The sound of iron shocks is stuck in my head ((Hilmar))

[981] la longue nuit s’est étendue depuis plusieurs lunes sur les terres d’Islande lorsque retentissent les cris du nouveau né. Il est solide, Thorleik sourit. Nul doute qu’il passera l’hiver et suivra ses pas dans la tradition guerrière de leur clan.  [1000] Halfdan a appris à se battre avant même d’être capable de manier une hache. Sur les côtes battues par les vents, il s’entraîne chaque jour aux côtés de son père qui lui enseigne le combat au corps à corps, tandis que sa sœur aînée lui apprend à manier l’arc. Avec le temps, bien que le combat rapproché s’avère être son domaine de prédilection, ses prouesses en archerie ravissent les guerriers du clan qui voient en sa polyvalence un avantage de taille, si seulement il cesse de s’entêter à ne jouer que de ses lames lors des raids. [1017] ((tw : violence)) la bataille fait rage, les vikings islandais ne manquent pas d’ardeur face aux troupes anglaises qui leur font face. Cela fait des mois qu’ils ont débarqué dans le royaume du défunt Æthelred le Malavisé, profitant des tensions laissées par sa mort pour piller et raser, puis extirper de l’or à ce qu’il reste de la couronne si elle veut voir cesser ce carnage. Ils connaissent les techniques de l’ennemi par cœur, contrent leur discipline par leur imprévisibilité et leur brutalité. Le village qu’ils mettent à sac en ce début de printemps n’est qu’un acte de barbarie comme un autre, les effusions de sang sont leur quotidien et les suppliques des civils ne résonnent qu’en bruit de fond. Mais, aujourd’hui, les portes du Valhalla s’apprêtent à s’ouvrir pour Thorleik et son fils. Les yeux de ce dernier se braquent soudain sur son paternel qu’il entend crier de douleur pour le voir, une dizaine de mètres plus loin, transpercé par une lame anglaise. L’arc qui orne son dos n’en bougera pas, alors qu’il préfère foncer, aveuglé par la rage, sur le soldat anglais surplombant la carcasse sans vie de Thorleik avant de faire face au viking enragé qui lui fonce dessus. L’homme est fort, en plus d’être habile et, surtout, il fait preuve d’un sang froid redoutable contrairement à celui qu’il embroche à son tour, de cette lame sur laquelle brille encore le sang du père. Le regard meurtrier d’Halfdan soutient celui de l’anglais jusqu’au bout, se délectant de sa surprise lorsque, d’une main, il lui plante une flèche dans le cou. Et alors que le chaos règne encore autour d’eux, que les flammes s’étendent de toit en toit et que le bruit métallique des armes se croisant ne sont plus qu’un lointain écho aux oreilles du fils de Thorleik, Une Valkyrie lui apparaît. Halfdan, tombé à genoux, tend une main vers la servante d’Odin, prêt à la suivre et à rejoindre son père et ses ancêtres à Ásgard, en attendant le combat final. À mesure que tout s’assombrit et que le froid de la boue dans laquelle il s’est échoué ne devient plus qu’un lointain souvenir, le visage de la Valkyrie se dessine devant lui, l’éblouit et l’obsède avant que l’obscurité ne devienne totale. À son réveil, l’odeur âcre du sang lui emplit les narines, mêlée à celle de la pierre chaude et de la chaume brûlée. Autour de lui, les cadavres de ses frères d’armes côtoient ceux de leurs ennemis, aucun des camps n’ayant pu récupérer ses morts une fois que l’incendie s’est propagé. Haldan s’extirpe de la boue, reste là, immobile, son regard hagard balayant le triste spectacle, découvrant ses mains que le froid transperce, reconnaissant le trou béant laissé dans sa tunique par la lame qui a pourtant eu raison de lui. Il devrait être mort, il en est persuadé. Mais il semblerait que la Valkyrie lui étant apparue n’est autre que Skuld, et qu’elle a pour lui d’autres projets. [1051] si Halfdan a pu rendre hommage à ses morts, il n’a cependant jamais retrouvé la trace de son clan, sûrement mis en déroute par l’armée anglaise, si ce n’est pire. C’est un campement vide qu’il a découvert en voulant les rejoindre, lui faisant craindre le pire pour le devenir des siens. Les décennies ayant suivi sa résurrection, l’islandais n’a jamais eu de cesse que de retrouver leur trace, se gardant bien d’attirer l’attention anglaise en se faisant parfois mercenaire à leur service pour ne pas éveiller leurs soupçons. Mais alors que près de quarante années passèrent, laissant découvrir à Haldan que le temps n’avait pas plus d’impact sur lui que l’épée qui l’a transpercé, le désir de retrouver les siens s’est mué en désir de vengeance. Le guerrier s’est fait chasseur, pisteur, enquêteur, cherche les blasons et les noms de ceux leur étant tombés dessus ce printemps 1017. Son gibier n’est pas toujours aisé à retrouver, pas plus qu’atteignable quand il parvient à s’en approcher et certains demeurent intouchables, protégés par la Couronne ayant repris du poil de la bête. Mais, en l’an 1051, son destin se manifeste de nouveau à lui. Alors qu’il est devenu loup solitaire arpentant les routes pour accomplir sa vendetta, ce visage lui étant apparu à sa mort lui fait enfin face en pleine lumière. Skuld. La Valkyrie vient à lui en se présentant pourtant sous le nom de Sanja. Elle lui rit au nez lorsqu’il la dit Norne, reconnaît avoir un destin similaire au sien mais lui parle d’un peuple ancien venu de l’est : les Arimaspes, peuple hyperboréen d’archers redoutés. Elle serait née en leur sein, aurait connu une mort qu’elle ne souhaite pas encore lui partager, puis aurait erré deux millénaires durant, jusqu’à ce que ne lui apparaisse le visage d’Halfdan. Ce dernier l’écoute, mais ne voit là que l'œuvre des Ases. Une fourberie de Loki, sans doute. Celle qui se fait aujourd’hui appeler Aveline de Lihou accompagne un certain Guillaume le Bâtard, seigneur Normand revendiquant le trône d’Angleterre. Halfdan y voit un signe d’Asgard et, sans hésiter, embarque pour la Normandie et suit Sanja aux côtés de celui qu’on appellera bientôt le Conquérant.  [1066] l’effervescence d’un champ de bataille, la conviction de se battre pour ses dieux, Halfdan sait à présent pourquoi il a été ramené à la vie. Il a repris celui de son père, Thorleik, pour commencer sa nouvelle éternité auprès des Enfants de Prométhée dont Sanja fait partie des premiers membres. Eux se voient comme des protecteurs acharnés de l’humanité, des chevaliers blancs chargés de veiller sur les mortels afin de les défendre contre des éternels qui useraient de leur immortalité à mauvais escient. Halfdan, lui, y voit un poste avancé afin de guetter l’arrivée du Ragnarök. Devenu un émissaire d’Asgard en Midgaard, il n’en protège les intérêts qu’au nom des Ases et non en celui des humains dont il ne connaît que trop bien la cruauté et la corruption de certains. Et cette dernière bataille qu’il s’apprête à mener aux côtés de Sanja sur les terres d’Harold n’est là que le souhait de ses dieux. Est-ce pour épancher sa soif de vengeance face aux anglais, ou bien est-ce pour profiter à ce Guillaume à qui Édouard le Confesseur avait promis le trône ? Peu importe, ses haches trancheront ses ennemis, quelle qu’en soit la raison. Halfdan doit bien le reconnaître, le Conquérant est un stratège redoutable et ne tarit pas d’imagination pour affaiblir le camp adverse. Après une dernière et brève trêve, Sanja entraîne l’islandais avec elle dans les lignes d’archers, l’invitant à mettre en pratique l’entraînement qu’elle a continué de lui parfaire depuis leur rencontre. Bien incapable d’ignorer les souhaits d’une Valkyrie, le viking troque ses haches pour un arc et ses flèches pleuvent sur l’ennemi que l’on rabat sur eux. C’est là qu’il le voit, son destin. Harold, roi imposteur hurlant sur ses troupes, sentant déjà la défaite arriver. Mais certainement pas sa mort. L’arc se bande, l’empennage frôle la pommette de l’archer que sa vue et ses réflexes rendent foudroyant. En un éclair, la pointe se niche dans l'œil de celui qui fut le dernier roi anglo-saxon d'Angleterre. Et, alors que les Normands crient leur victoire lorsque s’effondre l’imposteur, Halfdan se tourne vers Sanja qui le fixe d’un regard bienveillant. S’il y croyait déjà dur comme fer, il est à présent persuadé qu’elle est bien la Norne de l’avenir.  [1709] La Grande querre du Nord dure depuis bientôt dix ans, opposant le tsarat de Russie à l’Empire Suédois, comptant Halfdan dans ses rangs sous le nom de Loke Ahlander. Cela fait près de sept siècles que sa vocation lui est apparue, que Skuld est devenue le point central de son existence, celle qui lui montre la voie à suivre pour continuer de servir les desseins des dieux qu’il n’a jamais reniés. Elle a beau nier avoir le moindre rapport avec Asgard, lui affirmer qu’elle est une immortelle comme celles et ceux de la constellation qui s’est peuplée au cours du temps, Halfdan persiste à la voir comme une Valkyrie faite humaine pour mieux l’épauler dans sa quête, et plus que ça. D’amants ils sont devenus aimés, compagnons d’éternité que même la mort ne peut séparer. Du moins, le croient-ils encore. S’adaptant à chaque époque, ils se font passer pour des amis, des amants ou pour frère et soeur suivant ce qui leur permet de mieux se fondre dans la masse. Et, alors que sonne le glas d’une nouvelle bataille, c’est comme compagnons d’armes qu’ils s’élancent vers l’ennemi russe, Sanja grimée en homme, visage dissimulé derrière une écharpe et poitrine compressée par un bandage. Face à eux, les troupes russes sont menées et peuplées par quelques représentants de l’Ordre de l’Hydre que les fils et les filles de Prométhée ont fermement identifiés. Ils sont plusieurs à avoir rejoint l’armée suédoise pour mieux les rencontrer sur le champ de bataille, et alors que les mortels se contentent de frapper et de tirer sur ce qui bouge et respire encore, les Prométhéens fondent sur leurs pairs éternels sans craindre eux-même la Mort, jusqu’à ce que cette dernière ne vienne, une énième fois, poser sa main décharnée sur le visage blême de Sanja. Non loin d’elle, Halfdan l’entend crier, sent ce lien qui les unit, eux et leur constellation, vaciller. Se retournant, il découvre l’un des hommes de l’Ordre, fusil en main, le mettant en joue. Son index presse la gâchette, mais le “clic” notant l’échec de son tir se perd dans la cacophonie ambiante, et l’homme maudit celle qui lui a fait tirer sa dernière balle avant de disparaître. Sans perdre de temps, le viking s’élance vers Sanja et l’entraîne hors du combat et la pose délicatement par terre pour découvrir sa poitrine transpercée d’un coup tiré à bout portant. Pour la première fois dans sa longue existence, les yeux d’Halfdan reflètent une véritable panique mêlée à une rage sans précédent. Les yeux gris de son amante se posent dans les siens tandis qu’elle lui sourit doucement, sa main glacée venant trouver la barbe hirsute de l’homme penché sur elle qui comprend qu’Odin la rappelle à lui. Le visage enfoui dans ses cheveux blonds échappés de sa toque en fourrure, le fils de Thorleik hurle sa douleur lorsqu’elle pousse son dernier souffle sur Midgard. Ses bras serrent le corps inanimé contre lui, son esprit maudit cet Ordre pour la lui avoir enlevée et son cœur s’assombrit d’une vengeance qui ne fera que le consumer de l’intérieur. [1914] Midgard a toujours été un terrain favorable aux guerriers, la nature humaine, comme l’immortelle, menant sans cesse à des guerres sans fin. Les temps de paix sont des exceptions que l’on voudrait normalité mais à prenne y prend-on goût que le sang et les larmes se remettent à couler. C’est sur le front de l’Ouest que se trouve Halfdan alors que la première guerre mondiale fait rage. Face aux allemands, il tente avec ses frères et sœurs d’entraver les plans de membres de l’Hydre infiltrés dans le camp germanique. On prend part aux combats, on retourne sur les champs de bataille s’assurer que les immortels ne se relèvent pas, on tend la main à ceux que l’on connaît. L’islandais est devenu plus impitoyable que jamais, n’a jamais pardonné à l’Ordre la disparition de Sanja. Il se bat sans âme, n’est plus qu’un bras armé, celui des Ases, celui de Prométhée, qui n’a pour vocation que l’anéantissement total de ceux que le destin rendent ennemis, immortels ou non. Et bien qu’il ne quitte pas des yeux les ambitions de ses dieux, il sait que ce sera avec un soulagement certain qu’il verra un jour, peut-être, voir les portes du Valhalla s’ouvrir enfin à lui.. [2020] La mâchoire serrée, Halfdan parcourt les rapports dont les feuilles se froissent entre ses larges mains se refermant sur eux. Son regard brûle d’une haine que ses comparses ne connaissent que trop bien. Dissimulés dans un bureau des laboratoires Amaranth Pharamceuticals, quelques Prométhéens s’affaient à y chercher les dossiers concernant les recherches effectuées sur l’un des leurs : Eirik, tandis que d’autres montent la garde. Il ne s’agit là que d’une infiltration censée demeurer discrète, ils ne devraient laisser aucune trace, mais ils savent déjà, au visage de l’islandais, que tout ne se passera pas sans accrocs. L’un d’eux pose une main sur son épaule censée le ramener à la raison, mais le rapport qu’il lui balance à la figure lui fait savoir qu’Halfdan ne laissera pas ces actions impunies. Et eux non plus d’ailleurs. Se levant d’un bond, il se saisit de son briquet dont il vide l’essence dans les tiroirs des archives puis y met le feu avant de sortir de la pièce, suivi par ses complices se préparant à une sortie mouvementée. Au coin du couloir, une blouse blanche fait soudainement son apparition, se stoppant net lorsqu’il aperçoit la troupe qui braque sur lui des regards meurtriers. Halfdan, le premier, dirige le canon de son revolver, fixant les yeux de l’homme aux mains levées le suppliant de faire preuve de pitié. Bang. Il n’en a pas eu plus que lui face à Eirik. Sauf que celui-là ne se relèvera pas.