Invité
 | | (#) lost time ⌜Antonin⌟ Mer 24 Fév - 15:28 | |
|  — Antonin & Estienne Quand le père donne au fils, rit le père, rit le fils ; quand le fils donne au père, pleure le père, pleure le fils. Le père qui n'enseigne pas ses devoirs à son fils est autant coupable que ce dernier s'il les néglige. En fin de compte, la vie de père ne tient qu'à un fils ! Venise se teinte de nuances orangées, prémices d’une douce nuit étoilée. Les gondoles vénitiennes acheminent les derniers touristes tandis que les restaurants accueillent leurs premiers clients. La vie nocturne se déploie d’ores et déjà, les passants affluent en masse le long des canaux. Emilien profite de ce spectacle désormais familier, le sourire au coin des lèvres. Ce soir, il s’en va rejoindre son fils afin de lui apprendre une nouvelle réjouissante. Les circonstances se prêtent à la célébration, une table fut réservée pour l’occasion. Un restaurant traditionnel dont la critique salue des tablées exceptionnelles – la gastronomie italienne à son paroxysme. Le français préfère s’en tenir au bon goût et non aux recommandations de la haute-société. Un certain standing n’apporte rien aux saveurs, il apprit à se couper des avis fortunés. Le charme de l’Italie se trouve dans ses traditions, là où le tourisme moyen ne voit qu’une fantaisie pittoresque. Antonin n’a sûrement que faire des étalages de la bonne société – un brin de sincérité pour changer. Pour une fois, il n’a pas besoin de prétendre un leurre, de se cacher derrière des manières guindées. Emilien arrive le premier, dévoile son prestigieux patronyme – la réservation est prête. Quelques âmes aux alentours échangent des banalités, s’émerveillant de leur séjour dans la Cité des Eaux. Parfois, il ne s’étonne même plus de croiser si peu de locaux ; tant le rayonnement de Venise irradie ses concurrents. L’homme jette un dernier regard à son téléphone avant de couper volontairement le son des notifications. Ce soir, les affaires peuvent attendre – tout comme les foudres d’Apollonia. Elle sait parfaitement où il se trouve, ainsi que le motif de cette entrevue. La nouvelle ne fut accueillie avec enthousiasme, la jeune femme dédaignant son trop-plein d’attention à l’encontre de leur progéniture. Il lui faudra du temps, peut-être une éternité pour l’accepter convenablement. A l’évidence, ils ont l’éternité devant eux, pas vrai ? Les minutes défilent, mais le français conserve un enthousiasme intact. Antonin lui avait donné sa parole, nulle raison de s’inquiéter. Il ne prend la peine de consulter la carte, sachant d’ores et déjà quoi commander. Cet endroit fait partie de son quotidien, il connait ses moindres détails. Des mots s’élèvent du côté de l’entrée, il reconnait leur intonation. Son invité ne tarde à se dévoiler aux côtés d’un serveur hospitalier. Emilien retient difficilement un sourire enjoué, l’invite à s’installer face à lui. Dans sa poche, repose le précieux sésame qui lui permettrait de publier son documentaire. « — Tu as trouvé facilement ?
Les restaurants sont plutôt nombreux dans ce secteur, je guettais un appel à l’aide avant que tu n’arrives. » Humour quelque-peu sérieux dans la mesure où nombre de rues forment un dédale infernal de par leur ressemblance. Malgré son exaltation apparente, Emilien n’en reste pas moins nerveux. Son assurance s’effrite en présence de sa propre chair, redoutant une potentielle fausse note. On ne rattrape pas des années en un claquement de doigts ; il a plutôt l’impression de marcher sur des braises. L’attitude de sa moitié dynamite quelque-peu son approche, d’où ce souhait de le tenir éloigné de ses humeurs. Depuis le temps, il fut bien incapable de lui imposer quoi que ce soit… |
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Invité
| | (#) Re: lost time ⌜Antonin⌟ Mar 9 Mar - 20:20 | |
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La nuit dévora le crépuscule comme une meute de loups noirs aux yeux argentés se jetant sur la chair d’un vieux lion. Antonin dut en interrompre ses clichés et travellings alors que juché sur une barque, il capturait le lent écoulement des vagues comme une vibration cathartique qui pourrait calmer ses humeurs. Depuis que son géniteur l’avait contacté pour lui donner rendez-vous dans un restaurant afin de lui annoncer quelque chose, son esprit avait été saisi d’une nervosité sans bornes à laquelle s’ajoutait sa capacité surnaturelle aussi handicapante qu’elle n’était pas maîtrisée. La plupart des invitations impromptues qu’il recevait se terminaient mal ; voilà quelques mois sa propre mère l’avait séduit dans un bar pour ensuite lui éclater la cervelle d’une balle tirée sans remords, et deux mois auparavant un de ses rendez-vous tinder s’était avéré être un guet apens pour lui présenter la constellation dont il faisait partie.
L’anxiété de ce rendez-vous dont l’horaire se rapprochait inexorablement l’avait empêché de créer davantage que de minables plans que le monde entier connaissait, qui avaient été capturés par maints et maints réalisateurs plus talentueux que lui. Alors que même les conducteurs de barque faisaient accoster leurs coquilles contre les quais, Antonin dut se rendre à l’évidence : il allait arriver en retard s’il ne se mettait pas immédiatement en route.
Son apparition fit grabuge mais pas scandale ; dans ce genre de restaurants où même les rires coûtent un salaire mensuel, seuls les murmures et les regards courent sur vous comme des insultes. Jamais un mot plus haut que l’autre, simplement des manifestations vous faisant comprendre que vous n’étiez pas le bienvenu.
Si l’accoutrement médiocre d’Antonin fit hausser les sourcils à l’ouvreur, son accent français confirma qu’il pouvait effectivement s’agir de l’invité de l’un de ses plus prestigieux clients. C’est ainsi que sillonnant les tables ouvragées, Antonin finit par retirer la besace rapiécée qui barrait jusqu’à présent sa poitrine pour l’accrocher au dossier de sa chaise, sur laquelle il finit par se laisser tomber gauchement.
« Je me suis fait indiquer, les gens sont gentils ici. »
Il observa son vis à vis du coin de l’œil. Il ne parvenait toujours pas à associer cet homme à lui dans l’arbre généalogique mental qu’il s’était constitué à la suite de la découverte de son immortalité. Il était trop gentil, trop différent de sa vipère de mère. Nerveux, Antonin frotta ses mains moites sur son jean qui n’était plus de toute première fraîcheur, incapable de se détendre.
« Qu’est-ce que tu voulais me dire ? » demanda-t-il comme un gamin certain d’avoir fait une bêtise et qui attendait une claque d’un instant à l’autre.
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