I'm a shooting star leaping through the sky || Rahim

[1950] Tu ne cries pas tout de suite et ça inquiète, Rahim. Tu inquiètes. Tes poumons de nouveau-né ne semblent pas se remplir d’air. Le sanglot de ta mère, à bout de forces, fait écho au tient et ce sont des larmes de joie, qui coulent sur les joues de ton père. Il niera, mais même en racontant cette anecdote de ta naissance, tu as pu voir combien ça l’a terrifié.

[1955] T’as cinq ans et ta mère te lit le neveu du magicien, publié cette année, alors que ton père reçoit des gens à la maison. T’es curieux, haut comme trois pommes et deux calots que tu es, mais t’es quand même plus intéressé d’en savoir plus sur Narnia.

[1960] Depuis peu, ton père, sous le couvert d’un jeu étrange, commence à t’entraîner. T’es courbaturé, Rahim et tu te demandes si t’as fait quelque chose de mal, surtout. Il a toujours été sévère, ton père, mais cette passion, tu ne l’as comprend pas. Pas tout de suite, du moins.

[1968] Tu comprends, Rahim. Sans être le plus brillant du monde, t’as saisi qu’on te cachait des choses, alors on t’explique. Après tout, tu n’es plus haut comme trois pommes et deux calots, maintenant, tu peux prendre tes propres décisions et tu veux faire honneur à tes parents, qui sont fiers, de ta décision. Ce sont tes premiers pas chez les adorateurs. Tu trouves le nom teinté d’un peu trop de fanatisme, mais après avoir ricaner en l’entendant, tu t’es bien gardé de recommencer.

[1970] T’as vingt ans et tu penses que t’es amoureux, Rahim. T’as des papillons dans le ventre à chaque fois que vous vous voyez et si ce n’est pas souvent, parce que t’es toujours un peu en vadrouille, tu savoures ses moments. Les années passants, vous vous voyez souvent et t’es sûr que t’es amoureux. Tu penses qu’elle aussi et en [1975] elle te dit oui. T’es le plus heureux des hommes, Rahim et t’es sûr que rien ne peut t’arrêter. Tu as tort. Vous deviez vous marier et ta mère t’as dit, combien elle était rayonnante, dans sa robe. Sa flamme s’est éteinte et elle t’a paru bien pâle, dans son linceul.

[1985] T’es en colère, Rahim. Contre toi, contre le monde, t’aurais dû voir, qu’elle était malade. Tu t’en veux et l’unique façon de penser à autre chose c’est de te concentrer sur ta mission et c’est ce que tu fais. Tu n’excelles pas, Rahim, mais t’es bon dans ce que tu fais et tu penses que t’as encore beaucoup à apprendre, mais ce que t’apprends, tu ne t’y attendais pas. Tu meurs, Rahim. Peu de temps après tes parents, d’ailleurs. Ton cœur, déjà meurtris, tu l’as senti se briser encore plus. Littéralement. On t’as tué et tu sais que c’est quelqu’un du conclave. On t’as tué, Rahim et pourtant, tu es bien vivant.

[1990] C’est l’Immortel pour qui te faisait le messager qui t’a trouvé, perdu au milieu des gravats. Perdu, dans ta tête, alors que tu tentais de comprendre ce qui se passait et il a décidé de t’apprendre ce qu’il pouvait. Tu n’a jamais imaginé qu’être un immortel, c’était si compliqué. Entre les rêves et les dons, t’as l’impression d’être entré dans une armoire et trouvé un autre monde. Tu n’as pas entièrement tort, d’une certaine façon. Tu as aussi l’impression d’être à nouveau un enfant. Et tu l’es, quelque part, au milieu de ces gens qui ont, pour certains, connu des civilisations maintenant éteintes. C’est étouffant, comme réalisation, terrifiant aussi. Tu n’as jamais été seul, Rahim et pourtant, t’as le sentiment de te perdre, alors que tu commences à peine à te découvrir. Ton immortel est patient et il comprend, quand tu l’informes que tu vas les quitter. T’as trouvé ton étoile, ou plutôt, elle t’a trouvé et tu veux découvrir autre chose aussi. Alors tu passes de l’hydre au statut de vagabond. Tu ignores si tu viens de perdre quelque chose ou de gagner.

[YIXI] Ton étoile, elle s’appelle Yixi et tu écorches son nom autant qu’elle écorche le tient. Elle te suit partout, mais en vérité, tu te demandes si ce n’est pas toi, plutôt, qui t’accroche à sa présence. Elle a quatre-cents ans et elle n’a jamais eu de constellation, avant. Enfin de ce que t’as compris. C’est qu’elle ment, Yixi. Autant qu’elle dit la vérité et tu ne sais pas trop quoi penser. Elle a de drôle de dictons, aussi. La plupart te paraissent insensés, mais qu’est-ce que t’en sais ? Vous voyagez ensemble, vous jouez ensemble. Tu ne penses pas être surpris qu’elle en sache autant sur les jeux d’argent, les parties de Poker ne sont pas rares, pour animer vos soirées, souvent autour d’un plat concocté par les soins de la quatre fois centenaire. Tu sais qu’elle est douée dans ce qu’elle fait, puisqu’elle peut acheter un bâtiment, comme ça, en claquant des doigts. Vous êtes même copropriétaire et tu peux ouvrir cette petite librairie, à Toronto. Tu sais qu’il s’agit d’une ville plutôt neutre, alors c’est un soulagement. T’es content, aussi, d’avoir convaincu ton étoile, en mentionnant, l’air de rien, qu’elle pouvait y tenir un salon de thé, au-dessus en y proposant ses pâtisseries. Cette partie, c’est toi, qui l’a gagné.