Ghost ☼ ft Rahim

Time is running out - A ghost keeping me alive - I get what it means You have to survive Ghost ♪ Skip the use

Past - 1968, quelque part dans le triangle des Bermudes

La sensation de flotter. De s’élever. Ses épaules se soulèvent, ses mains soudain s’animent. Mais Matheus n’a pas envie de quitter le rêve qu’il fait. Lova dort ou du moins, essaie. Il s’applique dans ces moments-là à rester le plus tranquille possible. Du moins, dans ses rares moments de conscience. Des soubresauts, comme il les appelle. Il a de plus en plus de mal à les identifier, après quoi, 100 ans sous l’eau ? Et puis, de toute façon il ne les aime pas, les soubresauts. Ils viennent briser ce silence, cette bulle sacrée, qu’il a mis des années à s’approprier. Pour oublier qu’il se noie, encore, et encore, et encore. Il n’en souffre plus depuis longtemps, la sensation est devenue trop familière. C’est une amie. Mais les soubresauts lui rappellent son sort, qu’il n’y a aucune issue, à part attendre que le temps fasse son office. Parfois il a l’impression de ne plus être lui. Parfois il se dit qu’après tout ce temps, son corps pourrait développer de quoi respirer sous l’eau. Ce serait pratique. Mais rien n’arrive. Jusqu’à ce jour où sa tête et son dos viennent cogner le plafond de la cale dans laquelle il était retenu enchaîné. Ses paupières tentent de s’ouvrir, mais son cerveau n’y comprend rien. Il ne devrait pas être dans cette position, il ne devrait pas voir flotter ses mains aussi haut, comme de vulgaires bouées. Puis, on n’y voit rien. Le soubresaut finit par mourir, comme tous les autres, comme lui, incapable de comprendre que les chaînes qui le retenaient ont fini par céder.

***

Tiens, d’habitude les soubresauts ne sont pas si rapprochés. Matheus a mal … à la tête. C’est étrange comme sensation, il a eu du mal à la reconnaître. Puis encore, ce corps qui flotte, et ses mains libres qui… Un spasme secoue son corps tout entier. Oh non. Pas ces vieux réflexes à la con pour tenter de respirer. Il avait réussi à tous les faire disparaître. Son esprit s’obstine à vouloir le maintenir tranquille et surtout, mort. Mais son corps comprend avant lui et essaie de donner l’alerte. Mais reprendre conscience est trop douloureux et trop effrayant. Et ce sont des sensations qu’il ne veut plus connaître. Matheus s’obstine à garder les yeux fermés et à ignorer tous les signaux pendant que son corps, lui, entame sa lente ascension vers la surface. La lumière est de plus en plus aveuglante, et le bateau, son refuge, de plus en plus loin dans les profondeurs de l’océan. Lorsque finalement il ouvre les yeux, son premier réflexe est de plonger, pour regagner ce qui fut sa vie. Plus rien n’a de sens après avoir vécu une vie entière sous l’eau. Mais c’est comme s’il avait engagé un combat avec lui-même et que son corps luttait pour rester en surface. Ses luttes intérieures finissent par le sortir complètement de la torpeur dans laquelle il s’était abrité. Ses mains émergent les premières, puis sa tête, et finalement ses épaules. Il papillonne fort des yeux, tant la lumière du soleil lui brûle les rétines. Le soleil. Il réalise qu’il peut le sentir et le voir. Il se fait bercer par les vagues quelques instants, il n’a toujours pas pris de respiration. Il est terrifié. Il ne sait même plus comment faire. Mais là encore, son corps fait le boulot à sa place et force son cerveau à se taire. Il respire et putain ce que ça fait mal. Il crache de l’eau, encore et encore, il a les poumons en feu, la douleur lui hurle d’arrêter de leur amener de l’air, comme s’ils avaient eux-aussi oublié ce qui était normal. Puis l’air lui brûle aussi la peau, pourquoi voulait-il absolument de ce truc qui fait si mal ? Il est à deux doigts de s’évanouir, mais quelque chose se réveille et lui maintient la tête hors de l’eau. Est-ce de la rage ? Est-ce de l’espoir ? Là encore ce sont des sentiments qu’il a fait taire depuis très longtemps, et qui pourtant, émergent déjà en lui pour le garder en vie.

***

Matheus a lentement dérivé pendant des jours, tentant de faire la planche quand il n’était plus capable de nager. C’est probablement grâce à ses facultés d’immortels qu’il a pu se maintenir si longtemps à la surface. Ainsi qu’une météo et des courants favorables. Mais si personne ne le repêche, si un bout de terre ne se fait pas voir, la mer finira par le reprendre. Un son se fait alors entendre, au loin. Il ne parvient pas à hurler, aucun bruit ne veut sortir de sa bouche asséchée, et de toute façon, il n’y a personne pour l’entendre. À part peut-être Lova, dont il crie le nom si souvent dans sa tête. Il ne doute pas qu’elle a alerté tout le monde et qu’elle va bien finir par débarquer. Non ? Il se raccroche à son âme sœur, comme toujours, et à jamais. Et il fait bien. Il se fige en voyant un bateau arriver. Il n’a plus été en contact avec d’autres humains depuis 100 ans, c’est à peine si son cerveau fonctionne encore. Le bateau est maintenant si près, il peut voir des têtes apparaître pour le regarder, tel un monstre de foire. D’autres se pressent pour mettre un canot à l’eau. Matheus est terrifié et soulagé à la fois. Aussi lorsqu'une main se tend vers lui pour l’aider à se hisser, il nage d’abord dans l’autre sens. Désorienté, il craint d’être repêché par les mauvais mortels. La panique le gagne et les personnes qui tentent de le tirer hors de l’eau se prennent finissent par se prendre des coups. Qui a dit que ce serait facile de le repêcher ?


Present - mars 2021, Toronto

C’est pas simple d’être là, à visage découvert, et sans Yixi pour lui proposer un thé Long Jing et des gâteaux. Puis c’est quoi ce temps ? On se les gèle ! Il le sait pourtant, mais il a l’habitude se balader en short et sandales les trois quarts de l’année, alors forcément, ça le surprend à chaque fois. Heureusement qu’il est un rayon de soleil à lui tout seul. Bon heu, salut. Rahim. C’est heu. C’est moi. Soupir. Il répète son introduction devant la vitrine de la librairie. Il a l’air d’un débile à contempler son reflet dans la vitre et à se parler à lui-même, mais les gens se retournent même pas sur son passage. Tu sais, moi. Bah non, il sait pas, justement, c’est bien le problème. Il sait pas que tu es venu le voir en douce pour faire disparaître les rêves. Il a peut-être eu des doutes parfois, mais bon, il était déguisé, donc il peut pas faire le rapprochement. Matheus met finalement un pied dans la librairie, à quoi, 10 minutes de la fermeture, après s’être assuré que c’était safe à peu près dix fois. Mais il a l’impression de faire un truc mal, comme avec Lova au début quand il n’osait pas l’appeler ou la voir. Il va en falloir des années avant qu’il retrouve un semblant de sérénité. Il aurait tellement besoin d’un thé là tout de suite. Les yeux dans le vague, il peut voir Yixi, et même l’entendre, à passer d'une table à l'autre, là-haut dans son salon de thé, et ça lui arrache un sourire. Si Lova fut son ancre, toutes ces années sous l’eau, il lui arrivait aussi de se raccrocher à Yixi comme le ferait une étoile de mer à son rocher. Non mais stop. Encore une minute de plus et il va se mettre à chialer comme un bébé en plein milieu de la librairie de Rahim.

Tiens, tiens, le voilà. Il a l’air… crevé ? C’est pas la grande forme en tout cas. Il conseille une vieille dame, probablement à la recherche du dernier thriller paru. Toutes les vieilles dames qui lisent adorent les thrillers et les serial killer non ? Lui en tout cas, il se méfie toujours des vieilles dames. Bon mais avec tout ça, il n’a aucune idée de comment l’aborder. Il décide d’attendre la fermeture, c’est dans quelques minutes. Il prend quelques livres pour patienter et fait l’inventaire un peu plus loin. Il repère le coin lecture aménagé par Rahim, et prend place autour de l'un des petites tables, pour voir ce qu’il va commencer en premier. Klara And The Sun, doit être bien celui-là, qu’il marmonne pour lui-même, passant au suivant. The Guest List, mouais, la vieille dame apprécierait certainement. Mexican Gothic ! Ouuuuh, voilà le gagnant. Bon mais attendez, ne serait-ce pas là le meilleur moyen de ne pas faire face à ses responsabilités ? Il lève les yeux un instant, Rahim est toujours coincé avec la vieille dame. L’excuse parfaite pour retarder encore un peu cette rencontre avec le protégé de Yixi. Et pourtant, il trépigne d’enfin faire sa connaissance, maintenant qu’il n’est plus vraiment un danger pour leur constellation. Par réflexe, il regarde par-dessus son épaule, juste pour être sûr, et calmer son angoisse grandissante.

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Past - 1968, quelque part dans le triangle des Bermudes Pour une première mission, tu voyages loin, Rahim. Loin de chez toi et de tout ce que tu connais, loin d’une vie plutôt cadrée. Pourtant, tu ressens cette fierté de faire parti de ceux ayant été choisis et ton père l’es tout autant. Il faut bien un Adorateur (au moins) plus haut gradé afin dans l’organisation afin de s’assurer que tout ce déroule de la meilleure des façon. Tu connais les légendes sur le Triangles des Bermude et si tu crains légèrement de faire partie du nombre des disparus dans cette partie du monde, t’es aussi excité comme une puce. T’es déterminé à remplir cette mission à bien et rien ne se mettra au travers de ta route. Plus tard, quand les années passées t’auront endurcis, tu grimaceras en te souvenant de cette légère arrogance. De toute façon, ça ne durera pas. Tu l’ignores encore, mais tu seras bientôt rendu humble par la suite de la mission.

Tu fais partie de ceux ne souffrant pas du mal du mer et c’est un soulagement. Tu n’hésites pas une seule seconde quand un des homme crie qu’il a un homme à la mer, te proposant immédiatement pour faire partie le l’équipe de recherche. Tu aurais très bien pu sauter à même l’océan, mais t’as un peu plus de jugeote, à savoir, on ne rigole pas avec les courants marins, merci bien. Vous êtes trois, dans la barque et t’es le premier à attraper le bras de l’homme à la mer et peu de temps après vous êtes deux à le hisser hors de l’eau. Tâche des plus compliquée, quand ce rustre décide d’y mettre de la mauvaise volonté. « On veut juste pour sortir de là ! » Tu essaies de le rassurer, tandis que ton acolyte grimace suite à un coup à l’épaule. Le pauvre homme a clairement vu de meilleur jours, tant il fait peine à voir. Tu répètes la même chose dans les quelques langues connu à ton répertoire et les deux autres t’imites, lorsqu’il semble réagir à l’une plutôt que l’autre, c’est signe de continuer dans celle-ci, au lieu de s’évertuer à parler dans le vide.

Present - mars 2021, Toronto Des fois, tu penses être un peu con et aurait dû fermer la librairie. Si ta clientèle habituelle est toujours présente, celle de Yixi l’est également et c’est toujours un crève-cœur de devoir leur expliquer pourquoi le salon de thé est fermé. Ajouté à ça avec des nuits d’un repos douteux, autrement nuit, le sommeil t’a déserté pour un temps – surprenant, vraiment. Mais tu n’as pas trop le choix que de continuer sa journée, s’occuper des gens et de penser aux recommandations plutôt qu’à tes malheurs. La distraction n’est pas mauvaise, ça te permet de trouver la perle rare pour une dame qui adore les histoires policières, avec des serials killers, d’une autrice qu’elle ne connaît pas et elle repart avec les deux premiers tomes en ta possession. Tu sais aussi qu’un homme est entré depuis un moment, installé dans le coin fait pour patienter, quand tu t’occupes d’un client. Tu t’avances vers lui une fois que la vieille dame – l’ironie ne t’échappe pas – quitte les lieux, après une nouvelle ribambelle de remerciements et la promesse de revenir te voir pour qu’elle partage son avis sur ces deux ouvrages. T’aime bien ton boulot simplement pour cette raison, Rahim. Le contact avec la clientèle, s’il est dangereux sur le long terme, a quelque chose de terriblement plaisant quand il n’est pas teinté d’agressivité. « Je peux vous aider ? » tu lâches simplement, trop fatigué pour vraiment étudier son visage, « Voilà deux styles diamétralement différent. » Tu fais remarquer, connaissant tes petits livres.

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Past - 1968, quelque part dans le triangle des Bermudes

Pourquoi te débattre, Matheus ? Pourquoi vouloir rester dans cet océan de malheur ? Tu n'as plus de chaînes aux poignets, tu peux t'en aller. C'est quoi cette voix ? Les rétines du rescapé cherchent le soleil, pensant qu'il parle, que c'est de là que provient cette voix imaginaire. Entre ce qu'il croit entendre et les voix réelles qui s'élèvent autour de lui, il ne comprend rien, et lutte contre tous. Il menace plusieurs fois de faire chavirer la barque dans laquelle se trouvent trois âmes charitables, venues jusqu'ici pour lui. Mais l'air lui pique tout le corps, le soleil lui brûle les yeux, sa peau cherche la sensation apaisante de l'eau, et son cerveau ne reconnaît plus les sons de la surface. Il halète, panique et tremble. Мы просто хотим вытащить тебя отсюда!* Ses yeux viennent se poser sur l'homme qui aligne quelques mots en russe. Cette langue représente tant de choses à ses yeux. Lova, surtout. Mais globalement, du réconfort, de l'aide. Мы здесь чтобы помочь вам.** Un autre tente lui aussi le russe en voyant que Matheus commence à se calmer et réagir enfin positivement à leur tentative de sauvetage. Il accepte alors la couverture de survie qu'on lui pose sur les épaules, cachant sa nudité. Il tremble toujours sur ses jambes, c'est à peine s'il se souvient encore ce que marcher veut dire, lui qui pourtant courait sur des kilomètres dans les jungles du Mexique. Des mains tentent de le faire asseoir, les voix reprennent leurs paroles incompréhensibles, alors il ferme les yeux, essaie de se concentrer, essaie de comprendre et de faire confiance.

Matheus se retrouve collé de force entre les bras d'un jeune homme alors qu'ils rejoignent le bateau. Incapable de parler, il se contente d'écouter et de redécouvrir le contact humain. Il réalise qu'il meurt de soif quand il sent de l'eau non salée toucher ses lèvres. Ses mains tentent de se mouvoir et d'attraper cette gourde d'eau qu'on lui tend. Il renonce devant la difficulté et se laisse finalement biberonner comme un bébé. Il tente de se rappeler ce qu'il fait là, qui il est, mais rien ne vient. Seul un visage émerge lorsqu'il ferme les yeux. Celui de Lova.

*On veut juste vous sortir de là !
** Nous sommes là pour vous aider.

Present - mars 2021, Toronto

Des bruits de pas se font entendre dans sa direction. Il préfère faire mine de ne pas avoir entendu, pour le moment. La vieille dame quitte boutique, les voilà plus que tous les deux. C'est maintenant, donc. Maintenant que tu le rencontres pour de vrai. « Je peux vous aider ? » Ah, c'est marrant ça. Il veut tout le temps aider apparemment, Rahim. « Voilà deux styles diamétralement différent. » Ses yeux sont concentrés sur les bouquins, plutôt que sur Matheus, qui a relevé la tête vers lui. Ça le dérange pas de parler bouquin plutôt que d'entrer directement dans le vif du sujet. Parce que franchement, débarquer comme ça, sans savoir par quoi commencer ni s’il va lui faire une Nobu, ça lui fait monter le stress. Et avec son hypervigilance qui commence à poindre, ça ne fait pas bon ménage. Ah j’avoue, j’ai pas trop fait attention aux genres. Mais je veux bien ton avis sur ma sélection. La diversion est bienvenue et Mathy ne se gêne pas pour s'y engouffrer. Mes goûts sont simples, j’aime bien tout ce qui se passe au Mexique. Pour ça que j’ai pris instinctivement celui-là. Il tapote du bout du doigt la couverture de Mexican Gothic. Puis son attention dérive vers son second choix. Et le soleil... il a une part importante dans ma v.. mon existence. (réduire ça à une vie de mortelle serait une insulte envers Huitzilopochtli, il se rattrape donc bien vite) Donc entre les deux, mon cœur balance. C'est que ça lui plaît bien finalement, de commencer par là, comme s'ils se rencontraient pour la première fois. Il ne sait même pas s'il se souvient, Rahim. C'était un bébé de quoi, 18, 19 piges à l'époque ? Et Matheus n'était qu'un pâle reflet de ce qu'il avait pu être, avant le grand bain. La mine pensive, il lâche doucement Tu l'as déjà fais tu sais... M'aider.

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Past - 1968, quelque part dans le triangle des Bermudes C’est le russe qui fais réagir l’homme à la mer et t’en connais pas suffisamment pour continuer à dialoguer dans cette langue, alors c’est un des autres gars avec toi qui reprend, « Мы здесь чтобы помочь вам. » Et c’est ce qu’il fallait pour convaincre le noyé d’arrêter de donner des coups, tu devines déjà l’arriver d’un bleu. Vasili prononce le mot eau en russe, tendant une gourde mais tu finis par la prendre et plus ou moins coller le goulot à la bouche de l’homme, pour l’aider à boire, puisque ça a l’air un peu compliqué. T’ignores depuis combien de temps il traîne ici, mais il semble épuisé, c’est bien la moindre des chose à faire. « Ça va aller. » Tu marmonnes doucement, rebouchant la bouteille quand il a suffisamment bu et se laisser aller contre toi. Tu peux pas manœuvrer la petite barque, tes bras étant pris et tu ne te vois pas glisser le pauvre homme sur le fond en bois. « Rejoignons le navire. » tu glisses en anglais aux deux autres qui hoche le tête.

Ça prend un peu plus de temps que prévu, car hisser un corps endormis demande une certaine organisation et finalement, c’est tout la barque qui est remontée. « Je sais pas s’il va réveiller entre temps, mais il est possible que ce soit le cas et qu’il se débatte, alors descendons-le de là vite. » Tu t’adresses à Vassili. Pas besoin d’être un génie pour deviner qu’il doit rester dans les parages, après tout. « J’vais chercher de quoi le sécher. » S’exclame le troisième compère qui s’empresse de déguerpir, peut-être pour partager la nouvelle d’un homme repêcher. Environs cinq minutes plus tard, on vous rapporte une civière sur laquelle vous déposez la forme de l’homme et à partir de maintenant, ce sera beaucoup plus simple de le transporter et avec l’aide de Vassili, vous le recouvrez d’une couverture de survis, le temps de l’emmener dans le coin d’infirmerie.

Present - mars 2021, Toronto

La cliente partie, tu t’occupes enfin de l’homme assis sur le canapé depuis un moment, remarquant par le fait les deux livres qu’il tient aux genres différents, « Ah j’avoue, j’ai pas trop fait attention aux genres. Mais je veux bien ton avis sur ma sélection. Mes goûts sont simples, j’aime bien tout ce qui se passe au Mexique. Pour ça que j’ai pris instinctivement celui-là. » Tu hoches la tête, comprenant parfaitement. Puis c’est aussi c’est ton boulot, de donner ton avis sur les bouquins, mais l’homme ajoute autre chose, avant que tu puisses commencer, « Et le soleil... il a une part importante dans ma v.. mon existence. Donc entre les deux, mon cœur balance. » T’as un petit sourire, « J’aurais tendance à dire de prendre les deux. » En toute objectivité bien sûr, « Klara and the Sun, ça va être de la science-fiction et une dystopie. Écrit par Kazuo Ishiguro, le roman était sur la liste de sélection du prix Booker de cette année. » Tu pointes ensuite du doigt le second roman, « Mexican Gothic, on va être un peu plus dans le Fantastique, une histoire avec des secrets de famille. » Tu donnes un peu plus de détails pour comparer ces deux romans, avant de terminer par « Je ne peux pas en dire plus, maintenant. » Tu n’as pas envie d’être accuser de spoiler. Il ne manquerait plus que ça. « Lequel te tente le plus ? » Après tout, c’est pas toi qui va les acheter. « Puis sinon, je peux te conseiller des livres similaires, j’en ai quelques-uns. » T’es libraire, ça aide. Tu te détournes pour remettre en place dans les étagères des livres qui ont été déplacés et pas remis correctement. Les gens sérieusement.

« Tu l'as déjà fais tu sais... M'aider. » Surpris par cette remarque, tu te retournes, « Hm ? » Très peu éloquent, tu étudies un peu plus sérieusement le visage de l’homme, plus concentrer à identifier les traits apparemment connus, les sourcils froncés, « Oh. » Tu clignes des yeux, le souvenirs encore assez récent, à l’échelle de temps qui t’attend. « Ben t’as meilleure allure. » Tu ne mâches plus vraiment tes mots, pas comme à tes dix-ans.

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Past - 1968, quelque part dans le triangle des Bermudes

Il y a du mouvement, on le ballotte, de gauche à droite, on le manipule, mais c'est à peine si son cerveau est capable d'interpréter la situation. Il s'épuise d'autant plus à essayer de comprendre, mais il devait s'assurer d'être avec des amis et non des ennemis. Les mouvements s'arrêtent enfin, après quelques minutes, il semble être arrivé à destination. Matheus entrouvre les yeux, et ce qu'il aperçoit le terrifie immédiatement. C'est quoi, ... un labo ? Les bruits qui parviennent à ses oreilles, cette lumière artificielle, cette... forme qui s'approche de lui. C'est trop. Les labos et les trucs médicaux, c'est la mort assurée. Il s'agite, arrache cette... couverture ? Il force son corps, épuisé, à se mouvoir pour quitter la civière. On lui crie des trucs qu'il ne comprend pas, mais il croit reconnaitre de l'anglais. Au moins ce ne sont pas les Espagnols qui l'ont retrouvé pour l'emmener dans leur Nouveau Monde.

Son cerveau mélange les peurs et les époques, le perturbant davantage. Mais ses réflexes accrus eux, se mettent doucement en marche, à la vue de la seringue bien trop grande qui tente de s'approcher de lui, et des bras de plus en plus nombreux qui tentent de le maîtriser. Non, il ne faut pas qu'ils gagnent. Sur sa peau, ce sont des mains de mortels. Ils ne veulent pas lui venir en aide. Ils veulent l'étudier, le disséquer, le faire mourir encore et encore. Mais il est mort trop de fois déjà, ils n'auront rien à tirer de lui.

Sa main droite vient tout à coup enserrer le poignet qui s'offre à lui, et dont la main lâche aussitôt cette seringue de mort. Il entend le cri de l'homme en face de lui croitre au fur et à mesure qu'il ressert sa poigne. Il ne sait même pas d'où lui vient cette force, il n'est plus que l'ombre de lui-même. Les autres, peut-être. Les étoiles. Il peut les sentir, dans sa tête, dans son corps, il y a comme une présence rassurante. C'est bien la seule ici. Lova ? Est-ce qu'elle est là ? Lo...vvv-a. Il ne reconnait même pas le son qui sort de sa bouche. Penser à elle, la chercher dans la pièce, offre à ses ennemis une ouverture. Une douloureuse sensation de piqûre lui irradie alors dans toute la cuisse. Les bras contre lesquels ils luttaient gagnent finalement et le plaquent au sol, le temps que le sédatif fasse son effet. C'est fini, ils l'ont eu, ses paupières se referment et ses musclent se relâchent. Il est à leur merci.

Present - mars 2021, Toronto

Il n'en fallait pas plus pour que Rahim le libraire se mette à l'œuvre. Mathy écoute un peu, mais se trouve vite à le détailler pendant qu'il parle. Il n'est pas exactement comme dans ses souvenirs, forcément, le petit a pris un peu de bouteille comme on dit. Pas tout à fait une vie, enfin, si on se base sur l'espérance de vie contemporaine. « J’aurais tendance à dire de prendre les deux. »  Prendre les deux ? Il a le sens du business. Il ne peut s'empêcher de lui lâcher un sourire entendu. Oui pourquoi pas... y a des promos en ce moment ? Bah quoi ? Il a pas la tronche (ni l'âge) d'un étudiant, mais Mathy est toujours fauché, c'est bien connu. Il pense avoir de quoi pour un livre... mais il veille toujours d'avoir 4 dollars pour un sandwich au piment quelque part. Il a ses adresses, même ici, à Toronto. Tu fais crédit sinon ? demande-t-il à demi-mots après avoir check son portefeuille. Bon au pire, il n'en prendra qu'un hein. Puis il n'est pas encore décidé, alors il se reconcentre sur les précisions de Rahim. Des secrets de famille tu dis ? Mmh. Ça me parle. C'est pas simple hein, la famille. Aha, ou comment mettre les pieds dans le plat by Matheus Morales. Bientôt dans toutes les bonnes librairies ! « Lequel te tente le plus ? » Mathy fait mine de réfléchir. S'il se montre hésitant, il peut espérer avoir un prix sur les deux. « Puis sinon, je peux te conseiller des livres similaires, j’en ai quelques-uns. » L'Aztèque secoue immédiatement la tête. C'est sympa, mais si tu me donnes trop de choix j'y arriverais jamais. Puis, je lis plus tant que ça maintenant que... je dois plus passer mes journées planqué, à craindre pour ma vie ou à faire des plans pour tuer avant d'être tué ? Nope, mauvais timing. Maintenant que j'ai repris... le boulot.

Puis bon, forcément, Rahim fait les connexions et lui prête une attention différente maintenant qu'il a parlé d'aide mutuelle. Ça fait bizarre de se faire détailler le visage comme ça, mais enfin, il faut ce qu'il faut.  « Oh. » Eh oh, il vaut mieux que ça non ? Faut qu'il regarde de plus près hein. « Ben t’as meilleure allure. » Humpf. Il n'avait rien à voir oui ! Mais bon, pas forcément avec moins d'emmerdes. Juste ce qu'il faut pour se présenter à lui aujourd'hui. Ouais, au moins là je peux faire des phrases. Et je te prends pas pour un de ces fous un peu trop fan d'aiguilles. Je préfère les librairies aux infirmeries. Bon... et maintenant ?  Il sort à peine de plusieurs années de cavale, il ne sait plus faire la conversation. Comment... tu vas ? Cette question peut amener tellement de réponses différentes... Mais par quoi commencer ? Il y a tant de choses à dire...

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Past - 1968, quelque part dans le triangle des Bermudes T’as vraiment conscience que les traumatismes font perdre la notion de réalité, Rahim, mais t’es jeune et ça commence à t’agacer de recevoir des coups à droite à gauche parce que le noyé sait pas où il se trouve, ou une autre connerie du genre. Si ça continue, pour leur sécurité à bord, ils vont devoir l’attacher, mais tu ne peux pas que ce soit une idée si brillante. T’as beau ne pas être un génie, t’es tout de même capable de faire cette connexion dans ta petite tête, « C’est qu’un couverture ! » Tu lâches, grimaçant sous la douleur de ton poignet encerclé par les doigts de l’homme. « Dis-lui, Vassili. » Tu hèles à l’homme qui s’est décalé pour éviter d’être victime à son tour. Lâche. Mais au moins s’approche-t-il suffisamment pour répéter tes paroles. Ça n’a cependant pas l’air de faire réellement d’effet, mais t’aimerais bien qu’il arrête de s’agiter comme un poisson, c’est bon, il a été sorti de l’eau, « Lo...vvv-a. » Tu clignes des yeux et échange un regard circonspect avec l’autre homme. Finalement, c’est contre tes principes qu’ils finissent pas utiliser un tranquillisant pour endormir le noyer. Pas sûr que ça lui donne envie de leur faire confiance, mais aux grand maux les grands remèdes, raconte-t-on.

Au moins de cette façon, vous pouvez le déplacer dans l’infirmerie où deux personnes arrivent pour immédiatement s’occuper de lui. C’est la surprise, ensuite, car la présence du trop de sel sur la peau semble se dissiper lentement. C’est une bonne chose que vous soyez entre Adorateur, non ? Était-ce là la véritable mission ? Tu l’ignores, Rahim. Le soucis étant que t’es ni infirmier, ni médecin, alors on te met gentiment dehors. T’as alors plus qu’à attendre, alors qu’à l’intérieur on s’active pour vérifier si l’homme n’a pas de blessures apparentes. Et peut-être lui fait-on une nouvelle coupe, pour qu’il ait moins l’air d’une créature de la mer étrange.

Present - mars 2021, Toronto

« Oui pourquoi pas... y a des promos en ce moment ? » Tu arques un sourcil, « Pour deux poches achetés, le troisième est offert, mais seulement ceux-là. » Tu rétorques, pas du tout désarçonné par la question. « Tu fais crédit sinon ? » Tu as un reniflement, « J’ai l’air d’un banquier ? » Tu ne crois pas, non et même en tant que faussaire, tu évites les embrouilles du style on te paie plus tard. Les factures, elles doivent bien se payer. Peut importe d’où vient la monnaie (c’est faux, ça importe, mais tu es bon dans ce que tu fais). Tu as néanmoins résumé les différents livres, « Des secrets de famille tu dis ? Mmh. Ça me parle. C'est pas simple hein, la famille. » Tu hausses les épaules, accord silencieux s’il en était. Tu n’es pas banquier, mais tu n’es pas psy non plus. T’as aussi l’impression que l’homme tourne autour du pot, alors tu ne sais pas sur quel pied danser, « C'est sympa, mais si tu me donnes trop de choix j'y arriverais jamais. Puis, je lis plus tant que ça maintenant que… Maintenant que j'ai repris... le boulot. » Tu hoches la tête, ça fait sens, « T’as les livres audio, au pire. » Une alternative très pratique. Tu en as quelques-uns dans la boutique, si jamais.

Ce que t’as fais, aussi, c’est réaliser qui t’as en face de toi. Enfin. Pas encore complète qui, mais déjà qu’il s’agit de l’immortel repêché il y a des années, « Ouais, au moins là je peux faire des phrases. Et je te prends pas pour un de ces fous un peu trop fan d'aiguilles. Je préfère les librairies aux infirmeries. » T’as un léger reniflement, « Je peux comprendre, l’odeur est déjà mille fois mieux. » Et maintenant, t’es plutôt sensible des narines, un énorme changement, s’il en était. « Comment... tu vas ? » Tu clignes des yeux, perplexe. Voilà une question étrange venant d’une personne – aussi immortelle soit-elle –que tu ne connais pas, « Ça pourrait être pire, ça pourrait être mieux. » Quelle belle réponse, riche en argumentation. Pour ta défense, tu ne sais pas trop ce que l’immortel souhaite et c’est un tantinet stressant.