it's a small word (esther)

@Esther Fisher
Zyanya ne sait pas lire un seul mot en grec, alors il peut s'estimer heureux que les étiquettes de prix ne possèdent pas non plus de chiffres étranges. Ce n'est sans doute pas délicat de qualifier un alphabet d'étrange, chaque langue possède ses richesses lui a dit un jour Lupe, alors qu'il essayait de lui apprendre à parler anglais. Il essaye d'être tolérant et de chasser tous les préjugés qui peuvent s'être ancrés en lui depuis sa naissance. Ce qui fait beaucoup, en huit-cent ans. Pour sa défense, l'anglais n'est pas une langue qui lui donne du fil à retordre et au moins, il a reconnu des mots avec l'espagnol, mais il y en a qui le découragent rien qu'en y pensant, juste parce qu'elles n'ont pas l'air simple et qu'il se fie aux apparences. Zyanya n'est pas du genre à voir plus loin que le bout de son nez, lui demander d'apprendre un autre alphabet et d'assimiler que certaines lettres peuvent être remplacées par d'autres n'est pas une mince affaire. Mais il essaye.

Il revient du marché avec trois chapeaux, un pour lui, un pour Aurora et un pour Lupe, après avoir arnaqué le vendeur grâce à son don de persuasion pour n'en payer que deux. Devant chaque vitrine, il incline la tête et se prend pour une star hollywoodienne, fier de son nouvel achat et de son apparence. Physiquement il a du prendre quelques kilos depuis qu'il a retrouvé son ami. L'immortel a toujours trouvé qu'il avait une tête à chapeau. Il aime le profil que ça lui donne, le look avec les lunettes de soleil. Il a toujours trouvé ça chic.
Au lieu de dépenser son argent un peu partout, il devrait se concentrer sur du repérage, essayer de lire son guide touristique, faire ses devoirs. Il aime beaucoup trop flâner, et il préfère quand son professeur particulier lui fait les cours. Demander à Zyanya de lire des bouquins et d'en réciter le contenu ne sert strictement à rien, il a une mémoire auditive. Il ne souvient plus facilement si on lui explique et il faut lui expliquer plusieurs fois. Dans le reflet d'une vitre, soudain, il croise un regard qui lui est familier et se retourne.

Esther.
Il se souvient de son prénom, il croit, pour l'avoir entendu, et de son visage, le genre de chose qu'il lui échappe rarement. Surtout quand il l'a suffisamment aperçue aux cotés d'Aurora. Elle a bien le droit de se faire des copines, ce n'est pas son problème. Zyanya prend ses distances et la laisse respirer, non sans garder un oeil sur les personnes qui entrent dans sa vie. Ils sont immortels, ils ne peuvent pas sympathiser avec n'importe qui. Le risque c'est de se retrouver dans une situation comme celle-ci, des années plus tard, face à la personne en question qui, normalement, a accumulé pas mal de rides en plus. Fait intéressant, Esther est aussi fraîche qu'au dernier jour où il l'a aperçue. Zyanya arrive par derrière et lui met un de ses chapeaux sur la tête sans s'annoncer. « Ca alors ! T'es venue voir ta petite copine ? » Effet de surprise garantie. « Tu es jolie avec un chapeau. Peut-être que tu devrais le garder. » Il se moque, non sans le penser un peu. Il ne sait pas ce qu'il cherche concrètement. L'énerver, la narguer. Sa curiosité le pousse à savoir ce qu'elle fait ici. Il ne pensait pas qu'elle était des leurs, mais ça expliquerait aussi pourquoi sa soeur lui a fait confiance. Elle n'est pas sotte, Aurora.

Esther prend son temps, elle marche et regarde le paysage qu'elle aime toujours autant voir bien que ce ne soit pas la première fois qu'elle le voit. C'est un décor si charmant, le contraste entre le bleu et le blanc, les maisons faites de cette façon... elle se doute bien que ce n'est pas parfait, mais cela donne l'impression que ce l'est. Elle a été embauchée pour prendre des photos en Grèce pour un reportage d'un journal autrichien. Elle ne retourne pas souvent en Autriche et évite autant que possible Vienne lorsqu'elle y va. Elle ne se sent pas très à l'aise malgré les années. Parfois ça va, parfois non. Elle s'écoute. Il est vrai qu'elle ne peut pas vraiment demander de l'aide professionnelle, elle est un peu trop vieille pour expliquer pourquoi elle se comporte de cette façon à propos de ce qu'elle a vécu. Enfin, elle ne connait pas de psychologue ou de psychiatre immortel. Elle gère à sa façon. De toute façon, ici, elle n'a pas trop envie d'y penser. Elle se promène un peu partout au-hasard, ne sentant pas trop la pression de son travail, comme presque tout le temps, trouvant que tout est assez photogénique. En plus de cette demande de photos, elle a appris que Aurora s'y trouvait. Ce qui rend le tout encore plus agréable. D'autant plus que la brune n'est plus au froid, c'est génial pour elle. Elles ont prévu de se voir dans les prochains jours.

Elle n'est pas pressée, visite les boutiques, pose des questions ; en anglais tout en regardant sur son téléphone quelques formulations de bases grecques. Elle vient pas assez souvent en Grèce pour apprendre la langue, bien qu'il y a toujours quelques mots et phrases qui restent en tête au fil du temps. Elle va pour se remettre à marcher après avoir regardé une vitrine d'une boutique assez intéressante lorsqu'elle sent qu'on lui met elle ne sait trop quoi sur la tête. « Hey ! » fait-elle, se retournant et voyant ensuite Zyanya. Cela ne lui est même pas passé en tête qu'Aurora serait accompagnée de lui. « Oui. » Qu'elle ait aussi un travail à faire ne le concerne pas. « Pourquoi ? T'es jaloux qu'elle se fasse un cercle d'amis en dehors de toi ? » C'est toujours l'impression qu'elle a eu les peu de fois où elle a l'a rencontré et c'est ce qu'elle en a conclu avec ce que Aurora a pu lui dire et de ce qu'elle en a pu en comprendre. Elle se doute bien que cela fait beaucoup de jugement pour peu d'informations, mais ce n'est pas comme s'il l'aidait à penser autrement à chaque fois qu'ils se croisent. On dirait qu'il fait exprès pour ne pas se rendre aimable. Un peu trop protecteur envers l'immortel, trop mystérieux. Bref, il est louche.

Elle le regarde et hausse les épaules. « Je vais le garder. » Elle l'enlève de sa tête et elle le range dans son sac. Elle n'a pas dit qu'elle allait continuer de le porter. « Bonne journée. » fait-elle, tout en lui faisant un très beau sourire. Elle s'éloigne ensuite, continuant son chemin, comme si elle n'avait pas été interrompue.

@Zyanya Sáenz

@Esther Fisher
Il est vrai qu'il est beaucoup trop protecteur avec Aurora, ce n'est une surprise pour personne, cela ne demande pas de le connaître en profondeur. C'est dans la manière qu'il la regarde, dont il lui parle et orchestre sa vie, coincé dans des principes qui ne sont font plus depuis des décennies. Certains diront qu'il l'étouffe et qu'il refuse de la laisser voler de ses propres ailes, lui dirait qu'il la connait, qu'il sait qu'elle a souffert et il ne veut pas qu'elle fasse de mauvaises rencontres. Il ne laisse personne l'approcher et grogne quand il ne peut pas l'empêcher de se faire des amis. Le pire a été de la voir tomber amoureuse, d'assister à cette descente aux enfers inévitable, ça ne pouvait que mal finir. Lui même n'aurait jamais pensé que ça finirait aussi mal, dans le sang et les larmes. Ce n'était qu'un humain. Il se convainc du mieux qu'il peut il a fait ça pour son bien, tout ce qu'il le fait, c'est pour elle. (Mais en toute honnêteté, il y a sans doute une part de lui qui a encore plus peur qu'elle se lasse de sa compagnie.)
Sa solitude est son choix, la jeune femme a aussi le droit de vivre sa vie comme elle l'entend. Sa vie et la sienne sont un ensemble, ils ne vont pas l'un sans l'autre, là où elle va, il la suit et inversement, plus souvent il est celui qui guide son chemin que l'inverse. Il y a eu des ruptures, des aventures solitaires. Plus jamais de séparations depuis la mort de l'un d'entre eux. Jusqu'alors.

Une nouvelle dynamique s'installe, un nouveau vent qui souffle sur sa vie d'immortel. Peut-être est-ce l'amour qui lui fait voir toute chose sous un regard différent. Il se sent plus léger qu'antan. Toujours aussi inquiet pour elle, la séparation est moins douloureuse, plus évidente, mais dès qu'il a vu le visage d'Esther tout lui est revenu en place figure. Il n'aime pas partager. « C'est fait pour être porté. » Il moque en la suivant. Il peut juste espérer qu'elle ne balancera pas son chapeau dans une poubelle. « Quelle chance qu'on se retrouve ensemble ici. Tu connais bien le coin ? » Si elle croit qu'il va la lâcher comme ça. Il faut au moins qu'il se rembourse son chapeau par une petite virée à deux. Qui sait, peut-être qu'elle sait des choses pour les Enfants de Prométhée, où qu'elle peut lui donner l'adresser d'un bon restaurant. Il n'a pas fini de la mariner. Esther fait semblant qu'il ne se passe rien, il faut semblant qu'il ne l'importune pas. « J'aime bien savoir qui elle fréquente. C'est important quand on aime quelqu'un, de le protéger. C'est pas ton cas ? » Esther ne lui donne pas l'impression d'être dangereuse, mais sait-on jamais. Il ne fait confiance en personne.

» into the lion's den (ANTON & ESTHER)
» Berlin, 1943 | Angel of Small Death (Hilmar) +18
» time goes by (esther#1)
» The Usual (Esther)
» now you're just a stranger (esther)