Retour vers le présent (Sam)

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Retour vers le passé

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@Samuel Lowe
Entreprise qui fleurit des mains de la maîtresse de maison, Klara elle-même. Fruit de nombreux efforts, de jours et de mois et de travail acharné pour, qu’au fil des années, ses idées payent. Recherches à travers les cent dernières années pour redonner aux bijoux un souffle nouveau, gagner la confiance d’une clientèle certaine et accéder, avec sa marque déposée à un rang de distinction plus haut qu’un simple Swaroski. Pierres millénaires, alliage de qualité, exit les contreplaqués et autre vulgaires contrefaçons. Autrefois charmée par le luxe, c’est aujourd’hui l’immortelle qui est l’auteure de ces apparats qu’elle affectionne tant. Femme d’un goût sûr cultivé au fil des années passantes. Ses anciens vices demeurent mais sa mentalité a évolué avec son temps. Nul besoin de recourir à des alliances ou mariages pour subsister puisque les femmes ont un pied bien appuyé dans le monde en 2020. Appréciant cette nouvelle condition, elle s’est émancipée de ces jeux de dupe. Et, si parfois elle s’y adonne ce n’est plus pour vivre dans l’opulence car elle est capable de se l’offrir par ses propres moyens.

Les rues centrales de New York regorgent de boutiques éparses, c’est au sein de ces dernières que se dresse la bijouterie Klara. Grand complexe qui reste cependant intimiste. Etals aux mises en scène diverses, inspirées des voyages de la belle. Colliers, bagues, bracelets et autres pendentifs s’y perdent pour attirer l’oeil. Plusieurs conseillères et conseillers sillonnent la boutique alors qu’elle officie souvent à l’arrière où les petites mains reproduisent ses idées et où, la plupart du temps, elle gère elle-même la production. Au départ, seule, désormais à la tête d'un empire, Grace fut obligée d’engager du personnel à travers ses nombreuses boutiques. Néanmoins, ce sont ses propres modèles qui peuplent ses boutiques. Aujourd’hui n’est pas un jour de travail ordinaire et la tension s’en ressent. Contactée par une chaine de télévision afin de présenter sa nouvelle collection, il faut que tout soit carré. La dragonne aboie des ordres depuis la matinée et n’a quasiment rien avalé puisque le rendez-vous est fixé à onze heures tappantes. Affublée d’une robe noire serrée, poignets, cou et oreilles sertis de ses propres bijoux, Klara tente de garder le minois impassible. Les flammes qui brûlent son estomac. Le sang qui bat à ses tempes. La rage de vaincre.

Dernier tour dans la boutique à replacer certains éléments et sermonner l’une des conseillères pour sa tenue un peu trop décolletée. “Vous comprendrez que j’ai une image de marque à tenir. Vous ne pouvez vous permettre de mettre en avant votre poitrine, bien que saillante, et voler la vedette à mes bijoux. Rentrez-chez vous et allez vous acheter un chemisier d’une taille convenable” lâche-t-elle dans un excès de colère qu’elle ne contient. Personne ne bronche, le ton ne monte guère car ses pas sont impassibles, posés de façon monocorde. La pendule d’or forgée aligne les aiguilles sur le onze qui tambourine. Cœur qui s’affole en même temps. Combattre l'éternité, elle sait faire. Rivaliser contre les hommes pour se jouer d’eux, elle sait faire. Duper pour mieux assassiner est un jeu qu’elle maitrise mais dévoiler son entreprise à la télévision est une première. Et si elle n’attend rien des humains, s’élever au rang de déesse parmi eux lui confère une certaine envie. Elle n’a rien à prouver mais apprécie le challenge.

“Veuillez nous suivre, Monsieur, la propriétaire se trouve à l’intérieur.” souffle une voix un peu plus loin, à l’entrée de la boutique tandis que Klara lisse ses cheveux et sa robe. Sourire enjôleur accroché aux lèvres, regard bienveillant lové dans ses iris. Traits tirés pour paraître impénétrable. Main tendue dans le vide pour qu’il la saisisse alors qu’elle redresse son minois : “Ravie de vous accueillir dans....” et que ses yeux se dilatent. Son cœur manque un battement mais elle ne faillit et poursuit : “mon humble boutique et atelier.” Lowen. Le fourbe. L’inégalable. L’inégalé. Ame sœur qui fait s’affoler son myocarde et secouer ses nerfs. Destin mêlé qui n'a pas fonctionné. Promesses qu'ils ont brisées. Tragédie qui se rejouera seulement lorsque l’interview sera terminée.

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@Grace Allen

Ok, d'accord, très bien, absolument parfait, formidable.

Ce n'était absolument pas prévu, surtout, et il allait falloir faire avec. Merde ! De toutes les occasions que saisissait Lowen de pouvoir s'éloigner de San Francisco et de voyager un peu, il se rendait compte que c'était bien la seule fois où son instinct lu avait soufflé que c'était une mauvaise idée. Une très mauvaise idée même, mais il avait préféré ne pas écouter son esprit et quand même y aller. Retenant un soupir de résignation, il adressa un sourire poli à Klara, pleinement conscient qu'il devait à tout prix éviter de laisser entendre qu'il la connaissait.

Putain quoi.

Tout avait commencé de façon tellement banale et ennuyante, cela dit, qu'il fallait bien un peu de karma de ce genre pour la suite. Sandy, sa stagiaire et partenaire pour ce petit reportage, avait été choisie par leur patron car ce petit pervers espérait donner à la sulfureuse blondasse une chance de briller... ou du moins à son corps. Stéréotype de la femme matérialiste et superficielle, elle n'aimait rien autant qu'être complimentée et regardée pour son physique. Voir du terrain lui permettait d'être remarquée, et on la collait avec Lowen pour deux raisons : un, il avait l'expérience pour l'aider, et deux, tout le monde dans leur boîte espérait qu'elle parvienne à le foutre dans son lit.

Peine perdue, s'il en était. Il ne touchait pas à la racaille.

« Mademoiselle Allen, c'est un plaisir d'être reçu ici. Votre prestigieuse boutique a un tel rayonnement qu'il va jusqu'à la côte ouest, et comme indiqué lors de l'entretien que vous avez eu avec notre patron, nous aimerions profiter d'un petit entretien pour faire la promotion de votre établissement. »

Il hésita, avant de se rappeler qu'évidemment, elle n'était pas censée connaître leurs noms.

« Je suis Samuel Lowe, voici Sandy Morgan, ma stagiaire en formation à mes côtés. »

Toute cette histoire allait forcément mal se terminer, il le sentait. Klara n'était pas du genre à montrer rancune sur des siècles, mais ils ne s'étaient pas quittés en bons termes, et cela avait laissé de profondes marques et séquelles enter eux. Lowen avait du mal à pardonner à la belle son acte, et aussi le fait qu'elle ne parvenait jamais à voir les choses de son point de vue pour faire avancer la conversation plutôt que la confrontation.

De la mauvaise foi évidente, car il n'y parvenait pas non plus... mais dans un couple, les choses trop roses trop cadrées sont mauvais signe. Les choses trop déséquilibrées aussi, cela dit. Mais Lowen força son esprit à se reconcentrer sur l'instant présent, plutôt que sur des souvenirs meurtris.

« Avez-vous des questions avant que nous commencions ? Le reportage devait être filmé, à l'origine, mais il y a eu un changement de dernière minute et il paraîtra dans notre journal sous forme d'article écrit. Au moins, vous n'aurez pas à avoir peur de l'objectif... »

Evidemment, Sandy caqueta, tandis que Lowen s'en voulait déjà de ce mauvais trait d'humour.

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@Samuel Lowe
Visage figé sur ce sourire parfait. Dents dignes d’une pub Colgate. Blancheur extrême, prête à engloutir littéralement le petit journaliste qui lui fait face. Manquer de défaillir. Voilà ce qu’elle tente de camoufler. Sur tous les énergumènes qui peuplent cette pauvre terre, de tous ces jouets bons à placarder contre le sol avec quelques fléchettes empoisonnées, c’est cet immortel que le destin a décidé de lui envoyer. Loin d’elle l’attitude de minauderie extrême d’une amoureuse transie, ce sont des éclairs qui zèbrent ses iris et guère l’espoir d’un amour renaissant. Commissures de ses lèvres qui s’étirent au rythme des mots du dénommé Samuel Lowe. Amusant cet acronyme proche d’un ancien qu’elle a souvent écorché de son accent autrichien. “Vous m’en voyez ravie. Même si le prestige de mon entreprise n’est plus à prouver, j’aime ces petites attentions que vous, le monde des médias, vous nous témoignez.” Interprétation de ses mots qui couvrent ses viles pensées. J’aime ces courbettes que tu vas faire, t’incliner devant mon empire pour que ton article brille. Pris au piège.

Alors qu’il se présente, Klara croise les bras et répond d’un ton imperturbable : “Enchantée de vous rencontrer Monsieur Lowe. Nul besoin de me présenter.” Simple regard courroucé à l’énoncé de cette stagiaire. Audace qui rime forcément avec pétasse. Viles pensées que celles qui l’étreignent. Dégaine sans aucune prestance. Absence de mœurs évidente. Soit, un pion sans intérêt si ce n'est ce regard lubrique dont elle gratifie Lowen. Grimace qui intègre le minois de la belle, reprise aussitôt par ses talons qui claquent sur le sol pour déambuler vers l'atelier à l’arrière où elle les invite à pénétrer. “A part le cachet de votre intervention qui va baisser des suites de ce changement imprévu, non.” Riposte à moitié dissimulée tandis que la colère la gagne sous les rires audacieux de la peu scrupuleuse. Pas dans sa direction, après qu’elle se soit emparée d’un verre d’eau. “Vous semblez vous étouffer, Sandy. Tenez.” Verre que Grace place entre les deux mains de la stagiaire, faisant pression de ses propres doigts et ce qui devait arriver arriva. Le verre qui explose et l’eau qui se répand sur le visage de clown de la pseudo pas belle. Le mascara qui coule. L’eye-liner qui se noie. Le rouge à lèvres qui traverse les frontières des lèvres quand elle porte ses doigts coupés par le verre à sa bouche, maquillant bien mal sa stupeur. Klara, elle, s’est bien évidemment reculée et n’obtient que les miettes de ce spectacle plus que jouissif. Sourire satisfait accordé à l’ancien mari que Sandy ne voit guère, trop occupée à se défaire de cette situation. Situation à laquelle la créatrice n’accorde plus aucun crédit. “J’enverrai la note du nettoyage de l’atelier à votre patron Monsieur Lowe.” Deux pas dans sa direction avant de lui indiquer le retour vers la boutique d’un simple geste. “Comment voulez-vous procéder ? Je vous fais faire le tour du propriétaire ou vous préférez commencer par l’atelier où nous trouvons déjà ?”

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@Grace Allen

Non, clairement il n'y avait pas besoin de la présenter. La belle était bien connue de Lowen, et même s'il devait faire en sorte de ne pas la connaître comme c'était le cas, il en avait forcément entendu parler depuis plusieurs jours. Quel idiot il avait été, cela dit ! Il avait dit oui pour l'affaire, et n'avait même pas pensé à se renseigner sur l'apparence de Grace Allen, alias Klara. S'il l'avait fait...

Serait-il venu quand même ?

Sans doute pas, malheureusement. Le souvenir aurait été vivace et mauvais, et il n'aurait pas eu les mains liées comme présentement. Là, malgré la fausse bourde et le fait que Sandy était obligée de se sucer le pouce comme elle goberait un phallus, il devait faire bonne figure et s'assurer que le reportage ait lieu ; au moins en partie. Il devait donc jouer son rôle. C'est ainsi qu'avec un sourire forcé et un air faussement compatissant, il s'adressa directement à la pouffiasse qui lui servait d'acolyte :

« Ecoute, tu t'es bien abîmée la main, je vais m'occuper de l'interview. Fais le tour de la boutique, parle aux employés, aux clients, dresse le bilan. Tu sauras faire, ça, non ? Bien. On se rejoint après. »

Pas besoin de lui laisser le temps de répondre, il enchaîna, pour « Grace » :

« Allons plutôt parler dans votre bureau, mademoiselle Allen. Avant de faire le tour, je pense qu'il nous faut régler deux-trois petits détails. Et on pourra y commencer le reportage, en plus, donc ça sera tout bénef. S'il y a des points que vous souhaitez imposer ou aborder, ce sera également l'occasion. »

Les deux ou trois petits détails auxquels il pensait, il était certain que Klara allait également les avoir en tête. Que se dire, de toute façon ? Que ni l'un ni l'autre n'était heureux de se revoir ? Qu'ils avaient visiblement une affaire à terminer, de préférence à coups de cris et de couteaux ? Qui aurait le plus à dire à l'autre, à lui reprocher, à lui renvoyer dans la face ? Tout cela, Lowen ne cessa d'y songer tandis qu'il suivait la jeune femme jusque dans son bureau.

Lui n'avait guère changé, depuis tout ce temps, hormis peut-être dans sa façon de parler et ses gestes ; après tout, il jouait un rôle. Mais elle ? Non, c'était exactement le même éclat qu'il pouvait voir, et il ne l'admettrait pas bien sur, mais il était toujours bluffé par l'apparence qu'elle dégageait. Il se sentait, comme au premier jour, pas forcément heureux, mais presque soulagé de voir son existence être une réalité.

Aurait-il été peiné d'apprendre qu'elle n'existait plus ?

Oui, sans doute. Enfoui sous les couches de rancoeur et de colère, il y avait un peu de bonheur à la revoir. Mais cela non plus, il n'allait pas l'admettre. Il était trop fier pour ça.

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@Samuel Lowe
Issue de secours impossible. A moins de courir pour s’extirper à l’extérieur de la boutique. Perdre toute crédibilité aux yeux de Lowen, jamais. Elle s’y refuse. Position inconfortable dans laquelle elle se trouve. Petit interlude avec Sandy qui l’a beaucoup amusé mais qui, maintenant qu’ils voguent à deux, lui glace le sang. Poings serrés afin de ne pas s’adonner à des mots peu jolis. La petite humaine écartée, ce ne sont pas de suaves paroles qu’ils vont partager. Heureusement, ce bureau, insonorisé, permet à toutes oreilles indiscrètes de n’entendre que l’écho d’un silence cristallin. Manège qu’il initie et dans lequel son acolyte tombe. Petite créature sans grand intérêt, sauf celui d'avoir diverti un instant les humeurs de Klara. Car Grace disparaitrait rapidement, dès lors qu’avec un hochement de tête, elle accepte la proposition du journaliste. Détour par le fond de l’atelier qui masque une porte, dernières recommandations à ses employés : “Veillez à ce qu’elle ne laisse traîner ses mains nulle part. Si jamais quelque chose disparait, je donne peu cher de sa carcasse.” Sourire aux dents allongés alors qu’elle referme la porte, prenant le pas après Samuel. Drôle de patronyme pour celui qu’elle connait sous un autre. Soit.

“Après toi...Lowen.” Cliquetis de la serrure qui retentit lorsque la clef se tourne. Dos accolé contre la porte dont Klara se dégage désormais. Tel un vautour, elle s’approche de l’immortel, rôdant autour de lieu sans jamais casser cette distance réglementaire entre lui et elle, imposée. Bras croisés, la donzelle contourne désormais son bureau pour s’y asseoir ses orbes glacés portés sur le bellâtre. “Toujours aussi débraillé. Ainsi donc, tu travailles pour la vermine ? Tu m’excuseras si je ne t’embrasse mais tu empestes d’ici. De plus, nous n’avons rien à célébrer ni à nous dire.” Rancœur tenace dont elle ne démord. Sa simple vision altère aussitôt son jugement et balaie les nombreuses années qu'ils ont passées ensemble. Les instants de bonheur s’éclipsent au profit de ceux, plus sombres, de leurs innombrables disputes. Images d’un passé tourmenté qui l’étreignent. Clignement d’yeux exaspérés pour chasser ces dernières. Poumons qui tardent à récupérer une respiration régulière. Signes évocateurs de la violence dans laquelle ils se sont quittés. Pourtant, elle ne parvient à détacher son regard de sa silhouette. Longiligne, fossettes qu’elle appréciait lorsque son visage témoignait l’empreinte de la séduction. Peau contre laquelle elle s’est un jour lovée. Chien de son état qui l’a ensorcelée pour mieux la rabaisser. Humiliation suprême qu'elle ne connaitra point dans ce nouveau monde où elle se forge une carapace de dame. Maitresse de sa propre vie sans devoir recourir aux subterfuges. Maquillée dans ce luxe dans lequel elle se complait. Subterfuge qu’elle aurait pu repousser s’ils avaient formé un tout pour l’éternité. Sentiments en demi-teinte avant qu’elle prononce : “Te voir ici me révulse et me hérisse le poil. Devrais-je commencer par m’attaquer à ce sourire factice que tu m’as servi et en redessiner les contours ?”

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@Grace Allen

Avec un sourire un brin provocant, Lowen s'approche du bureau et s'assied sur le fauteuil libre en face de Klara. Il voit bien qu'elle est mal à l'aise et en vérité, il l'est aussi. Mais en entendant et voyant ce venin, cette haine viscérale, il ne pouvait s'empêcher de ressentir un brin de nostalgie. Ils avaient déjà vécu ça, après tout, non ?

« Tout ça, ça a un sacré air de déjà vu, tu ne trouves pas ? Si je me rappelle bien, quand on s'est retrouvés en... 1890 ? 91 ? Tu me détestais aussi, et je te détestais. Pourtant, ça ne nous a pas empêché de réussir à rapidement effacé tout ça. »

Il ne cherchait pas, là, à lui dire que ok, ils s'étaient durement battus, mais que c'était du passé etc. Il lui en voulait encore pour toutes ces difficultés qu'il avait trouvé insurmontables à l'époque. En effet, alors qu'il errait dans son coin pour espérer oublier un peu Klara, il s'était rendu compte que malheureusement il n'y parviendrait pas. Il avait fini par faire sa paix avec ça, mais à la revoir ainsi, sa colère remontait. De manière totalement justifiée selon lui. Et c'était sans doute pareil de son côté.

D'un autre geste ouvertement provocateur, il tendit une jambe, puis l'autre, et les posa allègrement sur le meuble du bureau. Il croisa les bras derrière la tête, figure absolument décontractée de quelqu'un qui se fout complètement de la raison pour laquelle il est là.

« Mais si tu tiens vraiment à me redonner un sourire plus large, eh bien, sache que tu as quand même bien commencé. Cette pute qu'ils m'ont collé, je n'avais aucune idée de comment m'en débarrasser sans attirer désagréablement l'attention. Et en plus, la vermine c'est tenace. Elle est conne comme pas deux et a quand même réussi à ne pas se perdre dans la ville quand j'ai essayé de l'abandonner. Mais... » Soupir exagéré. « … que veux-tu ? Il faut bien des gens comme moi pour l'étudier, cette vermine. »

Son sourire s'est effacé, et ses yeux ne quittent pas ceux de la jeune femme.

« Qui plus est, toi et moi savons parfaitement que je n'ai jamais vraiment aimé tout ce luxe dans lequel tu vivais. Ou peut-être que je n'ai juste jamais aimé le fait que tu veuilles oublier toute prudence quand il s'agit des mortels. Mais je suis ravi de voir que toi aussi, tu te fonds dans le décor désormais. A mes yeux... eh bien, tu empestes tout autant maintenant. »

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@Samuel Lowe
Que le spectacle commence. Eternel recommencement d’une histoire qu’il évoque. Evidemment. Il a toujours eu l’art et la manière pour l’emporter vers d’autres sphères que celles de la réalité, la faire dévier de son but initial. Dès lors que Klara a croisé sa route, c’est dans un tumulte sans précédent qu’elle s’est engouffrée. Promesse formulée oralement pour la première fois depuis une éternité : “Ce ne sont que des chiffres. Peu importe, tu ne m’y reprendras pas, à jouer avec toi, j’ai passé l’âge." Sourire satisfait plaqué sur ses lèvres en réponse à sa tirade sur leurs folles années. Pointe d’amertume collée contre la poitrine alors qu’elle y songe, un instant. Les tourments sont de côté mais les beaux instants lui donneraient presque envie....non. Ne plus y retourner. Choix validé.

Oublier. Avancer. Depuis leur dernière rencontre, la belle ne cherche plus de réconfort derrière les hommes mais Klara gouverne son petit monde. Ce luxe dans lequel elle s’emprisonne et qui lui donne l’impression d’exister. Ne manquerait-il pas une pièce à ce puzzle ? Ne serait-ce pas Lowen, le seul à lui avoir jamais laissé le choix ? Choix de sa vie. Choix d’aimer. Choix de repousser. Non, il n’est qu’un requin qui a planté ses crocs, un jour, sur son échine pour mieux s’en amuser. Amusement mutuel. Consentement qu’elle ne redonnerait plus. Ses yeux trahissent son agacement lorsque ses jambes s’allongent sur le mobilier. Désinvolte. Irresponsable, il n’a point changé. Minois exaspéré et jambes de l’homme qu’elle asperge de produit hydroalcoolique.

“Toujours aussi poétique mon.....cher Lowen.” Phrase coupée dans sa lancée, qu’allait-elle, à l’instant, murmurer ? “Je te connaissais plus malin pour te débarrasser de la racaille. Tu t’essouffles au fil des siècles.” Malaise permanent qu’il installe à nouveau en la toisant. Pourtant, Klara soutient ce regard sans détour et se penche même au-dessus du bureau, désormais levée, ses mains plaquées contre le bois. “Ravie de l’apprendre, au moins, tu resteras à des mètres de moi. Voilà qui est réglé. Je ne m’excuserai pas de ce que je suis ni ce que je suis devenue. Peut-être que j’aurais pu faire un effort, si tu me l’avais demandé. Je n’étais pas au courant qu’être ambitieuse me rendait si abjecte à tes yeux. Car pour moi le luxe n’est pas synonyme de superficialité mais de réussite.” Laissant courir ses doigts sur le presse lettre qui sied à ses côtés, elle s'en empare adroitement pour le lancer en plein sur sa cible, la tête du malvenu.

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@Grace Allen

Lowen resta un moment sans rien dire, le visage neutre, écoutant les mots de son ex-femme (ou double ex-femme?) et les rangeant dans un coin de sa tête. Honnêtement, il ne savait pas quoi en penser, ni même s'il l'avait déjà entendue parler avec autant d'invective dans la voix. Mais pour autant, il ne put empêcher sa réaction suite à la fin de la phrase de Klara.

Il éclata de rire, tout simplement.

« Ha ha ha ha... ah, ma chère Klara ! »

Son hilarité se calma rapidement, car il n'était pas spécialement amusé mais simplement assez surpris. S'il aurait pu craindre que la jeune femme n'ait perdu un peu de son caractère avec le temps, il avait toute la preuve que ce n'était pas le cas. Mieux encore, elle semblait avoir pris davantage de hargne et de fermeté dans sa voix, et s'il était un peu chagrin de voir la perte de son accent autrichien, il ne pouvait qu'être soulagé de voir qu'elle s'était parfaitement accommodée d'une nouvelle vie.

« Toujours aussi venimeuse, bravo ! Je dois admettre que je ne suis pas surpris que tu me balances toutes ces choses. Après tout, à part des méchancetés, je ne parviens même pas à me souvenir des dernières choses que tu as pu me dire. C'est peut-être lié au fait que la dernière fois qu'on s'est vu, tu m'as enfoncé un couteau de cuisine dans l’œil, ou peut-être au fait que tu l'as fait en pensant que je t'avais menti. Peu importe, au final. Le résultat est là : nous voici, un siècle après, de nouveau l'un face à l'autre. »

Il avait repris son sérieux, désormais. Il n'était pas question de se moquer de Klara, et il ne lui avait de toute façon jamais menti. La taquiner davantage n'aurait fait qu'attiser sa méfiance et sa colère, au risque de la pousser à s'en prendre à lui ici et maintenant. Inutile donc de la pousser à bout.

« Mais parlons de choses plus sérieuses. Ce reportage de merde, là, il va bien se dérouler, ou tu vas vouloir y mettre un terme maintenant sous prétexte que tu peux pas piffrer l'écrivain ? Ou peut-être que comme Apollonia, tu voudrais pouvoir saigner la petite Sandy ? Si c'est le cas, te gêne pas, d'ailleurs. Vois ça comme un geste. »

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@Samuel Lowe
Poings serrés contre le bureau, prête à bondir par-dessus la table faite de bois. Voilà qu’il se moquait d’elle. Sa seule présence lui inspirerait-elle désormais l’envie de rire ? La personne qu’elle représente pour lui n’est plus qu’une grande farce. Sourcils froncés et yeux furibonds tant la colère gronde. Néanmoins, et comme il l’a si bien dit, leur dernière rencontre n’a été que feu et flammes grandissantes. Ainsi, c’est au fruit de ses ongles plantés contre sa chair qui dépose un liquide carmin sur le bois maintenant souillé que Klara arrive à tempérer et repousser son envie de lui sauter à la gorge. La tigresse recule mais ses tempes vibrent tandis qu’elle fait le tour du bureau.

“Je n’ai plus envie de t’apporter de l’importance. Car tu n’es plus rien. Les cendres d’un passé commun, tout au plus le souvenir d’une agréable distraction avant de devenir le sale type que tu me sers encore aujourd’hui.” Remarque cinglante qui fuse. Pointe de culpabilité qui l’envahit ? Certainement pas. Le laisser sur le carreau est peut-être même plus jouissif que l’inclure dans sa danse.

Ses pas martèlent le sol jusqu’à ce que Grace se place face à Samuel, car il s’agit simplement de ces deux humains lambda qui discutent de l’interview à venir. Point des années de haine et de rancœur qu’ils nourrissent l’un envers l’autre. Trainé rougeâtre du sang versé qu'elle laisse sur le visage de Lowen alors que de sa main droite, elle empoigne son menton, ne respectant cette distance mise entre eux dès le départ. Œil contre œil. “Souris mon ami, tu es bien trop stoïque. Et surveille ton langage, tu copies trop ces ‘rats’. Tu n’en es pas un, immortel.” Rappel de son rang. Rappel d’un autre secret qu’ils partagent. “Ta Sandy peut bien rentrer chez elle, je ne veux pas de ses intestins sur le parquet de ma boutique.” Menton relâché, visage à nouveau libre pour l'effronté. Klara revenue, Grace disparue alors qu’elle porte la paume de sa main contre ses lèvres pour éclipser les dernières gouttes de sang. “Mais si tu as envie de t’en débarrasser, faisons ça dans les règles. Allons ‘chasser’ après l’interview, je pourrais l’inviter à boire un verre en tout bien tout honneur ?” Proposition lancée. Regret presque aussitôt de la part de Klara mais qui ne peut se raviser. Pas devant celui qui fait le fanfaron depuis qu’il est parvenu en ces terres. Perdre la face, ce n’est pas dans ses habitudes. Récupérant une feuille et un stylo sur le comptoir, elle les tend à Samuel, glissant sa silhouette de gazelle à même le bureau pour s’asseoir face à lui. “Ta façon de commencer une interview n’a rien de professionnel. Tiens, pose tes questions, j’y répondrai avec un plaisir certain.” Derniers mots sur lesquels elle appuie, défaisant l’élastique de sa crinière domptée pour la venue de l’autre journaliste, celui qu’elle pensait humain. Bras croisés, voyant ce qu’il aura à répondre à cette Klara qui semble tout maîtriser.

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Cette fois, Lowen grimaça. La proposition de Klara – ou Grace, peu importe – ne lui plaisait pas. Il n'y avait là que deux possibilités, en plus : elle se moquait de lui, ou elle cherchait à lui tendre un piège. Ce n'était tout simplement pas possible autrement.

Mais en bon professionnel, l'immortel retourna dans son rôle de Samuel Lowe, le journaliste un peu réservé mais consciencieux. Il avait un travail à faire, et il le ferait, quitte à devoir se farcir le trajet du retour avec Sandy. La blondasse n'allait certainement pas être très heureuse de ne pas pouvoir partager une chambre d'hôtel avec lui, mais il s'en foutait complètement. Après tout, il ne touchait pas aux mortelles. Elles puaient, et étaient stupides. Contrairement à des gens comme Apollonia ou Klara.

Il se mit à parler avant que ses pensées ne l'orientent vers des souvenirs incompatibles avec l'instant présent :

« Tu as raison, restons professionnels. Et un professionnel ne va pas boire un verre avec la personne qu'il est censé interviewer, n'est-ce pas ? En plus, je suis certain que tu verserais un poison bien virulent dans mon verre. »

Il sortit calepin et stylo, et se prépara à noter.

« Alors, vas-y, dis-moi tout. D'où t'est venue l'idée de concevoir ce projet ? Quels ont été les obstacles éventuels, le prix investi, les étapes ? Comment as-tu réussi à transformer un petit projet en une entreprise fleurissante et comment as-tu réussi à faire face à l'immense concurrence du milieu ? Quelqu'un t'a-t-il aidée ? Si non, comment as-tu trouvé les fonds ? Te sers-tu de ta couverture en tant que Grace Allen pour nourrir d'autres projets ? Cette dernière question est une simple curiosité personnelle. »

Il aurait voulu promettre que ça ne l'intéressait pas vraiment, mais ce serait mentir. Il avait envie, un peu, au moins un peu, de savoir ce qu'avait vécu Klara et comment elle avait réussi. Il ne pouvait pas vraiment s'en empêcher, et cela, il ne comprenait que trop bien d'où ça venait. Car malgré la tension entre eux, il y avait toujours ces souvenirs doux et bons.

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@Samuel Lowe
La déception se lut un instant sur son visage. L’espace d’une seconde. Il avait l’art et la manière de la faire bouillir. Soit. Il préférait son rôle de petit journaliste ennuyeux, tant mieux pour lui. Que le jeu commence. Ne relevant les premiers propos de l’immortel, Grace lui accorde un simple sourire poli sans qu’il sache réellement le fond de sa pensée. Etirant ses bras vers le plafond et étouffant un bâillement très sonore, synonyme d’un ennui certain face à l’avalanche de questions, l’immortelle distille quand même les réponses attendues par Lowen.

“Je vois que tu as bien préparé ton sujet, à croire que je te passionne.” C’était tellement drôle de glisser vers cette pente sinueuse, celle des piques qui vivifient et redonnent à Klara l’impression d’être complète. D'exister. Lui faire mal pour mieux briller. Certaine de ne pas l'atteindre, elle stoppe cependant ce bref extra afin de répondre correctement aux points énoncés. “Je ne parlerai pas de chiffres, cela ne regarde en rien ces ignares de bipède sans cervelle. Par contre, pour le reste, je suis ta femme.” Seconde pique, sourire auréolé d’une innocence pervertie sur le visage.

“J’ai toujours aimé ce qui brille. Je n’aime pas la copie. Je pense qu’un modèle se doit être unique. Les bijoux sont précieux et se méritent, tout comme la vie. Ca, c’est le concept de base. Ensuite, j’ai appris de nombreuses choses sur les pierres précieuses ces...dernières années. Du coup, j’ai pu racheter l’entreprise...familiale. Mon arrière-arrière-arrière etc grand-mère avait de l’or dans les mains. Au début du vingtième siècle, après un désordre amoureux, elle a préféré parcourir le monde et se documenter sur les minéraux qui la composent. Elle a ainsi parfait son art et a monté sa première boutique. Ses produits ont de suite plu et elle a ouvert une seconde boutique...entreprise gérée par la famille Allen depuis un siècle environ. Et me voici.” Pause notable et obligée.

“Il n’y a pas de concurrence, ce concept n’existe pas pour moi. Il y a Klara et les autres, cette vision du monde a permis à ma marque d’être ce qu'elle est aujourd'hui. Je n’ai pas d’aide, je me débrouille seule. Mieux vaut être seule que mal accompagnée, une femme n’a plus besoin d’un nom pompeux masculin pour exister, aujourd’hui.” Pan dans les dents très cher Lowen. Discours qu’elle stoppe un moment pour lui donner le portfolio de ses créations. “Tu pourras piocher là-dedans si tu veux illustre ton article. Il y a l’historique de toutes mes créations depuis l’ouverture de la première boutique. Je ne veux pas que Sandy maltraite mes bébés si elle les prend en photo.”

Bref regard sur sa montre pour témoigner à nouveau de son ennui. Ennui de le voir. Ennui de cette situation qui pousse tout de même Klara, malgré toute son assurance, au bord du malaise. Ainsi, elle appuie sur le talkie walkie posé sur son bureau pour joindre l’accueil de la boutique, il n’est guère question de se déplacer pour les petites gens. “Faites venir Sandy.” Patientant de ses doigts qui tapotent le bois du bureau. “Sammy c’est bien cela ? Je vous invite à prendre un verre, vous et Monsieur Lowe après l’interview si vous avez terminé ? Je veux me racheter, après tout, je vous ai trempée accidentellement.” Retour en position debout alors que Klara pose sa main sur l’épaule de Samuel. “N’est-ce pas Samuel ? Vous ne pouvez me refuser cet honneur, surtout pour Sacha.” Baissant d’un ton pour que seul son ancien partenaire l’entende, Klara rajoute : “Le professionnalisme, c’est pour les amateurs. Je suis une immortelle et j’aspire à profiter de ma vie, rien de plus. Si j'aime le shopping et là j'ai mis Sandy dans mon panier.”

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@Grace Allen

Tout ceci ressemblait beaucoup à une prise au piège orchestrée, et Lowen était un peu adepte de ce genre de choses en général. Sauf que là, alors qu'il prenait ses notes, griffonnant des mots et corrigeant certaines choses (comme le nom de Klara, remplacé par Grace), il sentait petit à petit un truc se refermer autour de lui.

Etait-ce parce qu'il l'avait déjà vue faire ?

Possiblement, oui. Probablement, même. Maintes fois, il avait pu assister à ce genre de scènes où Klara, avec des sourires, des mouvements de hanche, quelques gestes de la main et une ou deux caresses, parvenait à obtenir n'importe quoi de n'importe qui, et surtout des hommes. Apollonia avait un peu la même façon de procéder : des tours, des manières, pour perturber les autres et les poignarder dans le dos. Alors forcément, lorsque Sandy réapparut et que Klara fit sa proposition, et que l'humaine répondit...

« Vous êtes trop aimable, madame Allen ! Sam, on peut accepter, je pense. Le boss nous en voudra pas d'essayer de soutirer des infos supplémentaires autour d'un verre. »

Evidemment, à ce moment-là, Lowen avait envie de hurler un « sale garce », sans vraiment savoir à laquelle des deux femmes il voulait le dire. Il était pris au piège, et son ego en avait pris un sacré coup de s'être fait avoir comme ça. Il se leva, et s'apprêtait à répliquer quelque chose quand Sandy, soudainement et sans prévenir, le prit par le bras avec un sourire et un clin d’œil ouvertement provocateurs.

« Tu fais quoi, là ? On peut pas... »

« Arrête un peu de faire ton rabat-joie, mec. T'es invité à boire un verre avec deux belles meufs, tu veux quoi de plus ? »

Le regard de Lowen se fit plus dur, et surtout plus froid, et Sandy relâcha son emprise sur lui. L'immortel se tourna vers Klara, du coup, et lui fit signe de passer devant... tout en lui faisant bien comprendre qu'elle le paierait tôt ou tard pour ce piège.

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@Samuel Lowe

“Oui, vous voulez quoi de plus Lowen ?” siffle clairement Klara en passant devant le journaliste, Sandy sur leurs talons. Celle-là même qui tente désormais de s’emparer du bras de la blonde, à défaut de vouloir se mouvoir contre l’homme. Sourire satisfait d’Allen qui perd de sa chaleur, dévoilant presque ses crocs au passage. “Ne le prenez pas pour vous mais je suis allergique à....”, toussement rauque afin d’étouffer la fin réelle de sa phrase, “aux femmes. Quelque chose par rapport aux...hormones que vous dégagez.” Et Klara qui accélère le pas pour se loger aux côtés de Lowen tandis qu’ils sortent de la boutique.

Prendre le carrosse de la belle serait revenir à s’abaisser à conduire l’ancien époux. Elle ne lui offrirait point ce luxe. L’inverse serait vrai mais pas dans ce sens-là. Klara a tout de même gardé quelques manières et convenances de ce qu’elle se plait à nommer ‘l’ancien temps’. Un instant et un seul, ses yeux se perdent contre la silhouette de celui qu’elle a entrainé dans la perte de Sandy.

“Ca me rappelle ces bois, à côté de notre première demeure. On avait l'habitude d'y perdre nos humains de compagnie. Tu les tolères toujours plus que moi. Quel est ton secret ?” Réelle interrogation que se pose la belle alors qu’ils parviennent bientôt à la hauteur du bar à cocktail où elle les a conduits. Il est possible d’y déguster de délicieuses salades, accompagnées de breuvages aux accents forts. Le repère chic pour tous les excentriques en quête d'un verre où noyer leur addiction. Néanmoins, un problème subsistait. Tournée vers Sandy, Klara explique : “votre tenue est indécente pour ce genre de lieu, j’aurais dû y penser avant. On vous prendra pour une....comment dit-on déjà en américain ? Une bitch ? Non ça ne doit pas être ça. Samuel, prêtez-lui votre veste.” Air navré et attristé sur son minois. Clin d’oeil peu dissimulé adressé à son ancien partenaire.

Klara sous son poncho, perchée sur des talons vertigineux. Klara tout en élégance face à l’allure débraillée de celle qu’elle a tantôt débraillée. Elle pousse la porte de l’établissement alors qu’elle harponne le bras de Lowen. Simple rappel de l’ordre naturel des choses pour la succube qui ne va pas tarder à être conduite au trépas. Les chiens des enfers seront ravis de se repaître de sa dépouille. "Mettez tout sur ma note, je suis d'humeur joyeuse aujourd'hui” lance-t-elle au réceptionniste qui les conduit vers une table.

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@Grace Allen

Sandy parut vexée par la remarque mauvaise de Klara, et elle s'apprêtait à répliquer quelque chose de particulière cinglant, ou stupide. Ou les deux. Mais Lowen, dans un rare élan d'apaisement, lui fit signe de se taire plutôt que de rentrer dans le jeu de la jeune femme. Oh il connaissait bien ce petit jeu-là aussi, et il n'avait pas l'intention de rentrer dedans. Toutefois, le mal était fait car Sandy ne put s'empêcher, dans un rare éclat d'intelligence, de balancer quelque chose :

« Attendez... vous vous connaissez, tous les deux ? »

Que dire, à ce moment-là ? Klara s'amuserait très probablement de toute réponse qu'il pouvait apporter, et il ne savait même pas quoi lui dire. Avec un peu de réflexion, il se dit qu'il valait mieux laisser couler, et répondre évasivement en attendant d'avoir une meilleure opportunité.

« Laisse tomber. »

Assis tous les trois à la même table, Lowen retint un soupir quand il sentit la saloperie de mortelle se mettre à lui faire du pied. Plus sûre d'elle que jamais, elle avait retiré son pied de sa chaussure pour le faire glisser le long du tibia et de la cuisse de l'immortel, aussi discrètement qu'une prostituée. Et de fait, il soupçonnait de plus en plus qu'elle en était une. Son comportement donnait l'impression qu'elle était payée pour tenter de le foutre dans son lit, ou se retrouver dans le sien.

Il regrettait presque de se dire que si elle avait été immortelle, il l'aurait envisagé. Elle était aussi peinturlurée qu'un camion, mais elle avait un corps à tomber et clairement l'habilité pour s'en servir. Mais face à elle se trouvait Klara, et il préférait un million de fois retenter de nouer avec son ex-femme plutôt que de toucher à la vermine.

« On ne va pas non plus s'attarder. Boire un verre, manger avec le client, ça ne se fait pas normalement. Qui plus est, je crois vraiment que j'ai déjà obtenu presque tout ce qu'il nous faudra pour rédiger un article au mieux correct sur l'établissement. Car après tout... »

Il se tourna vers Klara, ignorant les gestes répétés de la saloperie à côté, avec un sourire forcé.

« … que dire de mieux de tout ça ? A part qu'il s'agit d'un opportunisme amateur et mal géré ? Que la patronne a du mal à se tenir elle-même comme il faut dès qu'un peu de notoriété vient se refléter sur elle ? Et que dire de ses employés visiblement maltraités ou tyrannisés ? »

Ouvertement provocateur, lui aussi. Mais il n'était pas question que seule Klara tente de la pousser à bout.

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@Samuel Lowe
Les portes du restaurant se refermèrent derrière eux. Trio où le doute est plus que permis. Vile sorcière au corps recouvert d’or, déchet humain à l’impact de chirurgie peu notable et immortel, pièce rapportée d’un passé commun. Triptyque qui souffre de nombreux défauts, sauf Klara. Elle demeure perfection et seulement perfection. Cela va s’en dire.

Alors qu’elle prend place à la table, Sandy soulève une interrogation balayée aussitôt par le journaliste, de manière évasive. Soit, il ne désirait s'aventurer sur ce terrain. Serait-il honteux des vestiges de ce qu’ils furent ? Le sourire exécrable de la blonde perdit de sa chaleur et disparut même entièrement de son visage. Touchée dans son ego ou dans ses sentiments ? Difficile à dire mais sa fourchette glisse de la table dans un mouvement hasardeux. Klara serait-elle troublée ? Penchée pour ramasser la fameuse, soulevant la nappe par la même occasion, c'est un spectacle des plus dithyrambiques qui se joue sous ses yeux écarquillés. Fureur, consternation, hilarité ? Un mélange des trois probablement.

“Mais comme vous le dites si bien, j’ai une certaine notoriété et je traite mes employés de la plus détestable des façons. Vous ne ferez donc pas exception à la règle....” lâche-t-elle alors que ses yeux se parent d'orage et s’ils avaient pu changer de couleur, seraient d’un noir certain. Animosité face aux paroles de Lowen. Triste qu’il prenne sa flambée vers l’or pour un simple ‘jeu’. Triste qu’il s’amuse avec un rebus de la société quand une immortelle se dresse face à lui. Orgueil, encore et toujours. “Sandy, on ne traite pas les hommes comme des jouets. Surtout pas celui-là, il....” mots en suspens au bord de sa bouche. La main de Klara s’empare de son couteau dont elle fait courir la lame contre la paume de sa main. Son regard ne quitte celui de Lowen tandis que l’arme se loge désormais dans la cuisse levée de Sandy qui hurle à la mort. Carnassière est l’expression sur le visage de Grace qui repose l’arme, essuyée contre la robe de l’assistante, à même la table, lavée de tous soupçons.

“Il ne mérite pas l’affection que vous lui portez. Serveur, apportez de l’eau à cette dame qui ne se sent visiblement pas bien. Elle va s’étouffer sous ses sanglots.” Pivotant vers Sandy, Klara lui offre un condescendant : “Si vous hurlez encore, j’arrache votre jambe pour de bon. Tchin” rajoute-t-elle lorsque son verre de champagne arrive, en cognant contre le verre de Sandy, remplie maintenant d’eau.

“Je vous invite, Monsieur Lowe, à venir travailler une journée avec moi. Vous verrez comment sont traités mes employés. Ils ont passé des tests et sont les seuls bipèdes que je tolère à mes côtés. Mais effectivement, s'ils souffrent d’insubordination, leur disparition est assurée. Serais-tu jaloux ? Car j’existe et je n’ai pas besoin de toi.” Derniers mots dont les syllabes sont toutes scandées pour qu’il intègre celles-ci. Mais avait-il demandé à ce qu’elle revienne ? Jamais. C’est sûrement lui qui n'avait plus besoin d'elle.

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Le hurlement de la mortelle crispa Lowen au plus haut point. Non seulement tout cela manquait de discrétion et de finition, mais en plus, Klara jouait à un jeu ultra-dangereux. Oubliant toute prudence, elle venait plus ou moins de poignarder Sandy avec son ustensile, et elle avait réussi à créer la panique chez la vermine. Rien de plus détestable, et surtout, rien de plus dangereux. De plus, sa proposition finale était non seulement téméraire, mais aussi complètement dénuée d'intérêt. Pour autant, le jeune homme eut une idée.

Il se mit alors à sourire.

Et pas un sourire sympathique. Plutôt le sourire carnassier de quelqu'un qui a une idée particulièrement désagréable derrière la tête.

« Ah ma chère. Tu ne manques pas d'audace. Eh bien tu sais quoi ? Je vais accepter ton invitation. Tu m'as l'air d'avoir quelque chose à prouver, à toi ou à moi, ou à nous deux à la fois. On va voir si tu peux y parvenir, si tu peux satisfaire ton petit ego tout rabougri par le poids de l'âge. Tu t'en sens capable ? Moi qui te connais si bien, je sais que tu peux le faire. Et on va même ajouter du piment ! »

Saisissant le bras de Sandy, il força la jeune femme poudrée à s'approcher.

« Tu vas nous servir, cocotte. »

« Tu... tu me fais mal ! »

« La ferme ! Klara, très chère Klara. Tu veux bien avoir l'honneur ? Je sais que tu en meurs d'envie. Tu veux prouver à tout le monde que tu es si forte, si intelligente ? Allez, viens. Fais-le, devant tous ces mortels, fais-le devant moi et assume tes conneries ! Tu verras que c'est pas si facile. C'est ce que tu voulais, non ? Pouvoir te venger, et pas seulement enfoncer un peu ton couteau dans sa cuisse de porc ? Allez, hop. A la guillotine ! »

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@Samuel Lowe
Klara avait été trop loin, emportée par cette hargne et fougue qui la caractérise habituellement. Tout ce qu’elle tente de dissimuler aujourd’hui. Gérer ses excès de colère et sa spontanéité un peu brute de décoffrage. Il faisait ressortir le plus mémorable chez elle. A eux deux, c’est une tempête qui allait se déverser sur le restaurant. Et son souffle saccadé qu’elle ne parvint à maintenir constant n’est guère un signe annonciateur de bonnes nouvelles. Une provocation. Il osait. Cela lui vaudrait bien une altercation. Un coupage langue afin que l’effronté ne puisse plus la sermonner ou l’inciter. L’inciter à un mal qu’elle pratique avec délice mais qui, pour l’heure, n’est pas permis. Au prix de lourds efforts, Klara formule de façon presque monocorde les mots suivants : “Arrête de jouer avec moi Lowen. Venir ici était une mauvaise idée.”

Grace se redresse et plante ses yeux de vipère dans ceux apeurés de Sandy. “Vous feriez mieux de choisir un patron plus convenable. J’ai la réputation de tyranniser mes employés certes mais je ne les laisse pas entrevoir une possibilité d’avenir. Ils savant que s’ils ne conviennent pas, ils ne restent pas.” Et ce sont tous les membres de la belle qui tremblent lorsqu’elle passe à côté de l'immortel. Consumée par des émotions qu’elle ne veut plus laisser immerger ni être dictés par un autre. Néanmoins, c’est la vérité qu’elle offre en réponse à ses diverses provocations. “Ce ne sont pas mes méthodes. Cela n’a rien de plaisant car rien n’est calculé, il faudra faire vite et mes scènes de crime sont toujours soignées. Par contre...” Par trois fois elle se retourne vers Sandy et ses yeux sont sans appel. Trois fois son poing se serre pour ne pas faire qu’une bouchée de la vermine. Trois fois ses yeux s’injectent de sang mais elle ils s’ancrent contre Lowen, il n’y a que lui et pas la souillon qui a osé prétendre l’avoir sous les yeux de miss Allen. Ridicule. Un affront qu’elle ne tolère mais un jeu dans lequel elle ne veut plus s’engouffrer. “Au revoir Sandy, si jamais vous voulez parler de moi autour de vous, on racontera votre histoire dans la chronique mortuaire.”

Révérence improvisée tandis que Klara empoigne avec fermeté le bras de Lowen pour le trainer à l’extérieur de la boutique et souffler. Que l’oxygène gagne ses poumons. Les mains contre les genoux, la tête vers le sol, elle se relève rapidement, les mains sur les hanches. “Tu me rends folle. Je déteste cette emprise malsaine que tu as sur moi. On fait quoi maintenant ?” Vraie question. Armes jetées pour l’instant aux pieds de celui qui se pense peut-être conquérant. On ne l'y reprendrait plus. Jamais. Voilà pourquoi Klara avait rayé le mot Lowen de son vocabulaire. Promesse brisée qui s’envole sur le parvis des rues New-Yorkaises.

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L'amusement est un peu parti, il faut bien l'avouer. Maintenant qu'ils sont tous les deux à l'extérieur, il paraît évident que tout ce jeu n'a mené à rien, et même pire encore : ça a été une épreuve désagréable pour tous les deux. Lowen, désormais seul avec Klara, laisse un soupir lui échapper tandis qu'ils se demandent tous les deux ce qu'ils vont faire maintenant. Du moins, jusqu'à ce que la jeune femme ne lui sorte – évidemment ! - quelque chose qui rejetait l'entièreté de la faute sur lui.

Habituel !

« J'en sais rien, moi. C'est toi qui as commencé en lui plantant quelque chose dans la cuisse, et avant ça, en proposant cette mascarade. Tu dis que j'ai une mauvaise influence sur toi ? Je pourrais dire exactement la même chose, ma chère. On est dans de beaux draps, et c'est entièrement de ta faute. Maintenant, tout ce qu'il faut faire, c'est réfléchir à une solution. »

Il se gratta le crâne, sentant un léger stress s'emparer de lui. Klara avait énormément d'argent, comme Apollonia, il ne devrait pas être trop difficile de faire exactement ce qu'elle aurait fait. Enfin... en moins sanglant. Restant un long moment silencieux, à fixer la boutique d'où Sandy n'était pas encore sortie, le Celte essaya de se demander comment réussir à convaincre son ex-femme de faire ce qu'il voulait faire...

Puis finalement, il se retourna vers elle, se forçant à la patience et au calme. Ils n'avaient pas le choix. Et de manière assez surprenante, il ne lui était pas si difficile que ça de réussir à exposer sans colère son idée :

« Bon, c'est la merde, mais on a pas passé des siècles à jouer pour perdre la partie aussi stupidement. On va acheter, dans un premier temps, le silence de tout le monde. Ça nous fera gagner du temps, qui permettra ensuite de s'occuper de tout le monde assez facilement. Accidents malencontreux, maladies, aléas de la vie, tout peut arriver. On a l'habitude, on peut le faire. »

Il la regarda d'un air circonspect.

« Quant à l'insupportable Sandy, je vais m'en occuper. Elle restera terrifiée et cloîtrée chez elle, ce qui nous évitera qu'elle n'aille révéler à tout le monde ce qu'elle aurait pu entendre. T'en dis quoi ? »

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@Samuel Lowe
Coup d’oeil vers un Lowen silencieux. Vers un Lowen perplexe. L’épreuve de l’après-midi qui s’avance, le souffle court de la belle qui s’émancipe face à sa frivolité d’il y a peu. Yeux qui le dévorent d’un intérêt certain mais probablement plus celui de jadis. Posé. Pragmatique. Adepte de solutions auxquelles elle n’aurait songé. Diplomate et assez concis dans ses propos qu’elle écoute vivement sans pour autant signifier cet état de fait. Levant les bras au ciel et haussant les épaules, Klara laisse échapper : “Les torts sont partagés. Tu n’aurais pas dû t'emmener avec une humaine siliconée. Tu connais mon dédain pour la racaille.” Et ma jalousie, mais cela, l’immortelle se garde bien de l’annoncer à haute voix. D’ailleurs, son visage si cinglant demeure étonnamment austère désormais. Prenant au mot le plus que centenaire qui lui fait face, ses doigts s’infiltrent au creux de son sac à main alors qu’elle lui intime : “Attends-moi.” Simple, efficace. A la dérobée, mais toujours de cette allure de reine dont elle se pare à chaque fois, Grace retourne dans l’établissement. A l’accueil, elle glisse plusieurs billets dans une enveloppe ainsi que quelques consignes au chef du bar qu’elle a fait appeler. Connaisseur de la belle qui fournit parfois des bijoux lors de leurs ventes aux enchères. Messes basses dont elle ne se prive et, plusieurs minutes filent avant que Klara regagne les côtés de l’actuel journaliste. “Et non, je ne suis pas d’accord. Tu ne t’approches plus de Sandy. Je vais envoyer quelqu’un, elle ne mérite pas que tu lui apportes tant de crédit. Par contre...”, Klara se plante face à son ex-mari et laisse sa main se balader contre la crinière du bellâtre. D’un air peu satisfait, elle ajoute : “Tu as accepté de passer la journée avec moi. J’ose espérer que cette promesse-là non plus tu ne la briseras pas.” Remords déterrés d’un passé commun. Remords qui ne transparaissent dans sa voix. Qu’attend-elle exactement ? Quelle pertinente réponse désire-t-elle extirper de la bouche de celui qu’elle relâche d'entre ses griffes, reculant rapidement de quelques pas. “On ne devrait pas rester là. Tu as ce qu’il te faut pour ton article ? On peut retourner à la boutique ou...discuter de ce que l’on va faire de miss pimbêche chez moi.” Proposition qui n’en est guère réellement une. Tout le bien et tout l’honneur de la donzelle seraient engagés là-dedans. Peur ? Non. Elle ne tomberait sous le coup d’une chienne bipède. Par contre, il avait peut-être raison. Peut-être qu'au fond, elle souhaitait l’éblouir pour que, quelque part, il regrette. Perfide, vindicative et matérialiste. Le pire de Klara est aujourd’hui de sortie.

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« Ouais, regagnons la boutique. On y sera mieux, et ça serait trop suspect que tu ne reviennes pas là-bas après l'entrevue. Au moins, ainsi, personne n'aura de soupçons quant à ce qu'il se passe. Pour une fois, il vaut mieux que les mortels nous remarquent et ne nous laissent pas tranquille. »

Ils repartirent donc, s'efforçant de paraître aussi naturels que possible. Pour Lowen, ce n'était pas difficile, mais il ne cessait de cogiter quant aux explications qu'il fournirai à son boss. Ce dernier l'avait à la bonne, ça ne poserait donc pas de problèmes de lui faire avaler n'importe quoi. Toutefois, il ne pouvait pas non plus lui mentir délibérément sur certains points, et il allait bien falloir qu'il trouve une sacrée bonne putain de raison à la disparition de Sandy la vache. Il avait beau retourner le problème dans tous les sens, il ne voyait pas comment réussir ce tour de main sans l'emmener.

Et encore moins comment l'empêcher de parler ou de laisser traîner quelque chose au mauvais moment. Il était coincé, pour le moment. Il finirait sans doute par trouver une solution autre que la mort (semer des cadavres n'était jamais une bonne idée), mais en attendant, il cogitait. Beaucoup.

Et pas que à propos de Sandy. Il se retrouvait complètement seul avec Klara, et il ne pouvait pas dire que ça lui plaisait franchement.

« Ah bordel... trop d'émotions pour aujourd'hui. Je vais me caler dans ce fauteuil et ne plus jamais bouger ! »

Et de fait, de retour dans le bureau, il s'était effectivement avachi dans le fauteuil qu'il avait quitté plus tôt.

« Franchement, je pensais pas qu'elle serait aussi détestablement chiante. J'veux dire, quand j'suis parti de San Francisco en ayant cette truie à mes côtés, je me suis dit que ça allait le faire, tu vois. Pas de raison de s'inquiéter, elle me péterait pas les couilles. Bah tiens. C'est raté. Pouah ! Quel calvaire ! Plus jamais je fais ce genre de reportages. Finito. »

Il fit une pause, le temps de se repasser la main dans les cheveux.

« Et toi, des soucis particuliers avec des employés ? »

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@Samuel Lowe
Klara se tut. Pour la seule et unique fois de sa longue existence, elle ne souffle mot. Consciente de ses travers, consciente de son excentricité. Consciente de tout ce qui fait qu’elle est Klara. Consciente de cette aversion qu’elle lit sûrement dans son regard sans chercher à le jucher lors de cette balade improvisée. Dont elle se serait bien passée. Quelques pas devant pour guider Lowen dans ces rues qu’elle connait désormais par cœur, son cœur se serre. Sous l’impulsion et la rage dont elle a fait preuve. Sous le contrecoup de cet échange peu singulier qu’ils ont eu. N’auraient-ils pu converser comme deux êtres normaux sans chercher le scandale ? Sans qu'elle cherche le scandale. Regrets qui n’existent pas dans l’esprit de l’immortelle car son statut même définit ce qu’elle être. Des siècles d'existence passées mais toujours une course effrénée pour se sentir exister.

Traversée de la boutique sans sommation, sans même un regard au petit peuple avide des contes de leur reine. Tandis que son ‘hôte' non désiré s'installe à même son propre fauteuil, Klara s'empresse de condamner cette porte d’un tour de clef qu’elle jette à l’autre bout de la pièce, sans intérêt. "Y’a qu’un souci là. Toi et ta provocation légendaire.” Son sourire s’est perdu. “Il faudrait te faire passer l’envie de sourire. Ca avait pas l’air de t’embêter de te trimballe au bras de cette pouffiasse et de parader devant moi.” Certes, la vision de Klara est totalement erronée mais ce n’est plus la posée Grace qui parle mais bien la harpie. Celle qui ne souffre qu’on la remplace ou même qu'on tente de s'emparer ce qui fut à elle. Même cela ne l'est plus. "J’en déduis donc que tu es mon employé puisque tu squattes mon bureau et MON fauteuil. Mais tu vas bouger.” Claquement de ses talons contre le sol de marbre. Face à face à côté de ce même fauteuil qui n'est en rien le dû de Samuel. Mèches récalcitrantes qui encadrent son visage rosi par la colère. Plissures au coin de ses yeux, flammes presque tangibles qui y dansent. “ On en a pas fini toi et moi. En tant que ton éminente invitée pour ton interview, n’inverse pas les rôles. Plus jamais.” Coup de genou contre l’assise du siège qui roule contre le mur. Issue inextricable. Ses deux bras qui s’avancent pour se poser sur les accoudoirs du même fauteuil. Sourire carnassier planté sur ses lèvres. "Peut-être devrais-je m’attaquer à ta ta bouche, plutôt qu'à ton oeil, comme la dernière fois, ça t'éviterait de jouer à l’humain avec ton langage des rues.” Souffle de Klara contre la joue de Lowen. Un instant, elle pense à dévier mais l’instant suivant, ce sont ses lippes qui tamponnent d’un baiser le bellâtre pour que ses dents se plantent contre la chair de l'obligé en une morsure des moins obsolètes.

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« Hmmpfh ! »

Repoussant Klara d'un geste virulent, Lowen porte une main à ses lèvres, alors que la jeune femme y clairement planté ses dents. Le sang jaillit un peu, alors qu'il s'efforce d'appuyer arrêter l'écoulement. Il lance un regard outré et choqué à la belle, ne s'attendant absolument pas à ce qu'elle agisse de manière aussi débile. Ne venait-elle pas de regretter son comportement excentrique et stupide ? Putain !

« Tu es cinglée ! »

Il se lève du fauteuil, en réalisant qu'après coup que c'était le but recherché par Klara, et s'éloigne légèrement pour essayer de se regarder dans une surface réfléchissante. Là, un écran éteint ! Il s'approcha, essayant de déterminer à quel point sa bouche a souffert, puis il soupire en constatant que le saignement s'est déjà arrêté. Bon sang, mais qu'avait-il fait pour mériter tout ça ? De ce qu'il se souvenait – et en toute bonne foi ! - il n'avait pas été le seul en tort.

Et il ne méritait pas un comportement aussi puéril.

« Ça te prends souvent, de mordre les gens comme ça ? La vache, tu m'as presque arraché la bouche. Je te savais féroce, mais à ce point-là, ça dépasse l'entendement. Même... ouais, non, tu sais quoi ? Laisse tomber. »

Ouais, il avait failli dire que même Apollonia ne faisait pas ça, ou que les mortels ne le faisaient pas non plus.

Mais les deux phrases auraient été terriblement imprudentes. Mentionner Apollonia n'était pas une bonne idée, car même si les deux femmes s'appréciaient, Klara avait toujours eu du mal avec le fait qu'Apo exigeait parfois plus de plaisir que nécessaire à Lowen. Quant à la mention des mortels, ça aurait été rallumer la flamme de la discorde, et il valait mieux éviter ce genre d'imprudence aussi. Pour résumé : il se tut, se murant dans un silence gênant pendant quelques instants.

Puis, n'y tenant plus, il se retourna de nouveau vers son ex-femme.

« A ce que je vois, tu as toujours ce même souci d'ego. Il serait temps de travailler dessus, tu ne crois pas ? Je veux dire, on avait commencé, tu te souviens ? On s'était dit que moi j'arrêterais d'être un insupportable connard, et toi que tu serais moins jalouse. Visiblement, on a échoué tous les deux. Peut-être que les coups de couteau dans l’œil et dans la nuque n'ont pas aidé nos personnes respectives, je le concède. Mais là ? C'est de la folie ! »

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@Samuel Lowe
"Je t’en prie, Lowen” réponse aux dents constellées par un émail éclatante lorsque l’insulte fuse. Courbette qui agrémente sa parodie de l’actrice vénérée par ses fans. Inclinaison de la tête vers ce sol alors que son sourire se perd. Cette impulsivité qui vient de la caractériser n'a plus refait surface depuis des lustres. D'ordinaire, elle se tient. D’ordinaire, elle ne dépasse plus les limites de l’entendement. Serait-ce sa venue qui ravive des parts obscures qu’elle tente de maquiller sous des couches de bienséance ? Klara n’a jamais brillé par sa docilité mais sait lorsqu’il ne faut outrepasser certaines règles. Ce duo qu’elle forme avec l’immortel l’a toujours confortée dans l’idée qu’elle était plus. Plus qu’une humaine à marier. Plus qu’une immortelle perdue dans le tumulte de la vie. Plus que ce qu’elle ne pensait jamais atteindre. Sa réussite s’est faite sans homme à ses côtés et cette fierté a masqué son ego au monde, suffisant grand pour qu’elle le mette dans ses créations. Néanmoins, ce rappel vers ce qu’elle fut et ce qu’elle est demeure la pire des gifles qui peut impacter son joli minois.

Ses yeux dotés désormais de la flamme d’une curiosité certaine suivent les pas de l’homme qui tente de savoir si oui ou non, la donzelle a fait de lui sa pièce de boucher préférée. Certes non quand on relativise face à l’étendue des dégâts. Ne soufflant mot, elle se contente d’ouvrir un tiroir de son bureau à la recherche d’alcool et d’une compresse pour emprunter les mêmes pas que le journaliste. “Tiens, je ne te toucherai plus, promis.” Mains en l’air, signe de sa bonne foi. Mesquine par bien des aspects, c’est cependant avec sincérité qu’elle prononce ces sages paroles. “C’est toi tu....” mais rien ne suivit car elle mordit sa propre lèvre afin de clore ce débat stérile. Il n’avait rien commencé, elle avait initié cette pseudo guerre avec son assistante. Cet étalage de ses biens face à l’homme. Montrer qu’elle avait réussi. Malgré tous les vils défauts de la lady, il reste une qualité, enfouie sous tous ces apparats, celui de reconnaitre, un minimum, ses torts. “Je suis désolée, ça te convient ?” Difficile à avouer mais voilà les paroles qui errent entre eux, empreintes d’une certaine nostalgie.

“Moi, jalouse ? Jalouse de qui Lowen ? J’essayais juste de te sauver des travers des humains. Clairement, cette Sandy ne te mérite pas. Tu as une si peu haute estime de toi ?” Et elle stoppe sa course face à lui. Œil contre œil mais plus dent contre bouche bien que cette proximité n’avait rien de désagréable. Pas plus que ce qu’elle avait imaginé. Et Klara tend sa main dans le vide comme pour sceller un pacte, suite aux mots qu’elle fait suivre : “Et tu proposes quoi Lowen ? Pour te prouver ma bonne foi, je te promets de laisser ton assistante tranquille. Mais si tu m’en disais plus sur cette façon de faire taire mon ego, une bonne fois pour toute ? Je réitère, tu proposes quoi ?”

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Avec un rire bref et sans humour, Lowen se tamponna les lèvres. La douleur, diffuse et douce, ne le gêna qu'à peine.

« Oh, je sais pas. Par exemple, tu pourrais décider que tu as fait déjà bien assez de dégâts pour aujourd'hui ? Que comme d'habitude, tu as su exploiter tout ce qui était exploitable pour foutre la merde tout autour de toi et que les conséquences se font sentir sur toutes les personnes que tu croises ? Que va-t-il se passer, à ton avis, si un jour tu décides de péter un câble comme ça sur une employée de ta boutique ? Si un jour, tu te dis que c'en est assez et que tu fracasses le crâne d'un bouffon devant d'autres gens ? »

Il secoua légèrement la tête, reprenant un ton plus calme.

« Tu sais que j'ai toujours préféré l'ombre à la lumière, pour la simple et bonne raison que malgré leurs conneries, les mortels sont débrouillards. Ils inventent chaque jour de nouveaux moyens, et ces moyens servent à surveiller, à voir, à récolter, à montrer. Et si demain une vidéo circule, montrant que tu m'as agressé comme ça ? Que tu as planté un couvert dans la cuisse d'une pouffiasse ? On ne peut plus se permettre, aujourd'hui, d'agir comme on l'aurait fait il y a un siècle. »

Il termina de tamponner sa bouche, avant de jeter le tissu dans une poubelle.

« Des fois, j'aimerais pouvoir retourner à une époque lointaine. Genre le Moyen-âge. C'était vachement bien, le Moyen-âge. Bon, tu n'étais pas là, et je pense que toi ça te manquerait moins, mais c'était plutôt sympa. Il était facile d'avoir du pouvoir, de faire taire les personnes indésirables, et il y avait tellement de trucs amusants à voir ! Peut-être que lorsqu'on parviendra à mettre tous cafards à leur place, on pourra imposer un retour à une époque plus sympathique. »

Il fit une légère pause.

« Quoi que. Internet ça a du bon, quand même. On pourrait créer des chaînes spéciales dédiées aux bêtises des mortels. »

♛ Retour vers le présent

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@Samuel Lowe
Encore et toujours dans l’expectative, Klara ne sait jamais sur quel pied danser avec Lowen. Tantôt frigide, tantôt chaleureux, tantôt dédaigneux. Nombreux sont les points sur lesquels il peut s’accorder. Tant de qualificatif pour cet être qui, magnétiquement, à chaque fois, attire son regard. Il se lance alors dans un monologue qu’elle pourrait écourter d’un bâillement sonore. Il n’est est rien puisque la blonde, bras croisés, l’écoute mais ne peut retenir un sourire assez mesquin. Presque empreint d’un affront certain. “Monsieur l’agent, passez-moi les menottes, je vous suivrai où vous voulez” rétorque-t-elle en tentant ses poignets dans le vide, mimant l’arrestation. “Tu t’en fais trop pour moi Lowen, j’ai survécu jusqu’ici. Et puis, de quoi tu t’inquiètes, c’est pas comme si on était encore mariés ?” Remarque cinglante qui a pour seule répercussion d’orner ses pupilles d’une teinte nostalgique. Effectivement, ils avaient failli s’entretuer mais la flamme de la passion n’avait jamais cessé de souffler. Car, au fond, il n’existe pas de glace assez fulgurante pour l’encercler, comme il n’existe point de brasier plus ardent que celui qu’il savait faire naître en elle. Un duo de paradoxes. Un binôme sans prétention mais avec une addiction toute particulière. Echo d'un passé qu’elle a tenté d’extraire de sa mémoire mais qui se présente, ce beau jour, à sa porte.

“Je battrai des cils et on me libérera. Ou j’appellerai mon avocat. Tu sauras jouer sous cette couverture ?” Blague qui n’en est point une. Si un jour elle se décidait à quémander de l’aide, malgré cet égo, malgré cette fierté, ce serait probablement vers l’immortel qu’elle se tournerait. Personnage entier qui connait chacun de ses travers et qui sait, souvent, y pallier. “Je suis d’accord avec toi, si ton émission conduit à l’extinction de l’espèce humaine, ça me va. Je te trouve bien cynique, où est passée ta galanterie. Tu ne me complimentes pas, ne t’intéresses pas à ma santé ? Tes manières se perdent ou est-ce seulement après quelques jours en ma présence que tu reprends le droit chemin ?“ Pas de recul pour s’asseoir contre le siège qui orne son bureau. D’un geste de la main, Klara invite le bellâtre à prendre place face à elle. Moment de solitude qui s’installe car les mots qui restent bloqués à l’intérieur de sa gorge menacent de sortir et de trahir certaines choses qui méritent d’être tues. "Mais, à l’instar de tout cela, je suis quand même contente de te revoir. Tu m'as manqué. Pas toi physiquement mais cette époque où quelqu’un me comprenait m’a manqué.” Tiroir du bureau ouvert désormais, boîte de chocolat tendue au-dessus du bois du mobilier, comme une hache de guerre qui rompt justement ce cercle infernal.

CODAGE PAR AMATIS

» key + le passé est la pierre du présent et le reflet du futur...
» (1f/1m) — le retour d'une mère + un vieil ami
» remise en question — (indéterminé) (finie, je suis de retour)