(2021) Such a lonely day and it's mine || Chiranth

- The most loneliest day of my life, Such a lonely day, Should be banned, It's a day that I can't stand, The most loneliest day of my life, The most loneliest day of my life System Of A Down

(New York, 2021) – La tonalité du téléphone sonne durant plusieurs secondes avant que la personne à l’autre bout du pays ne réponde enfin, « Chiranth ? » Est-ce que sa voix est aussi soulagée qu’enrouée, lorsqu’il entend la voix de l’autre homme ? Probablement, « J’suis désolé, je savais pas ... » Adrian s’interrompt, prenant une inspiration tremblotante alors qu’il cherche ses mots et essaie difficilement de ne pas craquer, « J’crois il est tard chez en plus, merde » sa voix s’étrangle dans sa gorge et sa mâchoire se serre tandis qu’un sanglot lui échappe, « Astra a, » il s’agrippe à l’accoudoir de son fauteuil, disparu et, » et quand il repense à ce qu’il a trouvé chez elle, « et il y avait tant de sang, Chiranth. » Il admet dans un murmure aussi terrifié qu’horrifié, arrivant difficilement à visualiser autre chose que ces images dans son esprit.

***

Il ne pensait pas que Chiranth sauterait dans le premier avion et il mentira en clamant ne pas être en partie soulagé de savoir que son compagnon allait frappait d’une minute à l’autre. La nuit a été longue et il se sait incapable de travailler comme il le devrait aujourd’hui, alors la galerie n’ouvrira pas, mesure exceptionnelle à situation tout bonnement horrifiante. Il a tourné en rond toute la nuit, alternant entre recherche sur internet et sur le besoin compulsif de nettoyer son appartement de fond en comble, ne serait-ce que pour se vider la tête quelques secondes. L’efficacité de l’activité n’est pas vraiment prouvé, il a seulement gagné un mal de crâne à cause des différents produits utilisés, même si la fatigue doit beaucoup jouer. À l’instant même où il est convenable d’appeler le centre de police, il s’est empressé de faire le numéro qu’on lui a donné quelques jours plus tôt, afin de chercher s’ils ont obtenu des nouvelles et la réponse est identique à la précédente. Il ne devrait pas en être énervé, mais il a cette impression qu’il ne font pas tout ce qu’ils peuvent pour rechercher sa sœur – et il a toujours en travers de la gorge les questions qu’on a pu lui poser, soyons honnête – et la seule chose qu’il peut faire est de demander s’ils ont eu des nouvelles des hôpitaux du coin, mais là encore, il n’y a rien à déclarer.

Sachant que Chiranth arrivera à un moment donné, il s’occupe l’esprit en préparant le thé qu’il sait l’homme apprécie et les odeurs de cannelle et cardamome sont étrangement réconfortante durant quelques secondes. Jusqu’à ce qu’on toque à la porte. Il met le feu au minimum et se dépêche d’aller ouvrir, l’espace d’une fraction de seconde espérant y trouver sa sœur, alors qu’il sait que ça ne peut pas être possible – enfin, il sait, c’est bien vite dit, à ce stade, il est surtout certain de ne rien savoir – et son visage se défait en même temps qu’il attire Chiranth à l’intérieur et plus précisément contre lui, « Merci d’être venu. » Murmure-t-il, pressant son front contre l’épaule de l’autre homme, à deux doigts d’éclater en sanglots.

- The most loneliest day of my life, Such a lonely day, Should be banned, It's a day that I can't stand, The most loneliest day of my life, The most loneliest day of my life System Of A Down

(New York, 2021) – Le numéro est bien trop familier. Chiranth sait que même si le nom si familier ne s’était pas affiché, il aurait reconnu la suite de chiffres. C’est un problème. Ça fait des années maintenant que c’en est un. Et, toujours, cette certitude le hante que le temps est compté. Encore plus ces derniers mois. Il doit faire quelque chose, il doit disparaître, et ne pas prendre cet appel serait le premier pas parfait. Il soupire et attrape son mobile. Peut-être dans quelques semaines, quand il aura un vrai plan. « J’suis désolé, je savais pas ... J’crois il est tard chez toi en plus, merde » Ca ne ressemble pas à Adrian ça. Il pose sa tasse de café, tout de suite plus réveillé sans même l’aide du liquide béni. « Hé, hé, on s’en fout de ça. Qu’est-ce qu’il se passe, Adrian ? » Généralement, il appelle pour partager une bonne nouvelle ou pour lui proposer de passer un moment ensemble. Rien n’a préparé Chiranth à entendre sa voix si tremblante. Rien ne le prépare non plus pour la suite. « Astra a disparu et, et il y avait tant de sang, Chiranth. » Merde. Il lui faut une seconde de silence pour digérer la nouvelle. « T’es où, Adrian ? T’es chez toi ? » Il le met en haut parleur le temps de pianoter sur son téléphone pour arranger un vol privé en direction de New York. « Ok. Tu sais quoi ? Tu bouges pas. J’arrive. Je serai là le plus tôt possible. » Dire qu’il y a quelques minutes seulement, il pensait à mettre de la distance…

***

Le trajet lui paraît plus long que jamais. Il n’aime pas imaginer ce qu’Adrian peut vivre en ce moment, notamment parce qu’il ne sait que trop bien ce que ça fait que de perdre des êtres aimés.  Il a vu la petite soeur d’Adrian a plus d’une reprise et il apprécie la jeune femme. Ce n’est rien par rapport à ce qu’Adrian doit ressentir : pas besoin d’être devin pour savoir à quel point sa cadette compte pour lui. Peu importe comment il retourne la situation, ce n’est clairement pas le moment pour lui aussi de disparaître. La malheureuse Astra lui a coupé l’herbe sous les pieds. Il occupe son temps de transport à annuler ses rendez-vous et déléguer ce qui peut l’être. Un des avantages à être connu comme homme riche et excentrique, c’est que personne ne s’étonne de ses départs soudains. L’avion touche terre et il ne reste plus que les embouteillages new yorkais à affronter. Il ne sait toujours pas quelle aide il peut apporter à Adrian, si ce n’est être présent pour le tenir dans ses bras. Ça tombe bien, parce que ça semble être tout ce qu’il attend. Quand le brun le tire à l’intérieur de l’appartement, il ne réfléchit pas avant d’enrouler un bras sur son dos et de caresser l’arrière de sa tête de sa main libre. Les bagages sont oubliés près de la porte d’entrée et la chaleur de l’appartement momentanément ignorée. « Hey, Adrian. Bien sûr que je suis venu, je n’allais pas te laisser. » Sauf que c’est exactement ce qu’il planifiait et qu’il déteste l’horrible culpabilité qui lui bouffe les entrailles. « Pas de nouvelles ? » L’espoir naissant sur son visage quand il a ouvert la porte et la déception immédiate en le voyant sur le pas de la porte sont des réponses bien parlantes, mais ça semble mieux de demander. C’est ce qui est attendu, non ? Et Adrian a surement besoin d’un semblant de normalité. « Qu’est-ce que je peux faire ? » Tout pour retrouver un petit sourire sur ce visage, lui apporter un peu d’oxygène pour gérer la fin de son monde, que ce soit retrouver le coupable et lui livrer ligoté ou simplement le tenir dans ses bras des heures durant sans dire un mot. Adrian n’a qu’à demander et Adrian aura.

- The most loneliest day of my life, Such a lonely day, Should be banned, It's a day that I can't stand, The most loneliest day of my life, The most loneliest day of my life System Of A Down

(New York, 2021) – La présence de Chiranth à quelque chose de rassurant. Cette familiarité et cette chaleur qu’il associe si facilement quand il est question de l’autre homme et si une part de lui s’en veut de l’avoir arraché à son travail, il est soulagé de ne plus être seul. Il s’accroche à sa taille comme si sa vie en dépendait, les paupières closes, se concentrant sur sa respiration devenue un peu tremblotante, « Hey, Adrian. Bien sûr que je suis venu, je n’allais pas te laisser. » Après un petit reniflement – si ça sonne comme léger sanglot, ça n’est pas si loin de la vérité – « T’as sauté dans le premier avion. » Il est loin d’être un idiot, il sait ce que ça implique. Il laisse un instant la majorité de son poids reposer contre l’autre homme, avant de relever la tête, « Pas de nouvelles ? » Et presse son front contre celui de Chiranth, la mâchoire serrée, « Aucune. » Sa voix s’étrangle un peu, rien de bien surprenant, « J’ai appelé ce matin. » Et ça a été le même discours que la veille. « Qu’est-ce que je peux faire ? » Adrian ouvre la bouche, mais aucuns sons n’en sort, alors il se contente de hausser les épaules, « J’en sais rien. » Il serait plus exact de dire qu’il ne sait rien.

À contrecœur, il se défait de l’étreinte, « Entre. » Il lui dit avant de passer derrière lui pour l’aider à rentrer ses bagages dans l’appartement et refermer la porte en soupirant. « Personne ne me dit rien. » Il reprend sa réponse à Chiranth, « Apparemment ça ne sert à rien d’appeler tous les jours. C’est pas comme s'il y avait un manuel, hein ? » Comment gérer un kidnapping pour les nuls, ou toute les dérivés possibles et morbides. Il laisse les bagages dans le salon, après quoi il se dirige vers la cuisine, entraînant Chiranth avec lui en lui prenant la main, il a besoin à la fois du contact et de faire quelque chose, alors il termine de s’occuper du thé, remplissant les tasses, « La seule piste plausible, ça concerne son nouveau copain qui est introuvable aussi. » Il saura plus tard combien il s’est fourvoyé, mais la logique de cette hypothèse n’avait rien d’inattendu. Il pose son mug sur le plan de travail, appuyant son dos contre celui-ci et passe une main sur son visage défait, « Personne ne semble se sentir concerné. » Par personne, il entend son père et son autre sœur et si ça le met en colère, il y a aussi cette incompréhension. Il sait bien qu’ils ne sont pas proche de Stellan et Shani, mais ils font partis de la même famille, alors ça devrait compter, non ? À l’évidence, non. « Merci. » Il se répète Adrian, « Être seul, c’est ... » il fait un vague geste de sa main libre pour illustrer ce qu’il ne peut pas dire.

- The most loneliest day of my life, Such a lonely day, Should be banned, It's a day that I can't stand, The most loneliest day of my life, The most loneliest day of my life System Of A Down

(New York, 2021) – Chiranth resserre son étreinte. Sentir le corps d’Adrian contre le sien, ça n’a rien de nouveau, et pourtant ça n’a pas cette familiarité rassurante. Rien ne l’aura pour un moment, il soupçonne. Il déteste le sanglot qu’il peut presque sentir résonner contre son torse. « T’as sauté dans le premier avion. » Ce n’est surement pas le moment de dire qu’il a surtout fait préparer son petit jet privé car il n’y avait pas de vols qui partaient plus tôt. Une heure et demie de plus, que ça lui aurait pris. Pas la fin du monde. Mais son coeur était pas d’accord, serré de savoir Adrian seul face à une telle épreuve. Il a depuis longtemps renoncé à prétendre que ce qui peut arriver à Adrian ne le touche pas. « Comme si je pouvais attendre en me tournant les pouces. » Adrian aussi le sait bien. Ils ne vivent peut-être pas ensemble et n’ont peut-être pas une relation classique, mais ils savent très bien ce qu’ils représentent l’un pour l’autre. Du moins Chiranth l’espère. Il ne peut juste pas se résoudre à s’habituer à sa présence à ses côtés, jour après jour, pour ensuite n’avoir qu’un gouffre béant à sa place. Et ça, c’est quand il s’autorise la fantaisie de songer à tout lui révéler. Ca n’arrivera pas, jamais, et c’est Adrian qui restera seul à se demander où il est passé quand il changera une fois de plus de nom et d’identité. Stupide immortalité. Il hoche la tête quand Adrian dit être sans nouvelles. Vu son état, il n’en est pas surpris, même si attristé pour l’autre homme. Il veut faire quelque chose, n’importe quoi, pour l’aider. « J’en sais rien. » C’est la triste réalité. Il n’y a rien à faire. Aucun mot magique qui peut remonter le moral d’Adrian s’il n’est pas prononcé par sa petite sœur. Après cinq siècles de vie, Chiranth est encore plus loin qu’avant de savoir quoi faire devant la perte d’un être important.

Il finit par entrer entièrement dans l’appartement et, avec l’aide du propriétaire des lieux, à ramener valise et sac de bagage à l’intérieur avec lui. « Ça les agace peut-être, mais on s’en fout. Si tu as besoin d’appeler tous les jours, tu appelles tous les jours, Adrian. Elle est quelque part, dehors. » Peut-être. Il ne veut pas penser à l’éventualité qu’Adrian ait perdu sa sœur à jamais. « Elle a besoin que tu gardes espoir. » Est-ce qu’il fait plus de dommages en disant ça ? Il ne sait pas, Chiranth, mais il refuse de le voir baisser les bras. Il refuse d’être celui à lui dire qu’il n’y a aucun espoir de la revoir. Il serre la main de l’autre homme alors qu’il les entraîne vers la cuisine. Il sait déjà où tout se trouve et il sort les cuillères sans un mot.. Il ne sait pas si le réconfort est dans la boisson chaude ou juste dans la familiarité avec laquelle les gestes sont effectués. Un petit rituel pour occuper l’esprit et les mains l’espace d’un instant. Chiranth hoche vaguement la tête quand il entend la possible piste à suivre. Il s’en fout. Il veut juste revoir Astra dans cette cuisine, elle aussi une tasse entre les mains, et entendre les dernières anecdotes qu’Adrian ne voudrait jamais partager de lui-même. « Personne ne semble se sentir concerné. » Il ne faut pas être un génie pour comprendre qu’il parle du reste de leur famille. De cette autre soeur et de ce père qu’il n’a jamais rencontré. « Je suis désolé, Adrian. Tu ne devrais pas avoir à faire face à ça seul. Il n’y a pas des amis ou des collègues proches d’Astra avec qui tu peux parler de tout ça ? » Lui, ce n’est pas pareil : il n’est pas touché par la disparition d’Astra comme des amis à elle le seraient. Adrian a surement besoin de cette connexion que crée le chagrin partagé. « Merci. Être seul, c’est ... » Il lâche sa main pour passer un bras autour de son dos, s’appuyant lui aussi contre le meuble de cuisine. « Je suis là, Adrian. Quoiqu’il se passe, je suis là. » Il s’empêche de penser trop à toutes les autres complications que cette promesse peut engendrer et dépose un baiser sur l’épaule de l’autre homme. « Est-ce que tu as pu dormir un peu ? » Ca l’étonnerait. « Tu n’as pas à t’inquiéter de louper un coup de téléphone ou quoi, alors tu devrais essayer de te reposer. »

- The most loneliest day of my life, Such a lonely day, Should be banned, It's a day that I can't stand, The most loneliest day of my life, The most loneliest day of my life System Of A Down

(New York, 2021) – Ils ne se voient plus aussi souvent qu’il le désirerait et pourtant, Chiranth est bien l’unique personne à avoir décidé de venir en personne comment il peut aller. Ça ne devrait pas le toucher autant et pourtant, malgré les années écoulées, ça l’émeut beaucoup trop. Parce qu’il connaît l’emploi du temps de l’autre homme, c’est bien l’une des raison que leur relation est aussi atypique, « Comme si je pouvais attendre en me tournant les pouces. » Le pauvre sourire qui ourle ses lèvres n’a rien de très joyeux et pourtant, il prend le temps de relever la tête pour presser son front contre le sien. « On sait tous les deux que c’est pas toujours aussi simple. » murmure-t-il doucement, yeux clos, profitant un instant de cette proximité, avant que la prochaine question lui noue à nouveau l’estomac. Toujours sans nouvelles, il commence à s’interroger sur ce qu’il peut faire de plus pour retrouver sa sœur, avec ou sans l’aide de la police. Faire entrer Chiranth dans l’appartement, ainsi que ses bagages, offrent une distraction bienvenue bien que trop brève, puisqu’il laisse parler sa frustration et son agacement, « Ça les agace peut-être, mais on s’en fout. Si tu as besoin d’appeler tous les jours, tu appelles tous les jours, Adrian. Elle est quelque part, dehors. » Ça devrait être rassurant et il sait ce que Chiranth tente de faire, « Elle a besoin que tu gardes espoir. » Le rire qui lui échappe durant quelques secondes est plus nerveux qu’autre chose, « Je sais et j’essaie. Tu me connais. » Du moins il l’espère, « Mais, » sa gorge se noue, « il y avait tellement de sang. » Il répète, voix murmurée et visage horrifiée, alors qu’il revoit ses images passer devant ses yeux.

Le thé refroidit et il se force à en boire une gorgée et pourtant, l’amertume qu’il ressent n’a rien à voir avec ce dernier, mais plutôt avec l’absence du reste de sa supposée famille. Ça en dit beaucoup qu’ils se sentent si peu concerné tandis que Chiranth a pris le premier vol trouvé, « Je suis désolé, Adrian. Tu ne devrais pas avoir à faire face à ça seul. Il n’y a pas des amis ou des collègues proches d’Astra avec qui tu peux parler de tout ça ? » Il hausse les épaules, « Honnêtement, j’en sais rien. » Il grimace, « J’aurais dû y penser. » Il ne doit pas être le sol à être aussi touché par la disparition d’Astra. Et pourtant, il ne s’est jamais sentit aussi seul. Alors la présence de Chiranth est une bénédiction, vraiment, « Je suis là, Adrian. Quoiqu’il se passe, je suis là. » Il laisse son poids reposer un peu plus contre l’autre homme et il presse ses lèvres contre la dessus de la tête du brun, « Merci. » Murmure-t-il à nouveau, reconnaissant et c’est facile de libérer l’un de ses bras et l’enrouler autour des épaules de son compagnon, « Est-ce que tu as pu dormir un peu ? » Son silence est une réponse en soi, « Tu n’as pas à t’inquiéter de louper un coup de téléphone ou quoi, alors tu devrais essayer de te reposer. » Sa mâchoire se serre un peu, « Je suis pas sûr d’y parvenir, Chiranth. J’ai déjà essayé. J’ai conscience que m’épuiser n’apportera rien. » Mais dès qu’il s’allonge et que son esprit n’est plus concentré sur une tâche, c’est sur ce désastre qu’il se focalise et à partir de là, il est incapable de fermer l’œil. Il est clairement inutile, Adrian et ça le ronge.

- The most loneliest day of my life, Such a lonely day, Should be banned, It's a day that I can't stand, The most loneliest day of my life, The most loneliest day of my life System Of A Down

(New York, 2021) – « On sait tous les deux que c’est pas toujours aussi simple. » Chiranth laisse échapper un soupir alors même qu’il est le coupable dans cette histoire. C’est lui qui met toujours une distance entre eux, lui qui laisse tout tomber pour aller aider les membres de sa constellation, lui qui prend l’avion du jour au lendemain pour une mission de l’Ordre. Lui qui n’assume pas de regarder en face la force de ses sentiments pour Adrian. Et bordel, “pas simple” est un saleté d’euphémisme donné par Adrian qui ne voit qu’une moitié de leur situation. N’empêche qu’il est là, Chiranth, incapable de dire non quand Adrian a besoin de lui. Et il n’a jamais eu autant besoin de lui qu’aujourd’hui. Alors Chiranth essaie de le soutenir, de lui offrir des mots vides qui peuvent peut-être redonner un peu d’espoir parce qu’Adrian n’a rien s’il n’a plus espoir. «Je sais et j’essaie. Tu me connais. Mais, il y avait tellement de sang. » Sa gorge se noue alors qu’il perçoit toute la détresse de l’autre homme. « Oh, Adrian », il murmure en serrant sa main plus fort, « je suis désolé. » Désolé qu’il ait eu à voir tout ça, désolé que personne n’ait de réponses à lui donner, désolé que le monde est encore loin d’être parfait.

Désolé aussi que le reste de sa famille ne se sente pas concerné par cette tragédie. Une gorgée de thé lui réchauffe la gorge alors qu’il s'inquiète de savoir auprès de qui d’autre Adrian peut possiblement trouver du soutien. Des collègues ou amis d’Astra, peut-être. « Honnêtement, j’en sais rien. J’aurais dû y penser. » Il secoue la tête. L’idée ce n’est pas d’ajouter une ligne à la liste de reproches ou de regrets qu’Adrian est capable de dresser contre lui-même, bien au contraire. « Tu ne peux pas penser à tout. Surtout dans une situation comme celle-ci. » S’il réussit déjà à penser à prendre soin de lui-même, ce serait pas mal. Il a l’air de s’être nourri, du peu que Chiranth peut en juger avec la vaisselle qui sèche encore près de l’évier. Le sommeil, ça semble plus compliqué. Il profite un instant de l’avoir contre lui, dans ses bras, là où il sait que rien ne lui arrivera, avant de poser la question. « Je suis pas sûr d’y parvenir, Chiranth. J’ai déjà essayé. J’ai conscience que m’épuiser n’apportera rien. » Au moins voit-il la logique de la chose et ne s’indigne-t-il pas de cette suggestion. C’est un bon début. Chiranth hoche distraitement la tête. « Ok. Tu veux bien essayer une nouvelle fois ? » Voix douce et raisonnable, presque comme s’il parlait à un jeune cheval paniqué, il se dégage de leur étreinte pour lui prendre la main et gentiment le tirer loin du plan de travail.

« Peut-être pas au lit, mais au moins t’allonger dans ton canapé. On va mettre la télé et je serais prêt de toi tout du long. » Comme ils le faisaient parfois à l’époque où ils ont habité ensemble pour une maigre année, quand Adrian avait eu une rude journée. Chiranth restait là, à caresser distraitement les cheveux de l’autre homme alors que sa tête reposait sur ses cuisses, et il regardait un quelconque documentaire à la télé. Est-ce que la vieille astuce peut marcher une nouvelle fois ? Il ne le sait pas, mais c’est la seule chose qu’il peut proposer pour l’instant.

- The most loneliest day of my life, Such a lonely day, Should be banned, It's a day that I can't stand, The most loneliest day of my life, The most loneliest day of my life System Of A Down

(New York, 2021) – Il ne sera jamais suffisamment reconnaissant de la présence de Chiranth à ses côtés à ce moment. Enfin, s’il doit être honnête, il chérit chaque instant qu’ils passent ensemble, incertain de quand sera la prochaine fois où ils se reverront, mais aujourd’hui, il n’y a malheureusement pas cette légèreté qui flotte habituellement entre eux et si la douceur est toujours là, elle est teintée différemment. Elle est plus rouge. Beaucoup plus rouge, presque noire, même. Et cette ombre ronge un peu plus son cœur, à Adrian. Inquiétude lui dévorant les entrailles à mesure que les jours s’écoulent. « Oh, Adrian, je suis désolé. » Il s’agrippe à cette main comme à une bouée de sauvetage et quand il se tourne, pour replacer une de ces boucles qu’il aime tant, il est juste infiniment triste. « Tu n’y peux rien. » C’est bien l’une des rares certitudes qu’il a, mais ça ne lui apporte qu’un maigre réconfort.

Mais il peut compter sur lui, la preuve en est, il se trouve à ses côtés, épaule contre épaule alors qu’ils boivent un thé et si les saveurs sont aussi fortes qu’à l’ordinaire, il ne parvient pas à y retrouver la chaleur que ça lui apporte. Lorsque Chiranth lui manque et tente de se rapprocher de l’autre homme avec une boisson qu’il lui a appris à concocter. Il a toujours beaucoup appris de Chiranth. Des faits inutiles qu’il prend plaisir à essayer de replacer. Puis d’autres choses, évidemment. S’il sait monter à cheval, c’est bien grâce à lui et aujourd’hui, il fait preuve d’une sagacité qui lui a fait défaut, « Tu ne peux pas penser à tout. Surtout dans une situation comme celle-ci. » Il serre la mâchoire, un peu plus désemparé, « Mais j’aurais dû. Astra a des amis, peut-être que, » Il s’arrête comme pour reprendre son souffle, « je » Il n’arrive pas à terminer sa phrase. La partie rationnelle de son esprit lui murmure que c’est le boulot de la police, de s’occuper de tout ça, mais il n’est pas policier Adrian, juste un grand-frère terrifié et un tout petit peu moins seul. Et épuisé. Mais le sommeil se fait compliquer, les cauchemars aux aguets. « Ok. Tu veux bien essayer une nouvelle fois ? » Oh, comme il a envie de se laisser porter par cette voix, même si le ton employé l’intrigue. Il connaît cette intonation. En une dizaine d’années, il a eu l’occasion de l’entendre à plus d’une reprise et tout homme qu’il soit, Adrian n’est pas un jeune étalon. Pourtant, il hoche la tête sans rechigner et se laisse faire, même s’il ressent instantanément l’absence de chaleur quand il met court à leur étreinte.

« Peut-être pas au lit, mais au moins t’allonger dans ton canapé. On va mettre la télé et je serais prêt de toi tout du long. » Comme il veut ça Adrian. Ils l’ont eu, pendant un temps. « On peut s’y allonger tous les deux. » Il y a une question dans l’air, parce que Chiranth à le choix de faire ce qu’il veut, mais il a envie d’être un tantinet égoïste et de prendre un peu plus que ce qu’on lui donne. « Le canapé est large. » La justification n’est pas nécessaire et c’est un bien piètre argument, notamment parce que son compagnon connaît l’appartement. Et si le canapé est effectivement aussi grand que large, pour une personne, les coussins colorés qui l’ornent apportent une note aussi réconfortante que chaleureuse. À défaut d’avoir Chiranth avec lui, il a les coussins aux taies qu’il a choisis. Son préféré reste celui hideusement kitsch avec le cheval dessus, en toute objectivité, bien entendu. Quand ils sont finalement installés, ce n’est pas la télévision qu’il veut entendre, « Parle moi. » murmure-t-il, « comment vont tes chevaux, » il commence à énumérer tout ce qui lui passe par la tête, « tes proches. » Il presse son visage un peu plus contre la forme de l’autre homme, « Ce que tu veux. » Il n’est pas avare de détails, Adrian, il veut juste entendre la voix de Chiranth habiter cet appartement parfois bien trop grand pour lui seul. Il veut que ses pensées voyagent au lieu de tournoyer sur la disparition de sa sœur. Il a simplement envie de ne plus se sentir aussi seul.  « S’il te plaît, Älskling. »

- The most loneliest day of my life, Such a lonely day, Should be banned, It's a day that I can't stand, The most loneliest day of my life, The most loneliest day of my life System Of A Down

(New York, 2021) – Il n’est pas souvent impuissant, Chiranth, mais être immortel ne fait pas de lui un super-héro. Il pourrait utiliser les ressources de l’Ordre et des Adorateurs pour essayer de retrouver la petite sœur d’Adrian, tenter d’élucider ce qui est arrivé sur cette sordide scène de crime, mais ça ne ferait que mettre Adrian sur leurs radars. Le mettre en danger. Et si Adrian se fout sûrement de ce qu’il peut lui arriver, pourvu qu’il retrouve Astra, Chiranth n’est pas du même avis. Il se sent comme le pire des égoïstes, mais ça aussi il pourra le digérer. La perte d’Adrian de sa propre faute ? Pas certain qu’il arrive à vivre avec ça, mais ce n’est pas comme si le destin lui laisserait le choix. Alors il tente de son mieux de se concentrer sur ce qui lui a fait si défaut quand il a lui-même eu à affronter le deuil ou la peur d’un deuil : la compagnie. Si la famille d’Adrian n’est pas là pour lui offrir ne serait-ce qu’un maigre soutien, il y a d’autres personnes qui ont connu et aimé Astra. « Mais j’aurais dû. Astra a des amis, peut-être que, - je - » Il se presse plus contre l’épaule d’Adrian, comme si la chaleur entre leurs deux corps pouvait lui donner la force de finir sa phrase. « Tu as bien fait de m’appeler », murmure-t-il au lieu de lui rappeler qu’il n’a pas à se blâmer. « On verra ce que tu peux faire et comment, je te le promets, mais plus tard. » Là, ils doivent déjà s’occuper de son état de choc. Adrian ne pourra rien faire s’il se malmène.

Les dieux soient loués, Adrian accepte de se reposer, ou au moins d’essayer. Encore une preuve de son égoïsme, mais ça soulage foutrement Chiranth. Ça lui donne l’impression de servir à quelque chose, aussi, les mots et les gestes semblant tous désespérément futiles dans sa tête, comparé à la peine de l’autre homme.Qu’est-ce qu’on peut dire dans ces cas-là ? Qu’est-ce qu’on peut faire ? Si Chiranth doit en croire le cinéma et les séries télés, seulement offrir un mot de soutien et peut-être un plat cuisiné. Il peut cuisiner. Il n’est pas un grand chef, mais bien assez doué pour nourrir Adrian. « On peut s’y allonger tous les deux. Le canapé est large. » Ca aussi il peut faire. « Bien sûr oui. Tout ce que tu veux, Adrian. » Tant que tu continues à me dire ce qu’il te faut. Les coussins ne font pas long feu, vestiges d’un passé autrement plus heureux, de tous ces efforts faits pour meubler un appartement qui serait le leur, à tous les deux. Celui au cheval d’un mauvais goût plus que douteux part en premier. Il en garde seulement deux sous la main pour éviter de refiler un torticolis à Adrian, avant de le tirer doucement, l’invitant à s’allonger avec lui. Au final ce n’est pas le coussin dont Adrian se sert comme oreiller, mais son bras à lui. Il ignore le picotement désagréable qui disparaîtra sûrementsurement d’ici quelques instants et plie le coude pour caresser les mèches brunes.

« Parle moi. Comment vont tes chevaux, tes proches. » Ce ne serait pas la première fois qu’il parle de tout et de rien, murmure des anecdotes du quotidien et continues ainsi jusqu’à ce que la respiration d’Adrian se fasse plus profonde et que sa bouche s’entrouvre, signe certain que Morphée est venue ajouter ses bras à ceux de Chiranth. « Ce que tu veux. » Son menton trouve sa place contre le haut du crâne d’Adrian. « S’il te plaît, Älskling. » Tout ce que tu veux, il a promis et il entend bien tenir cette promesse. Alors il se met à parler. Un voyage d’affaires, pour débuter, mais ça sonne creux, alors il se rabat sur le haras. L’univers des courses, les menus blessures de ses chouchous, les chevaux légués par une amie de la famille qui, loin d’être des bêtes de courses pour tous, vivent leur retraite au vert et ne manquent pas de caractère. Il se plaint aussi d’un employé qui est en train de se faire démarcher et d’un nouveau palefrenier qui a encore à apprendre. Il peint l’appartement de son quotidien et, toujours, il tend l’oreille, baissant le ton à chaque fois que la respiration d’Adrian ralentit, à chaque fois qu’il se détend un peu plus. Le temps semble suspendu à son état de conscience.

- The most loneliest day of my life, Such a lonely day, Should be banned, It's a day that I can't stand, The most loneliest day of my life, The most loneliest day of my life System Of A Down

(New York, 2021) – « Tu as bien fait de m’appeler. On verra ce que tu peux faire et comment, je te le promets, mais plus tard. » C’est dans de tel moment qu’il regrette d’être plus grand que Chiranth, quand il ne souhaite que se presser contre lui pour presque disparaître. Son esprit lui murmure aussi qu’il aimerait appeler plus, « Je n’étais pas certain que tu répondrais. » Admet-il dans un murmure, se rappelant du temps s’allongeant entre chaque réponses, au point où il venait à se demander s’il finirait pas ne plus avoir aucunes nouvelles. Il s’en veut, aussi, mais à ce moment il s’en veut de tout, au point de s’en donner la nausée. Il fait bien de poser la tasse dans l’évier, d’ailleurs. Ça leur permet de se rendre sur le canapé plus simplement, « Bien sûr oui. Tout ce que tu veux, Adrian. » Il veut tant de choses, en vérité. Même si, les deux plus simples sont de revoir sa petite sœur et que Chiranth reste. Reste avec lui, brisant cette distance qu’il sent parfois entre eux et qui lui fait un peu plus mal au cœur. Il oublie, parfois, qu’aimer puisse être aussi douloureux, parce qu’il pense au positif et non au manque. Sauf que là, le manque est omniprésent, créer principalement par l’absence de sa cadette. Alors, il garde la silence, Adrian, même s’il se presse autant que possible contre l’autre homme, glissant un bras autour de sa taille, sa main se faufilant sous le pull pour profiter d’un meilleur contact. Chiranth est vraiment là.

Il écoute, Adrian. Intervenant entre deux anecdotes, roulant des yeux avec une tendresse évidente lorsqu’il est mention de ses employés, ses doigts caressant la peau de son dos, jusqu’à ce qu’il finisse inévitablement par s’endormir, transporté par les mots tandis que les maux de ces derniers jours sont enfouis le temps de quelques heures. C’est en frissonnant qu’il se réveille, en même temps que la panique qui lui serre le cœur, il se redresse trop vite, sûrement, deux coussins tombent sur le tapis alors qu’il cligne des yeux, à la rechercher d’une silhouette familière. « Chiranth ? » Sa voix n’est qu’un murmure, n’étant pas encore complètement réveillée et il se lève, partiellement rassuré de voir la présence d’un sac contre le canapé. Il soupir avec soulagement, avant de prendre une grande inspiration et c’est là que lui chatouille les narines et peut-être se dirige-t-il dans la cuisine en grandes enjambées. Peut-être. Il est certain, néanmoins, qu’il referme ses bras autour de l’autre homme, pressant sa tête contre son cou, calmant les battements peu trop erratiques de son cœur. « J’ai dormi longtemps ? » Il lui demande après quelques secondes, « Est-ce qu’on m’a appelé ? » Il enchaîne juste après, de façon très peu surprenante.

- The most loneliest day of my life, Such a lonely day, Should be banned, It's a day that I can't stand, The most loneliest day of my life, The most loneliest day of my life System Of A Down

(New York, 2021) – Il suffit de quelques mots murmurés pour le blesser. « Je n’étais pas certain que tu répondrais. » L’aveu fait mal. Plus que de raison car il n’a rien d’étonnant : Chiranth n’est pas homme à être tout le temps joignable. Il change de numéro plus fréquemment que la moyenne et perd parfois de précieux messages ainsi que des photos auxquels il tient peut-être un peu trop. Il a appris à les imprimer à la première occasion avant qu’il ne soit trop tard et qu’il ne reste que les regrets à la place de ces moments volés au temps. « Je suis content d’avoir pu le faire. » Il imagine sans mal la culpabilité s’il n’avait pu être présent aux côtés d’Adrian pour l’épauler durant cette épreuve, imaginaire bien ironique et hypocrite quand il s’apprêtait lui-même à disparaître. Soit. Ce n’est ni le moment ni l’endroit pour tenir son propre procès mental. Le contact et la chaleur volée à Adrian le tirent de ce sombre train de pensée. Chiranth se met à parler, à déblatérer, et même lorsqu’il sent Adrian s’endormir, il continue, voix qui commence à tirer sur le rauque alors que sa bouche s’assèche.

Il ne sait pas combien de temps s’écoule ainsi, à somnoler sur le canapé, essayant de ne pas songer à ce qui a bien pu arriver à la jeune Astra. Doucement, avec quantité de précautions, il manœuvre pour s’extraire de l’étreinte. Il n’a pourtant aucune objection à rester dans les bras du bel endormi, mais il a encore de quoi se rendre utile. Il commence par étendre la lessive restée dans la machine, surement une tâche interrompue par son arrivée précoce, puis constate que c’est bien la seule corvée ménagère qui n’avait pas déjà été effectuée. Ses pas le guident donc jusqu’à la cuisine et Chiranth entreprend de fouiller les placards pour voir ce qu’il a à disposition. Poisson, viande, légume, légumineuses, sauces,.. La liste continue et, visiblement, Adrian ne manquera pas de nourriture si vite que ça. Tant mieux. Chiranth n’aurait pas voulu partir en courses sans prévenir le brun, mais il n’aurait pas non plus souhaité le réveiller. Tout ça lui évite le cruel dilemne. Il sélectionne un généreux morceau de potiron, des tomates et des oignons, les coupe en morceaux et les mets à la poêle, ajoutant des épices par-ci par-là.

S’il n’avait pas vu du mouvement du coin de l'œil, il aurait sursauté à l’arrivée d’Adrian dans son dos. « J’ai dormi longtemps ? » Il secoue la tête. « Pas autant que ce que j’aurais aimé. C’est le début de l’après-midi. » Et puisque l’inquiétude rattrape vite Adrian, Chiranth esquisse un geste de main vers un post-it placé sur le frigidaire. « Seulement un potentiel client, je crois. J’ai pris ses coordonnées au cas où, mais j’ai bien précisé que tu risquais de ne pas le rappeler avant plusieurs jours. » Il n’a pas voulu faire capoter une vente, tout comme il n’a pas voulu forcer la main à Adrian pour reprendre le boulot. Ce n’est pas sa place. Il coupe le feu puis tourne sa tête pour déposer un baiser sur la tempe d’Adrian. « Je te prépare une soupe. Ça va te faire bien d’avaler quelque chose de chaud. » Il ne reste plus qu’à mixer le tout en ajoutant quelques cuillères d’eau.

- The most loneliest day of my life, Such a lonely day, Should be banned, It's a day that I can't stand, The most loneliest day of my life, The most loneliest day of my life System Of A Down

(New York, 2021) – Chiranth est là et s’il s’en veut d’avoir à un moment pensé qu’il ne répondrait pas, il est terriblement soulagé que l’autre homme se trouve là, dans leur… Sa cuisine. Dans sa cuisine. Et c’est sûrement les soucis et l’inquiétude qui l’habitent qui le font penser à tant de choses négatives. Il ne pense pas qu’on puisse lui en vouloir, même si, lui s’en veut. De nombreuse choses, pas forcément liée les unes aux autres, mais tout ressort alors que tout vole en éclats. Mais il n’est plus seul, alors il s’accroche un peu plus fermement à Chiranth qui l’ancre dans le moment présent, « Pas autant que ce que j’aurais aimé. C’est le début de l’après-midi. » Il laisse son poids reposer un peu plus contre le dos de l’autre homme, « Mais, je ne me suis pas réveillé entre temps. » Alors c’est une petite victoire en soit, pas vrai ?

Et il a dû dormir suffisamment profondément pour ne pas entendre le téléphone sonner, « Seulement un potentiel client, je crois. J’ai pris ses coordonnées au cas où, mais j’ai bien précisé que tu risquais de ne pas le rappeler avant plusieurs jours. » Il tend le bras, sa main se refermant autour de celle de Chiranth alors qu’il ferme à nouveau son étreinte. Il devine facilement où sont marquées les coordonnées en question, pas besoin de lever la tête. Il n’en a pas particulièrement envie de toute façon. « Merci. » Et ce sont des remerciements qui englobe bien plus que la prise de note de coordonnées et il espère que Chiranth en aura conscience. C’est un soupir d’appréciation quand un baiser est déposé sur sa tempe et il lève suffisamment sa tête pour effleurer sa mâchoire de son nez. « Je te prépare une soupe. Ça va te faire bien d’avaler quelque chose de chaud. » Il ouvre un œil pour voir ce qui mijote sur le feu, « En début d’après-midi ? » Questionne-t-il, n’ayant pas particulièrement faim. « Tu en auras assez pour toi aussi ? » La portion lui semble assez minime, « T’as de quoi te cuisiner ce que tu veux, tu le sais ? » Il n’a pas particulièrement envie de voir l’autre partir si tôt, que ce soit pour faire une tournée de courses ou pire, simplement s’en aller. Pas quand il vient à peine d’arriver. Il pense distraitement combien cette question est idiote, puisque, « Évidemment que tu le sais. » Ajoute-t-il dans un murmure ; les placards ont bien été ouverts, après tout. « Juste un appel, hein ? » Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir contacté son autre sœur. Il est même allée jusqu’à envoyer un message à Stellan, c’est pour dire combien l’inquiétude est profonde. Il soupire profondément, Adrian, à la fois épuisé d’être seul, mais soulagé de la plus l’être. C’est paradoxal, il en a bien conscience. « Je peux t’aider pour quelque chose ? » La demande ne risque pas de surprendre Chiranth et s’il y a bien quelque chose dont il a besoin – outre les plus évidentes – c’est de se sentir utile.

- The most loneliest day of my life, Such a lonely day, Should be banned, It's a day that I can't stand, The most loneliest day of my life, The most loneliest day of my life System Of A Down

(New York, 2021) – Le contact physique, les odeurs familières des épices, et le son de sa voix. Autant de sollicitations pour des sens différents qui, il l’espère, aident Adrian à s’ancrer dans le moment présent et à ne pas vaquer aux sombres hypothèses sur ce qui a pu arriver ou sa sœur ou, pire encore, à ne pas retourner à la vision de l’appartement ensanglanté. C’est sûrement très égoïste, mais c’est le propre des choses : les mortels meurent. Ils mentent, ils pillent, ils tuent et s’entretuent. « Mais, je ne me suis pas réveillé entre temps. » Certains d’entres eux, pourtant, choisissent de faire confiance et d’aimer. Certains d’entre eux ont juste besoin de se sentir aimés en retour. Et alors ils fleurissent, ils rient, ils chantent, ils créent. Humanité pleine de contradictions dont Chiranth fait toujours partie même après des centaines d’années qui alourdissent son fardeau. Il a tué un nombre incalculable de fois et n’a aimé que très rarement. Peut-être vaut-il encore moins que ces mortels qu’il dénigre parfois. Adrian lui fait se poser trop de questions. « To small mercies », il murmure tendrement.

Un petit rire lui échappe quand sa main est vite rattrapée par celle de l’autre homme et ramenée à ses côtés, de façon à ce que Adrian puisse le tenir tout entier dans son étreinte. « Tu sais que je vais avoir besoin de mes mains pour continuer à cuisiner, hein ? » C’est pourtant loin d’être une réprimande. Si certains morceaux de potirons cuisent un peu trop, ils sont deux à s’en foutre royalement : pour toute réconfortante qu’une soupe soit, elle ne le sera jamais plus que quelques instants de paix à savourer leur proximité l’un de l’autre. N’empêche que Chiranth la mentionne dans l’espoir qu’Adrian accepte d’en prendre un peu. Après avoir veillé à son sommeil, il est dans la suite logique des choses que Chiranth s’assure qu’Adrian mange ne serait-ce qu’un peu. « En début d’après-midi ? » Il claque sa langue contre son palais devant cette réponse récalcitrante. « Tu dormais pendant l’heure du déjeuner, mais ça ne t’autorise pas à le sauter complètement. » Non mais. D’autres questions suivent, bien sûr, et Chiranth y répond aussi simplement que possible. Une chose après l’autre, comme Tal le lui a appris. « J’ai grignoté un sandwich pendant que ça cuisait, et je me prendrai une petite tasse en complément. » S’il veut encourager Adrian à manger correctement, autant montrer le bon exemple et, encore mieux, lui tenir compagnie. Quant au contenu des placards, effectivement, il sait maintenant bien ce qu’il en est. « Je me suis permis de fouiller un peu, oui. »

« Juste un appel, hein ? » Chiranth n’a pas de mal à deviner à qui il pense. Adrian n’a jamais gardé secret cette distance familiale, ce froid dont il souffre sans savoir que faire pour l’atténuer et il semblerait que même le drame récent ne suffise pas. Il hoche de la tête. Il n’y a rien d’autre à dire ou à rajouter, malheureusement, si ce n’est qu’Adrian a des amis et que ce sont eux, maintenant, qui vont l’aider à avancer. Pas cette famille qui n’appartient qu’à un lointain passé. « Je peux t’aider pour quelque chose ? » Et comme Chiranth ne sent pas le coeur à lui refuser quoi que ce soit, il acquiesce de nouveau. « Tu peux mettre la table pendant que je passe tout ça au mixeur. » C’est donc comme ça que les choses se déroulent, non sans un autre baiser déposer sur la joue d’Adrian, et quelques minutes suffisent à ce que l’immortel serve un bol et une tasse de soupe. Il n’y aura pas de reste. Ce n’est pas grave car Chiranth compte bien cuisiner autre chose ce soir et faire des pancakes pour le petit déjeuner du lendemain. « Bon appétit, Adrian. »