Coffee Break

“Les échanges, les retrouvailles, les souvenirs nous rappellent d'où l'on vient et sont indispensables pour savoir où l'on va.” —  Musso

(Novembre, NEW YORK) Il neige tellement fort à New York. 
C’est le pire moment pour Arthur qui ne sait jamais où poser le pied quand il veut aller au café du coin, quand il veut faire juste les courses à l’autre bout de la rue. Non, il est vraiment obligé de prendre une canne et les lunettes pour faire comprendre directement aux passants qu’il ne peut pas voir et qu’il a besoin d’espace ou même de l’aide à marcher. Plus le temps passe, plus c’est difficile pour lui. Mais il fait tout pour montrer que tout va bien, c’est facile de le faire à distance. Personne ne voit les bleus qu’il se fait à force de chuter à cause de la neige. C’est facile de les cacher ça oui… Heureusement qu’il ne marche pas si souvent que ça, qu’il prend quasiment les Uber pour aller d’un endroit qui est à l’autre bout (c’est à dire que même les cinq cents mètres, c’est assez compliqué pour lui de les faire).

Et c’est d’ailleurs pour ça qu’il est dans la voiture, à regarder sans vraiment voir le paysage défiler à la fenêtre. Il aiguise comme il peut ses oreilles mais ça reste compliqué: il y a trop de son. De la musique de la voiture, le conducteur qui tapote sur le volant, les gens dehors, le chauffage, les Klaxons, les pas. Il n’a pas envie d’entendre Arthur, il a envie de voir. Il pose le front contre la vitre de la voiture et attend que le chauffeur annonce qu’il est arrivé ou il a juste à regarder sur son téléphone. Mais bon, il aimerait quand même reconnaître les rues comme avant. Voir comme avant, pouvoir voyager un jour comme avant. Être réellement comme avant…

Il est enfin arrivé.
Bon, il va descendre et prendre la canne et arriver à ce café. Il y est avec trente minutes d’avance, c’est sûr. Tout ce petit stratagème pour que Annabelle ne le voie pas arriver ainsi. Quand il est enfin arrivé à ce café, il a pris la commande au comptoir et s’est installé. Il a retiré les lunettes et plié la canne qu’il a rangé dans le sac à bandoulière. Puis voilà, il a attendu, il a même sorti son carnet de travail, écrivant des schémas d’association moléculaires avec les calculs. Il prend les lunettes de vue et pose la main contre sa tempe, il travaille et soupire longuement. Pourquoi il n’y arrive pas ? Pourquoi ? Il ne se rappelle pas de tout, mais il sait qu’il est pas loin de la véritable formule ADN. Là, tout ce qu’il a besoin, c’est vraiment l’ADN d’un immortel. Il sait qu’il a juste à demander à Anthony par exemple, mais bon… Il n’osera jamais. Arthur sait qu’il n’osera jamais à demander aux amis immortels, dont il les verra pour le Nouvel An leur demander ne serait-ce un peu de sang juste pour les recherches. Juste dans l’espoir de trouver un remède pour guérir de sa maladie qui le tue à petit feu.

Puis voilà qu’il l’entend arriver. Il relève le regard et sourit quand il la remarque arriver vers sa table. « Bonjour Mme Wright ! » Il sait qu’il pourrait l’appeler par son prénom, mais il ne le fait jamais, il est devenu trop respectueux sur le coup… Si seulement un jour, il devenait plus lui même, plus relâché… « Vous allez bien ? » Demande-t-il en prenant son carnet, le gobelet pour les écarter et lui laisser un peu de place sur la table. Il se demande pourquoi elle lui a demandé un rendez-vous pour un café. Est-ce que c’est juste pour prendre des nouvelles ou lui demander des informations sur son travail ? C’est rare qu’Arthur sorte pour voir quelqu’un, lui qui est plus Uber, boulot, dodo…

 

(New York, Novembre 2021)

La neige ne cesse de tomber sur New York et tu profites des flocons qui viennent fondre sur la peau de ton visage. Tu es loin du soleil de tes Caraïbes natales, mais cela ne te fait pas le même effet qu'à Londres - là-bas, la grisaille et la pluie commençaient à te déprimer. Ici, tu as le droit à la neige, blanche, brillante - loin d’être immaculée au vu de la masse de population, mais tout de même. De la neige. C’est avec un plaisir non dissimulé que tu observes les traces que tes pas y laissent, alors que tu te diriges vers le café où tu dois retrouver Arthur Byrne.

Il est déjà là quand tu arrives et tu laisses un sourire plus timide venir couvrir tes lèvres. « M. Byrne, c’est toujours un plaisir de vous voir. » Tu te dois de maintenir ton rôle - celui de l’étudiante devenue professeure, ayant malgré tout du mal à se détacher des formes de politesse qu’elle connaît. Tu saisis néanmoins parfaitement l’ironie de cette situation, alors que tu as bien 150 ans de plus que Byrne - ce qu’il ne peut, évidemment, pas savoir. Tu t’installes à table en acquiesçant, faisant signe pour un cappuccino. « Ca va très bien, toujours mieux alors que Noël approche ! Je me suis installée depuis peu à New York, la NYU m’a offert un poste. Je me suis dit que c’était l’occasion de vous revoir. »

Tu offres un sourire à la serveuse qui te dépose ton café, avant de poser tes mains dessus, les réchauffant doucement. « Et vous, que devenez-vous ? Où êtes-vous maintenant ? Cela fait un moment que nous n’avons pas pu nous parler correctement, je ne prends jamais le temps d’appeler. »

“Les échanges, les retrouvailles, les souvenirs nous rappellent d'où l'on vient et sont indispensables pour savoir où l'on va.” —  Musso

(Novembre, NEW YORK) Arthur aborde son légendaire sourire, montrant qu’il est aussi tout content de revoir Annabelle et que ça faisait terriblement longtemps. Des années ? Il ne saurait même pas les compter tellement il ne les voit pas passer. Il passe beaucoup trop son temps à travailler… Il la laisse s’installer et le café arrive bientôt pour la jeune femme. Il est sûr qu’il est loin de se douter qu’elle est bien plus vieille que lui, qu’encore une fois, il fait face à une immortelle. « Oh !! » Réagit-il tout de suite en réalisant que maintenant elle vit à New York ?! « Mais c’est une bonne nouvelle ça !! Ça veut dire que vous allez rester pour un moment dans cette ville ? Pour combien de temps vous ne le savez pas encore ? » Ah mais qu’est-ce qu’il est content d’avoir une nouvelle tête connue en plus dans la ville ! Ça va lui faire du bien ça !

Le café arrive déjà, Arthur range le carnet dans son sac et retire ses lunettes qui ne servent pas à grand chose en vrai. « Oh bah… Ça n’a pas trop changé depuis la dernière fois vous savez…! Et ne vous inquiétez pas pour le manque de nouvelles, je ne suis pas mieux non plus ! Je n’ai vraiment jamais le temps pour envoyer des messages sur mon téléphone… » En vrai, c’est surtout que ça lui demande beaucoup d’énergie pour le faire et que ça le met face à une situation qui ne lui plait pas forcément. « Mais sinon, j’ai abandonné mon travail de professeur pour me concentrer davantage dans les recherches pour un laboratoire… » Il soupire un peu avec un petit sourire fatigué. Oui, c’est sûr que c’est très fatiguant ça, de devoir se consacrer aux recherches à tout prix. « Vous avez quoi comme poste au NYU ? Vous y êtes bien accueillie ? » Demande-t-il avec un sourire, comme s’il cherchait à ne pas trop s’attarder sur lui.