A list of things I know | Kaz

Oh no, I see a spider web and it's me in the middle, so I twist and turn. Here am I in my little bubble, singing out, I never meant to cause you trouble. Trouble, Coldplay.

(New York, janvier 2022) Marisol n’a pas eu le temps de repasser à l'hôtel pour se changer. Ou, plus exactement, elle n’a pas pris le temps. Il faut la comprendre : ce n’est que la deuxième fois de sa vie qu’elle met les pieds à New York et elle entend bien en profiter pour voir certains monuments et autres lieux touristiques avant de repartir. Elle a rangé les documents incriminants dans son sac, ainsi que sa veste de tailleur qu’elle a vite remplacée d’un sweat à capuche bleu pastel, beaucoup trop grand pour elle. Il a l’avantage d’être à la mode, de lui tenir plus chaud, et d’être bien plus confortable. Si elle réussit à le conserver à l'abri dans sa garde robe, elle devrait pouvoir le garder plus d’une saison sans que Tarzan n’en fasse son nouveau panier. Elle parcourt les rues, prend des photos, achète un plein sac de M&Ms et en oublie presque de garder un œil sur l’heure. C’est que Marisol a besoin de se changer les idées après le fiasco qu’a été son passage à Amaranth Pharmaceutical. Elle ne veut plus songer à Arthur Byrne ou à ce stupide acteur dont Kaz lui a refilé la photo en prétextant qu’il était immortel.

Malheureusement, les obligations ne sont pas des choses auxquelles on échappe si facilement. Marisol n’est pas une simple étudiante en droit insouciante qui profite d’un voyage sur un autre continent. Elle doit faire son compte-rendu. Et elle n’a vraiment pas hâte. C’est presque à contre cœur qu’elle pousse les portes d’un dans une rue plutôt tranquille de Manhattan, loin des bureaux de verre et d’acier et loin aussi de théâtres de Broadway. Elle refuse d’avoir honte de sa casquette de touriste. « Bonsoir Kaz », dit-elle en s’asseyant en face de l’homme jusque là solitaire. Un serveur ne tarde pas à les rejoindre, le début de soirée est plutôt calme dans cet établissement. « Bonsoir. Je prendrais un gin tonic s’il vous plait. » Marisol attend qu’il reparte pour laisser échapper un petit sourire. Si Kaz n’est pas un membre du Conclave à prendre à la légère, il est moins à cheval sur le décorum que d’autre et elle peut s’autoriser de ne pas être tirée à quatre épingles en sa présence. « Je sais que je me suis plainte de ne jamais rien faire sur le terrain, mais ce n’était pas beaucoup plus passionnant aujourd’hui. » Une pointe de mauvaise humeur perce dans son ton. Elle fouille dans son sac pour en sortir le dossier et le tend à son aîné. « Ta fameuse personne d’intérêt est apparemment acteur dans une série à succès du moment. I-zombie. » Un sourire faussement mielleux étire ses lèvres. « Mais je suppose que tu le savais déjà. Ce qui me laisse la question suivante : pourquoi m’avoir envoyé là-bas sans me le dire ? » Parce qu’elle n’est qu’un pion, elle le sait bien, Marisol, et elle en tire parfois avantage, mais ça l’agace quand ça se retourne contre elle.

 

Oh no, I see a spider web and it's me in the middle, so I twist and turn. Here am I in my little bubble, singing out, I never meant to cause you trouble. Trouble, Coldplay.

(New York, janvier 2022) De retour d’Europe, ça aura été un long voyage, un très très long voyage pour Kaz. Et encore, il n’est toujours pas rentré chez lui, n’a toujours pas retrouvé Javier, ni ses enfants. Non non, il est juste dans un bar, assez huppé de Manhattan, à attendre quelqu’un. Toujours pour le travail, tout le temps pour ça, c’est toujours que ça. Le travail avant la famille et il déteste ce mode de vie, il aimerait vraiment que cela change. Il soupire un peu tout en dégustant le whisky. Il ne prend jamais la bière, parce que celles de New York sont absolument dégoûtantes et n’ont rien à voir avec celles de l’Allemagne ou de la République Tchèque par exemple. Enfin bref, il remarque tout de suite la nouvelle arrivante. Facilement repérable avec sa casquette de touriste. Il retient son sourire en la voyant ainsi et se dit qu’au moins, elle joue son rôle à fond, même s’ils savent tous les deux que c’est pour autre chose. « Bonsoir Marisol. » répond-t-il en inclinant légèrement du menton. Il la laisse prendre sa commande, tandis qu’il a toujours la sienne dans sa main. Il observe donc l’étudiante en droit et il voit que ce n’est pas si laborieux que ça, son échange avec Byrne.

« Je sais que je me suis plainte de ne jamais rien faire sur le terrain, mais ce n’était pas beaucoup plus passionnant aujourd’hui. » Ah bon, il aurait aimé avoir eu tort dans ses pensées face à la mauvaise humeur de la jeune femme. Qu’est-ce qu’il a fait pour s’en tirer ce scientifique quand même…? Qu’est-ce qu’il doit lui corriger sur le coup pour que ça se passe mieux pour les prochaines fois ? Elle a toujours tant à apprendre cette jeune femme… « Ta fameuse personne d’intérêt est apparemment acteur dans une série à succès du moment. I-zombie.  » Il hausse un sourcil, a un léger mouvement de recul de la tête assez étonné de cette excuse. Il prend le dossier d’une main et la pose sur sa jambe pour l’ouvrir encore de cette même main pour y récupérer la photo. Il ne s’attendait pas à ce que le scientifique aie une culture en série télé, il était pas censé avoir le temps à rien ? « Mais je suppose que tu le savais déjà. Ce qui me laisse la question suivante : pourquoi m’avoir envoyé là-bas sans me le dire ? » « Pour te montrer l’exemple. Dans le Conclave, il ne faut pas se fier à tout le monde, même tes alliés. Il faut compter que sur soi-même et avoir toujours le réflexe de tout bien vérifier jusqu'au bout. Tu as pourtant étudié le dossier, mais pas assez pour avoir été surprise par l’excuse tirée de toute pièce du scientifique. » Il reste quand même intrigué Kaz sur le coup. Il a vraiment sorti cette excuse-là ? Apparemment oui, il ne va pas faire répéter la jeune femme. Regarde la photo, sait que c’est lui l’immortel. Après tout, c’est bien eux qui avaient tué sa fiancée - sans faire exprès. Il regarde Marisol par la suite. « Il vous a vraiment dit ça ? Un scientifique qui n’a que très rarement de vacances, qui passe la majorité de son temps à travailler, qui a très peu de temps pour se détendre: ce qu’il ne fait jamais d’ailleurs ? Ça m’étonne qu’il connaisse cet acteur-là. D'ailleurs, ce n'est pas une série à succès du moment, vu qu'elle est terminée depuis 2019 » Une pause. « Et vous avez arrêté l’interrogatoire juste après cette réponse ? » Il espère pas quand même…

 

Oh no, I see a spider web and it's me in the middle, so I twist and turn. Here am I in my little bubble, singing out, I never meant to cause you trouble. Trouble, Coldplay.

(New York, janvier 2022) Elle attend qu’il se saisisse du dossier avant de croiser les bras sur son torse et de se laisser aller contre le dossier de son confortable fauteuil. Elle est presque sûre que dans son avidité pour toujours plus d’informations, Kaz récupérerait n’importe quel dossier qu’on lui tend, en fait. Marisol se tient bien d’en faire la remarque. Elle n’a pas la moindre envie de se faire plus d’ennemis. Il faut dire qu’elle fouine allègrement et qu’elle soupçonne que c’est pour ça que Gilles l’a éloignée de Paris : que ce soit pour protéger ses intérêts ou la protéger elle, cela reste assez mystérieux. Mais Gilles n’est pas le seul dont les buts lui sont obscurs, alors elle ne se fait pas prier pour savoir pourquoi donc Kaz l’a envoyée au casse-pipe avec un dossier rempli seulement à moitié. « Pour te montrer l’exemple. » Un léger tic agite ses lèvres. Bon Dieu, voilà donc la fameuse rengaine ! Elle abandonne son sourire hypocrite pour adopter l’air renfrogné qui répond à cette énième leçon. « Dans le Conclave, il ne faut pas se fier à tout le monde, même tes alliés. Il faut compter que sur soi-même et avoir toujours le réflexe de tout bien vérifier jusqu'au bout. Tu as pourtant étudié le dossier, mais pas assez pour avoir été surprise par l’excuse tirée de toute pièce du scientifique. » Depuis son arrivée à Londres, on n’a de cesse de la mettre en garde contre les traîtres et autres opportunistes qui gangrènent leur organisation . Rien de nouveau à ce sujet là. De là à penser que Kaz a volontairement laissé de côté des informations juste pour la prendre à défaut ? Elle tord la bouche en une fine grimace. « Donc si je comprend bien, tu m’as fait venir de Londres au frais du Conclave juste pour me montrer les bénéfices qu’on tire à être méfiant et à refaire sans cesse cent fois le travail qui est la spécialité des autres ? » Oui, Marisol est on ne peut plus énervée. « Mais bordel, on bouffe toute notre énergie et toutes nos ressources ! Si c’est pour tout faire soi-même et ne compter sur personne, pourquoi faire partie d’une organisation ? Pourquoi ne pas traquer les immortels seul, hein ?  » Elle a peu dormi, la journée a été longue et forte en émotions et, malgré ce que Kaz vient de lui dire, elle sent qu’avec lui elle peut discuter franchement de ce genre d’états d’âme. A tort ou à raison, ça reste à voir… Mais elle ne peut pas continuer sur ce difficile chemin sans avoir des gens à qui parler de tout ça. Elle en deviendrait sans doute folle.

« Il vous a vraiment dit ça ? » Marisol réprime un soupir et se redresse. Le vouvoiement est de retour : elle se doit de finir son rapport. Quoi qu’en dise les autres, elle n’a pas un irrespect total pour la hiérarchie. Elle est jeune, sa meilleure chance est encore de se plier aux règles établies, même si le système pourrit de l’intérieur, et de guetter sa chance. Sa chance de faire quelque chose de bien pour l’humanité, sa chance d’aider sa sœur, sa chance de trouver ce qui est arrivé aux Fawkes et qui est à blâmer pour ça. Tant de choses à accomplir. Elle écoute Kaz lui prouver tous les points sur lesquels elle aurait pu appuyer. Elle pousse de côté son égo froissé pour apprendre de lui ce qu’il veut bien lui transmettre. « Et vous avez arrêté l’interrogatoire juste après cette réponse ? » Elle secoue la tête. « Je lui ai posé d’autres questions pendant qu’il me faisait une visite des lieux, mais il n’y a rien eu de très concluant. Cet homme est passionné par ce qu’il fait, vraiment. Il n’a eu d’intérêt qu’à me demander quand est-ce que de nouveaux échantillons seraient envoyés ! » Elle joue un instant de ces ongles soigneusement manucurés sur le bord de la table. « Il ne sait pas pour qui il travaille. Alors soit il n’a pas eu de contact avec votre homme et il était juste en vacances, comme il le dit, soit il a appris pour les immortels, mais est toujours décidé à poursuivre ses recherches. Du moins, c’est ce que je pense après avoir parlé avec lui. » Voilà, maintenant Kaz a toutes les informations importantes. Il a ce pour quoi il l’a envoyée, elle, ou du moins elle l’espère. Marisol a encore grand besoin de faire ses preuves, après tout.

 

Oh no, I see a spider web and it's me in the middle, so I twist and turn. Here am I in my little bubble, singing out, I never meant to cause you trouble. Trouble, Coldplay.

(New York, janvier 2022) Et voilà qu’elle s’agace. Evidemment que c’était sûr que ça allait pas lui plaire et évidemment que Kaz apprécie qu’elle prenne le courage à deux mains pour s’exprimer très franchement sur ce qui se passe avec le Conclave, sur ce système vraiment défectueux qui n’aide pas à capturer les immortels. Ne serait-ce même pas une fois. « Donc si je comprend bien, tu m’as fait venir de Londres au frais du Conclave juste pour me montrer les bénéfices qu’on tire à être méfiant et à refaire sans cesse cent fois le travail qui est la spécialité des autres ?  » L’Allemand se met à sourire et hoche la tête avec un petit geste du doigt de la main qui tient le verre. « Yep. » Évidemment qu’il fait ça pour l’énerver encore un peu plus. Au moins, elle apprend à s’exprimer, à savoir ne pas canaliser ses émotions constamment. Sinon elle ne tiendrait pas dans cette organisation. «  Mais bordel, on bouffe toute notre énergie et toutes nos ressources ! Si c’est pour tout faire soi-même et ne compter sur personne, pourquoi faire partie d’une organisation ? Pourquoi ne pas traquer les immortels seul, hein ?   » « Parce que tu penses que je fais quoi ? Que je compte sur les autres pour traquer les immortels en ce moment ? Autant partir en vacances en attendant qu'on nous envoie un dossier qui nous mènera sur une fausse piste oui.» Il secoue la tête, parce que c’est sûr que Kaz ne traque pas les immortels avec tout le monde, il le fait dans son coin avec Jav. Il demande très rarement de l’aide en plus. « Ne t’es-tu jamais posé la question sur pourquoi on n’a très peu capturé, repéré des immortels en ce moment ? Parce qu’il y a des traitres au sein de nos rangs, et des traitres qui ont accès aux informations et qui peuvent aider les immortels à nous échapper. » Et c’est pour ça qu’il vaut mieux commencer à apprendre à travailler tout seul, à savoir rebondir sur les pattes et à compter sur très peu de gens. Dans le cas de Kaz, il sait qu’il peut compter que sur Javier et Gordon, le reste même si la plupart sont ses amis, il ne peut pas leur faire confiance du tout.

En tout cas, il revient sur le rapport qu’elle doit lui faire. Il veut qu’elle aille jusqu’au bout. Pour qu’il comprenne ce qui s’est réellement passé. Il regarde la photo de l’immortel qu’il a en main et écoute. «   Je lui ai posé d’autres questions pendant qu’il me faisait une visite des lieux, mais il n’y a rien eu de très concluant. Cet homme est passionné par ce qu’il fait, vraiment. Il n’a eu d’intérêt qu’à me demander quand est-ce que de nouveaux échantillons seraient envoyés !  » Hausse les sourcils, assez étonnant comme demande pour un scientifique qui connaît forcément l’existence des immortels. Il ne doit pas savoir du tout d’où viennent ces échantillons donc… N’a pas encore fait le rapprochement. «  Il ne sait pas pour qui il travaille. Alors soit il n’a pas eu de contact avec votre homme et il était juste en vacances, comme il le dit, soit il a appris pour les immortels, mais est toujours décidé à poursuivre ses recherches. Du moins, c’est ce que je pense après avoir parlé avec lui. » Kaz hoche la tête et boit une petite gorgée de son verre. Ok, il a toutes ces informations-là, maintenant c’est à son tour de lui transmettre quelque chose. « S’il y a une chose dont je ne crois absolument pas, c’est le hasard. Aussi convaincant pourrait être ce scientifique, il fallait le pousser à l’usure, c’est au moment où on force à lui répéter la même chose qu’on remarque plus facilement le mensonge. S’il répète toujours la même phrase, basée sur la même structure, forme, c’est un mensonge. J’imagine que vous le savez ça. Tout comme vous devez savoir que poser des questions au début, dont vous êtes sûre qu’il dira la vérité, vous permet d’analyser son code non-verbal. Pour trouver un petit tic ou quelque chose qui diffère du reste pour savoir qu’il ment également. » Une pause, il pose son verre de whisky sur la table et pousse la photo vers Marisol. « Mon coéquipier et moi savons très bien que cet homme est immortel. Nous en avons les preuves même. » Dit-il en tapotant du doigt sur la photo de Rahim.

 

Oh no, I see a spider web and it's me in the middle, so I twist and turn. Here am I in my little bubble, singing out, I never meant to cause you trouble. Trouble, Coldplay.

(New York, janvier 2022) « Yep. » Elle va lui faire bouffer son verre. Sérieusement, heureusement pour lui qu’elle est moins impulsive que quelques années plus tôt, parce que son air suffisant de chat qui a eu la crême lui sort par les yeux. Qu’est-ce qu’elle fait là, à un océan de distance de sa famille, avec Kaz ? Va parler de mauvaises fréquentations, oui. Marisol lui lance un regard noir, mais garde toute autre remarque incendiaire pour elle. Il vaut mieux se concentrer sur ce qui gangrène leur organisation au sens large que sur ce qui gangrène Kaz. C’est un trop gros dossier, ça. « Parce que tu penses que je fais quoi ? Que je compte sur les autres pour traquer les immortels en ce moment ? Autant partir en vacances en attendant qu'on nous envoie un dossier qui nous mènera sur une fausse piste oui. » Et ils sont repartis pour un tour de manège. La vieille rengaine des traîtres, encore et toujours, les boogeymans du Conclave. « A ce stade, leur plus grande réussite n'est pas de nous avoir infiltré, mais de nous faire savoir qu’ils sont là et de regarder à quel point ça nous paralyse. » N’y a-t-il vraiment aucun moyen d’enfumer le terrier où ils se cachent pour les faire sortir au grand jour une fois pour toute ? Probablement pas sans risque de brûler une bonne partie de l’organisation, non. Elle pousse un soupir. « C’est facile à dire pour toi : t’es un expert en informatique et toutes ces choses là, donc les informations c’est un peu ton dada. On n’a pas tous les compétences qu’il faut pour vérifier tout un dossier de A à Z. » Ça l'étonnerait grandement que les gros bras envoyés sur le terrain le puissent, et encore plus qu’elle-même ait le temps quand elle commencera à devoir défendre des cas pour le Conclave. De ce qu’elle a compris c’est plus : fait ce qu’on te dit et on verra le reste plus tard si on a le temps.

Marisol range gentiment le reste de ses plaintes et critiques et s’efforce de finir son rapport. Il sera de temps de rediscuter de tout ça une fois qu’elle aura tout dit à Kaz. Tout en ce qui concerne le scientifique qu’elle a interrogé, en tout cas. Le reste, ce qui concerne Gilles, elle devra en discuter avec quelqu’un d’autre. Peut-être qu’elle apprend, tiens ? Elle fait confiance à Kaz pour certaines choses, et à Raffaella pour d’autres. Elle apprend d’eux deux, comme elle a appris de Gilles et comme elle apprend de Caleb et, si pour l’instant elle a l’impression de n’être indépendante et efficace sur rien, ce n’est que sa première année à ce régime. Un peu de patience et, petit à petit, elle saura faire les choses à sa manière. Si personne ne la tue d’ici là, bien sûr. Alors Marisol se tait, écoute les commentaires et essaie de ne pas se sentir trop mal à l’idée qu’elle aurait pu faire mieux d’un point de vue interrogation. Soit. « Le savoir et le mettre en pratique sont encore deux choses différentes », marmonne-t-elle. « Ce n’est pas comme s’il y avait des ateliers pratiques pour les nouvelles recrues. » Ou alors son mentor n’estime pas ce genre de petits jeux et, comme il le lui a déjà dit, préférerait qu’elle ne s’attelle qu’à ce qui touche au droit. Ce n’est pas un régime qui lui réussit beaucoup. « Mon coéquipier et moi savons très bien que cet homme est immortel. Nous en avons les preuves même. » Ca, ça la fait se redresser dans son siège. « Vraiment ? » Elle ne peut pas s’empêcher d’être un peu enthousiaste. « Mais alors, pourquoi personne ne fait rien à ce sujet ? On ne devrait pas… Je sais pas, mettre en place un plan pour lui mettre la main dessus ? Plutôt que de simplement savoir qu’il se la joue tranquille sur une île paradisiaque ? » Personnellement, ça l’enrage un peu, ça.

 

Oh no, I see a spider web and it's me in the middle, so I twist and turn. Here am I in my little bubble, singing out, I never meant to cause you trouble. Trouble, Coldplay.

(New York, janvier 2022) Marisol ne cache pas son énervement de la situation actuelle du conclave et Kaz ne peut que comprendre son sentiment. Il le partage avec elle et est assez exaspéré lui aussi dans le fond, contrairement à elle, il ne le montre pas. Parce qu’il n’a pas envie de se tirer une balle dans le pied avec la présence de son oncle dans les parages. Il sait ce que ce dernier est capable de faire en vrai. En tout cas, cette jeune femme lui rappelle lui, quand il était jeune et désireux de bien tout faire bouger au sein du Conclave... « Tu as choisi le mauvais camp tout simplement, je n’y peux rien si tu n’as pas le bon feeling avec l’informatique qui est pourtant un domaine très dans l’ère du temps. » dit Kaz qui hausse les épaules avec ce sourire mesquin, qui pourrait encore plus qu’énerver Marisol. Mais bon, il se reprend un peu. « Après, ça s’apprend Marisol, ça. Et crois moi, tu en auras besoin à l’avenir même si ton domaine reste le droit. » Il pourrait lui envoyer des tutoriels, des exercices à faire pour qu’elle aie une base, même si ça va lui demander un travail supplémentaire. Mais ça, ce n’est pas absolument pas son problème.

Et elle marmonne une remarque dont Kaz n’entend pas, mais il ne relève pas du tout. Il boit juste une gorgée de son whisky quand elle finit par parler un peu plus fort sur les ateliers pratiques. « Oh il y en a, il y a des sessions d’entrainements mais apparemment tu n’as pas l’air d’être au courant… » En même temps, il ne faut pas s’attendre à grand chose si elle est dans le droit aussi et qu’elle veut rester dans ce domaine-là. En tout cas, elle commence à s’intéresser de la piste qu’il a avec Javier. Elle demande pourquoi personne ne fait rien là-dessus. « Alors, est-ce que tu te rappelles de l’attaque au laboratoire d’Amaranth ? » Dit-il tout simplement, il n’a pas besoin de développer davantage pour qu’elle comprenne que pour capturer un immortel, il faut être plus que délicat que jamais maintenant. « D’autant plus que les preuves que nous avons sont légèrement compromises dû à sa ressemblance avec l’acteur, on doit se rapprocher de lui. Réussir à le blesser, récupérer une preuve qu’il peut se régénérer.. » Et il ne croit pas si bien le dire, parce que peut-être qu’à l’avenir, avec ce qui se passera au Danemark…

 

Oh no, I see a spider web and it's me in the middle, so I twist and turn. Here am I in my little bubble, singing out, I never meant to cause you trouble. Trouble, Coldplay.

(New York, janvier 2022) Le truc, avec Kaz, c’est qu’il a toujours l’air de s’amuser de ses malheurs. Peut-être que c’est l’effet que ça fait, de voir de jeunes gens débarquer et soulever des problèmes qui sont là depuis des années et que les anciens ont appris à considérer comme part entière de leur quotidien ? Marisol espère qu’elle ne finira pas ainsi. Elle ne veut pas de cette cynique acceptation. Elle veut continuer à entretenir sa colère et à en tirer quelque chose de productif pour provoquer un changement. Se fatiguera-t-elle de se heurter à des murs ? L’idée l’effraie un peu. « Tu as choisi le mauvais camp tout simplement, je n’y peux rien si tu n’as pas le bon feeling avec l’informatique qui est pourtant un domaine très dans l’ère du temps. » Elle lève les yeux au ciel. « Comme si la loi sera jamais démodée, niveau domaine dans l’ère du temps. » Nan mais. Elle peut vouloir toucher à plus de choses qu’à ce domaine là, mais ça ne veut pas dire qu’elle regrette de s’être lancée dans ces études. Elle peut être utile au Conclave et avoir un impact positif dans la vie d’autres personnes et, ça, ça vaut le coup. « Après, ça s’apprend Marisol, ça. Et crois moi, tu en auras besoin à l’avenir même si ton domaine reste le droit. » Marisol soupire, prend une gorgée de sa boisson et hoche de la tête. « Je sais, oui. Il faut que je ménage du temps pour ce genre de compétences, mais il y a tellement de choses à apprendre… L’informatique, les interrogatoires, le droit et les plaidoiries. Le combat, je ne pense pas que ce soit pour moi, mais il faudrait au moins que j’ai de meilleures notions de self-défense. C’est sans fin tout ça, pas vrai ? » Où va-t-elle trouver le temps et l’énergie de tout faire ? Elle n’est pas surhumaine, loin de là, et elle ne peut que faire un pas à la fois.

« Oh il y en a, il y a des sessions d’entrainements mais apparemment tu n’as pas l’air d’être au courant… » Elle grimace. C’est nouveau pour elle, de savoir qu’il y a des séances du genre où elle pourrait être chaperonnée par d’autres membres du Conclave pour pleins d’activités différentes. Bon, ça n’a sûrement pas les airs de kermesse qu’elle imagine là, tout de suite, et cette image mentale la ferait presque rire si elle n’était pas aussi dégoûtée d’apprendre ça que maintenant. « Il va falloir que je passe plus souvent aux quartiers du Conclave à Londres », marmonne-t-elle. Oui, la nouvelle année va la voir devenir plus proactive qu’elle ne l’était jusque là : elle n’est plus un oisillon qui marche dans les pas de Gilles, il est le temps d’assumer son indépendance et de commencer à en faire quelque chose de concret. Mais tout ça doit attendre. Il y a plus important ; Kaz vient de lui confier qu’il a des preuves de l’immortalité de cet homme. « Alors, est-ce que tu te rappelles de l’attaque au laboratoire d’Amaranth ? » « Oh. » Oh, en effet. L’attaque sur les laboratoires a bien fait parler d’elle. « D’autant plus que les preuves que nous avons sont légèrement compromises dû à sa ressemblance avec l’acteur, on doit se rapprocher de lui. Réussir à le blesser, récupérer une preuve qu’il peut se régénérer.. » « Et avoir assez confiance dans les nouveaux protocoles de sécurité pour que les choses ne finissent pas de la même manière qu’avant. » Elle pose son menton sur sa main, pensive. C’est le premier immortel qu’elle voit, même si ce n’est qu’en photo, et ça commence à faire son petit effet. « On ne peut pas vraiment envoyer un gentil courrier en leur demandant de donner des échantillons de leur sang juste par charité, hein ? » Ce serait tellement plus simple.

 

Oh no, I see a spider web and it's me in the middle, so I twist and turn. Here am I in my little bubble, singing out, I never meant to cause you trouble. Trouble, Coldplay.

(New York, janvier 2022) Il ne peut pas s’empêcher de renifler amusé Kaz à la remarque de Marisol. Elle a quand même un point, connaître le droit reste un atout non négligeable, mais être dans l’informatique l’est encore plus. Parce que le monde tend à se digitaliser et à une vitesse effarante. Si elle ne se met pas à jour sur cela, elle risque d’être fort bien dépassée Marisol… Mais elle n’est que dans sa première année, qu’elle prend déjà au moins conscience tout le travail qu’elle a à faire, qu’elle doit gérer. Mais il a l’impression qu’à l’entendre, elle veut faire ça tout, tout de suite, dans la même année. Ce à quoi Kaz fait un geste de la main comme pour vouloir lui dire de tempérer un peu. « Oui, c’est sans fin malheureusement. C’est ça le Conclave, ça ‘’nous pousse’’ à être totalement polyvalent dans le sens où… Tu dois apprendre à te débrouiller toute seule. J’ai appris d’abord le terrain, la psychologie, puis l’informatique… J’ai fait des choses une à la fois bien que ça m’aie pris des années. » Peut-être que lui expliquer ça, ça va l’aider à comprendre que cela ne sert à rien de se presser dans tous les sens, d’aller partout et de toucher à tout. Elle risquerait de ne pas aller profondément dans certains domaines par exemple… Et évidemment cela commence par les sessions d’entrainement dont elle n’est pas au courant. Kaz hoche la tête en silence, confirmant bien et elle le fait qu’elle doive passer plus souvent aux quartiers, pour qu’elle soit au courant de ce qui se passe quand même.

Puis il lui rappelle de l’attaque du laboratoire, la raison du pourquoi ils n’agissent pas tout de suite face à ce Rahim Gupta. Donc il faut faire preuve de plus de malice, mais surtout bien et bel vérifier s’il est ce qu’ils pensent tous. Mais Kaz en est sûr, il a quand même réussi à rassembler des preuves photographiques qui montre cette même personne, qui n’a pas pris une seule ride. Il hoche la tête en silence quand elle lui dit qu’il faut qu’ils fassent confiance au nouveau protocole de sécurité. « Ça je m’en occupe avec un ami. » Il pense évidemment à Gordon, le chef de la sécurité, il doit être au taquet des nouveautés en ce moment et il devrait bien avoir un truc pour bien isoler un immortel des autres, mais surtout résister à une attaque évidemment.

Puis il ne s’attendait pas à cette question qu’il en lâche un petit rictus. « Ah si seulement on pouvait faire ça ! Le Conclave n’aurait plus existé depuis ! Mais les immortels sont tellement égoïstes qu’ils ne voudront pas nous aider, ils préfèrent se complaire dans leur désir d’être un être à part, supérieur à nous. » dit-il avec un léger soupir, assez agacé par cette situation et de tant d’égoïsme. S’ils arrêtaient vraiment de faire chier le monde, qu’ils pouvaient juste donner du sang, les choses auraient été plus faciles. « Et à chaque fois qu’on essaye de communiquer avec un immortel, c’est soit un sabre ou une balle qui nous accueille que ce soit des Adorateurs ou d’eux même. » C’est triste, mais c’est la vérité.

 

Oh no, I see a spider web and it's me in the middle, so I twist and turn. Here am I in my little bubble, singing out, I never meant to cause you trouble. Trouble, Coldplay.

(New York, janvier 2022) Kaz peut penser ce qu’il veut quant à la supériorité de son domaine d’expertise sur d’autres, Marisol a vu bien assez de dossiers importants s’échouer sur le bureau de Caleb Faust et être réglé en quelques mots, quelques citations et quelques faveurs. Elle sait tout ce que le Conclave doit à ses avocats. Chaque rouage à une raison d’être, une façon de faire avancer la machine vers son but et celui-ci ne pourra être atteint que si tout le monde met la main à la pâte. La présence des traîtres les paralyse car ils viennent bloquer le mécanisme et le partage des rôles comme celui des informations. « Tu dois apprendre à te débrouiller toute seule. » N’est-ce pas ce qu’elle apprend depuis que ses parents ont décidé de s’établir en France pour que Helen puisse briller par ses talents de danseuse ? Un peu plus ou un peu moins, ça ne changera pas grand chose à ce stade. « Mais on n’a pas assez d’une vie pour tout apprendre. » Il faut se délimiter des objectifs réalisables. « Mes études d’abord, puis l’informatique et ce qu’il faut pour ne pas être un catastrophe si jamais je dois me retrouver sur le terrain. » Comme ça, en catégorisant les priorités, elle peut y voir plus clair et s’organiser. S'aménager assez de temps dans la semaine pour faire des progrès, petit à petit, mais régulièrement. A son âge, elle a encore du mal à avoir une vision à long terme, mais elle est bien forcée de jouer ce petit jeu et d’en supporter la frustration.

Comme ils doivent supporter d’avoir autant de soupçons fondés sur cet homme sans pouvoir rien faire pour l’instant, à part continuer de le surveiller. « Hm, j’en déduis que Gordon aussi va être bien occupé », conclue-t-elle en songeant au responsable de la sécurité pour les laboratoires. Voilà qui va faire les pieds à Arthur Byrne et ses collègues, tiens. Puis, parce qu’elle n’a pas trop d’autres personnes à qui demander ça, Marisol, et qu’elle se sent lasse de ce petit jeu qui ne mène nulle part pour l’instant, elle demande ce qu’ils ont à perdre en jouant franc jeu avec les immortels. La réponse de Kaz la fait grimacer. Elle finit son gin tonic. « Tu parles comme si tu t’étais déjà retrouvé face à eux pour de vrai. C’est le cas ? » Est-ce qu’elle pousse le bouchon trop loin ? Peut-être bien, mais elle ne peut espérer avoir des réponses intéressantes en jouant la carte de la sécurité. « Tu penses qu’ils réagissent tous de la même façon et pensent tous comme ça ? Ou qu’eux aussi ont des différences d’opinion sur ce qu’ils devraient faire et quelle place ils occupent dans notres monde ? » Elle ignore pourquoi Kaz est le premier à qui elle pose ces questions. Elle n’a pas confiance en lui, pas à proprement parler, pas comme elle peut avoir confiance en Raffaella par exemple. Et pourtant, elle n’a pas encore osé avoir cette discussion avec la professoresse.

 

Oh no, I see a spider web and it's me in the middle, so I twist and turn. Here am I in my little bubble, singing out, I never meant to cause you trouble. Trouble, Coldplay.

(New York, janvier 2022) Non, contrairement aux immortels, eux n’ont pas le temps du monde pour tout apprendre. C’est triste, mais c’est la vérité. Pourtant, s’ils s’organisent bien, ils peuvent y arriver comme Kaz a bien réussi en restant méthodique. Bien sûr, il n’a pas eu le droit comme études, mais la psychologie dont il a eu la licence, il pourrait d’ailleurs continuer à étudier s’il avait eu le temps tient. Mais avec ses nouvelles missions… Il sait que ce sera un projet qui n’aboutira pas, qui ne verra même pas la naissance tout court. Il hoche la tête à l’idée que Gordon va bien être occupé avec le projet pour coincer Rahim. Mais il est déjà pas mal occupé avec l’histoire récente avec Paris évidemment. Dire que c’est une aubaine que Marisol n’aie pas assisté à ce carnage là-bas…

« Oui. » répond-t-il tout simplement, avant de lâcher un soupir. « Le plus récent, à Berlin, le 22 décembre 2021. J’ai failli y passer, mais je m’en suis sorti malgré tout. » Et sur ces mots-là, il boit une gorgée de son verre de whisky. Se rappelle bien de sa prise de tête avec Javier à ce sujet-là, c’était bien agaçant et il en lâche un soupir face aux questions de Marisol. « Ils ne veulent pas révéler leur existence aux mortels. S’il y en avait un, ne serait-ce qu’un seul, il l’aurait fait depuis très longtemps. Ça n’a jamais été le cas. Je doute qu’ils aient des différences d’opinion, à moins que ça n’aie été opprimés, de la même façon que chez nous au Conclave. » dit-il tout simplement. Kaz n’a pas peur de dire ces mots-là, parce que de toute manière, il a bien un brouilleur sur lui-même qui évite tout outil d’écoute de fonctionner et donc la conversation entre lui et Marisol est sécurisée. N’est pas un génie d’informatique et d’écoute pour rien. « Dès que vous sortez leur vraie identité, ils savent tout de suite qui nous sommes et nous attaque directement. Dans mon cas, j’avais un moyen de pression pour l’empêcher de m’attaquer mais cela n’a pas duré trop longtemps évidemment. Mais tout de même, en Allemagne, il n’avait pas eu froid aux yeux et a réussi à se faufiler. » Il fronce les sourcils et regarde Marisol, l’air un peu interrogateur. « Pourquoi ces questions ? » Il préfère demander, avant de lui expliquer ce qui s’est passé à Paris, chose dont elle n’est peut-être pas au courant ou qu’elle ne veut peut-être pas border non plus. Et elle sait qu’il n’acceptera pas une réponse d’un simple: juste par curiosité. Il y a une raison derrière cette curiosité chez Kaz.

 

Oh no, I see a spider web and it's me in the middle, so I twist and turn. Here am I in my little bubble, singing out, I never meant to cause you trouble. Trouble, Coldplay.

(New York, janvier 2022) La réponse tombe presque immédiatement, sans attente ni faux-semblant. C’est surement calculé : Marisol doute que Kaz laisse beaucoup de choses au hasard. Ce n’est pas dans sa personnalité. La franchise a beau être une lame à double-tranchant, elle n’en est pas moins reconnaissante, appréciant peu à peu sa rareté dans le milieu qu’elle s’est choisi. « Le plus récent, à Berlin, le 22 décembre 2021. J’ai failli y passer, mais je m’en suis sorti malgré tout. » La jeune femme se redresse dans son fauteuil. Aurait-elle dû masquer sa surprise ? Peut-être bien, mais elle n’en est pas encore à surveiller le moindre de ces gestes, pas ce soir du moins. « Quoi ? Mais c’est tout récent ! Et c’en est un autre que celui dont tu m’as donné la photo ? De combien d’immortels a-t-on la piste au juste ? » D’un coup l’ennemi si discret et secret lui semble bien plus présent et tangible, presque à portée de main, si seulement ils pouvaient combler les derniers mètres les séparants du secret de leur longévité. « C’est dingue quand même, qu’on en croise autant en ce moment après des décennies d’hypothèses et de supositions. » Le monde se fait plus petit. Encore quelque chose qui va relancer Kaz sur l’importance des outils informatiques, bien évidemment, elle aurait dû faire plus attention à ça.

En ce qui concerne son autre question, la réponse appelle à plus de réflexion. Bien sûr, la logique veut que si l’un d’entre eux était ouvert à la discussion, il serait de lui-même venu trouver les mortels et faire part de ses secrets pour les guider vers un lendemain plein de moins de souffrances. Ce n’est pas le cas. Et pourtant, ils sont plus nombreux que ce que Marisol s’imaginait et ils ne peuvent pas tous penser exactement la même chose, pas vrai ? Comme eux, au sein du Conclave, n’ont pas les mêmes opinions. La réflexion lui fait pincer les lèvres. Il n’y a pas que des traîtres dont ils doivent se méfier, mais aussi des divergences d’opinion et des factions qui se créent et luttent pour plus d’influence au sein de l’organisation. La disparition de Fawkes n’en est qu’un exemple. « Alors quoi ? Ils ne veulent pas aider, mais veulent rester anonymes et décident d’attaquer quand on se met sur leur piste ? » Quelle bande d’égoïstes. Marisol ressent le début d’une migraine rien que d’y penser. « Pourquoi ces questions ? » Elle hausse les épaules malgré elle. « Je ne sais pas vraiment… Je me disais que peut-être ce serait plus productif de commencer les premières approches avec une vision plus coopérative et amicale. De ne sortir les gros moyens qu’après ? » Elle secoue la tête. « Je sais, je sais, c’est stupide. On ne peut pas mettre les nôtres en danger comme ça face à des êtres si vieux et égocentriques. » Elle pousse un soupir et croise les bras. « Je suis heureuse que tu n’aies rien eu de grave », admet-elle plus doucement. Elle a beau ne pas faire confiance à Kaz, elle est honnête dans ses paroles, le cœur tendre encore battant malgré la méfiance et la froide efficacité que le Conclave essaie de faire couler dans ses veines.

 

Oh no, I see a spider web and it's me in the middle, so I twist and turn. Here am I in my little bubble, singing out, I never meant to cause you trouble. Trouble, Coldplay.

(New York, janvier 2022) C’était tout récent oui, il hoche la tête à la remarque, puis pour la question avant de soupirer longuement, remonte les épaules et montre les mains, avec cet air à la fois agacé et désemparé: il ne sait pas. Il n’a aucune idée de combien d’immortels ils pistent en ce moment et c’est très grave venant d’une personne qui vient de la section des informations et d’écoute. « Parce que le monde se digitalise Marisol. Il devient de plus en plus difficile aux immortels de se cacher à travers toutes les caméras de surveillance, les réseaux sociaux, les téléphones si on récupère d’un adorateur ou mieux d’un immortel… » Il récupère son verre et le boit un peu avant de le reposer, avec une petite grimace. « Dans tous les cas, c’est une chance que tu sois partie à New York, parce que je ne sais pas si tu es au courant… Mais il me semble que tu ne l’es pas: Stellan Ackermann a empoisonné beaucoup d’agents du Conclave pour trahison, avec pour complicité avec ses plus proches. Je n’ai pas été au courant d’une telle opération, moi qui suis pourtant un des agents du Conclave fidèle depuis des années - sans parler de la fidélité de nos familles - et presque à la tête du réseau des informations. Ni Gordon qui est à la tête de la sécurité. » annonce-t-il sérieusement comme pour lui faire comprendre que… Rien ne va dans le Conclave, tout est un bazar et la pauvre jeune femme, elle doit se reprendre au plus vite avant de se retrouver victime d’un empoisonnement. « Tu le sauras davantage quand tu rentreras, mais je veux juste te prévenir. Fais vraiment attention à tes arrières et fais au mieux, ne fais confiance à personne d’autre qu’à toi-même. » Et pourquoi il dit tout ça Kaz ? Parce que Marisol lui fait penser à lui, quand il était plus jeune d’une certaine manière. Parce qu’il voit en elle un potentiel qu’il ne faut pas négliger…

Mais aussi parce qu’elle a une vision plus douce sur les immortels.

Est-ce qu’ils sont tous unifiés ou plutôt dispersés comme l’est le Conclave ? Est-ce que les factions qu’ils forment sont à la même image que le Conclave ? Une piste qui peut être intéressante à explorer mais dangereuse. Il faut la dévier de ça, elle est bien trop jeune et inexpérimenté pour cela. Peut-être que quand elle aura des relations et une expérience plus solide, elle pourra davantage y enquêter. Peut-être qu’il préparera le terrain pour elle. « Oui, parce que si on attaque un immortel et qu’on le fait souffrir, apparemment ça en fait souffrir d’autres. Ils sont mh… Comment dire, lié par quelque chose d’invisible. Dès qu’ils sont attrapés, ou repéré, ils prennent ça pour une attaque. Ils veulent rester anonymes parce qu’ils sont faibles. Imaginez s’ils se dévoilent au monde entier, qu’est-ce qui se passerait ? » Demande-t-il, prêt à avoir un débat avec elle, il aimerait bien apprendre aussi. Écouter des opinions différentes avant de se reprendre, puis lui demander pourquoi elle lui a posé toutes ces questions-là. Kaz pose la main sur sa joue, le coude sur son genou et il réfléchit. « Heureusement que tu ne le dis pas à n’importe qui Marisol. » dit-il, en passant au tutoiement. « Si c’était quelqu’un d’autre, comme mon oncle qui t’entendrait dire ça, tu serais finie. Parce que la mentalité du Conclave se veut être extrémiste: les immortels ne sont pas considérés comme des amis. Dès qu’on en voit un, on le tue, on l’empêche d’être en capacité de se battre et je ne sais pas ce qui se passera par la suite. » Il lâche un petit soupir et sourit légèrement quand elle lui dit sincèrement qu’elle est contente qu’il n’aie rien eu de grave. « Peut-être ce que je vais te dire va me mettre sur le purgatoire aussi, mais… Cet immortel-là, à Noël, à Berlin, je n’ai vraiment pas cherché à l’attaquer tu sais, je suis allé tout seul sans prévenir les autres agents sur place. J’ai essayé de lui parler et d’avoir des informations sur certains sujets, il n’était pas très enclin à vouloir me parler et vraiment il voulait me tuer dès qu’il m’a entendu l’appeler par son vrai prénom. La communication avec un immortel est très difficile et considèrent pas vraiment les mortels comme étant coopératif et amicaux… Mais plutôt jaloux et destructeurs. »

 

Oh no, I see a spider web and it's me in the middle, so I twist and turn. Here am I in my little bubble, singing out, I never meant to cause you trouble. Trouble, Coldplay.

(New York, janvier 2022) Elle le savait, elle aurait surement dû parier même. Pas un pari difficile à gagner, ceci dit, parce qu’il ne faut pas grand chose pour relancer Kaz sur son sujet de prédilection, à savoir les nouvelles technologies. Ce n’est certes pas avec les textes de lois qu’ils vont coincer des êtres vieux de plusieurs centaines d’années, elle veut bien concéder ce point là. Alors Marisol se retient de lever les yeux au ciel et écoute la tirade de son aîné. C’est vrai que ce monde de plus en plus numérisé a l’anonymat en horreur; « Dans tous les cas, c’est une chance que tu sois partie à New York. » La remarque lui tire un « hmm » dubitatif. Il faut dire qu’elle a l’impression de ne pas avoir mené entièrement à bien cette mission, que le déplacement est coûteux pour le Conclave et qu’elle va souffrir du décalage horaire. Pourtant elle ne peut nier un brin de satisfaction. Là, sur le terrain, elle peut apprendre comment se comporter, les réflexes à avoir, les méthodes pour ne rien lâcher et aller au fond des choses : elle a une chance de devenir compétente. Aussi compétente peut-être que Kaz, Gordon ou même Keira. Elle a le droit de rêver, n’est-ce pas ? « Stellan Ackermann a empoisonné beaucoup d’agents du Conclave pour trahison, avec pour complicité avec ses plus proches. » Non. Elle n’a pas le droit de rêver, peu importe sa jeunesse et sa candeur, parce que l’époque ne s’y prête tout simplement pas. Le danger est là. Au pas de sa porte et au sein même de la bergerie. Marisol serre les dents. Elle n’a toujours pas l’habitude de discuter ainsi de la mort d’autres personnes. Elle met un instant à digérer l’information, à accuser le choc et à comprendre ce qui suit. « Bien sûr que personne n’a été mis au courant, c’est comme ça que ça fonctionne maintenant, pas vrai ? Tout comme la disparaition de Fawkes, bizarrement, personne ne sait ni ne dit rien… » Elle ne devrait pas s’épancher là-dessus. Kaz vient de lui dire de ne faire confiance à personne, lui inclus, et, reparler des anciens dirigeants de leur organisation, c’est loin d’être une brillante idée. Ça ne l’empêchera pas de continuer à fouiner partout où elle peut fourrer son nez pour savoir ce qui s’est passé.

Peut-être devrait-elle rediriger cette énergie contre les immortels au lieu de leur donner le bénéfice du doute. Ca finira par la faire tuer, cette histoire. (Non, pas de la façon dont elle le pense, du moins, et est-ce que ce ne sera pas là la partie la plus ironique ?)

Elle apprend au détour des conversations plus de choses qu’elle ne le fait pendant les réunions. Les immortels sont liés entre eux de façon bien plus complexes qu’elle ne le pensait, si elle peut croire les dires de Kaz. Est-ce une sorte d’empathie établit entre eux ? Si oui, comment est-ce que cela fonctionne ? Oh. C’est pour ça, l’accident aux laboratoires, n’est-ce pas ? Les choses s’imbriquent dans son esprit, mais beaucoup de pièces du puzzle restent encore dans la boîte, leurs places pour l’instant floues et indéfinies. « Faibles n’est pas vraiment l’adjectif qui me vient en tête pour des êtres qui ne vieillissent pas, ne tombent pas malades et guérissent de leurs blessures. » Il y a encore peu, elle aurait maugréé les mots dans sa barbe inexistante. Elle les prononce d’une voix basse, certes, mais son énonciation est claire et froide, juste la dose d’assurance cynique qu’elle a appris à émuler en côtoyant ses aînés. Cependant la question qui suit demande réflexion. « La plus grande partie de la population crierait sans doute au complot. Les labos et autres chercheraient à s’emparer d’eux comme sujets d’études volontaires ou non », le goût acide de la culpabilité lui coule dans la gorge car c’est exactement ce qu’elle veut, n’est-ce pas ? Etudier et percer leurs mystères pour les appliquer aux gens qui souffrent ? « Et les fanatiques religieux ne seraient que plus véhéments. » Elle rajoute cela dans sa conclusion avec un soupir. « Oui, d’accord, les chances de co-existence sont maigres et ils ont plus à perdre qu’à gagner. Mais raison de plus pour coopérer dans le sens d’une révélation maîtrisée au public avec une organisation fondée depuis longtemps comme le Conclave. » Sauf que l’animosité a eu le temps de s’installer elle aussi : du côté des mortels comme des immortels, l’autre est considéré comme une menace. Kaz a l’histoire qu’il faut pour en témoigner. Marisol grimace en l’entendant conter sa rencontre récente. « Et malgré tout ça, quoi ? Tu vas continuer comme ça à donner une chance à ces immortels de te blesser ? Ou tu vas adopter la tactique plus expéditive de notre organisation ? » C’est un choix moral, non ? Kaz est père. Il ne peut pas se permettre de se mettre en danger encore et encore de cette façon. Malgré ces arguments, il y a quelque chose qui se noue dans l’estomac de Marisol à l’idée d'exécuter sommairement des gens pour les enlever, sans autre forme de procès. Elle n’en dira rien à voix haute, même pas à Kaz.

 

Oh no, I see a spider web and it's me in the middle, so I twist and turn. Here am I in my little bubble, singing out, I never meant to cause you trouble. Trouble, Coldplay.

(New York, janvier 2022) Allez, il va boire une gorgée si elle s’énerve sur le fait que cette nouvelle n’aie pas tourné dans l’organisation… Dans. Trois… Deux… Un… Une gorgée allez. Gorgée qu’il a failli boire de travers, bon il l’aura cherché quand même Kaz qui grimace à la mention de Fawkes. « Stellan y est pour quelque chose, c’est comme ça qu’il est monté au pouvoir, pour avoir la main et le contrôle complet du Conclave. Ce n’est un secret pour personne, mais peu le disent à voix haute ou sinon… J’espère juste que mon verre n’est pas empoisonné… » dit-il un peu sarcastiquement avant de soupirer, cette situation ne l’enchante guère mais il se doit donner des informations à Marisol, pour qu’elle fasse quelque chose en espérant qu’elle ne se fasse pas tuer ou quoi. Il la considère assez maligne bien qu’elle aie encore pas mal de choses à apprendre, juste qu’il ne faut pas qu’elle se brûle les ailes. « Je me retrouve définitivement sur New York avec pour mission de renforcer la sécurité du laboratoire Amaranth, ne serait ce d’ordre informatique avec Gordon. Je suis donc mis un peu à l’écart de tout ce qui est surveillance générale, des activités des immortels pour se préparer à nos nouveaux ennemis qui ont refait surface: les templiers. » Il la laissera se renseigner sur ces individus, les dossiers sont accessibles, du moins il l’espère pour les nouvelles recrues, sinon quel intérêt ? « Personne n’est au courant de quoi ce que ce soit à partir de maintenant dès que Ackerman est en tête. » conclut-il avant de se concentrer plus sérieusement sur la mission que Marisol a pu faire.

Puis la conversation se détourne sur les immortels, leurs nature et il ne pensait pas pouvoir discuter de ça avec elle. « Certes qu’ils ne sont pas faibles sur cet aspect-là, tu peux me dire en quoi d’autre ils sont fort ? » demande-t-il en haussant les sourcils « leur expérience dans l’Histoire ? Franchement, elle est réussie, ils n’ont rien empêché. La première guerre mondiale, suivi de la seconde guerre mondiale. La guerre froide ? » Marmonne Kaz un peu exaspéré de leur petit jeu ridicule. Pourquoi ces immortels se cachent-ils s’ils sont plus fort qu’eux, même plus fort que le Conclave en soit ? Il pose la question en tout cas et il a la réponse. Tout ça pour la guider à l’idée que la co-existence est quasiment impossible avec les immortels. « Hun hun. » Il secoue la tête, pas d’accord avec Marisol sur ce sujet-là. « Pas tant que Ackerman est en tête. » Il doute que ce dernier veuille collaborer avec les immortels, ce serait même à l’encontre des principes du Conclave, puis elle touche pile poil là où il ne faudrait pas toucher. À Lui dire qu’il ne peut pas continuer comme ça, à prendre autant de risques à suivre les ordres de cette façon, surtout qu’il est père de deux enfants qui vont être à leur tour endoctriné par le Conclave. Qu’est-ce qu’il aimerait tant briser cette boucle…  Toutefois il pointe Marisol du doigt. « Pour ça que tu vas prendre ma place maintenant. Puisque je n’aurai plus la possibilité de quitter New York comme ça pour d’autres missions. Parce que dans le fond, je suis d’accord avec toi, faut réussir à communiquer avec un immortel, mais bonne chance pour en trouver un qui ne t’attaquerait pas. » Ou quoique… Petit sourire en coin. « Et il se trouve que j’en ai un en poche, mais à voir. Le fameux sosie de l’acteur de Rahul Kohli. » Est-ce pour cela qu’il l’a envoyée interroger Arthur, dans l’espoir que ce dernier pourrait être le pont entre Marisol et Rahim ? Oui. Mais c’est quand même du suicide et il ne voudrait pas envoyer Marisol faire cette mission, de plus il n’est pas sûr que Caleb approuverait.

Personne n’approuverait cette mission suicide.
Mais bon, de toute manière personne n’est jamais au courant de quoi ce que ce soit dans cette organisation non ?

 

Oh no, I see a spider web and it's me in the middle, so I twist and turn. Here am I in my little bubble, singing out, I never meant to cause you trouble. Trouble, Coldplay.

(New York, janvier 2022) Elle ne loupe pas le maigre instant de surprise à la mention de Fawkes. Marisol n’a pas pu retenir sa remarque à ce sujet, et elle ne peut donc que s’estimer heureuse que Kaz soit aussi cynique et ouvert avec elle. Un autre l’aurait surement sèchement rabroué pour fourrer son nez dans de telles affaires, voire pire encore. Il faudra tout de même qu’elle pense à se contenir davantage en présence de l’allemand. Ces petits coeur à coeur ne sont pas une bonne habitude à prendre. « Stellan y est pour quelque chose, c’est comme ça qu’il est monté au pouvoir, pour avoir la main et le contrôle complet du Conclave. Ce n’est un secret pour personne, mais peu le disent à voix haute ou sinon… J’espère juste que mon verre n’est pas empoisonné… » Elle ne se retient pas de lever les yeux au ciel. Bien sûr que ce n’est un secret pour personne, mais en attendant personne n’a de preuves concrètes et c’est bien ce qu’elle cherche à dénicher, à un endroit ou un autre. Elle est diablement naïve et ne supporte pas qu’on puisse intriguer à ce point, se débarrasser des personnes au pouvoir et tout chambouler, simplement pour une question d’égo : c’est bien pour ça qu’ils n’arrivent pas à prendre le pas sur les immortels, à cause de stupides luttes de pouvoir intestines. Pourtant, quand bien même trouverait-elle les preuves, qu’en ferait-elle ? Impossible d’impliquer la police dans leurs affaires. Difficile aussi de prévoir quelle autre âme avide d’influence prendra la place dans ce terrible jeu de chaises musicales. Mais une chose à la fois. « Les choses n’étaient pas vraiment plus tendres sous Fawkes », remarque-t-elle avec un air plus détaché avant de soupirer. « J’imaginais quand même quelque chose de plus démocratique quand j’ai commencé à entendre parler du Conclave…  » Ah, comme il est facile de se jouer de l’idéalisme des jeunes gens ! Tout comme il est facile de réafecter les pions là où ils seront le plus efficaces. Ou qu’ils gèneront le moins. Quant à cette mention des templiers… « Quoi ? Pour de vrais ? Comme dans les romans historiques et tout et tout ? » Ok, elle aura une tonne de nouvelles recherches à faire. « Mais pourquoi la sécurité des labos ? Tu as prouvé plus d’une fois que tu étais plus utile pour tout ce qui est traque et tout ça… Qu’est-ce que tu as fait pour que Ackerman se méfie de toi ? » Pour sûr que si Marisol s’entendait elle rougirait d’employer ce ton sévère, un peu comme un parent demandant à son enfant de confesser sa dernière bêtise. « Diviser pour mieux régner », soupire-t-elle quand il est encore question d’Ackerman.

Enfin, ils finissent tout de même par changer de sujet pour revenir sur celui des immortels, de pourquoi ils ne se révèlent pas au grand jour, de leurs forces et leurs faiblesses. Apparemment Kaz est tout prêt à les accabler de reproches. Pas qu’elle puisse lui faire défaut pour ça, seulement, à ses oreilles, ça sonne un peu trop comme les gens qui se plaignent aux croyants de ce que Dieu reste les bras croisés pendant que ces atrocités sont commises. Les immortels ont-ils vraiment le savoir et l’influence nécessaire pour éviter les guerres ? Tant qu’elle n’en saura pas plus sur eux, Marisol n’aura pas de réponses à cette question. « Vu sous cet angle », concède-t-elle sans rien ajouter. Elle ne veut pas débattre de ça tant que ses idées ne sont pas plus claires. En revanche, elle n’a aucun scrupule à lancer le débat moral. Tout comme Kaz n’en a aucun à s’esquiver sur cette question.
« Pour ça que tu vas prendre ma place maintenant. »
Elle pose son verre sur la table et s’efforce de ne pas fixer Kaz comme si une seconde tête venait tout juste de lui pousser. « Pardon ? » Et il continue de parler, heureux comme le chat qui vient de manger la crème, tout content de l’avoir menée exactement là où il la voulait. « Quoi ? Non, non, mais attends une minute là. Tu ne viens pas de dire toi-même que ce sont des saletés de missions suicides tout ça ? Et on vient d’établir que j’avais encore une tonne de choses à apprendre, ne serait-ce que pour les interrogatoires. Alors quoi ? Tu me pousses dans le grand bain, comme ça, sans même me donner des brassards et tout ?l » Ouais, c’est ce qu’elle voulait, aller sur le terrain. Là, ça sent un peu trop le traquenard et elle ne sait pas quoi en penser. Malgré toutes ces réserves, une part d’elle ne peut s’empêcher de revenir à la photo, au visage dont elle a mémorisé les traits, et elle s’imagine bien trop reprendre la trace que cet immortel a laissé derrière lui. « De quelle aide je disposerait ? » Marisol ne peut s’empêcher de demander, curiosité toujours bien trop éveillée. « Hypothétiquement, hein, si j’acceptais, ce dont je n’ai pas encore décidé. » Après tout, Kaz a beau être son aîné, il n’est pas son supérieur : elle répond à Caleb, pas à lui.