l'appel du vide ) ji hoon

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les dialogues:

[1453]아버지 사랑 amour paternel. son absence. une larme vient noyer l'encre noir. une goutte ternie comme un cours d'eau qui dévaste le papier manuscrit, précieuse denrée. le pinceau tremble. les caractères tracés sont abîmés. l'enseignant maugrée, raclant sa gorge discrètement. l'enfant lève les yeux et incline doucement la tête, visiblement désolé, en s'essuyant rapidement la joue à l'aide de la manche de son habit noble. la leçon de calligraphie se termine difficilement pour le jeune héritier de la famille hong. le thème pour sa poésie lui ronge les entrailles. les pensées se mêlent et l'écriture devient maladroite. il se lève, son professeur également. après tout, il reste d'un rang plus élevé. les deux se saluent poliment, les échines se ploient. un peu plus pour l'adulte. kwang-min sait pertinemment, en coulissant la porte pour s'échapper enfin de cette salle d'étude, que son maître calligraphe va s'empresser de rapporter à son père les fautes (trop nombreuses, certainement) de son exercice de la matinée. un servant s'incline sur sa route, il le salue de la tête, légèrement. jamais trop, mais toujours un peu. l'enfant connait sa place mais pourtant, il a toujours envie de s'amuser avec les jeunes serviteurs. dans sa chambre, il regarde par la fenêtre. ils font la lessive en riant aux éclats. les pétales tombent. il soupire. il se sent seul. accablé d'un rôle, des devoirs, des étiquettes, qu'il n'a jamais souhaités. dans ses songes, il est vite rappelé à la réalité par le servant du père, de l'autre côté de la porte. il doit se faire préparer. cet après-midi, il rencontre une fille de son âge. dizaine à peine passée. la fille d'un autre ministre. il ne sait pas plus. il sait juste que les adultes se tiennent la main, parfois, et que c'est écœurant. il n'a jamais vu son père ne serait-ce sourire à sa mère. il n'aimera pas comme lui. il aimera plus. et s'il faut, il va lui prendre la main à cette inconnue. c'est ce qu'il se dit en souriant, convaincu que son choix est celui d'un futur ministre. il se lève, dépoussière son hanbok vert foncé et sort de sa chambre.

le soleil brille. trop à son goût. et ce stupide manteau est trop lourd. pourquoi doit-il porter cet habit, réservé aux grandes occasions, comme des visites au palais royal, par exemple. c'est qu'une fille qu'il va voir. il grimace, avant de se faire rappeler à l'ordre par sa mère. elle est élégante, coiffée parfaitement, d'un hanbok en soie orangée qui respire la richesse. une servante tient l'ombrelle qui protège la dame du soleil. le jeune kwang-min porte, lui, un chapeau qui l'étouffe plus qu'autre chose. ils attendent patiemment à l'entrée de leur grande maison, non loin du porche en bois, sculpté d'un 홍 puissant. hong. un des clans les plus influent et puissant des environs. grâce au patriarche. il s'est hissé au ministère des affaires militaires, et secrètement, il utilise l'argent du peuple, qu'il détourne pour créer une milice à sa solde. mais le jeune noble ne sait pas. pour lui, son père est simplement le bras droit du roi. distant mais important. alors il pardonne. oui, il pardonne l'absence, les attentes, toujours être le meilleur. l'esprit et le corps.

puis elle arrive, d'un hanbok rose pâle, fleurs dans les cheveux. elle hésite à franchir le seuil de la porte en bois. elle aussi, elle est rappelé à l'ordre par sa mère. les deux dames se saluent, sourire faux aux lèvres. tout doit être parfait. la petite fille s'incline un peu maladroitement et kwang-min ricane légèrement. raclement de gorge de madame hong. les deux enfants baissent la tête, mais ils lèvent les yeux aussitôt. les regards se croisent et les sourires s'esquissent doucement.

innocence passagère. pendant que les adultes parlent héritage, alliance, les deux nobles se racontent des histoires, des mythes. puis ils jouent avec les enfants de rang inférieur présent dans la court. à l'abris des regards. elle n'est pas si terrible, pense-t-il alors qu'elle galope contre le vent, soulevant sa jupe pour ne pas tomber.

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[1471]반역 trahison. le souffle est saccadé. l'écarlate tâche le tissu paysan. la main tremble. la jeune noble essaye avec un espoir maladroit  de porter la carcasse de l'homme. elle essaye. elle trébuche. une de ses précieuses chaussures en soie s'abandonne dans leur sillage. kwang-min trésaille de douleur. la mâchoire est serrée. la sueur perle sur son visage de plus en plus blanc. la respiration est lente. il se sait perdu. les pieds trainent. il sent le corps frêle de la dame qui ploie sous son poids. alors il s'arrête et se détache d'elle. elle se tourne, aussi inquiète que surprise. « le bateau nous attend, dépêchons-nous. » dit-elle, tendant ses mains vers le blessé. le mourant. il repousse son étreinte. ses yeux dans les siens. elle, elle commence à pleurer, réalisant enfin la vérité. lui, il sourit, le liquide rouge glissant le long de sa lèvre, pour finir par s'égoutter de son menton. finalement, il décide de s'asseoir contre un mur en pierre. de la paille, des paysans, des commerçants. la nuit. les étoiles. le crâne se cogne au solide et enfin, il se repose. la dame qui cache sa tête à l'aide de sa veste, pose ses genoux à terre, en face de lui. il n'a qu'une pensée à ce moment, les pupilles vers le hanbok rose pâle. il ressemble à celui de leur première rencontre. mais ce n'est plus une petite fille. c'est une jeune femme. sa fiancée. « tu vas te salir, eun-soo. » dit-il difficilement, en ricanant, même si la douleur l'interromps. elle lui donne une petite tape sur le genou. mais sa main ne décolle pas après la réprimande. elle sert le tissu du pantalon, de toutes ses forces. puis la tête se baisse et des sanglots se glissent doucement entre les respirations fortes de l'homme blessé. kwang-min sourit tendrement. « je suis désolé... eun-soo. » la main ensanglantée quitte la plaie qui consume doucement sa vie et elle se dépose doucement sur celle de la fiancée éplorée. « eun-soo, je suis désolé. » une larme quitte son œil mais les lèvres ne se débarrassent pas du rictus. c'est ainsi qu'il veut qu'elle se souvienne de lui. le noble charmant, légèrement arrogant mais aimant. « pars, eun-soo. tu pourras vivre. » son prénom entre les lèvres. comme si le dire, c'était lui avouer son amour. lui avouer qu'il l'a repoussé toutes ses années pour la protéger.
elle comprend son message. pendant si longtemps, le fils du  ministre a repoussé le mariage. il ne voulait pas donner raison à son père, rébellion, à sa manière. au final, ne pas l'avoir épousée, l'avoir protégée de sa famille, lui a sauvé la vie. elle n'est pas une traîtresse, elle. elle les a simplement suivi dans leurs exils. elle peut survivre. elle le doit.
elle ne dit plus un mot. elle lui donne une petite poche jaune, cousue à la main puis se lève. kwang-min prend l'offrande de sa main propre et sourit. cette fois, la tristesse est totalement lisible sur sa face. elle part.
et lui, il reste.
les yeux vers la lune, cadeau contre son cœur. les paysans festoient derrière. d'autres commercent dans le rue. dans l'ombre, il meurt. seul.


[1780]방랑 errance. les souffrances sont abrégées le plus rapidement possible. la flèche retirée de l'animal. genoux à terre, assis sur les talons, s'inclinant légèrement en direction du cerf. la chasse n'est jamais agréable mais elle est nécessaire pour lui, dans cette forêt, entourée de montagnes. c'est une errance volontaire, qui a débutée depuis de longues années. il est chasseur pour un petit hameau, des paysans sans histoires. très vite, il est rejoint par un canidé, qui vient se nicher à ses côtés, pendant qu'il honore la proie abattu. il commence à préparer ce qu'il faut, pour ramener le résultat de sa chasse à son village. le pas lourd, tirant sur les cordes qui pendant à ses épaules, il suit les traces de son ami à quatre pattes. le sourire aux lèvres. la route est longue. la nuit arrive. les étoiles apparaissent doucement. ça lui attire l'œil. pour reprendre son souffle, il s'arrête.
la rivière qu'il doit contournée sur une centaine de mètres, à ses pieds. l'acolyte poilu commence à s'hydrater et l'ancien noble, déguisé d'une allure paysanne, d'un visage fatigué et d'un nouveau nom, s'assoit à ses côtés. les années s'écoulent pourtant son cœur reste hanté par les évènements d'il y cent ans. deux cents ans ? il ne sait plus. les jours se sont arrêtés. et si sa fiancée avait survécu cette nuit-là, à bord du bateau. et s'il avait protégé sa mère des tueurs engagés, et si son père s'était satisfait de sa position, de sa famille et surtout de son fils. mais on ne peut pas avancer avec des 'et si'. depuis tant de choses ont changées. une nouvelle constellation est apparût. des étoiles l'ont trouvés. des rêves. un lien. il a voyagé, plusieurs mois, pour répondre à l'appel dans son cœur. un appel vide et rempli à la fois. cette longue vie, ininterrompue, il a décidé de la continuer sur la péninsule de son enfance.

arrivé au petit matin, il est accueilli comme un héro par les enfants du village pauvre. min-ju, c'est le boute-en-train, celui qui fait toujours rire les chérubins. et il les nourrit, pour couronner le tout. les ainés du village repèrent parfois le comportement très noble, l'éducation stricte de son père dans certains gestes, certaines paroles. mais on ne lui demande rien. ce n'est qu'un chasseur. un raconteur d'histoires également.il ne laisse personne indifférent. les paysannes deviennent des dames devant son charme, les paysans deviennent des guerriers devant son courage, mais il sait. il s'assoit, observant les hommes du village s'occuper du cerf qu'il a tiré jusqu'ici. encore quelques années. tout au plus. le refus de l'attache. il regarde les enfants courir autour du feu. ils vont vieillir. et mourir. lui, il ne changera pas. mourir, peut-être encore. mais il reviendra. l'étoile, son ainé, lui a expliqué. maudis céleste éternel. le sourire disparaît vite des lèvres alors que le hameau s'éveille. doucement, il pose la main sur la caboche de son chien, pour le caresser. peut-être se consoler aussi. 


[1929]조국을 위해 pour la patrie. idées révolutionnaires alors qu'il agrippe la poigne de l'homme sur le poing d'assené un coup de matraque à un jeune étudiant. un silence couvre la scène. le policier et la victime, yeux écarquillés. et l'ancien noble qui serre un peu les dents, c'est qu'il veut avoir l'air héroïque mais le geste lui tend tous les muscles, toute sa force, pour arrêter l'élan de la violence. son intervention est impressionnante, immortalité qui nourrit ses gestes rapides et précis. ses pupilles brunes dirigées vers le jeune homme, à  terre, dans un uniforme militaire japonais, il lui fait signe de la tête, de s'en aller très vite. ce dernier s'exécute rapidement, dérapant sur le sable de la route pour finir de disparaître dans une ruelle mal éclairée. hong-sik, de son nouveau nom pour cette décennie, relâche son emprise sur la peau de l'homme. il n'adresse qu'un bête sourire à l'autorité d'en face, sachant pertinemment ce qu'il allait se passer. mais il faut bien détourner son attention encore quelques minutes, ou quelques heures. comme prévu, le moustachu se met à hurler, des injures bilingues, dans un japonais maladroit mais un coréen parfait. immédiatement, le noble reçoit un coup dans le ventre, qui lui coupe la respiration. les entrailles sont malmenées, la main sur l'endroit d'impact pour essayer de contenir son repas. il pose vite les genoux à terre, n'affichant aucun signe de lutte. une main en l'air, difficilement rejoint par l'autre, encore pansement de ses intestins secoués. puis, plaqué au sol violemment. il ne résiste pas. joue dans la poussière, les yeux rivés sur la ruelle sombre, porte de sortie de ce pauvre étudiant. il sourit.

plusieurs heures plus tard, après des coups répétés, son corps est jeté sur le sol froid d'une petite prison locale. les mains attachées dans le dos, il reprend connaissance privé de sa liberté. il tousse. c'était le scénario qu'il avait envisagé avant d'intervenir.  ce policier coréen, à la solde du gouvernement japonais, complètement saoul et qui ne cherchait qu'une victime pour déverser sa colère. il était probablement lui-même maltraité par des supérieurs du pays occupant. hong-sik ne le blâme pas. lui aussi, il était rempli de colère pendant tant d'années. encore aujourd'hui. il s'en veut de ne pas pouvoir protéger son peuple. il grimace et crache un mollard sanguin sur une dalle en pierre. les rayons de l'astre lunaire entre les barreaux. une fenêtre de sa cellule. il s'y hisse avec difficultés, puis écrase son épaule contre le mur en bois. la tête tombe sans délicatesse contre le fenêtre. de l'air frais sur son visage, enfin. il entend la ville qui s'anime, même si le couvre-feu approche. les coupures sur son visage le font siffler des dents mais il se met à ricaner, seul. comme un fou. il sait qu'il ne va pas mourir. enfin, si, il peut mourir mais à quoi bon, il va revenir. sacrifice à moitié vrai pour quelqu'un qu'il ne connait pas. sur le moment, c'était une idée honorable. mais une mort encore plus lente que la première, il souhaiterait éviter.

la conscience se perd sous l'effet des hématomes et de la douleur. puis un sifflement  de l'extérieur le ramène dans la réalité. c'est flou, une lanterne. on essaye de lui parler de derrière les barreaux. la silhouette est trouble. il plisse des yeux. alors que sa vision parfaite ne lui a jamais fait défaut. surtout dans l'obscurité. un coup de matraque bien placé, et le talent des années sans fins se dissipe. « monsieur, monsieur, vous allez bien ? » la voix est jeune, à peine audible.  son accent est parfait. hong-sik réussit à ouvrir correctement ses yeux, et observe le jeune étudiant qu'il a aidé, quelques heures plus tôt. « japonais ? » demande le prisonnier. sa connaissance de la langue du pays au soleil levant est parfaite mais son accent reste lourd. « oui, monsieur, merci de m'avoir sauvé. l'homme a commencé à m'insulter en coréen mais je ne savais pas quoi répondre, je ne maitrise pas encore assez votre langue et je ... » hong-sik essaye d'assimiler rapidement les informations. lui qui pensait sauver un citoyen d'un bourreau alcoolique. il a sauvé l'ennemi. il s'écarte un peu de la fenêtre et colle l'arrière de sa tête contre le mur de la prison. les yeux sur le plafond de sa cellule. « monsieur ? » demande le garçon inquiet de ne plus voir son sauveur. ce dernier commence à ricaner doucement. après tout, c'est qu'un enfant.  « tu peux me faire sortir de là ? » la voix est froide. la politique d'assimilation est si forte, que certains jeunes coréens sont embrigadés dans les écoles militaires japonaises. alors son erreur était raisonnable. une erreur ?  peut-être pas. « o-oui, bien sûr je vais parler au préfet de police, mon père est un ami et ... » hong-sik l'interromps. « oui, d'accord, vas-y alors. » sourire dans la voix, amusé de cette situation étrange, qu'il n'avait jamais vécu, depuis presque trente ans d'occupation japonaise. les épaules engourdies, tout son corps lui fait mal. il réalise à quel point il s'est perdu ses dernières années. plus de sourire, plus de joie. de la haine. de la colère. du sang sur les mains. les années sombres qui pèsent sur son coeur.

il est relâché. le jeune japonais ploie son échine respectueusement. le noble coréen incline très légèrement sa tête. c'est difficile. les manifestations d'il y a dix ans, les tueries, la répression. il était là. il les a subies et combattues. il a aidé à combattre des envahisseurs, sang sur les mains et pensait ressentir une haine pour ceux qui colonisait son pays natale. lui, le noble, celui qui avait servi les rois de la grande dynastie. lui, le trahi.  mais au détour d'une ruelle sombre, c'est une révélation inattendue qu'il avait oublié. les mortels sont changeants, étranges, peut-être trompeurs. mais certains sont innocents. comme ce garçon.

hong-sik repart, boitant dans le sable. les plaies commencent à guérir, les côtes se ressoudent, dans la douleur. un coup de feu retentit. alors qu'il s'engouffre dans la ruelle sombre, dans l'angle, il voit un corps à terre, flaque écarlate autour du policer moustachu coréen. des officiers japonais encerclant la carcasse sans vie.



[1944] 사면 absolution. la colère dans la boue. la pluie qui couvre le bruit des canons. le bruit des hurlements. les ordres criés à s'en rompre les cordes vocales. il n'entend plus de l'oreille droite, l'explosion d'un obus. l'humidité irrespirable de la jungle birmane. est-ce encore de la trahison de se battre sous le drapeau de l'occupant ? peut-être. cette fois-ci, c'est un traître avéré. son choix. pas celui de son père. quelle évolution en quinze ans, lui, prêt à défendre son pays jusqu'au bout. mais il s'est engagé pour le protéger. le gosse abandonné. volontaire sacrifié. le jeune japonais devenu trentenaire à son tour. chojiro, l'enfant roi, qu'il avait sauvé quinze ans auparavant. l'enfant riche, légèrement arrogant, qui voulait rendre son père fier. à son image. c'est peut-être pour cela que leur amitié a persisté au fil des années. même après le départ de ji-hoon pour une nouvelle vie, pour ne pas éveiller les questions. qu'il lui ai révélé sa nature et que le jeune officier japonais a gardé son secret, admiratif. ils ne sont plus quittés. l'un suivant l'autre, dans diverses villes coréennes.

il attrape l'uniforme terreux de son ami à terre et le tire sur quelques mètres, pour l'abriter sous un rocher, refuge naturel. les combats s'éloignent. l'odeur de poudre s'amenuise, faisant place à celle de la pluie. puis un ricanement. « est-ce la vraie fin pour toi aussi, mon ami ? je pense que non. » déglutit difficilement le soldat japonais. du sang se mêle à sa salive, aux sanglots qui commencent à ruisseler sur son visage. il hisse le corps affaibli de chojiro dans ses bras, appuyant sur la blessure par balle. « ji-hoon. » l'immortel serre les dents. et essaye de sourire malgré la douleur. plusieurs balles lui percent le corps. ils sont tout deux mourants. le noble se met à rire. sa personnalité solaire qui refait surface au pire moment de sa vie. « hmpf,  je regrette toujours d'avoir accepté de porter le nom du chien que tu as recueillis, on dirait que tu m'insultes quand tu prononces mon nom. » main sur son torse, il essaye d'arrêter l'hémorragie. elle est rejoint par celle de son ami. « eh ça fait déjà quatre ans, tu devrais t'en remettre. tu l'adores ce prénom, tu peux me le dire. eh, eh...eh. » elle arrive. il sent son cœur ralentir. il reconnait cette sensation. pourtant, il ne veut pas laisser chojiro seul. les paupières se débattent, la tête plonge en avant, puis en arrière. la pluie qui devient écarlate en passant sur le visage du noble, tombe sur celui du fils du soleil levant devenu pâle. « tu n'aurais pas du venir avec moi, ici. » dit chojiro.  « tais-toi. économise ton énergie. » répond ji-hoon presqu'aussitôt. leurs mains enlacées tremblent. dans un dernier geste, chojiro lève son bras, et s'accroche à la nuque de son frère. de son ami. de son sauveur. « c'est un honneur de mourir à tes côtés, mon frère. » ji-hoon sourit, il se force de tout son cœur. « c'est un honneur de mourir à nouveau... avec toi. » murmure coréen qui s'éteint. la pluie couvre les sanglots, leurs rires, leurs larmes et leurs morts. ils n'étaient pas nés au même endroit, ennemis. mais ji-hoon avait mis de côté son patriotisme, ses idées révolutionnaires, pour l'aider. sans lui, le jeune chojiro n'aurait pas tenu si longtemps dans l'armée. coréen engagé, il était traité horriblement mais gardait sa bonne humeur. celle qu'il avait retrouvé avec les années passées aux côtés de son ami mortel.

il n'est pas seul pour sa deuxième mort. il aurait aimé le protéger. un des rares amis mortels qu'il n'ait jamais eu. les yeux se ferment doucement.


[1998] 평화 paix. dans les rues de séoul, la foule se précipite dans les bars, bondés, pour voir le match de la coupe du monde. ji-hoon, il ne change plus de prénom, seul son nom de famille se transforme désormais. la tête baissée, les pupilles plongées sur le petit écran. les pouces plus rapides que l'éclair. game boy pocket entre les mains. lollipop entre les lèvres. casquette en arrière et baladeur CD accroché à son jean délavé. seo taiji and the boys, anyhow song, dans les oreilles. il fredonne, dansant légèrement, les talons sur le goudron. le collier autour de son cou voltige dans tous les sens, sous l'énergie du demi-millénaire, dopé au sucre alors que la première heure de la soirée commence. manquant de se ramasser par terre et casser sa console, il décide de finalement s'arrêter sur un muret. non loin, des hurlements, des encouragements. il n'entend pas grand chose, avec son casque sur les oreilles.

au sud depuis la fin de la seconde guerre mondiale, il se plait à vivre des vies tranquilles, sans se mêler aux conflits nationaux. pendant la guerre de corée, il a simplement aidé quelques citoyens à s'en sortir mais jamais plus. pas de révolutions, pas de défenses du territoires. neutralité totale. même si parfois, profitant de sa liberté, du capitalisme envahissant les rues de séoul (dont il est une publicité vivante) il pensait à son peuple; plus au nord. le cœur se serre toujours. l'ancien noble qui a connu la corée unifiée, la corée avant l'occupation.

c'est à cette pensée aléatoire qu'il décolle enfin la tête de castlevania. tuer dracula, c'est bien mais la réalité se manifeste devant lui, alors qu'une vieille dame monte la route très pentue. elle y arrive difficilement avec son sac de course, les légumes dépassants du plastique. un poireau tombe au sol. la grand-mère rouspète, mais personne ne vient l'aider, tout le monde est entrain de regarder le match contre le Mexique. ji-hoon s'en fiche un peu du sport. mais il est content de voir que tout le monde s'amuse. très bien, mamie, il sera ton héros ce soir. il range la game boy dans son sac banane vert et rose fluorescent, retire son casque de ses oreilles et entoure la sucette dans son papier avant de la faire rejoindre la console portable puis se projette hors du murs. littéralement, il saute. comme un enfant. peut-être oui. mais le sourire aux lèvres. « halmeoni, attendez! » dit-il galopant derrière elle, chopant d'une traite le légume vert dans le sillage de la vieille dame. « vous avez fait tombé ça. puis-je vous aider ? » la dame sourit immédiatement en remarquant enfin un jeune homme très bien élevé, qui s'exprime dans un coréen très soutenu - presque noble. elle acquiesce, en lui tendant le sac. « wow, halmeoni, vous allez préparer un festin pour les rois, avec tout ça. » ji-hoon soulève le sac de course d'un bras, regardant à travers, la tête pliée vers le bas. « c'est pour mon petit-fils, il se mari bientôt. » répond-elle en reprenant sa route, le noble lui emboîtant le pas, souriant. « oh, mes félicitations, vous devez être heureuse. » la vieille dame se met à grincer des dents alors qu'ils passent à côté d'une foule, entrain de fêter le match de foot. « je serai vraiment heureuse quand il sera docteur. tsk tsk, qu'ils sont pénibles, ces enfants à être bruyants. » ji-hoon ricane. « aah, halmeoni, nous, les ainés, il faut qu'on laisse les jeunes s'amuser, en temps de paix, c'est la meilleure des choses à voir, vous ne trouvez pas ? » la grand-mère s'arrête, hausse un sourcil. « toi un ainé ? et les autres sont des jeunes ? » elle secoue la tête en faisant des grands gestes vers l'immortel qui recule légèrement, un peu effrayé mais amusé. « tsk, tsk, voilà ce que je dis, vous, les jeunes, vous devenez fou avec toutes ces choses qui viennent des étrangers. ces écrans, ces trucs-là... » pointe-t-elle du doigt, le malheureux walkman accroché au pantalon du plus vieux du duo nocturne improvisé. elle reprend sa route en raclant sa gorge, voyant qu'elle ne fait que faire rire ji-hoon. ce dernier la suit, avec beaucoup de tendresse dans le regard. comme un grand frère qui taquine sa petite sœur. « dites, vous connaissez le rapcore ? puis-je vous faire écouter ? » menace-t-il en rapprochant son casque des oreilles de la dame. elle râle encore plus. « tssk, tssk, contente-toi de m'aider à porter mes légumes et laisse mes vieilles oreilles en paix. » il acquiesce, faisant un salut militaire espiègle et continue de monter la pente. la suite se continue dans le silence. des chiens qui aboient. le son de la musique qui sort des écouteurs autour de la nuque du jeune éternel. et les râlements de la vieille dame, pour plein de choses différentes. devant la maison de la vieille dame, il dépose les courses. elle râle à moitié, lui affirmant qu'elle n'a plus d'aide, qu'il peut s'en aller, le balayant d'un geste, mi-reconnaissante, mi-agacée. alors qu'il tourne les talons pour finir de monter la route, son petit appartement est dans le coin, elle l'interpelle. « attends! » il fait volte-face et la grand-mère qui revient en trombe de chez elle, lui prend le bras et dépose dans sa main des gimbaps fait maison. « tiens, et mange correctement, tu es tout maigre. » l'immortel sourit. « que me vaut ce grand honneur ? » dit-il d'un ton moqueur. elle donne une petite tape sur l'épaule avant de le repousser encore. « tu me rappelles mon grand-frère, il y a bien longtemps... voilà maintenant, vas-t-en ! il va être tard. » secoué par l'honnêteté, il reste quelques secondes dans le silence. et s'en va, en s'inclinant respectueusement. « merci, halmeoni, ne regardez pas le match de foot trop tard! » hurle-t-il du haut de la colline, faisant rire la grand-mère. « tsk, tsk, ces jeunes. »
ji-hoon reprend son chemin, heureux cette rencontre. un moment de mélancolie le gagne. il ne vieillira jamais ainsi. jamais. tristesse passagère dans le cœur.


[2021]빛 lumière. byeol grimpe sur sa cuisse, y déposant délicatement ses pattes grises. mécaniquement, la main de son maître vient se poser sur sa petite caboche douce. la féline ronronne, puis est rejoint par deux autres chats, et les deux canidés se contentent de poser leurs museaux sur l'accoudoir du canapé. littéralement étouffé par les poils de ses colocataires, ji-hoon se réveille doucement. les paupières luttent. les yeux sont fatigués et fixent le plafond. l'ordinateur est toujours allumé. il s'est assoupi quelques heures sur le canapé. il s'est entrainé presque douze heures d'affilé sur un jeu, pour sa prochaine compétition. un  beuglement sort de ses lèvres. puis il salut ses animaux, un par un. enfin assis, après dix minutes de -tuez-moi, encore, s'il vous plait- un grand spectacle joué pour ses amis poilus. et la première chose qu'il fait, c'est de se saisir de son téléphone. il check les messages, envoie des réponses, des conneries, très certainement, puisqu'il ricane d'un air malicieux en pianotant sur l'écran tactile. des étoiles immortelles victimes, à n'en pas douter. puis il s'occupe de sa famille à quatre pattes. et son serpent, tim, un python royal secouru d'un caniveau, il y a deux ans.

en promenant ses chiens, en short et crocs, il se prend en photo et la poste sur son instagram. après tout, les gens apprécient de le voir au naturel, également. des likes, des follows. son trajet le ramène toujours à la maison de la vielle dame, maintenant habitée par des inconnus. il s'assoit contre le mur et respire un coup avec sup et mul, les deux canidés, rescapés. sup se colle à la jambe de son maître, son oreille atrophié cachée. il fait toujours ça. tous les animaux secourus sont un peu abîmés, pas tout à fait entier, mais ji-hoon en prend soin, les aime trois fois plus, et les aide à avancer dans leur nouvelle vie. le vent fait bouger son collier. une balle de la seconde guerre mondiale. le silence, revigorant. il pense qu'il rejoindra la grand-mère aux bimbaps, un jour. il viendra ici, peut-être. demain, il compte visiter la tombe de son ami, chojiro. un long trajet en voiture. il commence à réfléchir à qui il pourrait bien demander de faire le taxi dans sa longue liste d'amis.