Bastian •• be afraid but do it anyway

We were so scared of forgetting that we missed the moments we were supposed to remember

[823-865]

Naître pour mourir. Quel étrange concept… Vivre rapidement pour assurer la descendance et la survie de sa civilisation. Voilà ce dont Bastian se souvient comme devoir. Il devait surtout se concentrer sur ça, plus que de devoir faire des oeuvres religieuses en tant que artisan. Il devait se concentrer avec sa femme à faire des descendants qu'ils ont eu: deux garçons. Il devait se concentrer pour trouver la nourriture, récupérer les récoltes pour le ramener et donner à sa femme qui va cuisiner. Un effondrement climatique dû à la destruction de la forêt pour la cultivation qui ne marche pas, trop de monde. Des invasions sans arrêt des sauterelles qui détruisent tout sur leur passage. Ce n'est pas une vie qu'il vit, mais un cauchemar Wayak'. Il a fait tout son possible pour surmonter les épreuves que les Dieux lui faisaient subir.

Mais trente jours.

C'est si court pour ceux qui n'ont pas connu la faim, la sous nutrition qui vous tord les tripes, qui vous fait perdre la tête, qui vous donne envie de manger la terre aride pour couper cette faim. Si long pour ceux qui la subissent. Il a toujours donné la nourriture à ses enfants, à sa femme, à ses petits enfants. Il est toujours passé en dernier alors que c'est qui lui en a grandement besoin pour continuer à en apporter, mais bon il est trop vieux, il est déjà condamné. Il va mourir un jour ou l'autre.

Puis un jour il rentre avec un peu de nourriture dans les mains, marcher jusqu'à sa maison est difficile mais il y était presque quand une personne surgit de nulle part pour sauter sur lui, elle voulait lui voler sa nourriture. Wayak' a essayé de le dégager de là, mais il a perdu l'équilibre lors de sa lutte et il s'est fait poignardé à plusieurs reprises.

Tout est noir et c'est tant mieux, il va pouvoir revenir sous une autre forme avec moins de souffrance.

[865-1050]

Wayak' n'a aucune idée de à quoi ressemble réellement une vie après la mort. Si c'est que pendant un moment, il n'a rien senti du tout et que du jour au lendemain, il s'est réveillé dans une place un peu différente. Mais il reconnaît le coin. Il a perdu connaissance sur le chemin ? Pourtant il se rappelle bien d'avoir été attaqué, de cette douleur vive au ventre. Il a perdu la nourriture en plus, ce n'est pas grave: l'important c'est d'être vivant non ? Mais ce qui est étrange, c'est qu'il se sent beaucoup mieux. Plus en forme comme jamais. Les souvenirs restent quand même vifs, il ressent cette sensation d'oppression dans son estomac...

Il revient retrouver sa famille, mais apprend qu'il avait disparu pendant plusieurs jours et que tout le monde avait pensé qu'il a été dévoré par une bête sauvage. Pendant son absence, sa femme est morte de faim et ses enfants survivent tant de mal que de bien. Mais il fera confrontation avec son agresseur qui certifie haut et fort l'avoir tué et l'avoir mangé. Les doutes envahissent les survivants de la tribu, le vieux Wayak' a expliqué s'être perdu dans les tréfonds de la jungle pour chercher à manger, mais n'a rien retrouvé. À ces dires, tous mettent la faim comme raison à la folie de cet homme qui assure l'avoir tué.

Mais les soupçons montent de plus en plus au fur et à mesure que le temps passe. Beaucoup décèdent autour de lui, qui souffre de la faim aussi mais qui se retrouve plus fort que toute la tribu réunie. Il tait sa maladie qui le rend sensible à tout et de ses réflexes qu'il ne contrôle pas. Wayak' sait que quelque chose ne tourne pas rond chez lui.

Il a commencé à paniquer dès qu'il a vu qu'il ne pouvait pas être blessé et que sa tribu a commencé à en parler à d'autres. Il apprend par ses fils que les prêtres vont venir, mais la peur l'irradie: est-ce qu'on va encore le tuer, lui infliger des souffrances pires que la faim ? Wayak' décide d'être lâche et de disparaître du jour au lendemain pour être dans le fin fond de la nature, seul, isolé de tous. Laissant sa tribu livrée à elle-même dans le mal.

Il se dit que les dieux le testent et veulent qu'il soit témoin de leur courroux. Peut-être qu'ils voulaient lui montrer ce qui arrive à la population à vouloir être plus proche du ciel. Pour punition, il aura vu de loin toute sa civilisation disparaître... Tout est encore si flou pour Bastian quand il essaye de se souvenir de cette période. Il se rappelle surtout qu'il avait la tête dans le brouillard, trop gêné par ses dons qui lui pourrissaient la vie et qui l'aura bien occupé pendant plusieurs décennies...

[1050-1321]

La traversée du désert.

Il a vu beaucoup de civilisations disparaître, des gens autour de lui mourir pendant qu'il reste indifférent à la règle du temps. Il est figé à son vieux âge, tout le monde le prend pour un sage, un voyageur, un espion, un ennemi. Il ne compte pas le nombre de fois qu'il est mort de faim, ni quand il se fait trancher, quand il se fait enterrer, retrouver dans la mare de personnes mortes... Afin de limiter ces décès contre son gré, il devient maître dans l'art de disparaître et fuir. Son ouïe s'affute de plus en plus et lui est une véritable aide pour prendre l'accent et apprendre les langues locales. Son goût l'aide à trouver ce qui lui semble comestible ou non, quitte à en tomber malade.

Le temps passe si lentement, trop lentement. Les voyages sont si longs. Il a beaucoup bougé et il n'a aucune idée d'où il est. Mais il sent qu'il est attiré par une voix, un pressentiment qui lui dit de monter, de bouger. Et il fait confiance à cette voix féminine.

Bastian sans le savoir arrive en Amérique du Nord.
S'il avait une application trip advisor, il aurait noté 0.5/5 pour l'accueil (0.5 point pour la lame bien affutée).
Parce qu'à peine arrivé, il s'est fait tué par une tribu.

Il est revenu à la vie quelques jours plus tard, sous les regards médusés de la tribu qu'il a à nouveau croisé (sans faire exprès, c'est difficile de se cacher dans un désert) et voilà qu'il est considéré comme une divinité. C'était une chose qu'il voulait absolument éviter, encore plus quand cette tribu se met à en parler à d'autres, qu'elle laisse des témoignages d'art (qu'il va récupérer après pour les garder avec lui ou les cacher). Il n'est pas un dieu, il n'est pas un envoyé non plus (même si tout pousse à y croire), cela le gêne extrêmement d'être considéré comme étant une divinité pour un petit peuple...

Mais pourtant, cette réputation lui aura été utile, car c'est là qu'il la rencontre enfin, ce qu'il cru être cette femme qui lui parlait dans la tête depuis des décennies: Tal.


[1338-1376]

"Je te l'avais dit. Le monde s'arrête là. On ne peut pas aller plus loin."

Le froid claque dans les oreilles de Bastian. Il entend à peine la voix de Tal, ses doigts et ses pieds lui font tellement mal. Il a surtout faim et il est difficile de manger une nourriture complètement congelée. En plus, il faut trouver la nourriture pour deux personnes maintenant que cette jeune amérindienne a décidé de le suivre. Elle n'était pas obligée, mais elle ne lui a pas laissé le choix en partant avec lui, en trainant derrière pendant plusieurs jours avant qu'il ne cède et se mettent enfin à marcher côte à côte. Il n'a pas arrêté de grogner des chido lassés, à chaque fois qu'elle joue à mademoiselle je -sais-tout. Mais dans le fond, le voyage avec elle rend la traversée du désert plus agréable pour lui. Sa voix est agréable à entendre, son rire aussi et ses yeux pétillent d'une intelligence incroyable. Mais elle n'est pas la voix qu'il entend dans sa tête qui lui dit d'aller au Nord. Elle voulait aller au Sud, ne l'ayant pas fait mais il voulait aller au Nord persuadé par la voix qu'il pouvait aller sur une autre terre. Il avait déjà fait tout le territoire du Sud sans trouver cette personne et la frustration grandit de plus en plus...

Ils ont passé beaucoup de temps à apprendre la langue de l'un et l'autre pour pouvoir mieux communiquer pendant leurs voyages. En vrai, c'est lui qui parle surtout la langue natale de Tal parce qu'elle a cette impressionnante manie de parler pour deux, sans lui laisser en placer une... Bastian l'a avoué à un moment, Tal a d'excellente qualités de pisteur et savait éviter les rencontres. Il sait qu'elle est comme lui, elle ne peut pas mourir, elle se soigne toute seule et pourtant, ils ont une différence d'âge et de dons. Quand il lui a parlé de sens super développés, elle ne comprenait pas de quoi il parlait. Tout comme il ne comprenait pas de quoi elle parlait avec cette histoire d'objets qui lui parlent. Même s'ils sont perdus avec leur particularités, ils se sentaient moins seuls.

Après de longs mois de marche, ils arrivent au bout de la Terre froide, il n'y a que la mer et la glace trop fine pour marcher dessus. Il avait ignoré les commentaires de Tal qui n'arrêtait pas de dire que la Terre pouvait bouger.

Frustré et impuissant par les lois de la Nature, Bastian a fini par descendre avec Tal vers le Sud. Le trajet du retour prit plus de temps que le trajet de l'aller à cause de la température d'hiver, que l'un ou l'autre mourrait et ralentissait davantage la marche. C'était leur pire voyage et la seule pire idée qu'ils pouvaient avoir ensemble (ils en rigolaient plus tard).

Sur le chemin du retour, ils rencontrèrent un autre immortel qui dit appartenir à une constellation et qu'il cherchait Tal depuis des décennies...

[1376-1553]

Bastian n'est pas trop sûr de l'année à laquelle il a rejoint l'Ordre avec Tal. Il ne s'en souvient pas trop et encore ces dates ne sont que du hasard, lui qui est toujours resté sur le calendrier Maya à l'époque. Dans tous les cas, avant de se retrouver à l'Ordre, il s'est senti moins en moins seul avec les immortels présent en Amérique. Mais c'était forcément dangereux de rester ensemble alors il s'est séparé de Tal le temps qu'elle aille voir les autres personnes de sa constellation (dont il n'a rien compris à cette histoire, mais il aura des explications plus tard quand il retrouvera Tal par hasard en Italie).

Il s'est retrouvé à nouveau seul, mais en ayant cette fois-ci un but dans sa longue vie d'immortel: sauver tous les témoignages des civilisations disparues. Il a pu récupérer quelques oeuvres et s'est assuré qu'ils soient en sécurité dans des endroits religieux. Il changeait de ville, de pays et d'identité. Il arrivait à mieux s'intégrer dans la population sans qu'il se fasse tuer et sans connaître la famine pendant un moment.

Mais tout chamboula à l'arrivée des conquistadors. Il y eu plusieurs guerres avec plusieurs tribus, Bastian vit encore une nouvelle civilisation sur le point de se faire décimer par ces étrangers venus d'une autre terre. Ils avaient apportés des maladies sans nom et qui étaient dangereusement mortelles, ils avaient apportés la flamme, la destruction et la moitié de son travail fut parti en fumée. L'immortel n'eut pas d'autre choix d'enterrer ce qu'il a pu sauver dans la terre, il y reviendra récupérer plus tard. Enfin, c'est ce qu'il pense, parce que le chemin ne sera pas facile du tout.

Il a réussi à monter dans un bateau en s'incrustant dans la file des Atzèques capturés emmené pour le peuple Espagnol qui a soif de découverte. Bastian veut découvrir cette nouvelle Terre qui semble si loin, mais il est sûr qu'il pourra retrouver la voix de cette femme, qui est sa constellation. Seulement Bastian n'est pas sûr de pouvoir la retrouver aussi facilement. Il a surtout l'idée de vouloir tuer celui qui est à la tête de ce pays, qui est à l'origine de toute cette destruction injustifiée. S'il le tue, le massacre prendra fin, c'est ce qu'il avait naïvement pensé au tout début avant de réaliser durant le voyage que cela ne ferait qu'aggraver les choses non ? Bastian ne put vraiment pas trop réfléchir à son séjour en Espagne que le bateau finit par chavirer et couler lors d'une violente tempête. Il en est mort, mais il a réussi à se retrouver sur les côtes Africaines et il a découvert tout un autre monde, toute une autre culture. Il y a découvert toute une beauté mais aussi des horreurs. Tout est pareil, partout: des mortels qui s'entretuent sans aucune raison, qui abîment l'environnement autour d'eux.

En 1520, Bastian rejoint l'Ordre de l'Hydre après avoir rencontré un membre qui l'y a intégré. Cet ordre lui a tout donné, lui a permis de s'épanouir sur le territoire Européen en tant qu'Espagnol. Ils l'ont aidé à maîtriser un peu mieux ses dons et il leur est devenu utile, ramenant de l'argent grâce à l'art dont il réussit à vendre en tant que marchand. Mais il a fini par partir en Italie pour suivre l'influence de la famille de Médicis à Florence. Il finit par retrouver par hasard Tal, mais il ne l'a pas tout de suite reconnue, découvrant par la même occasion son deuxième don: la métamorphose, elle a changé le teint de sa peau et la couleur de ses cheveux pour faire plus italienne. Elle a aussi rejoint l'Ordre et a une autre mission que lui. Mais ils se retrouvaient assez souvent à Firenze tels de vieux bons amis autour d'une boisson.

Bastian va dans des pays, là où la culture d'art est assez forte, jusqu'à enfin rencontrer Catriona, après 688 ans de recherches de l'un et l'autre.

Finally

[1553-1814]

Il rencontre les membres de la constellation d'Antinoüs et il découvre une nouvelle vision de la vie: un groupe d'immortels avec qui il s'attacherait clairement. Il n'aurait jamais pensé qu'il placerait ce petit groupe qui est comme sa famille, en priorité par rapport à l'Ordre. Mais Bastian arrive à gérer les deux camps, tout comme il apprend grâce aux très précieux conseils de Catriona à maitriser son don de sens surdéveloppés.

Pour continuer à découvrir le monde qui est si vaste que son continent, il dut voyager avec un membre de sa constellation pour aller en Inde. Une nouvelle voix lui dit d'aller là-bas et il n'est pas le seul à l'entendre. À partir de ce nouveau membre de la constellation, Bastian appris les caractéristiques de son cercle qui expliquait la voix qu'il entendait pendant plusieurs décennies... La télépathie, l'empathie, la compréhension de l'autre et cela s'amplifiait quand ils étaient tous à côté. C'est encore une autre forme de don.

Bastian profite des guerres d'entre les pays pour récupérer les oeuvres volées, notamment en Espagne (comme vengeance pour tout les maux que ce pays a fait à son continent). Il s'intéresse également à la musique classique qu'il a fini par apprendre à jouer quelques instruments, aidé par son oreille absolu. Il ne cachera pas sa petite fierté d'avoir rencontré le génie Mozart (même si en vrai ils ne se sont jamais parlé, juste vu mais Bastian aime beaucoup sur-jouer là-dessus: Mozart quand même !). Il se débrouille pour récupérer des oeuvres qu'il fera garder au sein de l'Hydre, jugeant que cela peut leur être utile à l'avenir. Il ne s'est jamais arrêté, il a continué jusqu'au bout, entre les missions pour l'Ordre, sa constellation et sa mission personnelle qui est de sauver tous les témoignages des civilisations opprimées par les Européens. Ces derniers cherchent à supprimer tout témoignage honteux de leur passé selon Bastian qui reste persuadé que le karma les rattrapera. S'il y a une civilisation qui devrait disparaître, ce serait les Européens.

Puis il finit par partir au Mexique ayant eu vu de la guerre d'indépendance. Il devait s'impliquer pour l'indépendance, le contrôle de ce peuple par les Européens avait duré trop longtemps. Il devait aussi récupérer les oeuvres qu'il a fait enterrer à certains endroits, sans se douter que tout a beaucoup changé et que la tâche serait bien plus compliquée que prévue...

[Octobre 1945]

Ce jour-là, Bastian s'en souviendra contrairement à d'autres jours, périodes où il est censé d'en souvenir. Pas parce que c'est arrivé il y a moins de cent ans. Pas parce qu'il a pu récupérer autant d'oeuvres d'art et profiter d'en faire disparaître quelques uns, ni qu'il a pu faire des cambriolages d'une main de maître (même s'il s'est fait tué par une blessure par balle). Ni parce que Tal est restée avec lui tout du long de cette seconde guerre mondiale et qu'ils se sont fait passer pour un couple d'Italiens. Ni parce que tout ceci est terminé et qu'il va devoir se débrouiller pour changer d'identité encore pour que personne ne remonte à lui pour tout ce qui concerne les oeuvres. Encore moins pour son voyage imminent pour l'Amérique du Sud.

"Non Marius, ce que j'essaye de vous dire depuis le début, c'est qu'il ne faut pas chercher à contrôler cette machine nucléaire pour l'utiliser ensuite..." réplique calmement Bastian qui garde sa patience face au chef de l'Ordre qui semble être trop enthousiasme de cette nouvelle invention.  

Il essaye d'utiliser sa position de conseiller à ce chef, pour faire comprendre que cette arme nucléaire n'a rien de bon à garder. Elle décime tout sur son passage, elle détruit tout, même tout ce qu'il y a sous terre. Bastian ne voit que la destruction là où Marius voit les opportunités. "Les Américains ne sont pas mieux que les Européens et n'en parlons pas des soviétiques... Tous autant colonisateurs les uns et les autres mais surtout destructeurs. Ils n'iront pas plus loin dans leur création nucléaire et préféreront montrer qui est le plus puissant. La troisième guerre mondiale va vite arriver."

Pour un Bastian qui aimerait la mort de ces colonisateurs destructeurs, il étonne Marius. Mais il lui faut comprendre que cela n'a aucun bénéfice de maitriser une arme dont ils ignorent l'effet que ça aura sur les immortels, qui tuera la terre et empêchera toute récolte et rendra leur existence très pénible. Mais rien à faire. Le leader est fixé dans ses idées et les conseils de Bastian ne l'atteignent que trop peu. Il va être effrayé à l'idée de devoir revivre la famine en plus de supporter les radiations.

Si tout le monde est content de la fin de la seconde guerre mondiale et que la catastrophe est évitée. Bastian l'est moins. Il reste encore de ces nazis qui ont réussi à s'échapper et qui sont dans les quatre coins du monde. Mais il ne doute pas qu'ils finiront par être rattrapés. Contrairement à lui.

[février 1973, New York]

"Mais tu n'es pas croyable cara de mierda" "je ne t'ai pas appris à parler le maya yucatèque pour que tu me prolifères des insultes..."

Tal est désespérée. Bastian est surtout exaspéré. Ils sont tous les deux en train de boire du café ensemble. Il l'écoute parler espagnol, à exagérer les gestes à la fois exaspéré et rempli d'énergie colérique. Le vol du musée de Montréal ne s'est pas du tout passé comme prévu, le butin avait une valeur de deux millions de dollars. Il n'avait pas pensé prendre si peu avec ses deux autres partenaires. Ils avaient volé pendant la nuit, ils avaient neutralisé les gardiens, tout se passait bien jusqu'à que ce fut le temps pour Bastian de maudire l'existence d'une alarme électronique qui n'était pas précisé dans leur plan de préparation. Au final, il est parti avec ses deux acolytes avec dix-huit tableaux et une quarantaine de bijoux anciens, au lieu de trente-cinq tableaux...

Ils ont su se volatiliser dans la nature, ce qui a expliqué la disparition mystérieuse de Bastian pendant plusieurs mois, bien trop occupé à mettre les oeuvres en sécurité et entre les bonnes mains... Ou presque.

"Dans une gare sérieusement ?" "Pas mon problème, le client n'a pas réussi à faire une transaction convenable, je l'avais prévenu des risques et il n'a pas voulu adopter ma méthode." Il mange son donut à petite bouchée, mais le regard de Tal pèse sur lui. Bastian dépose son seul repas du jour. "Un Jan Brueghel, ce n'est rien du tout à côté d'un Corot, Delacroix, Rubens, Rembrandt..." une pause. "Quoi ?" parce qu'au final, il se rend compte que ce n'est pas à cause du vol de musée à Montréal qu'elle le rouspète vraiment. "Le monde évolue, et pas en mieux, il est de plus en plus difficile pour nous de se cacher avec toutes ces nouvelles technologies. Tu aurais dû laisser un de tes messagers faire le travail quand même..."

L'inquiétude.

Parce que oui, le monde évolue, les immortels deviennent de plus en plus fragiles. D'autant plus quand les membres du Conclave réussissent à mieux les traquer. Tal et Bastian en ont rencontrés plusieurs durant leur séjour à Firenze, ils ont failli se faire attraper. Si Tal n'est pas affichée dans les recherches grâce à son don de métamorphose, Bastian l'est malheureusement.

"D'ailleurs, est-ce que tu sais ce que fait Chiranth avec les messagers ?" "mh dis m'en plus ?" "avec les Gupta." "Comme nous tous: des immortels qui expriment leur besoin aux messagers." répond nonchalamment Bastian, ne pouvant pas expliquer le secret à Tal.

Des fois il maudit d'être coincé par ses adhérences, qui vont au delà de son amitié et d'un grand respect qu'il éprouve pour Tal.  


[1985-1996]

Gupta.
Un nom de famille qui lui est bien familier, Chiranth ne pouvait pas cacher éternellement ce secret à Bastian, il sut rapidement la vérité: les Gupta étaient les descendants direct de Chiranth et ce dernier joue un jeu assez dangereux à vouloir trop se rapprocher d'eux... À sa demande, Bastian devint l'immortel attitré des Gupta, faisant des fois d'office de messager pour Chiranth qui ne pouvait pas tout le temps leur demander des services directement. Il veillait sur cette famille, mais malheureusement, ce qui devait arriver arriva: les messagers finissent par se faire tuer et à la -presque- surprise des deux hommes liés par leur constellation, Rahim se réveilla dénué de blessures.

Bastian ne se posa pas plus de question que ça et décide de le prendre sous son aile. Il lui a appris pendant des années d'entrainement (douloureux, tortionnaires mais remplis de sagesse) à agir comme un immortel, à gérer ses dons. À savoir effacer ses traces et à changer ses papiers. Tout comme Rahim, à sa manière lui aura appris quelque chose:

"Qu'est-ce que tu fais avec cette chose ?" "c'est une NES et je joue à un jeu: zelda !"

Intrigué Bastian observe Rahim jouer pendant plusieurs jours, à plusieurs jeux lui laissant ainsi la pause des entrainements. Il est assez étonné de découvrir la création des japonais d'une nouvelle forme d'art. Il y voit un avenir, surtout sur Zelda. Et il avait bien raison Bastian, sensible qu'il est, de voir l'avenir dans les jeux vidéos. Il demande aux messagers d'investir dans Nintendo, ce qui pourrait leur apporter beaucoup d'argent en plus pour l'Ordre.

En 1990, un membre d'une constellation vient chercher Rahim, Bastian voyait d'un mauvais oeil le fait que le jeune homme veuille quitter l'Ordre. Alors il use tous les stratagèmes pour le retrouver et vérifier que tout se passe bien, que d'une certaine manière ou d'une autre: il appartient à l'Ordre. Il s'en fiche de ce que pourrait dire Chiranth là-dessus. Mais s'il y a une chose dont Bastian ne pourra pas mentir sur ses raisons de visite à Rahim: l'utilisation du téléphone qui s'avère trop compliqué... Ensuite l'ordinateur, ensuite internet, ensuite... encore et encore la technologie... Même s'il connaît les réponses dans le fond, il joue les ignorants.


[mars 2019]

"Wayak' ne me fais pas fermer les yeux."

Il aurait dû l'écouter. Mais il ne l'a pas fait.

"Je ne peux pas."

Il n'aurait pas dû lui couper la parole, il aurait pu entendre ses craintes et réaliser qu'elle ne serait pas capable de réouvrir les yeux après sa nouvelle mort. Il aurait dû réaliser qu'elle l'appelait par son premier prénom, mais il ne l'avait pas entendu depuis tellement longtemps qu'il l'avait presque oublié.

"Wayak' si on faisait partie de la même constellation, est-ce que tu m'aimerais ? Est-ce qu'on aurait été des âmes soeurs ?" " Pas le moment de poser une telle question Tal."

Et elle a fermé les yeux pour ne plus jamais les réouvrir.


[août 2019, Vancouver - 2021]

Catriona l'avait prévenu.
Il arrive que du jour au lendemain, un immortel devient tout simplement mortel. Mais elle ne l'avait pas prévenu de l'impact psychologique qui suit après ça. Tal est morte, il l'a tuée, pensant qu'elle se réveillerait après. Il a attendu des jours après l'enterrement, des semaines, il l'a sortie de la tombe. Elle n'a toujours pas bougé, ni ouvert les yeux. Elle était tout simplement morte.

Il se retrouve dans un nouvel appartement à Vancouver, assis à côté du réfrigérateur dans le noir. Ça fait des mois qu'elle est partie. Pourtant, il devait savoir que ça allait arriver un jour ou l'autre, Tal n'était qu'une immortelle, elle ne faisait pas partie de sa constellation, elle n'était pas son âme soeur. Elle était juste Tal, mais qui ressentait des sentiments pour lui. Il aurait dû écouter son instinct, même si ça aurait été compliqué de l'écouter autrement que pour sa constellation, mais il y avait des chances qu'il partageait des sentiments pour elle ? Il ne sait rien et il n'en saura jamais rien. Il se rappellera toujours du dernier échange avec Tal avant qu'elle ne ferme les yeux.

C'est terminé.

Cela ne sert à rien de se morfondre là-dessus. Bastian s'est beaucoup renfermé par rapport au décès de Tal, il en parle très peu à son entourage et sa colère vis à vis des humains, notamment du Conclave s'est encore plus intensifiée. Une sorte de contradiction d'esprit et aussi les voix des membres de la constellation le poussent à essayer de se calmer en faisant ce qui le passionne le plus: partager l'art aux nouvelles générations. Il est devenu professeur d'histoire de l'art, évitant de faire les braquages de musées qu'il juge impossible à faire aujourd'hui. Il se concentre surtout sur ses activités de trafiquant, mais aussi de chasseur de trésor, cherchant dans sa mémoire les lieux où il a enterré les oeuvres qu'il a sauvé il y a longtemps, en tant que membre de l'Ordre, en tant que membre de la constellation. Il occupe son esprit autant qu'il peut. Il trouve même un amusement par rapport à l'histoire de Jésus. Mais Tal lui revient en mémoire quand il apprend la mort d'un immortel âgé de plus de 5000 ans tout comme il s'inquiète de l'existence de la lance de Destin...