Dante | Put me away before I break

[001] On peut penser à première vue que l’homme baraqué qui se pointe trempe forcément dans un mauvais business qui l’a rendu plus froid qu’un iceberg. Si cette rapide conclusion n’est pas tirée à tort, l’italien possède en réalité une forte sensibilité dont bien peu de gens en ont connaissance. Sang chaud de naissance, impulsif de caractère, Dante a cette tendance à laisser parler ses instincts primitifs bien malgré lui. Ce qui n’est pas sans conséquence pour l’immortel, qui s’est déjà laissé emporter par ses émotions, de nombreuses fois par le passé. Répondant à ses sentiments les plus puissants, autant par automatisme que par rage, l’amenant à mourir bêtement à plusieurs reprises. Si aujourd’hui, l’homme a grandi, gagné en maturité, cela ne change pas qu’intérieurement, beaucoup trop d’affaires lui portent à cœur. Pour autant, Dante ne regrette pas la voie qu’il mène à ce jour, officiant sur un terrain de jeu qu’il a tendance à apprécier un peu trop pour son propre bien. [002] C’est d’ailleurs un reproche qu’on pourrait lui adresser, mais que peu ose partager. Être un combattant est une chose, être avide de conflits en est une autre. Mais ce n’est pas tant la vie qu’il prend lors d'une mission ou l'encaissement d'éloges venant de ses employeurs qui le galvanise, simplement l’aboutissement d'une quête par ses soins qui lui apporte comme un sentiment de prospérité fortement méritée, incarnant ainsi une fatalité inévitable que lui-même, ironiquement de par son statut d'immortel, ne peut bénéficier. Car Dante n’est pas n’importe quel mercenaire. Il n’accumule pas les contrats pour le simple plaisir de faire couler le sang et d'encaisser l'argent. Il choisi avec précision les objectifs à accomplir, la mission devant se montrer suffisamment passionnante pour gagner son attention. Allant jusqu’à mettre en question ses contrats ou bien interroger ses cibles et jouer avec elles, pour leur donner autant une chance égale de profiter de leur vie si celle-ci est vouée à être à durée déterminée que finaliser leurs actions entamées afin qu’elles ne soient pas tragiquement oubliées. On pourrait se questionner sur cette manière de procéder ou son intégrité, étant donné l'implication personnelle de Dante, toutefois l’immortel le fait comprendre : ses services sont à prendre ou à laisser. Mais attention, son engagement à un prix, et il est coûteux. [003] Pour sa défense, l’être a grandi et évolué dans la violence. Enrôlé rapidement dans l’armée, autant pour défendre ses couleurs que sa chair et son sang. Peut-être que si les siens n’avaient pas été touchés, que si la guerre n’avait pas été déclarée par des pays étrangers, alors peut-être que les choses auraient pu être différentes. Mais le combat a fini par devenir l’ultime but de sa vie, joignant des principes et des fondements à protéger, pas tant parce qu’il y adhérait, que parce qu’il avait ce besoin de servir à quelque chose de concret. Les armes ont fini par se transformer en une extension de son propre corps, et c’est avec un naturel déstabilisant qu’il dégomme maintenant celles-ci aussi vite que son ombre. Mais avant d’être le maître de ses missions, Dante a été un soldat, militaire accompli ayant fait ses preuves aux noms de nombreuses et différentes armées. Et c’est bien pour ça qu’en dépit de son indépendance, il sera à jamais un soldat de première heure et qu’il ne peut s’imaginer un jour sans avoir une cause à défendre. [004] Néanmoins, il ne faut pas se laisser berner. L’italien aime également profiter de la vie pour tout ce qu’elle a à offrir. La paix n’est pas un concept inexistant pour lui, bien qu’il ait du mal à envisager un monde où la voix du plus fort ne serait plus en place. Cela n’empêche pas l’homme d’être ouvert à différents idéaux partagés par tous ceux rencontrés. Dante est autant un homme de travaux manuels, qu’un complet intellectuel. Les livres sont ses meilleurs alliés, bien plus que la télévision ou l’internet et ses multiples réseaux étendus. Il apprécie autant les vers savamment construits que les proses littéraires narrées à la suite des unes et des autres. De textes de savoir à romans de fiction, sa bibliothèque personnelle est garnie d’un nombre incalculable de récits. Il se murmure même qu’il est un donateur anonyme auprès de plusieurs conservateurs irrémédiablement passionnés par la reconstruction des manuscrits du passé, et qu’il a construit, en secret, une impressionnante bibliothèque, dont la localisation exacte est, par tous sauf de lui, inconnue. Qui l’eut cru. [005] C’est peut-être, et même sûrement, contraire à son implication au sein de l’Ordre de l’Hydre, mais Dante ne croit pas aux êtres supérieurs. Ou plutôt, il n’y croit plus. Que les gens vouent un culte à un ou plusieurs Dieux, cela fait bien longtemps que l’immortel n’adhère plus à ces religions bornées, depuis que lui-même n’a su atteindre l’au-delà, même à force de mourir trop de fois. Et si sa faction veut imposer les immortels comme les élus de ce monde, lui ne se considère pas spécialement comme un être au-dessus des autres. Il a plutôt tendance à songer qu’il serait plus simple pour tout le monde de ne pas juger un être pour sa nature, mais il trouve néanmoins en l’Hydre une raison perpétuelle de supporter les siècles qui passent les uns après les autres. Après tout, la hiérarchie, obéir aux ordres ou encore accomplir des missions : c’est ce qui fait partie de son quotidien, et il ne veut certainement pas s’en séparer. Et en cela, l’Ordre répond à ses plus simples besoins. Mais ce n’est pas pour autant qu’il haïra les immortels et mortels aux pensées diamétralement opposées à celles de l’Ordre, qu’ils soient membres du Conclave Ecarlate ou des Enfants de Prométhée. Mais qu’on se le dise, Dante n’hésitera jamais à se battre pour sa vie. Il ne sait que trop bien qu’il ne peut ainsi aisément mourir, et cela constitue une raison de plus pour honorer chacun de ses combats entamés. [006] S’il n’est pas un extrémiste foncièrement convaincu par l’idéologie de sa faction, il n’empêche que son appartenance à celle-ci et son métier personnel soient à l’origine de certains troubles au sein de sa propre constellation. Bien que Dante et sa sœur jumelle jouent sur des terrains opposés, leur lien et amour réciproque reste infaillible, mais on ne peut en dire autant des autres membres du groupe. Cela n’est pas surprenant en soit, et si l’italien peut comprendre que sa position actuelle paraisse peu reluisante aux yeux des autres, à ce jour, personne n’a réussi à le convaincre de quitter l’Ordre ou de revoir sa profession, pas même Gabriella, son propre sang. A dire vrai, lui-même a essayé de convertir certains des siens. Non de forcer leurs opinions à changer, mais simplement de prendre part à l’Ordre afin de garantir leur sécurité. Car la stabilité est apportée par sa faction, il faut bien l’avouer. Et il y a pire, à ses yeux, que de se plier à certains idéaux, tant que les pensées les plus intimes de chacun n’ont pas à être dévoilées. Peut-être bien que Dante vît parfois dans un autre monde, que se salir les mains lui convient trop pour percevoir le dérangement de cette position de facilité, car pour l’heure, personne n’a su adhérer à son discours. [007] S’il faut creuser le fin fond des décisions de Dante, autant être honnête : intégrer l’Ordre de l’Hydre n’a pas uniquement permis de lui donner un objectif à accomplir. Cela a aussi donné l’opportunité à l’être de retrouver une part de lui-même, qu’il avait perdu sans même le réaliser. Fut un temps, la lourdeur de sa nature lui pesant, le Farinelli ne voulait plus continuer. Insister dans cette vie, à prendre part à des combats dont il a oublié l’origine première, à se regarder dans un miroir sans plus jamais vieillir. C’était trop pour le jeune immortel de l’époque, qui cherchait alors à en finir. Oh, l’italien ne parlera jamais de cette tragique phase dans sa vie, de ce néant qui avait pris la place de son cœur. Plus encore, il se refuse à ressentir cette honte à nouveau, lorsqu’il souhaitait trouver des moyens de ne plus ressusciter à chaque niveau de mortalité atteint. Non, cela, il ne le mentionne jamais, préférant rayer ce passage à vide de son existence plutôt que de l’assumer. Sujet tabou, même avec sa jumelle, période honnie, durant laquelle, pourtant, il a cessé de croire aux apôtres. Il a simplement fini par trouver sa voie lorsque l’Hydre lui a été présenté, et plus que pour le besoin de suivre des ordres clamés, Dante se sent également redevable envers cette faction et la main tendue, permettant de justifier cette étrange destinée. Peut-être aurait-il pu trouver une meilleure aide ailleurs, peut-être pas. D’ailleurs, peut-être aussi éprouve-t-il encore des doutes à ce jour, concernant cette vie sans fin qui perdure depuis 500 ans, et peut-être ignore t’il ce sentiment languissant. Qu’importe, car telle est la voie qu’il a choisie à ce jour, et s’il y a bien une chose qui caractérise l’immortel, c’est qu’il n’est pas du genre à revenir en arrière. [008] Et il y a également un aspect qui cache à merveille cette malencontreuse ère de désespoir passée : l’humour de Dante. L’italien est un farceur, plus particulièrement envers sa sœur. Plaisanterie de bon comme de mauvais goût, tout y passe pour provoquer et rigoler de l’autre. Et même de quiconque ayant l’honneur de partager la proximité des jumeaux. De manière générale, l’immortel affiche une allure de fier homme, arrogant, qui sait de quoi il est capable et qui ne prive pas d'impressionner les autres (ou d'essayer du moins). Mais sous cette apparence de brute affirmée, il est un franc railleur de service, qui ne sait pas vraiment fermer sa gueule quand il le faut. Les moqueries volent à profusion, les sarcasmes commentent souvent les grands discours qu’il est parfois forcé d’écouter, et il planifie les quatre cent coups avec quiconque veut bien les partager. En bref, l’italien aime se marrer, arborer un air goguenard et sournois, et ça passe ou ça casse. On l’apprécie comme on le déteste pour ce tempérament légèrement impertinent, et l’évolution du vocabulaire, dans toutes les langues du monde, ne fait que renforcer et accompagner l’adaptation de Dante pour se montrer le plus malicieux possible. Attention aux mauvaises blagues alors, car le niveau ne vole pas forcément très haut. [009] En dépit de sa loyauté à son pays natal, Dante doit bien avouer : niveau gastronomie, il s’avère être un fondu complet des mets provenant de la cuisine française. L’immortel a probablement voyagé à l’intérieur de toutes les régions de France, juste pour avoir le plaisir de goûter les différentes spécialités ayant traits à celles-ci. Encore aujourd’hui, il se rend régulièrement là-bas, que ce soit pour et en dehors du boulot, simplement pour profiter du patrimoine français et des qualités gustatives des nombreux restaurants du territoire. Et quand il se passe bien trop de mois, voire d’années, entre ses voyages, l’homme se fait importer des spécialités culinaires, plats comme boissons, directement préparées par des artisans originaires des provinces visitées. Son plat préféré : le bœuf bourguignon. Simple, mais efficace, avec une sauce au vin tout simplement exquise. Il pourrait passer des heures à déguster les banquets français, et sait lui-même personnaliser les meilleurs vins pour accompagner ses plats. L’homme a même passé une formation pour devenir œnologue et exerce cette activité secondaire de conseiller auprès de laboratoires et exploitations viticoles en freelance, par simple plaisir de garantir une parfaite élaboration de vin. Et pour lui, il n’y a pas mieux : les vins français sont inégalables. [010] Dante est un homme à animal. Littéralement. C’est à croire qu’il sait parler aux animaux, tant ceux-ci se montrent immédiatement affectifs et obéissants à son encontre. Un chien considéré comme dangereux saura se calmer et cesser d’aboyer à son approche, un cheval en panique saura être tranquillisé par ses mouvements savamment calculés, et même les chats les plus boudeurs iront se frotter à lui afin de réclamer des caresses. Au fil des siècles, Dante a été le propriétaire de nombreux compagnons à poils. Et à chacune de leur mort, son cœur s’est brisé, tant il s’attache facilement aux bêtes, qu’il récupère soit au détour de ses différentes aventures, soit en allant les chercher directement, de nos jours du moins, en refuge. C’est plus fort que lui, il ne peut avancer sans avoir un compagnon à quatre pattes à ses côtés. A chaque perte, il accompli un deuil à durée variable, avant de secourir une autre bête et en prendre soin pour le restant de sa vie. Mais attention, une fois qu'un animal est lié à Dante, il ne répondra plus qu'à lui.