Invité surprise ~ Caïn

Retour au bercail. Le bruit de klaxon qui lui burine la caboche et la bruine qui délave les ombres de sa trogne. C’est pourtant sous le crachin pollué de chicago qu’il fait halte dans une de ces rues crades où s’ mêle toxicos et narvalos pour s’en griller une. La main qui froisse le cuir de sa veste pour en sortir un paquet de clopes et l’autre qui se faufile jusqu’à la poche arrière de son jean pour y trouver un vieux zippo. il s’ramène la cigarette dans le bec, fait craquer la pierre du briquet de son pouce et préserve la flammèche entre ses deux mains. Dans un grommellement, Caïn se tord le cou jusqu’au feu pour y faire brûler le tube tabac coincé entre ses lippes. Avec cette saloperie de pluie, c’est pas chose commode, et c’genre de détail à tendance à pas mal le froisser. Un peu de nicotine pour radoucir ses nerfs avant qu’il se mette à s’exciter du bulbe : Il sait son système défaillant - suffisamment en tout cas pour être le genre de mec à craquer ses phalanges avant de dégoiser un mot si on lui pète les roubignoles.  Et la de suite, il a pas très envie de se friter avec qui qu’ce soit, le voyage a été long depuis Londres.
Dans une dernière bouffée salvatrice, Caïn jette son mégot sur l’asphalte humide et l’écrase farouchement de la semelle de sa botte.  Le regard sur les déglinguos qui le suivent des yeux, Caïn toise leurs silhouettes dans l’intention évidente de les dissuader de venir le faire chier - les loustics dans leur genre ça l’connait ; le genre de gars louches qui mettent la main au collier pour se faire refourguer un peu de dope. La peau humecté d’eau crasseuse, trempé jusqu’à l’os, il traine de la patte jusqu'à un de ces foutus taxi à la con hors de prix. Heureusement qu’il en a, du flouze, dans la poche - Il supporte plus depuis longtemps l’odeur de pot d’échappement et de sueur qui se trimballe dans les transports en commun. Puis faut dire, que la migraine qu’il se tape est passablement en train de le foutre en rogne.

Les yeux au travers la fenêtre de la voiture, Caïn observe les ombres défiler à vive allure. Buée sur les carreaux et visages effacés - ses idées éparses se mélangent à la brume de la ville. Ça a changé par ici. Chicago n’a plus grand chose à voir avec la ville qui, jadis, a accueilli l’un des plus grands gangsters de l’histoire de l’humanité - enfin, de l’inhumanité. Il finira d’ailleurs par piquer du nez, réveillé en sursaut pas un coup à la vitre l’incitant à sortir du véhicule. Pas un mot de franchit la barrière de ses dents lorsqu’il tend un billet au conducteur. Putain de rapiats. Échauffé par la mauvaise humeur, c’est sa tronche déconfite qui franchit le hall de l'hôtel jusqu'à la réception - pas assez réactive à son goût. l'hôtesse s’efforce de lui servir un de ces sourires de niaise  dont il a horreur ; avec son air de conne sur la figure et son maquillage de tapineuse, elle trompe personne. C’pas en se déguisant en poufiasse de luxe qu’elle va vendre l’image de ce taudis au standing du Ritz. Bref. Le vla qu’il se laisse conduire jusqu’à sa chambre où l’hotesse lui ouvre. Signe de tête approximatif et il pose son sac à l’entrée avant d’aller s’allonger sur le lit sans prendre la peine de regarder au tour. Les yeux clos, il somnole quelques minutes avant d’entendre un grincement de porte qui - encore une fois - lui sape le sommeil. Il avait bien capté les bruits d’eau - seulement il avait pensé que c’t’endroit était tellement mal foutu qu’ils en avaient oublié les cloisons aux canalisations. La voix de la nana ne tarde pas à s’faire entendre lorsqu’elle sort de la salle de bain. Le nez retroussé en une grimace contrarié et son regard qui décortique la pièce, il se rend compte qu’on l’a légerement prit pour un connard. Non seulement il paie pour cette saloperie de motel pourri mais en plus ils ont pas été fichu de lire un registre. Quelle bande de guignol. “ Hopla mimosa.” qu’il glisse entre ses dents. “ C’est p’t’être ta chambre mais c’est aussi la mienne.” Ses paluches fouillent dans sa veste avant d’en sortir une des clés données par la réceptionniste : “ r’garde.” Et de composer son geste d’un rictus sardonique. “ Mais j’t’en prie, fait comme chez toi aussi, coloc. Promis j’ai pas touché à tes p’tites culottes, si tu veux te fringuer. Moi j’vais me faire un p’tit somme, j’ai 8 heures de décalage horaire entre les pattes et pas l’temps pour ces conneries “ qu’il grommele en s’affalant sur le lit tout en sachant pertinemment, qu’il trouvera pas le repos tant mérité.

Putain c’est bien sa veine. Déjà qu’il se tire une foutue migraine faut en plus qu’une pisseuse se la ramène pour lui péter les burnes – et comme il faut. C’est pourtant marqué sur sa gueule, nan, qu’il faut pas l’faire chier sous risque de se prendre quelques mandales dans la caboche. Parce que, concrètement, ses airs de princesses, il s’en tamponne le coquillard, Caïn et la patience, ça a jamais été son grand truc faut dire. La mâchoire serrée et ses doigts pianotant sur la crosse de son flingue – réflexe acquis après de longue années à côtoyer ces jolis joujoux de métal -  avec un agacement sûr, Caïn zieute la silhouette féminine avec froideur et hostilité. «  C’est une expression. » qu’il rétorque entre ses babines retroussées, l’écume de son irritation agrémentant ses mots d’un timbre rauque et dédaigneux.

L’obstination pulsant dans ses intentions à ne pas broncher ni quitter cette saleté de chambre, l’homme réprouve ses plus bas instincts qui l’inciterait à braquer la donzelle de son glock pour lui remettre les idées en place. Le truc c’est qu’il a pas vraiment envie de finir au poste pour une midinette qui s’la joue superstar d’un hôtel miteux à 30 dollars la nuit. Question de principes seulement : il bougera pas son derche. Si encore elle avait demandé poliment, p’t’être bien qu’il serait lui même aller voir la réceptionniste – mais le fait est qu’elle lui hérisse le poil rien qu’à la regarder le prendre de haut avec sa moue effiloché sur la gueule. Ouais, ça le fout suffisamment en rogne pour pousser cette dernière à la galère et à se confronter au sale connard qu’il est dans ses mauvais jours. Toujours les doigts qui tapote le pistolet, et son air détaché de cette fichue nana campé devant sa trogne. «  Dégage ? » qu’il réitère dans une grimace sonore. Il se redresse, cette fois, avec une impulsion souveraine. C’est pas le genre de mots qui le laissent stoïque ; il a déjà vrillé pour moins que ça le gonze, et ça va falloir qu’elle le capte assez vite avant que ça parte en pugilat. Une fois droit sur ses guiboles, le gangster avise le visage de la femme. «  C’est l’eau chaude de la douche qui t’as déglinguer les neurones ou c’est juste que t’es déjà pas fut fut de base ? » Canines qui écorchent ses propres lippes. Et s’il se retient de lui dégueuler au visage tout un flot d’insultes ce n’est que par manque sérieux d’energie et besoin viscéral de reposer sa tête avant de commettre des impairs qui lui vaudrait un petit détour en cellule de garde à vue. Le pouce et l’index venant cintrer l’arrête de son nez, Caïn soupire douloureusement ton agacement à la voir déjà se précipiter sur le combiner de téléphone. Bad idea Sweetie. Instinctivement, il esquisse quelques pas avant de mettre lui même sa main sur le téléphone pour empêcher la nénétte de les foutre dans une situation absurde. «  J’viens de te dire que j’ai une clé, c’qui veut dire que j’ai autant le droit d’être là que toi. Et moi, j’en ai rien à foutre de tes manières de drama queen à la con là, j’ai pas l’temps pour ce genre de conneries, si t’as besoin de te friter avec quelqu’un, j’te conseille d’aller faire un tout dans l’quartier nord de chicago. » C’est la voix étrangement calme qui résonne entre les murs de la chambres. Et tout ceux s’étant déjà confronté à c’te vermine de Caïn savent que c’est une politesse auxquels peu de gens ont droit. Politesse, oui. Pour un mec de sa trempe, ça à l’allure d’une courbette de bourges. « Tu peux appeler les gorilles si tu veux, mais tu vas leur dire quoi huh ? De me virer de la chambre, que j’ai payé ? » Roulement d’yeux dans leurs orbites noires. Dilatation de ses pupilles. Paumes vers le haut, manifestant avec acharnement le ridicule du contexte. P’t’être qu’avec un peu de comédie supplémentaire elle finira par piter que c’est pas en se montrant aussi réfractaire qu’elle arrangera les choses – bien au contraire. Faut dire que l’indulgence de l’homme à les mêmes limites que celui de son sang froid ; c’est à dire pas grand-chose… Et il se trouve que plus il persiste à lui faire entendre raison, plus les barrières de sa tolérance s’effritent comme du sable entre les doigts. « J’suis marqué sur le registre, j’ai une putain de clé, une putain de réservation et j’ai commis aucune infraction, j’t’ai ni menacée ni agressée. Alors ma grande si tu veux me virer de la piaule, va falloir que tu trouves une excuse bien meilleure. J’suis pas ta pute à me plier à tes volontés de nana capricieuse.  Et jusqu’ici, virer quelqu’un de la crèche dont il a payé le service, c’est illégal même dans l’état de l’Illinois. » Parce qu’on peut pas être un criminel de son genre sans en connaître un minimum sur les lois des pays qui accueille ses magouilles. Caïn a peut-être pas le Q.I de Einstein, pour autant quand il s’agit de buisness et d’intérêts, le bougre sait manipuler le droit aussi bien que le couteau qu’il plante dans le bide de ses victimes qui essaient de l’entuber. Et si jamais il flanche, il a quelques avocats verreux à sa botte pour lui souffler quoi dire. Pardon m’sieur les juré, mais z’êtes pas prêts pour la raclure qu’il est. Un pas en arrière pour laisser le loisir à la femme de faire c’qu’elle a à faire, avant de tenter une dernière approche de son timbre éraillé. «  Donc calme tes hormones trois secondes et réglons cette histoire à l’amiable avant que je perde ma patience. »