'tis but a scratch ! Aonghas

475 Naissance d'Aonghas
490 Mort de sa mère, Mòr
510 Première mort, retour à la vie
568 Mort de Murchadh, héritier du clan, début des errances
570 au VIIIe s. Errances à travers l'Europe
Invasions vikings Retour sur les terres d'Albion pour défendre son pays contre les vikings
1297-1305 Combat avec William Wallace
1500 à 1775 Départ pour le nouveau monde et les crimes qui iront avec
1778 Réalisation de ses crimes divers et variés au cours du temps
Jusqu'en 1900 Fait amende honorable, aux Etats-Unis, pour laver ses crimes
1914-1918 Participe à la Première Guerre Mondiale
1920 S'enfuit aux Etats-Unis pour oublier la guerre du mieux qu'il peut
Jusqu'en 1950 A passé ces trente dernières années à boire et se droguer
Depuis 50's Redevenir sérieux, faire des études, s'intéresser aux gens et à leurs combats pour aider, sincèrement
2010 De retour en Angleterre après tout ce temps et, même si il déteste les anglais, c'est à Londres qu'il s'installe pour vivre

[ Mòr ] Elle était belle, avec ses longues tresses et ses grands yeux bleus. La première chose qu'il vit, le premier vrai souvenir qu'il a jamais eu, c'était son visage, souriant. Parce qu'elle était heureuse, malgré tout ce qui se passait, malgré le fait que son fils ne soit pas celui de son époux, malgré le fait qu'elle n'ait plus rien. Il était le fils du chef de leur clan, le fils de cet homme que tout le monde appréciait, pas un bœuf comme les autres chefs de clan. Plus raffiné, plus intelligent. Mais ça ne changeait pas que le petit n'était qu'un bâtard, né dans la boue et couvert d'une honte indélébile, juste parce qu'il n'était pas né du bon père. Petit garçon, petit guerrier, Mòr a tout fait pour qu'il soit à l'image de son père, même si elle suait sang et eau pour les guerriers du clan, même si il était un gamin turbulent qui avait besoin qu'on le cadre. Les collines, il avait fini par les connaître par coeur, chaque vallée, chaque mont, chaque arbre des terres du clan, qu'il parcourait tous les jours. Un hiver après l'autre, il grandissait, il devenait plus fort, plus agile. Plus aventureux aussi. Et sans aucun doute plus guerrier. Se battre pour tout, voilà une règle qu'il avait appris très vite, se battre pour tout et ne rien laisser aux autres, ne pas leur laisser la moindre occasion de frapper, de vous prendre ce que vous aviez. Parce que personne ne ferait de cadeau au bâtard du chef que même le chef ne voulait pas voir. Se battre pour tout et devenir rapidement le garçon qu'on ne voulait pas trop embêter malgré tout, parce qu'on savait qu'il faisait mal avec ses poings. Et quand il avait une épée, c'était pire. Une terreur, qui n'avait jamais peur de rien. De quoi avoir peur quand on n'avait rien après tout ? Il aurait pu avoir peur pour sa vie, mais ce n'était pas un bien assez important pour qu'il s'inquiète à son sujet. Il n'y avait bien que pour Mòr qu'il s'inquiétait, que pour elle qu'il avait peur. Et après quinze hivers à survivre plus qu'à vivre, il avait arrêté totalement d'avoir peur. Sa mère l'avait quitté, pas abandonné, elle s'était battu assez longtemps pour avoir droit à du repos sans qu'il ne lui reproche rien. Il avait été seul à monter le cairn funéraire autour de son corps, seul parce qu'elle n'était vue que comme la putain du chef depuis qu'il était venu au monde. Personne ne voulait s'occuper d'elle. A part lui. Et ce clan, ce maudit clan qui l'avait poussée à survivre plus qu'à vivre, qui avait fait de lui le petit animal dangereux qu'il était...Et animal dangereux il resterait en nourrissant sa vengeance, ses plans pour devenir plus que le petit bâtard avec qui on se battait, plus que le guerrier qu'on méprisait malgré ses exploits et ses faits d'arme. Il deviendrait leur chef à tous.

[ Kentigern ] Vivre après la mort de sa mère avait été encore plus violent, encore plus brutal. Il était un guerrier du clan mais il se rendit compte qu'elle faisait beaucoup, qu'elle s'occupait de lui et qu'elle le protégeait, à sa façon. Devoir se battre pour conserver la maison, sa place au sein du clan, prouver qu'il valait le coup, encore et encore. Et bataille après bataille, gagner un peu plus le respect des siens. Jusqu'à une guerre décisive contre un clan des Gaëls de Dál Riata, où il avait tué le chef lui-même. Recevoir enfin l'approbation de son père, Kentigern, le chef de leur clan avait été une première étape. Se faire reconnaître comme un homme de valeur était le début, avant qu'il ne puisse devenir réellement important. Ils se souviendraient tous de lui, il se l'était promis, devant le cairn de sa mère et devant les dieux. Il était le guerrier qu'on voulait avoir comme fils, l'homme qu'on pourrait vouloir comme époux, sans peur et sans pitié pour ceux qui n'étaient pas des siens. Et voir Kentigern s'allier à ce lointain roi, comme si cela pouvait être une bonne idée, il avait détesté cela. Plutôt mourir que de se soumettre à une autorité autre que son propre clan. Déjà qu'obéir à son père était à la limite du supportable après l'avoir ignoré tant d'années, obéir à un roi d'une province lointaine était hors de question pour l'indomptable guerrier. Voler le clan quand son père était allé dans le sud n'avait pas été si facile, convaincre les siens qu'il avait raison, qu'ils ne devaient pas s'allier aux gens du sud, à ses hommes de Northumbrie et plus au sud encore...Et les choses se passaient bien. Plusieurs mois à être le chef du clan, plusieurs mois à enfin avoir la place qu'il devait avoir, après avoir été le guerrier, il était maintenant le roi. Jusqu'à ce jour de début d'hiver. L'air était frais, le vent commençait à faire s'envoler quelques fins flocons blancs et les montagnes se refroidissaient comme toujours. Il s'était préparé, bien entendu, il avait peu dormi et ses mains tremblaient quand il avait attrapé son épée. Et il était sorti pour aller jusqu'au cercle de pierres, là où se tenaient tous les duels, tous les combats opposants les hommes du clan. Son père était rentré du sud avec ses hommes, avec ses fils légitimes et il y avait eu du sang versé quand ils s'étaient affrontés. C'était lui qui avait demandé le duel, pour prouver à tous une bonne fois pour toutes qu'il valait mieux que celui qui n'avait jamais été un père pour lui. Lui faire face lui avait fait bizarre, bien entendu, il n'avait jamais pensé voir ce jour arriver, jamais penser que l'homme pourrait accepter la provocation, qu'ils se battraient ainsi selon leurs lois ancestrales...Et pourtant, il avait dégainé son épée, il avait inspiré et sous les peintures de bataille, son visage s'était déformé pour passer à l'assaut. Des passes difficiles, la lame adverse qui avait mordu sa chair autant que la sienne esquintait celle de Kentigern. Jusqu'à ce qu'enfin, ce soit son épée qui le transperce, ce chef de clan, ce père qu'il haïssait tant. Le regarder perdre la vie, le sang chaud sur les mains, alors qu'il sentait son propre sang couler. Il avait vaincu, certes, mais il était blessé. Trop gravement pour que la guérisseuse face quoi que ce soit. Une nuit à souffrir, alors que la vie le quittait peu à peu jusqu'à ce qu'il pousse son dernier souffle, aux premières lueurs du matin. Quelques heures de plus, voilà ce qu'il avait gagné avec cette bataille. Quelques heures de plus, puis le néant et l'oubli. Le croyait-il en tout cas.

[ Murchadh ] Se réveiller sous les pierres, dans le froid, incapable de reprendre son souffle tellement il était paniqué par ce qui se passait. Il ne savait pas pourquoi il était là, il ne comprenait pas si il était mort ou vivant. Il n'aurait pas dû être vivant, impossible qu'il le soit, il avait senti la mort s'abattre sur lui, venir le chercher...Et pourtant, il respirait, il sentait le froid dans sa chair, il pouvait toucher les pierres à côté de lui...Il avait essayé de bouger, de pousser l'une des pierres maladroitement pour sortir. Mais toutes s'étaient alors abattues sur lui, lourdement, le faisant hurler de douleur. Il s'était débattu longuement, dans la douleur la plus totale, pendant des heures lui semblait-il, jusqu'à émerger du tas de pierre et ramper sur l'herbe pour se remettre sur le dos, grognant et gémissant, presque incapable de respirer, le sang envahissant ses poumons et sa gorge. Tomba-t-il inconscient ou mourut-il, la différence n'était pas très importante puisqu'il se releva à nouveau, se réveillant en sursautant comme si il venait de sortir d'un horrible cauchemar, hurlant à nouveau. Il avait passé les mains sur son torse, sur ses bras et sur son visage, haletant, incapable de comprendre ce qu'il lui arrivait. La douleur intense qu'il avait éprouvée, la panique qui continuait de lui serrer le coeur, son cerveau n'arrivait pas à comprendre. Avait-il été maudit par les dieux pour ce qu'il avait fait ? Ou bien peut-être par le dernier souffle de son père ? Peu importait à qui il devait cela, au fond, il était encore là alors qu'il n'aurait pas dû. Vivant au lieu d'être mort, était-ce une malédiction ou un don, il ne pouvait pas encore trancher mais cela viendrait bientôt. Le temps de reprendre les armes qu'on avait mises avec lui dans le cairn et il était retourné au village de son clan alors que la nuit tombait, et avec elle les lourds flocons qui avaient déjà recouvert une grande partie de la vallée. Entrer dans la halle commune et voir leurs regards, terrifiés, en particulier ceux de ses frères, avait été un régal pour lui. Ils l'avaient cru moi, le voilà qui revenait de tombe. On l'avait attaqué, bien entendu, pour eux, il était un revenant, un être arraché à la mort qui n'aurait pas dû être là et qui ne venait que pour les hanter. Passer par le fil de l'épée ceux qui l'avaient attaqué, ces hommes qui avaient cru en son père plutôt qu'en lui, jusqu'à ce qu'il ne reste que quelques survivants, partis se cacher dans leurs maisons. Mais sa rage ne s'arrêtait pas là. Parce qu'il voulait que l'héritage de son père soit à jamais perdu, effacé, oublié. Tuer les épouses de ses deux frères, sa sœur, leurs filles et leurs fils et...Arriver à ce bambin, le plus jeune de sa lignée, qui hurlait dans le berceau. Il avait deux ans, les mêmes yeux bleus que le reste de la famille. Et ce fut là qu'il eut cette première vision, succession d'images et de sons sans aucun sens. Le symbole du clan, le sang, un regard bleu aussi glacé que le sien, au milieu des cris, des croassements des corbeaux...Haleter et s'écarter du berceau, s'écarter du petit et ne pas plus comprendre ce qu'il venait de voir. Perdu, stoppé net dans sa vengeance, devant l'enfant. Le petit fils de l'aîné, voilà qui il était, un petit neveu qu'on n'avait même pas encore nommé, trop jeune pour cela encore. Incapable de le faire, même avec sa brutalité, même avec sa soif de vengeance, impossible de tuer un bambin pareil. Alors il le garda, en reprenant sa place de chef de clan, en reprenant ce qui était sien de toute façon. Et vivre des années, lutter contre les clans qui voulaient leurs terres, contre les autres peuples, contre tous ces envahisseurs qui voulaient les détruire. Et veiller sur Murchadh, le nom qu'il avait donné à l'enfant, un neveu élevé comme son fils. Année après année après année. Jusqu'à comprendre qu'il ne changeait pas. Qu'il ne vieillissait pas. Il était parti en guerre pour ne jamais revenir. Jamais vraiment en tout cas. Juste une ombre qui avait surveillé de loin le clan. Jusqu'à la mort de Murchadh et son départ des terres du clan. Pas envie de voir cette famille grandir sans lui, pas envie de s'attacher à ces mortels alors qu'il ne changeait pas, qu'il ne mourait pas. Il avait essayé, pourtant, mais il se réveillait toujours à un moment ou à un autre...Partir conquérir les autres clans, les autres terres, voilà une idée bien meilleure que rester à se morfondre avec les siens.

[ Sìne ] Une belle jeune femme, pas son genre, évidemment, mais il est resté avec elle malgré tout. Principalement, c'était pour la protéger, mais aussi parce qu'elle lui donnait une couverture idéale. Quand il l'a rencontrée, elle n'était qu'une enfant, il était son père pour tous ceux qui les croisaient. Puis elle est devenue sa petite sœur. Et son épouse. De quoi cacher pendant de longues années, au fur et à mesure de leurs voyages, de leurs errances dans le royaume de Logre. Elle en voulait tout autant aux autres peuples, à ces hommes du sud qui avaient massacré les siens. Ensemble, ils ont pillé, tué, ravagé. Ensemble, ils ont brûlé, décimé, brisé. Ensemble, ils ont été des guerriers redoutables, sans foi ni autres lois que celles de leurs dieux. Sans peur, sans maître, juste l'épée et les richesses accumulées grâce au sang versé. [ Enguerrand ] La France, pour la première fois, et un groupe de bandits de grand chemin, cruels et mauvais, qui passaient tout le monde par l'épée pour voler et piller tout ce qu'ils pouvaient. Des brutes, des monstres, des assassins, et il en faisait partie, amoureux de cet homme, leur leader, le fier Enguerrand. Se battre avec lui, avant que les combats ne deviennent ébats, toujours aussi brutaux et sans un mot échangé...Deux bêtes qui s'étaient trouvées, voilà comment il se voyait, avec le bandit. Jusqu'à ce qu'ils soient pris et pendus pour leurs crimes. [ Gündel ] Il était un mercenaire, une épée à vendre, comme lui. Vendre ses services, peu importait pour quoi, mais surtout la violence et la guerre. Une nouvelle vie à piller et tuer sans s'occuper du pourquoi, sans s'occuper de la morale ou de la logique. La violence, c'était ce qu'il avait toujours connu de toute façon, la violence pour survivre, pour obtenir ce qu'il voulait, pour protéger les siens...La violence n'était pas prête de le quitter et ce ne serait pas avec Gündel que ça arriverait de toute façon vu le tempérament du germain...

[ Hyun-su ; Macéo ; Njàll ] Le retour au pays n'avait pas été de tout repos. Mais il était là, l'épée à la main, se battant pour les siens contre les envahisseurs venus de la mer. Féroce et violent, comme toujours, ne laissant pas la moindre chance à ceux qui s'opposaient à lui. Jusqu'à tomber sur ces trois immortels. Pas les premiers à croiser sa route, mais les premiers avec qui ils étaient restés. Les premiers à lui expliquer l'attraction qui existait entre immortels, comme une même famille. Mais lui, il n'avait pas cela, il le savait, il le sentait. Personne à attendre, personne à retrouver. Alors il décida de rester avec eux, un temps, parce que cela était bon de vivre sans perdre les siens, de temps en temps. Cela était bon de ne plus avoir peur de voir ceux à qui l'on tenait se faire tuer. Seulement pour quelques temps, quelques batailles violentes, quelques années qu'il ne voulait même pas compter...

[ William ] La lutte pour l'indépendance, pour que les anglais ne deviennent pas les maîtres de l'Ecosse, une lutte pour rien, certes, mais une lutte quand même. Il avait rejoint William Wallace dès qu'il avait entendu parler de lui, de l'assassinat, de la lutte qu'il menait contre les anglais. Il avait rejoint sa cause et lui avait apporté son épée, pour se battre encore et toujours, pour une cause un peu plus juste que le plaisir et la quête de richesses. Des années de lutte, jusqu'à se faire capturer, jusqu'à l'exécution de William, jusqu'à ce qu'il échappe à la potence de peu, ayant pour une fois compris une de ses étranges visions qu'il recevait. Eviter de se retrouver encore une fois la corde cou et fuir loin, aussi loin qu'il le pouvait, à travers l'Europe. De toute façon, il ne restait plus vraiment de cause pour laquelle se battre. [ Seamus ] Il était l'un des chevaliers qui se battaient avec William, qui se battaient avec lui. Un homme droit et noble, un homme qui n'avait en commun avec ce qu'il était. Alors pourquoi ? Pourquoi cet homme était-il tombé amoureux de lui ? Il n'en avait pas la moindre idée. Et si il a refusé un moment de céder, parce qu'il ne voulait pas souffrir encore, il a fini par éprouver pour Seamus une passion sans pareil, une idylle si forte entre eux...Mais qui fut aussi particulièrement courte. Parce que la mort frappait toujours trop tôt, trop vite. Il avait gardé la cape, celle avec le blason du clan, gardée dans un coin pour la protéger du temps, pour la conserver dans ses souvenirs. Plus jamais envie d'éprouver de l'amour pour qui que ce soit après ça, pas après avoir vu celui qu'il croyait être l'homme de sa vie être pendu haut et court pour ses crimes contre l'Angleterre. Une raison de plus de détester ces foutus anglais.

[ Héctor ] Il était marin, espagnol, rencontré sur les côtes européennes et qui lui apprit à naviguer. Définitivement, il n'avait pas le pied marin cela dit, il préférait vraiment de loin être sur la terre ferme. Mais cela lui permis néanmoins de voyager, d'aller de l'autre côté de l'Atlantique, de découvrir les Amériques. Un soldat, un aventurier, un meurtrier, encore et toujours. Parce qu'il n'y avait pas grand chose qui l'intéressait plus que la guerre et la mort, tuer et répandre le sang sur la terre. Un hommage aux dieux, en un sens, un moyen de ressentir quelque chose surtout, lui qui n'avait plus grand chose à part la douleur. [ Benjamin ] Un autre soldat, comme lui, un autre cinglé, comme lui, un autre meurtrier, comme lui...Parce que la noirceur attire la noirceur, il avait trouvé cet homme, cette brute qui prenait un malin plaisir à tuer et à ravager. Il n'y avait pas grand chose pour le surprendre maintenant, alors trouver un homme, un mortel, aussi assoiffé de sang que lui ne le choqua même pas. Au contraire, il y avait des gens pour éprouver la même chose que lui, c'était rare et assez unique pour qu'il s'y intéresse réellement. [ Fergus ] C'était peut-être la fois de trop. Peut-être. Lui, il n'en sait rien. Massacrer des gens pendant la guerre d'indépendance, avec son groupe de bandits, c'était normal pour lui. Mais pas pour tout le monde. Fergus, c'était son second, pas quelqu'un dont il était amoureux, il avait arrêté ces conneries-là après Seamus. Mais c'était un ami, quelqu'un en qui il avait confiance. Quelqu'un avec qui il se disputait aussi parfois, sur la marche à suivre, sur les gens à détrousser. Et ce jour-là, la caravane de réfugiés qui fuyaient une bataille, ça n'était peut-être pas la bonne cible. Massacrer jusqu'aux enfants, voler tout ce qu'ils pouvaient, comme à leur habitude. Mais d'habitude, c'étaient uniquement des adultes, des soldats à qui ils volaient les munitions et les armes...Pas une caravane de pauvres gens qui souffraient déjà bien assez. Ce fut la lame qui  le réveilla, la douleur dans son flanc, qui irradiait dans tout son corps. Il avait tenté d'attraper le fusil à côté de son lit, mais une main l'en avait empêché, entravant son poignet fermement. Dans la lumière de la lune qui passait par la fenêtre, il vit Fergus, compatriote écossais, ami depuis des années, bras-droit en qui il accordait toute sa confiance. Il avait un visage dur, fermé et le regard déterminé de ceux qui savent faire ce qu'il faut, quand bien même cela leur coûtait terriblement. Les murmures de l'homme lui vinrent aux oreilles, lui disant qu'il n'était qu'un monstre, un dément qu'il fallait renvoyer en enfer. Et à cela, il ne pouvait qu'adhérer. Si seulement...Mais ce n'était pas possible. Il avait essayé. La lame allait plus loin encore, continuant de le transpercer d'une douleur atroce. Mais il avait l'habitude de la douleur. Il serra les dents, encore plus quand les autres coups de couteau vinrent, profonds eux aussi, jusqu'à ce que la lame casse contre un os. Et pour éviter que Fergus ne sache, il s'était traîné dehors, faisant mine de fuir, faisant mine de vouloir sauver sa vie, jusqu'à tomber dans le fleuve et se laisser flotter sur quelques kilomètres. Le morceau de lame, il le garda, pour se rappeler. Parce que même un homme comme Fergus, qui était un tueur né, avait trouvé qu'il était allé trop loin. Hanté par les souvenirs de ses dernière victimes et par la révélation qu'il avait eue, la vérité que contenait la vision cryptique qu'il avait eu sur Fergus, il avait erré un moment dans le pays, jusqu'à la fin de la guerre.

[ Eloise ] La première à lui faire confiance à nouveau, la première pour qui il eut envie de se battre à nouveau également. Parce qu'il essayait de changer, de devenir meilleur, de réparer les fautes commises. Oh il ne pourrait ramener les morts à la vie, mais il pourrait sans aucun doute protéger les innocents des gens comme lui. Et il s'était révélé diablement efficace pour traquer et ramener ceux qui étaient comme lui, les monstres, les tueurs, les meurtriers sans foi ni loi. Et à travers l'ouest sauvage, à travers les Etats-Unis, il protégeait ceux qui en avaient besoin et traquaient ceux qui commentaient des crimes. [ Alice ] Avec elle, il apprit les lois, les textes, il apprit tout ce qu'une vie de guerrier ne lui avait jamais appris. Il apprit à lire, ce qu'il n'avait jamais eu la patience de faire jusque là, parce qu'elle avait la patience de lui enseigner les choses. Gentille et douce Alice, elle lui rappelait le pays, avec son petit accent écossais et ses boucles brunes qui cascadaient sur ses épaules frêles et pâles. Mais ne pas s'attacher restait sa règle la plus importante, pas question d'éprouver pour elle autre chose que la sympathie habituelle qu'il éprouvait pour tous les autres humains, pour tous les autres mortels. D'autant plus qu'il n'était plus seul à marcher sur la terre, connecté à d'autres comme lui, après tout ce temps...Vivre pour un avenir meilleur, quoi que ça lui en coûte et quoi que les autres immortels qu'il connaissait pouvaient bien penser. Pas question qu'il fasse confiance à un noble anglais de toute façon...

[ Craig ] Parce que même si il était devenu un homme meilleur, il est des guerres auxquelles on se devait de participer. Celle-là en faisait partie. Impossible pour lui de fuir devant la guerre, devant les pertes, devant l'injustice de ce monde. Alors il est allé sur le front, comme des milliers d'autres écossais, conduit jusque dans les tranchées où il vit réellement de quoi l'enfer était fait. Incapable de mourir, condamné à vivre cet enfer jusqu'au bout, parce qu'il se disait que cette souffrance là devait bien compenser celle qu'il avait lui-même infligée jadis. Et Craig...Le premier soldat avec qui il s'était battu. Quelques mois sur le front et il était déjà enterré, fauché par les balles qui volaient entre les tranchées. [ Alan ] Celui avec qui il rentra de guerre, après avoir connu des souffrances comme jamais, vu des horreurs qu'il aurait préféré ne jamais connaître, subi des morts toutes plus inhumaines les unes que les autres. Et que dire d'Alan, une jambe en moins, l'odorat foutu, un œil aveugle...A côté, il était fringant, sans la moindre blessure. Mais il avait changé, il ne voulait plus vivre ici, il ne voulait pas voir Alan mourir. Alors il a fui. Loin, de l'autre côté de la mer, à New-York... [ Farah ] Elle était sa coloc, à New-York, la femme qui vivait avec lui pour se faciliter la vie à tous les deux, entre immortels, on se serrait les coudes . Et elle était surtout la compagne avec laquelle il passait ses journées à boire et ses nuits à se droguer. Encore et encore, pour oublier, pour faire partir les souvenirs qu'il avait dans son crâne. Opium, alcool, tout ce qui lui passait sous la main. Toutes les nouvelles drogues, il les essayait, tous les alcools possibles et imaginables, il voulait les goûter...Des années à faire cela, à oblitérer sa mémoire, à faire en sorte de ne plus voir les visions qu'il avait, à oublier même qui il était...Parce que la vérité de ce qui s'était passé était bien trop difficile à affronter. [ Dominique ] Se libérer de la drogue et retrouver une vie sérieuse, une vie où il avait pris le parti des faibles, des victimes d'injustice. Se plonger dans l'étude du droit, se plonger dans ces lois faites pour les protéger mais entravaient pourtant tellement de personnes. Comme lui du reste. Comme la communauté dont il faisait partie sans vouloir l'avouer à haute voix encore, mais en suivant les mouvements. Et Dominique, l'incroyable Dominique, qui lui avait montré qu'on pouvait et qu'on devait assumer ce que l'on était quoi qu'il arrivait. Fervent adepte du mouvement drag, son ami lui montra que le monde devait non seulement les accepter mais accepter tout le monde. Et c'était ce qu'il s'emploierait à faire à l'avenir.

[ Michael ] L'associé qu'il s'était trouvé à Londres, pour ouvrir un cabinet juridique, était comme lui. Il voulait aider les autres, pour rétablir un peu de justice, pour éviter les faux coupables et les innocents en prison. Difficile de maintenir le bateau à flot quand on ne faisait jamais payer ses clients cependant et il fallait régulièrement qu'il injecte de l'argent dans leur entreprise. Voilà pourquoi il avait rapidement arrêté d'avoir un associé, de travailler dans le cabinet qu'il avait monté. Parce qu'il ne pouvait pas assumer face à Michael de ne jamais faire payer personne, même quand ça les mettait dans l'embarras. Aide juridique, avocat gratuit, bénévole partout où il pouvait, il préférait cela à un cabinet trop sérieux, trop strict, à un associé qui avait besoin d'argent pour ses factures...Et maintenant, c'est tout ce qu'il fait. Donner du temps pour ceux qui n'en ont pas, aider ceux qu'on ne veut pas voir. Il se dit qu'un jour, ce qu'il fait là aura compensé ce qu'il a fait de mal. Et ce jour-là, peut-être que les dieux le laisseront mourir et être en paix.