oh i must be good for something (santiago)

[1541] Une main qui lu serre l'épaule si fort qu'il ne peut retenir une grimace de douleur. Le sang a séché sur son visage et sur ses poings, et le prètre le regarde en fronçant les sourcils. La déception est visible sur ses traits. Il soupire. Le missionnaire qui le tient d'une main de fer le secoue un peu plus. "Qu'est ce qu'on fait de lui ?" Un nouveau soupire lui répond. "A l'isolement." Santiago serre les dents. Il déteste cette punition. Il n'a que dix ans, et être enfermé dans le noir l'emplit d'angoisse, une angoisse qu'il ne montre pas. Puls tard, on lui dira qu'il doit aerêter de se battre. Qu'il cessera d'être puni s'il cesse de se battre. Mais peu importe combien Santiago essaie de se défendre, on  ne l'écoute pas. Et peu importe que l'autre enfant l'ait traité de bâtard, et peu importe qu'il ait critiqué sa défunte mère, et peu importe qu'il ait commencé. Santiago doit apprendre à encaisser, car il n'est qu'un orphelin dont le père est un espagnol. Un bâtard, une honte. Hors de question. Santiago va serrer les dents, serrer les poings, et il va continuer de se battre. C'est une vermine, dira-t-on de lui. Un moins que rien. Un chien errant. Ils veulent une vermine ? Il va leur en donner une. [1563] Une inspiration brutale, un cri étouffé dans sa gorge. Le noir, tout autour. La peur. Les larmes aux yeux. La confusion. Qu'est-ce-qu'il s'est passé ? Il se souvient... Il était dans un bar. Un type ivre, une bagarre... Et puis plus rien. Cela n'explique pas ce qu'il fait, nu sur une table. Il ne prend pas le temps de réfléchir et prend la fuite, tremblant, perdu. Durant des jours, il erre à travers la campagne, incapable de calmer les battements erratiques de son coeur, la panique permanente, au fur et à mesure que des souvenirs lui reviennent. Ses derniers instants. Il en est sûr, ce coup de couteau aurait dû le tuer. Ce coup de couteau l'a tué. Alors pourquoi est-il en train de marcher ? Pourquoi peut-il respirer ? Pourquoi son coeur en panique s'agite ? ll fuit sa ville, fuit sa vie. Incompréhension. Peur. Qu'est-ce-qu'il est ? Un monstre ? [1564] Les vagues remuent le navire, et Santiago respire les embruns marins. Ici, il s'appelle Marco, ici il est un simple marin qui a décidé d'embarquer pour l'Europe. Personne ne demande son histoire, les autres sont sûrement comme lui. A une différence près. Lui, visiblement, ne peut pas mourir. Durant des mois, il s'est questionné, a erré, s'est fait tuer une nouvelle fois, pour constater qu'il ne peut pas mourir. La seconde fois, il l'a cherché volontairement, confus, accablé de rêves de deux personnes qu'il ne connaît pas et ne comprend pas. A son réveil, la deuxième fois, Santiago a compris. Il a compris qu'il doit les rejoindre. Il ne sait pas ce qu'il lui arrive, mais ces inconnus dans ses rêves doivent savoir. L'europe. Le seul indice dont il dispose. Il les trouvera. Eirik et Salim. Ils l'accueillent à bras ouverts, comme leur frère. Répondent à certaines questions, l'acceptent, lui, la vermine, lui ce gosse avec ses poings toujours serrés. [1568] Pendant toutes ces années, il n'a pas quitté Eirik. Une ombre à ses côtés, apprenant tout ce qu'il peut. Tout ce qu'ils sont. Et toutes ces années, une seule question sans réponse, qu'il ne formulera qu'une seule fois à voix haute. Terrassé par les sons qui l'entourent, incapable de faire le tri, incapable de reconnaître ses propres battements de coeur. Il n'est revenu à la vie que depuis peu, après tout. Eirik, le sage, Eirik qui connait ce don, qui tente de l'aider, et Tiago qui le fixera de ses grands yeux. Si vdes, si terrassés pour la première fois. Vidé. et dans cet anglais qu'il a appris récemment, il murmure "pourquoi moi, Eirik ? Pourquoi moi ? Je n'ai rien fait d'important, je ne suis pas important. Je... Je suis juste une vermine, mort dans une bagarre. Pourquoi ?" Les mains qui tremblent, l'incompréhension perpétuelle. Alors, pour la première fois, Eirik lui parlera des Enfants de Prométhée. Un choix. Tiago peut enfin servir. [1665] Tiago décide de repartir de l'autre côté du monde. Après pratiquement un centenaire en Europe, à travailler dans des ports à se familiariser avec son nouveau monde, et surtout avec les Enfants de Prométhée, il aspire à autre chose. Une soif de nouveaux horizons. Il n'a jamais cessé de se battre, prenant à coeur sa nouvelle mission. Quelques morts qu'il aurait sûrement pu éviter en cours de route. Il devient à l'aise, presque imprudent. Il sait qu'il risque de se faire reconnaître s'il reste plus longtemps auprès d'Eirik, alors il embarque un beau matin de juin, direction l'Amerique. Il y a toujours une humanité à défendre, où qu'il aille, et il ne demande qu'à se battre pour les autres. Eirik et Salim le prient d'être plus prudent, maintenant qu'il sera de nouveau loin d'eux. Mais son coeur bat au même rythme que les leurs, et il sait que malgré la distance, il sera toujours proche d'eux. Quant à la prudence... Si Tiago savait de quoi il s'agit, il aurait vécu plus longtemps. [1710] Alors, c'est cela que les autres ont ressenti lorsqu'il est mort ? Il rêve d'une jeune femme, il ressent sa peur. Et, quelque part, au fond de lui, il sait qu'elle fait désormais partie de leur famille. L'une des leurs, une étoile qui s'allume au milieu de la nuit. Katia. Il ne peut s'empêcher de la rejoindre, de les rejoindre. Il quitte sa vie à New York sans autre forme de préavis, et retourne en Europe. Elle est fragile, si fragile que Tiago réalise qu'il ne peut rien laisser lui arriver. Il souffrira mille morts plutôt que de la laisser en endurer une autre. Et, dans les siècles qui suivront, pour les autres qui les rejoindront, le constat sera le même. Tiago mourra pour elles. C'est ainsi que les choses vont. [1890] Il a continué de bouger, Tiago. Alternant l'Amerique et l'Europe aléatoirement, au gré de ses envies et de ses difficultés. Il se perd un moment, presque à l'aube d'un nouveau siècle. Les Enfants de Prométhée eux même ne sont pas sûrs de ce qu'il fait. La vérité, c'est que Tiago est à Boston, et qu'il s'est retrouvé emmêlé au destin d'un chef de la mafia. Devenu son bras droit, son arme personnelle. Tiago a été repéré alors que sa famile lui avait demandé de se faire discret. Il tue, il venge, il obéit aux ordres de son chef. Plus tard, il se dira qu'il n'avait pas le choix. Mais il se ment. Il aimé ça, un temps, comme il a aimé cet homme. Peu de gens savent. Même au sein de sa constellation, il n'en a pas parlé. La honte lui serre la gorge même aujourd'hui. Un jour, un meurtre de trop le pousse à trahir ces gens qu'il a suivi pendant des années. A trahir son chef, son ami et amour. Bien sûr, les traitres dans la mafia se font descendre. Une porte de sortie. Même balancé dans le port, il revient à la vie,  et en profite pour mettre les voiles. Après cet épisode, Tiago ne supporte plus d'obéir, une crise contre l'autorité, une crise de foi. De nouveau cette vieille interrogation qui le hante. Pourquoi moi ? Il vit depuis trop longtemps. Eirik et Salim essaient de le canaliser, de lui faire comprendre. Il rejette tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à un ordre. Colère, fuite. Doutes. De sombres années qui lui laissent des cicatrices invisibles, si ce n'est pour l'ombre au fond de son regard. [1914] Il est en Italie lorsque la guerre est déclarée. Les Enfants de Prométhée lui demandent de s'engager, de sauver le plus de personnes possibles. Il devient ce soldat qui se sacrifie pour les autres. Il revient à différents moments du conflit, sur différents fronts, là où on ne le reconnaîtra pas. Il s'amende, tente de réparer ses erreurs, sauver le plus de vies possibles. Il ne sait pas soigner, mais il sait encaisser, et il sait éliminer les menaces avant qu'elles ne tuent. Impitoyable, et efficace. [1995] On dirait qu'il s'est calmé, Tiago. Il n'est pas mort depuis un moment,il voyage, les nouvelles qu'il donne à sa constellation sont bonnes. Il s'est pris de passion pour la boxe. Il participe à des combats clandestins depuis des centaines d'années, mais il découvre la légalité... Relative. D'autres activités lucratives entraînent de petites altercations avec les forces de l'ordre.Oh, Loan et Annabelle ne vont jamais le laisser oublier ce qu'il s'est passé aux Pays Bas. Ce n'est pas comme s'il trimballait des tonnes de drogues, juste un peu. C'est simplement que Tiago a encore du mal avec l'autorité. Annabelle lui avait passé le savon de sa vie. Il n'y a bien qu'elle qu'il daigne écouter.  [2020] Quelque chose cloche. Il est au Mexique, au moment où il le sent. Son coeur manque un ou deux battements. Eirik. Immédiatement, il contacte Salim. Quelque chose ne va pas. Les mains qui tremblent, les poings qui se serrent. Trois jours. Il leur faut trois jours pour le sauver. Ils le torturent, ils le tuent, et la constellation le sait, la constellation le ressent. Trois jours. Trop long, trop long. Il voudrait foncer tête baissée, dès qu'il sait où il est. Non, lui disent les autres. ll nous faut un plan. Loan les fait rentrer. Et Tiago ne retient plus sa rage. Ils sauvent Eirik tous ensemble, et laissent une traînée de cadavres derrière eux. Il est aveuglé par la douleur, par la peur et par la culpabilité, Tiago. Ils ont osé toucher à l'un des leurs. Il ne trouvera pas le repos tant qu'ils ne seront pas tous morts. [2021] Il fait semblant devant eux. Parce qu'il sait ce qu'ils vont lui dire. Alors il sourit, il prend de la place, il a l'air lui même. Mais il n'arrête pas de trembler. Parfois, il lui semble qu'il est celui qui a le moins bien supporté l'enlèvement d'Eirik et il ne comprend pas pourquoi. Il ne peut pas supporter l'idée que quiconque puisse menacer sa constellation. Ils ont eu Eirik. Ils pourraient s'en prendre à Katia, douce Katia.  Ou a Loan, la lumineuse. Ou Anna, la seule voix capable de lui insuffler un peu de raison. Ou Astra, dernière venue de leur étrange famille. Non. Non Tiago ne va pas laisser ça arriver. Il vengera les siens, il les protégera, même s'il doit faire sauter le monde et lui même pour y parvenir.