Requiem for a guiding star

Deux mois. Cela fait aujourd’hui deux mois jour pour jour que tu avais vu pour la dernière fois les autres membres de ta constellation avant de partir sans un mot, t’éclipsant sans même les prévenir, une fois les funérailles de Mithra terminées. Tu étais quand même restée le temps de régler les derniers détails concernant toute cette histoire de succession et d’héritage qu’elle t’avait laissé, rassurant aussi tes frères et sœurs de constellations comme quoi ils pouvaient toujours utiliser la maison de Tyr comme avant et… Et tu étais partie en silence, comme ça, au milieu de la nuit, car ne supportant plus de rester là-bas. Tout là-bas te faisait penser à elle, absolument tout. Si bien que rester dans cette maison ressemblait plus à une torture qu’au havre de paix que cette demeure était sensée représenter.

C’est assez naturellement que tu t’es dirigée droit vers le Nord, finissant par regagner les contrées qui t’avaient vu naître bien des siècles auparavant. Il y avait cette maison, près d’Aarhus, près du village où tu étais née et où tu avais grandi, que tu avais acheté la dernière fois que tu étais revenue au Danemark. Avec Mithra, c’est vrai, mais vous y étiez restées bien trop peu de temps pour que tu aies réellement de souvenirs de vous deux en pays scandinave. Et oui, même à presque deux millénaires de vie, madame était toujours frileuse, une anecdote qui t’avais tiré un léger sourire amusé quand tu avais aperçu les terres danoises depuis le pont du bateau qui t’avais ramené ici. Si le voyage de retour t’avais pris un mois, tu avais occupé le suivant à commencer à installer une sorte de routine dans cette maison pas loin de la mer. Une routine avec pas mal d’alcool au programme, il fallait bien l’avouer. Mais bordel, quelque soit le siècle et quoi que soit devenu ton pays, tu restais une Viking pur-sang, une de ces guerriers scandinaves qui avaient fait trembler de peur les anglais et les francs lors de vos campagnes de pillages. Alors tu ne voyais pas vraiment d’autre moyen pour gérer ton deuil que de tenter de le noyer dans la bière, l’hydromel ou l’eau de vie.

La nuit était tombée depuis environ une heure maintenant, et à la lueur du feu qui brule dans ta cheminée, tu es déjà bien alcoolisée sans pour autant être saoule. Il t’en faut bien plus que ça pour l’être après tout. En tout cas, ivre ou non, ton ouïe n’est pas affectée ou diminuée par l’alcool, si bien qu’un bruit à l’extérieur te fait te tendre soudainement. Si ta main trouve instinctivement le mache de ta hache, tu fixes ton regard sur la porte d’entrée, estimant le son que tu as entendu à une dizaine de mètres de l’entrée. Ta baraque est isolée de presque 3 kilomètres du village le plus proche et d’un peu moins d’un kilomètre de la ferme la plus proche alors ce n’est clairement pas un voisin qui vient te demander tu ne sais quel service. Entendant les pas s’approcher de plus de plus de chez toi, tu finis par te lever, ta hache toujours à la main, prête à accueillir comme il se doit l’enfoiré qui a l’air de vouloir t’emmerder ce soir. Même si cela a l’air de réveiller ton sang de Viking, te poussant à ne pas attendre gentiment que l’intrus se pointe à ta porte pour y aller, l’ouvrant brusquement tout en levant ta hache suffisamment haut pour pouvoir planter d’un mouvement rapide l’emmerdeur… Quand tu te stoppes nette dans ton mouvement en reconnaissant la blonde qui n’est plus qu’à quelques mètres de toi.

- Gabi ? Mais qu’est-ce que tu fous là ?

Demandes-tu, les sourcils légèrement froncés, et en baissant déjà ton bras armé. Même si tu ne tardes pas à le relever juste assez pour mettre en évidence ta hache.

- T’as conscience que j’étais partie pour te défoncer le crâne ?

Oui, tu es presque en train de l’engueuler alors que c’est toi qui étais sur le point de l’attaquer. Et oui, tu sais aussi parfaitement qu’au pire, elle ne serait restée morte que quelques minutes mais bon, se prendre un coup de hache dans le cou ou le visage reste quand même désagréable, immortelle ou non. Et alors que tu baisses de nouveau le bras, lançant ton arme presque aussi ballante que le bras qui la porte, tu fronces de nouveau un peu des sourcils en penchant légèrement la tête sur le côté, dans un tic interrogatif que tu as.

- Comment t’as su pour ici d’ailleurs ?

Tu n’as pas souvenirs d’avoir parler de cette maison aux autres membres de la constellation. Pas encore en tout cas. Est-ce que c’est Mithra qui l’a mise au courant ? A moins qu’elle n’ait eu quelques infos grâce à ses dons de clairvoyance ? Ou encore ce fichu lien entre vous tous ? Trop de possibilités au final pour que tu puisses réellement garder cet endroit secret et tu t’en rends bien compte maintenant que ta petite sœur de constellation et de cœur est face à toi.