublié tout vos principes et vos valeurs, peut-être même vos serments. Je vous parle d’un homicide inattendu, pour vous comme pour votre cible, mais aussi tout son entourage. Une disparition si frappante qu’elle aurait scellé quelque chose de définitif en vous, bien que vous en soyez l’auteur. »

Ses doigts crispés se referment les uns contre les autres. Un geste de protection, tandis que le reste de sa rhétorique glisse, inexorablement.

« Et en ce qui concerne la victime de ce malheur, eh bien… A vous de me le dire. »

Son regard ne cille pas, ne cillera plus, jamais. Il est chargé de plus d'un siècle de rancune, sans réponses et sans vergogne.
Un siècle qui se conclue ici, à ce moment précis.

Je suis là.
Tu ne rêves pas.
Affronte-le.
Et regarde-moi.


« Je suis certain que vous avez quelqu’un en tête qui puisse correspondre à ce rôle, Santiago. »


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(#) Re: Sharpen your tongue || ft. Santiago    Lun 20 Sep - 7:15


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Seuls au monde, oubliés des hommes et des dieux, on a coupé votre voix et les murs rebondis en boîte d’oeufs de votre cellule la retiennent dans cette cabine dont vous ne vous échapperez pas vivants. Vous n’émettez plus : la certitude te vient quand l’oeil rubis LED de ton micro s’éteint et que celui d’Anthony fait de même. La certitude de la censure de l’originalité te frappe en plein coeur ; le silence remplacé par les difficultés techniques et une musique pop insipide qui t’aurait fait, à coup sûr, changer de canal. Ils vont perdre des auditeurs par ta faute – tu pourrais en avoir quelque chose à foutre si c’était grave, mais tu regrettes plus certainement que des pégus écoutent tes réponses bricolées à des questions sans substance. Là, entre vous deux, se joue quelque chose qui te pousse dans tes retranchements d’humanité poreuse.
La bête en toi, vampire ou autre monstre, peut s’éveiller à tout instant et laisser la furie sombre t’emporter.

Tu passes une main dans ta barbe, en apprécie les poils drus qui se recourbent et protègent ton menton, glissent sous la pulpe calleuse de ton majeur. Le grattement te permet une concentration de façade, lui offre une opportunité de reprendre les mots qu’il aligne en jeune inconscient cherchant à t’épingler pour un crime. Est-ce le reporter qui a entendu parler de tes bavures… Ou bien est-ce quelque chose d’autre tapi dans l’ombre qui lui souffle le pire, qui est là, devant toi ? Toujours ton esprit débile déballe les faits et biffe ceux ne lui plaisant pas : la mort d’Anthony a tâché ta conscience et tes nuits et il ne peut pas être revenu d’entre les morts pour te hanter.
(Mais tu n’as pas serré sa main. Tu ne l’as pas vu manger, boire, tu n’as pas pointé un miroir vers lui. Est-il un fantôme ? )

« La victime est au moins aussi importante que le crime, dans ce cas de figure. » Juge divin. Il n’y a aucune autre explication : dans les minutes qui suivront la mort viendra s’emparer de ton âme et tu tomberas pour la dernière fois. T’es prêt à ça. Ca ne veut pas dire que tu ne peux pas te défendre. « Chacun doit puiser au fond de lui pour cette question, Anthony. On ne peut pas oublier si aisément ses principes, ou les liens qui nous unissent à la société. Un coup de folie, peut-être. Mais alors on retombe dans l’hypothèse du voisin de pallier. Vous êtes entrain de me demander si j’ai déjà considéré l’assassinat d’une personne chère pour trahir mes valeurs, malgré l’impact émotionnel ? »

C’est sur cette phrase que la porte de ton tombeau s’ouvre en fracas et dans une envolée lyrique de pépiements désolé, vraiment, infiniment désolé. Des problèmes techniques sont invoqués, une microcoupure démentie par le ciel bleu que t’as vu en arrivant. (Peut-être que tu confonds avec le regard vrillé dans le tien.) Tu réponds avec aisance que c’est pas grave, que le jeu en valait la chandelle et que la conversation a été intéressante, même non-enregistrée. Tu t’excuses, demandes le chemin du distributeur d’eau, des toilettes et d’un endroit où prendre une clope.

T’as besoin de t’échapper. Le créneau est passé, tu es libre, tu dois pouvoir filer. Tu veux juste… Tu sais pas. Traîner un peu dans l’espoir qu’on te retienne. Laisser ton numéro, ton adresse. A défaut récupérer le contact d’un doppleganger fantômatique. Votre conversation est loin d’être terminée, mais elle ne peut pas se faire si proche des autres.
T’es pas con, au fond. Juste superstitieux. Et si tu dois affronter l’esprit de ton amant vengeur tu ne veux pas qu’une midinette sur talons te choppe entrain de justifier un meurtre.

Un peu d’eau dans un gobelet, un lavage de mains dans des toilettes bondées et tu te retrouves à affronter la pollution londonnienne sur une terrasse déserte. Dernier arrêt pour toi. Dernière chance, corde lancée au vent, fil à suivre.
Tu voudrais que la porte claque, dans ton dos. Claque comme trois balles filent dans la nuit.

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(#) Re: Sharpen your tongue || ft. Santiago    Lun 20 Sep - 16:54

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« Oui. C'est ce dont je t'accuse. »

Les mots hurlent, mais ne fusent pas, pourtant. Ils ne font que brûler les lèvres d'Anthony, sans son et sans courage, tandis que tout le reste se déroule au ralenti. Le temps se décompose sous ses yeux moroses, le regard toujours fixé sur Lui. Il le voit s'enfuir dans toute sa verve sirupeuse, d'homme poli et navré du contretemps. Un éclat pour profiter de la détresse de Lorna et s'extirper du carcan du studio, qui servira comme tombeau au programmateur radio. Son bourreau en talons s'approche, furieuse, dés lors que leur précieux invité s'en est allé. Elle explose. Il encaisse.
Anthony ne lui accorde pas la moindre attention.
Il l'écoute à peine, il l'entend de loin.
Son esprit est ailleurs, déjà sorti, lui aussi.
Ses pupilles suivent assidûment l'échappée belle de Santiago jusqu'à ce qu'il disparaisse à l'autre bout du couloir.

Non.
Non, pas maintenant.
Pas comme ça...
Certainement pas !


Les remontrances durent, et durent encore. La force dont il a tenté de faire preuve revient contre lui en boomerang, l'empêchant de répliquer face à sa supérieure. Comme un enfant se faisant réprimander par sa mère, il ne dit rien, l’œil bas. Épuisé. Soudainement, terriblement épuisé.

« … Je suis prêt à répondre de tout mes actes devant la direction, Lorna... » Son voix sonne comme décadente, rauque et fébrile, ténue comme un murmure. L'immortel se sent en mousse dans son fauteuil, comme accablé d'un autre poids. « Laisse-moi juste lui parler avant. S'il te plait. »

Peut-être que c'est son regard particulièrement chargé qui a joué. Peut-être que c'est leur amitié hors des murs de la station qui l'a faite céder, ou tout simplement la fatigue d'une semaine trop difficile, mais dans un soupire profondément inspirant, Lorna consent à lui accorder ça.

« Dépêche-toi. »

Elle est impérative et énervée. Il devra s'excuser, longtemps. Pas pour l'instant. Remettre ça à plus tard quand les priorités le guettent.
Il n'est pas parti.
Il ne peut pas avoir fui.
Si ?

Dés lors qu'elle quitte elle-même les lieux, Anthony court. Pourvu d'une adrénaline à s'en rompre les veines, il cherche, furète, demande à tout va. Son regard hagard harponne un jeune stagiaire qui lui dit qu'un homme en chemise noir est en train de fumer sur la terrasse du troisième étage. Ses pas s'y rendent sans attendre, il connaît le chemin par cœur. Combien de fois y a-t-il été lui-même, seul ou accompagné, à contempler Londres et à y jeter ses cendres ?

L'ascenseur n'a jamais été aussi lent.
Au tintement significatif, aux portes qui s'ouvrent, au panneau indicateur et à la baie vitrée, Anthony a envie de reculer.

La peur le prend et le mord.
Mais il l'observe quand même, d'abord derrière la vitre, en retrait. Anxieux, avant de rejoindre le vent anglais et son ciel étonnement dégagé.
Il fait encore beau, pour un début d'automne.

Santiago est seul.
Anthony referme la porte.
Scelle cet instant qui n'appartient véritablement qu'à eux, cette fois-ci.

Ce dos immense, noir comme la nuit, s'étend et ne cille pas.
Il y perd ses orbes bleus comme on contemple le vide, dans le silence le plus sacré.
Éternel et diablement long,
A peine remué de battements cacophoniques dans sa poitrine.

Il a attendu.
Il a tant attendu, que désormais, plus rien ne sort.

Un réflexe pavlovien le pousse à vouloir fumer, à son tour, quand il aperçoit les volutes se dégager autour de ses boucles. Il tâte sa poche de jean et en extirpe son paquet à moitié vide. Une pensée d'effroi : son briquet est resté dans sa veste. Dans sa veste, sur le fauteuil du studio. Du studio, trois étages plus bas.

Évidemment.

A son tour de soupirer.

« J'ai encore un tas de questions à te poser, tu sais. »

Un tutoiement familier, des paroles au-delà de l'époque présente. Pour Santiago et pour lui seul, il ne peut plus se cacher. Qu'importe le nombre d'années écoulées, plus personne n'est là pour les forcer à se dissimuler.
Anthony reste à l'écart. La posture droite, la cigarette encore éteinte entre ses doigts.
Ne reste qu'un calme étrangement résolu dans le regard azur, pressentiment de la tempête qui grondera sur l'océan.

« La première étant de savoir si tu as du feu. »


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(#) Re: Sharpen your tongue || ft. Santiago    Lun 20 Sep - 18:15


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Ce n’est pas une fuite. Tout au long de ton passage dans les couloirs, pendant que t’empruntes les escaliers qui te mènent à la terrasse, tu tentes de te raisonner. Ce n’est pas une fuite. Ce serait une fuite si tu prenais tes jambes à ton cou et que tu te retournais pas. Ce serait une fuite si tu hurlais et que tu refusais de parler de ce qu’il s’est passé, si tu tirais un trait sur Londres, si tu déménageais, si t’en parlais à ta Constellation. Mais rien de tout ça n’arrivera jamais. Tu souris aux quelques gens qui te disent que ton intervention était intéressante et qu’iels auraient bien voulu écouter la suite. Tu inclines la tête, t’acceptes les compliments et tu continues ton chemin comme si de rien n’était.

C’est vrai que ça a été intéressant. Le feu qui s’est allumé dans tes veines et la passion qui a voulu l’enflammer, les mauvais souvenirs qui t’ont emporté trop loin et la peur qui s’est instillée en toi quand tu as cru qu’il était vivant. T’auras besoin de plus d’une clope pour soigner tout ça.

Dans ton dos, quand tu actionnes la roulette de ton briquet, la porte s’ouvre et grince – lamentation des gonds qui souffrent comme toi t’attends. Tu ne te retournes pas : tu sais qui est là. Tu sais qu’il est là, le double d’un visage tordu dans ta mémoire, l’écho de tes nuits sans sommeil d’avant et après sa mort – avant peuplées de plaisir, ensuite bouffées par le remords. Tu souffles et tu fourres ta cloppe entre tes lèvres. Puisque tu as enterré ton amour, ça ne peut être qu’un usurpateur.
Tu le feras payer de souiller une mémoire chérie, un nom innocent.

Tes doigts se glissent dans la doublure de ta veste et en détachent une fine lame encore repliée dans sa protection. Tu la glisse dans le bracelet magnétique prévu à cet effet, où elle se clipse, sous la manche de ta veste. Le renflement passera sans problème pour une montre si l’on s’y attarde. Le silence n’est brisé que par les bruits de pas, par leurs resspirations; tu ne feras pas le premier pas, c’est lui qui t’as cherché ici-haut pour tu ne sais quoi. Il te cherche, et tu le sais. Seul un imbécile ignorerait les faits. (C’est pourtant, au fond de toi, ce que tu fais. Tu n’arrives à pas chasser ce doute persistant que c’est Anthony derrière toi.)

« J’ai. Attrape. » D’un geste dédaigneux tu te retournes, affrontes son regard et son visage avant de lui lancer le briquet qui a vu de meilleurs jours. La lame au creux de ton poignet te rassure, t’assure un équilibre que tu saurais pedre sans elle. La certitude du meurtre. D’un ton dégagé, tu demandes : « T’es quoi, exactement ? Je m’attends à tout, tu sais. Je suis plus à ça près. Hit me with your best shot. Tu t’assois sur une table qui passe par là et penche la tête. Un golem ? C’est bas, comme technique, je vois mal les débiles qui me coursent s’en servir. Hm… Tu es peut-être un nouveau genre de créature, un peu comme un changelin, mais en plus vicieux. Tu crains l’argent ? Tu penses qu’il va te répondre ? La lame surgit de ton poignet et se coule entre tes doigts. Tu la regardes plus que lui, tes sens en alerte. Je ne sais pas qui t’as envoyé, mais je suis bon prince. Face à sa détermination à me faire parler en jouant sur mes faiblesses, t’auras tes questions avant que je me décide à te mettre en pièces. Quoi que tu sois. »

Tu tapotes ta cigarette au coin d’un cendrier, regarde la cendre s’épanouir et tomber au fond de la poterie moche. Tu ne sais pas à quoi tu as à faire, mais tu vas l’anéantir. Tu te sens comme un imbécile de chasseur de vampires – tu sais même pas si une seule des créatures que t’as citées existent, mais il te faut bien une explication.


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(#) Re: Sharpen your tongue || ft. Santiago    Lun 20 Sep - 19:22

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Le briquet atterrit entre ses doigts nus. Son pouvoir en lit quelque éraflures, rien de concret pour son esprit peu concentré à la tâche. L’objet a dû traverser les âges, lui aussi, mais Anthony n’en a pas grand-chose à faire. Le symbole est plus intéressant. Il s’agit de son premier lien avec Santiago depuis trop longtemps. En dépit des lettres sur sa tombe, récoltées une à une.
Jamais lues.
Pas la force.
Aujourd’hui, il a un million de choses à découvrir, retrouver, deviner, haïr, tout un panel de sentiments qui lui procureront ses aveux.
Mais Santiago, dans sa verve d’homme de peu de foi, coupe net à tout ce beau programme.
Il l'abrutit d'un discours sans queue ni tête, devant l'immortel médusé.
Anthony reste interdit. L’éclat de la lame au soleil, fine et claire, l’éblouit une seconde et il lui faut bien plus de temps pour comprendre l’étendu de la bêtise qui se joue ici.
Santiago n’y croit pas.
Santiago se voile la face, avec une poésie chimérique plus stupide que jamais.

Anthony en perd sa cigarette, à peine allumée. Elle s’écrase sans bruit à ses pieds.

« … Pardon ? »

L’expression de surprise figée, à l’instar de celle qui a peint ses traits quand les balles se sont logées. Elle finit par se briser d’un sourire glacé, d’un rire froid, bientôt mué en un éclat franc, sans joie. Juste de la nervosité, traduite en nerfs qui lâchent face à tant d’inepties. Tant d’ironie. Tant de chagrin, aussi.
Santiago, ton coeur est-il si cloisonné que tu as osé m’oublier ?

« Je… Près d’un siècle et tu n’es pas fichu de—Mon dieu, je rêve, c’est ça ?! »

L’écossais rit, encore, son hilarité se traduit en spasmes et larmes en coin. Un mélange salé d’émotions bouillonnantes, l’empêchant de respirer.
Quand il retrouve enfin un peu de contenance, que le souffle lui permet de reprendre vie, son ton tranche subitement.
Il essuie rapidement l’humidité en bord de cils, dans un geste plein de dignité refoulée.

« Bon sang ! Je m’attendais à tout, sauf à être pris d’un fou rire face à toi... ! »

De l’aigreur dans sa voix. Contre lui-même et contre ce qu’il voit. Il désigne l’arme d’un revers de la main dédaigneux, comme si elle n’était qu’un jouet au poignet d’un enfant trop aventureux.

« Range ça, tu es ridicule ! Tu m’as déjà tué une fois, ne perd pas ton temps à recommencer. »

Son visage revient petit à petit vers l’expression fermée qu’il arborait initialement. Le vent se lève entre eux, lentement, soulevant quelques cendres de la cigarette sacrifiée jusque sur la semelle d’Anthony. Il l’écrase sans la ramasser. L’envie de fumer lui est passé.
La plaisanterie est terminée.

Ses yeux soutiennent ceux de Santiago sans ciller. Ses sourcils se froncent en des traits marqués, des rides creusées. « La colère te vieillit, petit frère. » Des mots taquins de Meredith, partie, elle, pour de bon.
En son hommage, il n’a pas le droit de flancher.

« Tu es toujours aussi… emprunt d’imagination. », soupire-t-il, un brin complaisant. « Un golem, un changelin, qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre... »

Un pas vers lui. Un effort surhumain. Deux, et il se sent parmi les Puissants, pour quelques instants.
Alors qu’il est encore si faible face à ce regard.

« Alors que la vérité est sous ton nez et que tu n’arrives même pas à la voir. »

Trois pas. Anthony est de plus en plus proche. La peur dans son ombre, comme une amie de longue date. Qu’est-ce qu’il l’effraie, exactement ? De sentir la douleur de sa lame ? Il sait déjà ce que ça fait.
Non, la terreur est plus insidieuse.
Plus mordante.
Dans tout son déni délirant, Anthony a réellement peur que Santiago ne le reconnaisse pas.

Alors, aussi près qu’il le puisse, aussi étourdi qu’il le soit par son parfum et leurs souvenirs volatiles, aussi dévoré qu’il se sente à l’idée de se venger, Anthony veut que son adversaire le voit pour ce qu’il est.
Et pas pour un fantôme sans valeur.
« … Ouvre les yeux, imbécile. » Dans cette froideur impérative, c’est presque un appel à la raison, hors de l’eau où ils se noient. « C’est moi. »

Acerbe mais presque espérant. C’est un paradoxe qui le tient vivant depuis tout ce temps.
Sa gorge est sèche et ses lèvres pincées, porteuses de mauvais dictons, il paraît.
Au pays des idiots, seul l’Aveugle est le roi.

« Ça fait longtemps, mon amour. »


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(#) Re: Sharpen your tongue || ft. Santiago    Lun 20 Sep - 21:12


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Tu as besoin de la lame entre tes doigts pour te sentir mieux, te donner l’impression stupide que tu as encore une part sur la destinée qui t’attend et que tu peux la faire dévier, la faire plier à ta volonté. T’as besoin de cette prise sur le manche et de ton souffle qui suit les tracés délicats de l’argent en volute sur la lame. T’as besoin d’une arme comme extension de ta volonté – non, comme cartouche supplémentaire, comme la dernière once de volonté en toi. Tes armes sont toi quand tu n’as plus la force d’être. Tu penses que tu rêves quand tu vois sa cigarette tomber de ses lèvres entrouvertes. (Tes yeux s’y perdent avant de discerner le mégot qui se consumme sur le béton. ) Il ne s’attend pas à ta répartie.
Pourtant, t’y a mis toute ton intelligence et toute ta vérité. « T’es pas un fantôme, les autres peuvent te toucher. Donc... » Tu agites les mains, mords presque en dépit du bon sens le bout de ta clope qui ne t’apporte rien. Tu la mords, vraiment, quand il se met à rire.

Et ce rire te transperce et tu repousses si fort, de tes bras si faibles, de ta volonté si têtue, de ton esprit si troué, criblé de balles de croyances, tu repousses les souvenirs et les correspondances ! Tes convictions prennent l’eau et sont aussi poreuses que l’éponge en lambeaux sur ton évier. Tu repousses l’évidence – que dis-tu ? Le mensonge qu’on veut te faire avaler ! Cet homme n’est pas le tien. Ce n’est pas celui que tu as serré contre toi, que tu as promis d’aimer, qui t’a appris les secrets de ton coeur et qu’un soir t’as lâchement laissé baigner dans son sang pour le sauver.

Pourtant ça continue. T’es perdu, Santiago. Gamin infoutu de faire la part des choses, il parle, il s’approche au rythme de ton coeur qui vacille. Entre tes doigts ta la(r)me brille. Ton souffle déconne et tu ne bouges pas de ta table : jambes écartées, bras presque ballants. T’attends la discussion comme un coup de fusil dans le ventre- la balle est déjà nichée dans ton estomac et le plomb te tord dans tous les sens. Saturnisme, connard.

« Ca ne peut pas être toi. »
Tu refuses l’évidence.
Pour la première fois, on te force à être à nu, Santi, et ça t’plaît pas. Tu sautes de la table, te rapproche de lui, glisse. « Ca peut pas. » Tu le dépasses sans un regard de plus. Ton pas nerveux arpente la terrasse, ta voix grimpe dans les décibels, tombe d’un octave. « Ne m’appelle pas comme lui ! Tu n’as pas le droit. » La lame a regagné ton poignet. Tel un fauve, on pourrait croire que t’encercles ta proie. « J’ai fermé son cercueil moi-même, je l’ai porté jusqu’au cimetière. J’ai rebouché le trou, j’ai dit les foutues prières pour que son âme soit en paix, bordel ! » Tu craches la rage et la peine. Tes doigts passent dans tes cheveux, un champ de bataille qui explose. «Ca ne peut pas. »

Sur tes joues, des larmes se perdent. La fureur n’a aucune raison de te faire pleurer. Tu glisses dans le dos de l’ersatz de celui que t’as aimé. « Ne me regarde pas. Ne bouge pas. Si t’es pas lui, ce que tu n’es pas, tu finiras de la même manière. » Mais tes mains tremblent.

Mais tu ne peux pas.

Tu t’approches et ta lame tombe au sol entre vous.
Se brise.
Ta main sur son dos, là où t’as frappé.

Tu te brises.


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(#) Re: Sharpen your tongue || ft. Santiago    Lun 20 Sep - 22:44

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The sun's gone dim, and the moon's gone black. For I loved him, and he didn't love back. @Santiago Ortega

Les mots éclosent en échos distordus. A bouger comme un animal, Santiago en possède l’aura prédatrice, affable et tendue. Il recule autour de lui, l’observe, incrédule. Comme face à la cristallisation de sa culpabilité, revenue le narguer.
Anthony était venu armé de cette intention-là.
Et face à lui, il ne sait pas.
Il ne sait plus.
Il avait pourtant tout calculé. Il avait mis des années, des dizaines d’années, à prévoir la moindre seconde de cet instant. En dépit d’Anthea et de son enclin à le freiner, en dépit de l’équilibre trouvé au sein de sa constellation. Un seule page de l’histoire restait à écrire, de la plus terrible des façons.
Un seul leitmotiv, au gré des courants.
Te retrouver, Santiago.

Quand ses paroles âcres s’ancrent à ses oreilles, l’écossais perd patience. Il meurt d’envie de l’empoigner, de lui hurler au visage de se réveiller, de faire face à son crime et de l’accepter. Il demeure, pourtant, incapable de bouger.
Ses pensées se délient une à une, coulent dans son esprit embrumé. Tout lui revient en mémoire si distinctement qu’il a le sentiment qu’hier à peine, l’Homme se déplaçait en fiacre et honorait l’apogée de la photographie.
Il lui en reste d’eux, d’ailleurs.
Tapies, dissimulées. Trempées.

La remontée massive des funérailles le blessent plus qu’un morceau de chair criblé de plomb. De tout les rôles qu’Anthony a dû jouer, aucun n’a été plus difficile que celui-ci.

« Je le sais. Je n’étais pas mort, quand tu m’as enterré. »

Des mots brutes, râpés du fond d’une gorge serrée.

« C’était une idée d’Anthea, après qu’elle m’ait retrouvé sur le sol de la ruelle. » Il lui avait présenté, une fois. Elle, ses grandes boucles rousses et sa manie de trop parler. Une éternelle, déjà parmi eux. L’ironie est terrible. « Un ami apothicaire lui avait préparé une décoction visant à ralentir mon rythme cardiaque. Je devais jouer le jeu, subir les pleurs des miens, assister aux éloges funèbres et accepter d’être enfermé. Dans le noir. Sous la terre. C’était le prix à payer pour ma liberté. »

Pour m’échapper de toi.
Car j’étais persuadé que si ce premier coup avait échoué, tu n’aurais pas hésité à recommencer.
Je ne savais plus comment te percevoir, Santiago.
Sans constamment trembler.


« Elle est venue me chercher à la nuit tombée. Et nous avons disparu. »

Le reste du récit meurt à la commissure de sa bouche. Rien ne passe davantage, son coeur oppresse beaucoup trop sa cage thoracique. Ses mains lui font mal, serrées en deux poings rougeoyant. Ses paupières se plissent fermement pour endiguer la montée des larmes.

La douleur est partout en lui.

Elle se répand comme un venin, instigué dans ses veines.

Le même qui a affolé son âme, dés que leurs regards se sont croisés pour la première fois.
Le même qui pénètre sa peau, quand il sent son souffle dans son dos.

« Tes prières ont été vaines. Mon âme n’est pas en paix, Santiago. Elle ne pouvait pas l’être… avant que je ne te retrouve. Et même maintenant... »

Et même maintenant.
La main est une arme.
Le bruit de métal ne l’arrache pas à la stupeur.
Elle perfore sa carapace d’épines, quand les doigts remplacent les balles.

Au même endroit.
Exactement le même endroit.

Un dernier battement.
Un instant, fragile, soufflant sur les dernières braises de sa volonté.

Anthony Moncreiff est tombé.

« Je... »

Elles tombent, elles aussi.
Les yeux grands ouverts, face à Londres.
Barrière des cils levée, l’eau ruisselle sans s’arrêter.

Les joues brillent au soleil.
La voix se creuse en murmures dans le vent.
Il fait encore si beau...

« … Je t’ai… Je t’ai donné tout ce que j’étais... et même tout ce que je voulais devenir, à tes côtés, nulle part ailleurs. Avec toi, je n’avais plus peur de rien... Plus peur de ressentir ces émois que j'avais renié toute mon existence. Je te faisais plus confiance qu’à n’importe qui. Je t’aurais tout offert, même ma vie, si tu me l’avais demandé... Je... »

Les doigts s’ourlent, secoués comme les spasmes du discours hoquetant. L’air vient à manquer mais il déploie un ultime serment, répété tant de fois, secret ou pas.

« … Je t’aimais. »

Ses pas se tournent. En vis-à-vis, du bleu au sombre, du passé au présent. Ses larmes ricochent sur celles, jumelles, de l’autre immortel.

La douleur est partout.
Elle s’insinue en nous.
Et elle nous lie, désormais. Plus cruelle que jamais.


« … Alors... pourquoi ? »

Sa seule question. La seule qui compte, au fond.

« Pourquoi, Santiago… ? »


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(#) Re: Sharpen your tongue || ft. Santiago    Mer 22 Sep - 17:32


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In this garden, there's no feeling and you say the words so often that I barely know the meaning and when all the flowers are rotten and all the cannons shot I'll scream, but you won't hear "Forget me not"


Qu’il ferme sa gueule. Pitié, par les dieux et les divinités qui depuis longtemps ne t’écoutent plus malgré le sang que tu leur verses (le tien comme celui des autres), faites-le taire par n’importe quel moyen. Que sa langue se dessèche et pourrisse, ver noirâtre en poussière ; que ses yeux explosent dans leurs orbites ou coulent pour l’étouffer ; qu’une abeille mortelle le pique, taon éternel ; qu’un autre que lui le baillônne et que ses mots soient ravalés avant que la fatalité ne les mènent à tes oreilles.
Tes prières, Santiago, restent vaines. Tu retiens tes larmes et tes doigts qui semblent te brûler. A ta hanche, le holster de ton arme n’a jamais pesé aussi lourd dans la cache où il est dissimulé – même l’arme que tu portes et que tu brises est faite de plomb trop dur à porter. A supporter.

Pourtant tu revois la terre fraîche au matin, sous le brouillard anglais – elle semblait encore retournée mais t’avais mis ça sur le compte de la mise en bière à peine quinze heures plus tôt. Puis il faut dire que t’étais pas frais, que t’avais failli toi aussi caner quelques couples de soixante minutes plus tôt. Trop-plein d’alcool pour noyer le chagrin, les yeux éteints car t’avais plus de larmes.

Et c’était faux ?

La rage t’emporte, tu voudrais hurler. Tes doigts s’appuient sur son dos et c’est trop tard, tu ne peux transformer en caresse ce que tu voulais être une ascendance sur lui, une attaque. La lame s’explose au sol, tes doigts contre lui se recroquevillent. T’as pas conscience que tu pleures, pas avant qu’une rafale de vent vienne sécher les traînées juste sur tes pommettes. Il est mort, il est mort, il est mort il est mort il est mort il est mort il…

Tant de certitudes s’envolent au vent.
« Moi aussi. »
Mais pas celle-la.
Putain, pas celle-là. Il l’a aimé un peu trop fort pour que ça soit innocent. Comme on n’aime quand on n’a qu’une vie, comme on aime quand on se marie par amour et pas par profit.

Son visage devant le tien.

Il redevient le centre de ce monde.

Tu pousses un soupir pour faire croire que tu te contiens. Réussis à abaisser ta main maintenant à hauteur de son sternum – par peur de le toucher vraiment. Tu sors un mouchoir en tissu décoré de chouettes et d’étoiles pour essuyer tes yeux, lâches un claquement de langue impatient et presque furieux, fourres tes mains dans tes poches pour t’empêcher de t’approcher. Un pas en arrière et l’tour est joué.
T'as toujours su retrouver contenance, ou faire semblant, bien vite.

« Je peux pas t’le dire. Tu lâches d’un air ennuyé. Il y a présentement deux caméras sur ce balcon qui se trouvent dans mon dos, sans le son, mais j’suis à peu près sûr que les personnes à l’autre bout lisent sur les lèvres. Je vais donc te demander de faire un choix, Anthony, l’effort vient de toi. Son prénom sur tes lèvres, un soupir pour tenter de ne pas gueuler combien ça t’a manqué ou te ruer sur lui. Soit tu m’dis au revoir là et je te promets de me barrer. J’voulais retourner en Italie, de toute manière. Tu restes en sécurité, moi aussi, mais tu abandonnes cette idée. Tu t’accroupis de ta souplesse légendaire à ses pieds, récupères ta lame et lève la tête vers lui. Soit t’acceptes de me revoir dans un endroit paumé, en sûreté, une dernière fois. Là où on risquera rien. Et puis… Ca reprendra le même schéma. Italie, sûreté, blablabla. »

Tu recules encore avant de te tourner, debout, le dos offert à la fusillade de son regard ou à une arme. « Tu choisis c’que tu veux. Mais j’parlerai pas. »

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(#) Re: Sharpen your tongue || ft. Santiago    Mer 22 Sep - 19:58

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Espèce de lâche.

La pensée qui traverse comme un coup au cœur.

En dépit des larmes similaires, voulant trop en dire sans savoir se taire, la bouche de Santiago reste close. Aucune réponse.
Pas ici, pas maintenant.
Il prétexte de manière détachée, essuie l'eau d'un revers de mouchoir comme si rien ne s'était passé.

Anthony revient sur terre à la seconde, empoigné à son propre corps, ancré dans le sol. Une main fébrile se porte à sa gorge, précédemment nouée d'un sanglot, pour l'en délivrer. Il s'est laissé dériver, trop longtemps. Boire la tasse dans ses propres pleurs ne faisait pas parti du plan.
Mais Santiago a toujours eu le don de provoquer chez lui quelque chose. Sans définition et sans contours, de haine ou d'amour. Quelque chose, pourtant, qui le remuera, encore et encore, jusqu'à la fin des temps.

D'un geste mime, c'est le revers de sa paume qui vient effacer les traces. Rien que ses yeux rouges et sa respiration hachée pour comprendre qu'il a pleuré. Un coup d’œil vers ces fameuses caméras, censées les espionner.
Ses sourcils se froncent d'incompréhension. La position de son ancien amant est différente, au-delà des émotions précédentes. En alerte constante. Anthony songe, plus sérieusement, à ce qu'il peut bien redouter, et à pourquoi il souhaite le protéger.
Car l'ironie est mordante.
Que pourrait-il lui arriver de pire, quand il y réfléchit ?

Il y pensera plus tard. Pour l'instant, il y a ce duo de chemins possibles, brumeux comme un jeu de piste. Ce drôle de stratagème acide, retourné cette fois contre lui. Sans les micros et l'audimat, il résonne sans grandeur. Ça lui arracherait presque un sourire, à l’écossais, si ses poings ne s'étaient pas refermés sous l'impulsion de la colère, revenue à la charge.
Il ose.
Il ose lui imposer d'attendre, encore.
Un ultimatum de pantin. Une audace pernicieuse, imposée au visage passé, au nom de ce qui a été sacrifié.
Le piège est tout autour d'Anthony et il s'y est laissé attrapé.

Parce que ce n'est pas un choix.
Ce n'est que l'illusion d'un choix.
Il ne peut pas reculer, il n'en a jamais été question.

Plus jamais.

« Ton culot est détestable... », des syllabes détachées dans un grognement sourd, perdu dans la barbe de quelques jours. Un soupire, à son tour. « … Où ? »

Le mot est porté par le vent léger, tandis que le regard bleu reprend de sa dureté, un voile sensible comme armure cloutée.

« Où, et quand ? J'y serai. »

Une affirmation. Un pas. Puis deux. Puis il se rapproche, comme pour impacter Santiago plus fermement, cet homme ô si prudent, si consciencieux. Lui signifier qu'il est prêt, lui-même, à tenter le danger.
Il n'a plus rien à perdre.

« Je ne te laisserai pas repartir. » A quelques centimètres, sans peur ni autre arme, son expression trahit la promesse décochée. Une nouvelle, d'un autre genre, peut-être le début d'autre chose. Elle ressemble pourtant un peu trop à leurs anciens serments, prononcés dans les feuilles mortes, les cheveux, les bras et les cœurs emmêlés.
L'époque où seul leur bonheur ensemble comptait.
« Pas sans connaître toute la vérité. »

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(#) Re: Sharpen your tongue || ft. Santiago    Jeu 23 Sep - 20:29


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In this garden, there's no feeling and you say the words so often that I barely know the meaning and when all the flowers are rotten and all the cannons shot I'll scream, but you won't hear "Forget me not"


Tu lui laisses le choix. T’es pas un mauvais bougre, t’es juste un connard profond, un égoïste notoire, un intellectuel au sang chaud, un menteur au grand coeur, un homme de valeurs qui croit au légitime plus qu’au légal, un assassin loyal, un traître à sa patrie disparue sous les coups espagnols, un fidèle de l’Hydre qui voudrait se couper la tête, un emmerdeur aux joues empourprées quand il dit la vérité, un mauvais perdant qui respecte l’adversité, un amant forminable trop rouillé, un aimant à merdiers, un sanguinaire quand on ose les toucher – mais t’es pas un mauvais bougre. Tu lui laisses le choix.
Ce matin d’automne, sur cette terrasse battue par une brise délicate qui brise ton coeur de cristal fêlé, tu lui pointes deux chemins que t’as tracé : sur l’un t’as pas envie de t’engager – il est plein de ronces et de dangers, tu sais que lui marchera pas mieux et que toi tu vas définitivement te casser la gueule. Sur l’autre tu te noies, lui aussi. Le choix est cornélien : la connaissance et l’ignorance vous amèneront, quoi qu’il advienne, à la souffrance. Aucune issue. Pick your poison, darling. C’est toi qui offre, cyanure ou arsenic.

« 221B, Baker street. » Tu lâches avec un sourire dégueulasse – t’es détestable et t’aimes quand il te dit ça, tes sentiments morts explosent juste parce que t’es quelque chose à ses yeux. T’as jamais fait ton deuil, tu le sens revenir. (Ou c’est de le savoir vivant qui te rappelle combien t’as tenu à lui, avant. ) « Je… 116 Bury Street. Tu devrais trouver facilement, l’immeuble est petit. Il y a une librairie à côté. Tu entres et tu montes au second. Là, tu toques. Je viendrais t’ouvrir. Je connais pas de planque plus sûre. C’est chez toi, it’s a date, mais t’iras pas jusqu’à lâcher ça. Disons dans deux semaines, samedi soir, 21 heures. Je dois partir quelques jours à la campagne pour me… Ressourcer. »

T’as jamais eu de mots aussi faux que t’aurais voulu gerber. Tu t’essuies les lèvres avec nervosité comme pour t’en débarrasser. « Ca me permettra de brouiller les pistes sur toi et de pas jeter trop d’attention malvenue à tes trousses. Deal ?  » Tu lui offres pas ta main à serrer mais c’est tout comme.
Tu n’as plus rien à lui dire.
Plus rien qui ne te retient, si tu causes, tu vas faire une connerie. Tu vas te briser encore plus. Tu fais alors un geste pour éteindre les dernières cendres et te tourne vers la porte. Sourit comme tu peux – il ne te voit pas. « Ca a été une bonne petite discussion et une chouette interview. Malheureusement, je me dois de t’abandonner. Encore crie ton coeur. T’as les coordonnées, tu n’as qu’à… Me recontacter. Ciao! »

Et ton geste de la main insolent, le vague salut de tes doigts tandis que tu descends les escaliers dans le calme. Chaque marche résonne de tes pensées.
Il est là.
Il n’est pas mort.
Il m’a tellement manqué.

Un palier, deux. Ton esprit suit les degrés.
Je le revois bientôt.
Je ne sais pas s’il voudra.
Je ne sais pas si j’survivrai à ça.

Et les doutes qui te tatanent tout le long du chemin. Les angoisses qui reviennent puis, plus tard – bien plus tard ! Les souvenirs douloureux des sentiments trop longtemps atrophiés pour qu’ils ne bouffent plus aucune place. Tu finis la journée amorphe sur ton canapé, incapable de quoi que ce soit, dévoré par une question qui emplit chaque fibre de ton être – et dont tu connais pas la réponse.

Est-ce que tu l’aimes encore, Santiago ?
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