Tel est pris qui croyait prendre ❅ V.

(New York, fin janvier 2022) New York. Quel immortel va se rendre à New York, franchement ? Les inconscients, les petits nouveaux. Avec le laboratoire d'Amaranth Pharmaceuticals, les bureaux du Conclave Ecarlate, j'ai toujours évité la grosse pomme telle la peste. J'évite au maximum d'y séjourner et restreins ma présence à quelques heures, une journée tout au plus. Un millénaire à échapper à ces chasseurs d'immortels, je suis pas mal rôdée. Je me suis teinte les cheveux pour l'occasion, en blond. Je les ai même coupé, à contre cœur mais ils repousseront suffisamment vite.
En ce mois de janvier, le froid est bien là, toujours plus doux que celui de Russie. J'arpente les rues de Manhattan en recherche de Vivienne et m'arrête à la patinoire du Rockefeller Center. La tentation est trop grande pour ne pas y faire un arrêt. Début d'après-midi d'un mardi, y a pas trop de monde. Je contrôle ma montre, j'ai une demi-heure devant moi avant que l'homme ne se pointe au Moma. L'adorateur qui a filé sa piste m'a assuré qu'il devrait s'y trouver. Juste assez de temps pour voler un peu sur la glace. C'est sûrement la meilleure sensation au monde. Un millénaire entier n'aura pas eu raison d'elle.

Au rythme des aiguilles, je quitte le froid pour aller me réfugier dans le musée. Manque plus qu'à trouver dans quel recoin le fouineur se planque. Je ne prête même pas attention aux tableaux ou aux œuvres, l'art et moi, ca fait dix. Les seuls que je connaisse sont ceux passés entre les mains de l'Hydre, par le biais de Bastian. Et encore, ca m'intéresse si peu. L'avantage de Vivienne, c'est qu'on le repère assez facilement, j'ai sa tronche gravée dans mon crâne. Après un léger temps d'errance, je tombe enfin sur lui. L'air de rien je continue ma progression telle une étrangère, glisse à ses côtés et me laisse aller à un commentaire. < C'est plutôt moche, ce truc, non ? > Je lui demande, un coup de menton indiquant l'œuvre qui nous fait face. Après, on m'a toujours fait la remarque que mon goût est des plus discutable. Mon sens du style est sûrement ce qu'il y a de plus incompris chez moi. … C'est faux. Mais passons. Je suis bien curieuse de voir s'il va me reconnaître immédiatement, avec mon look décontracté soit disant chic. Que les jeux commencent.

En prime, l'apparence de Lova:

   

(New York, fin janvier 2022) C'est à peine si je semble le déranger. J'le vois bien, ce petit regard qui lorgne sur moi comme si je n'étais qu'une gêne passagère, reportant rapidement son attention sur le tableau. S'il savait. Je colle aux basques tel un vieux chewing-gum. Ouais, j'ai plein de belles images comme ca pour me représenter, vous inquiétez pas. Sa réplique à mon commentaire ne fait qu'étirer mes lèvres d'un sourire. Qu'est-ce que j'apprécie une bonne répartie ! Une porte ouverte dans laquelle je m'enfonce gaiement ! < Oh merci, mon art vestimentaire est trop peu reconnu en effet ! > Enfin si, il est reconnu par les nombreuses remarques désobligeantes que je peux recevoir et qui me font l'effet d'une douce caresse. Sentant son regard posé sur moi, je le fixe, pas le moins du monde outrée par sa grimace. Au contraire, je rétorque le doigt pointé < C'est sûr que c'est moins fade que ce pauvre jean marinière. Et ce chapeau-là, qu'elle manque de savoir-vivre. > N'est-on pas censé le retirer en intérieur ? Moi, donner des leçons vestimentaires, quelle vaste blague. Je l'écoute d'une oreille me parler de cette horreur de tableau et tique sur la fin. Il vient de m'insulter, j'ai pas rêver là ? A me considérer comme le petit peuple, telle n'importe quel mortel. Je ris doucement de cet affront pas si innocent, de plus belle lorsqu'il me questionne. Au beau milieu d'un musée, ca fait tâche. Je m'attire quelques regards agacés, que j'ignore royalement. Je m'approche un peu plus de lui, plus que ce que les convenances sociales ne jugent acceptables. Jouant une seconde avec une de ses dreads, je lui réponds charmeuse < Pourquoi, je te semble familière ? > Et je ne parle pas là de mon comportement, plutôt de ce visage, mon visage, qu'il a traqué des mois durant. < On n'a pas encore couché ensemble, non. > Je lui dis doucement, osant un rentre-dedans tout à fait naturel. Ouais je manque de limites, on me le dit trop souvent ca aussi. Qu'est-ce qu'une vie éternelle si on ne peut s'amuser un peu ? < Mais si c'est une condition pour venir te parler, ca peut s'arranger V. > J'ajoute mi-sincère mi-ironique, indiquant d'un signe de tête une des portes inscrites accès privé. En profitant surtout pour positionner son petit nom.
   

(New York, fin janvier 2022)

Conversation banale mais je ne hausse pas le regard. Non, restons classe et distingué. Je n'ai pas de savoir-vivre mais je sais faire. Chacun .. son talent. J'arque un sourcil à son encore, ris gentiment. Eh bien, les musées, c'est plus ce que c'était .. Le tournant de cette conversation devient étrangement plus attrayante. Je regarde la demoiselle encore une fois puis les portes. Juste quelques secondes de silence, un regard à gauche, une œillade à droite et je l'emmène derrière le fameux accès privé. A l'abri des regards indiscrets, j'ose passer une de ses mèches derrière son oreille. L'odeur de son parfum chatouillant mon odorat. Me centrer sur le pouls battant dans son cou. Me pencher, les pulpeuses frôlant sa joue. Apprécier les reliefs de son derme. Main gauche remontant jusqu'à son plexus. Et je commence à appuyer. Voix se faisant plus grave. J'aurais bien voulu m'envoyer en l'air dans ce merdier mais tu vois, quand un visage me dérange et qu'en plus, la prétendue inconnue ose me nommer par la lettre de mon prénom, je sens qu'il y a une couille, et c'est pas avec une de mes miennes qu'on joue. Donc, soit je te perfore à cet endroit soit tu me dis la vérité qui te plaira. Desole de foutre en l'air ta libido.

(New York, fin janvier 2022)
Le culot, c'est bien à ca que je tourne au quotidien. La gêne de rien, la peur de pas grand-chose. C'est difficile de faire détrôner ce sourire espiègle et fourbe de mon visage. Au contraire, il a plutôt tendance à s'accentuer, surtout à voir le regard de l'autre homme se porter vers l'accès privé, avant de m'y entrainer. < Tout doux mon mignon, on a tout notre temps. > Je raille doucement, me laisse faire pour finir coincée entre un mur et lui. En voilà un que la proximité ne semble gêner. Peut-être s'imagine-t-il en position de force. Peut-être n'a-t-il pas complètement tort. Dire que je suis insensible à ses gestes serait mentir, alors je ne dis rien. Faut dire que l'homme est pas désagréable à l'œil, mais j'aurais jamais parié sur cette tournure. Je ne cherche pas à m'enfuir, quelque chose me dit qu'importe l'issue, je risque de ne pas être déçue. Son contact accélère doucement mon pouls, le souffle quelque peu retenu lorsque ses lèvres approchent mon oreille. C'est lorsque sa main remonte et fait pression sur mon plexus, que je réalise qu'il aime jouer lui aussi. Un petit éclat de rire m'échappe avant même qu'il ne parle, ma tête allant se reposer contre le mur comme si tout était normal, patiente. < Mon visage te dérange ? Drôle de séduction que voici. > Je lâche, arrogante. Finalement, je constate que la mention de son nom n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Je trouvais ca étrange aussi, n'obtenir aucune réaction particulière. Aucune nervosité, aucune crainte. Au moins il semble savoir se contenir. En plus de ça, le garçon a de l'humour, quelle perle ! < Perso j'en sens deux… > Marmonnement qui s'échappe de mes lèvres. Je baisse légèrement les yeux sur son doigt pointant la source de ses envies, puis reporte mon attention sur lui, effleurant presque son visage du miens. < Si ca peut te faire plaisir, perfore ce qui te chante. J'ai ma préférence pour éviter de faire couler le sang, mais chacun ses lubbies. > Après tout, c'est pas comme si j'allais avoir mal. Ou que j'allais mourir d'un petit trou. < Cela dit, si tu souhaites discuter un peu plus sérieusement, je ne serais pas contre un peu d'espace. Mais comme je l'ai dit… on a tout notre temps. > Je me laisse aller de nouveau contre le mur, m'éloignant bien que légèrement de la face du mec. Un faux air triste sur le visage, j'ajoute en m'indiquant d'une main : < Quand même, que tu ne reconnaisses pas ce magnifique visage, après des mois à prendre un malin plaisir à le traquer… Ca en viendrait à me vexer. >
   

(New York, fin janvier 2022)

J'aime les gens qui ne prennent pas peur, qui savent nous affronter et pas supplier comme des déchets. Ca me galvanise. Il est vrai que cela a son charme. Pas de mine déconfite, non elle abreuve notre échange et ça me plait amplement. Ses commentaires me font méchamment sourire, sans jamais cessé d'appuyer. Elle revivra, ce n'est pas grave. Je ne rebondis sur rien, parce qu'il n'est en rien utile d'entrer dans les détails quand, enfin, je trouve - ou elle me trouve - la personne qui n'a fait que déjouer mes traquenards. Bon maintenant, que tu as compté mes bourses et confirmer un doute. Pourquoi donc fais-tu chier mon ami ? Et non, je vais rester collé à toi, il fait pas chaud en ce moment. Et si je peux la briser maintenant et repartir l'air de rien, je ne vais pas m'en priver. Quels sont donc tes desseins pour lui ? T'ai-je divertis ? Oui, j'admets, j'apprécie qu'on flatte mon ego. Y'a-t-il du mal à ça ? Alors madame à la pointe de la mode, que vas-tu me raconter ?

(New York, fin janvier 2022)
< Oh c'est ton ami, comme c'est mignon. Petit rappel, c'est moi la victime ici. > Je lui balance, l'air minaudant allant avec ce statut de pauvre petite femme fragile. < C'est vous qui vous êtes amusés à me traquer, non l'inverse. > Pour autant, je n'ai pas besoin d'en demander les raisons, je les connais pertinemment. Une curiosité mal placée du petit Charlie. Rester dans l'ignorance de mon existence aurait sûrement été mieux pour lui. < Mes desseins ? Tu m'as cru bien plus machiavélique que je ne le suis. > Je réponds négligemment en riant légèrement, plutôt habituée d'être considérée de la sorte. Pas forcément à tort. Puis poursuis avec plus de franchise. < J'ai comme la sensation que le divertissement est réciproque. Personnellement, je m'en serais bien passée. Je vais pas le manger, ton Charlie. > Je n'ai aucune mauvaise intention à son encontre. S'il est mort, c'est pas tant ma faute même si… Bon. Qu'il finisse immortel, grand bien lui fasse. Il est gentil le gamin mais moi, j'ai rien demandé. Considérant que l'homme prend un peu trop la confiance, il me semble temps de redistribuer les cartes. Avant qu'il ne s'aventure à un geste bien regrettable. < Retire ton doigt et recule un peu mon chou. > Et fissa. Je lui lance faussement mielleuse, avec l'autorité de ma persuasion dans la voix. Une certaine satisfaction de l'observer s'exécuter.  < Semblerait que me traquer si longtemps ne te fait pas me connaître pour autant. Moi cela dit, j'ai pu me renseigner vaguement. Je sais que tu as déjà fait des recherches pour moi, indirectement. T'as le mérite d'être plutôt bon. C'est rare qu'on soit si proche de mon cul, qu'il en faille m'alerter. T'as conscience que ta potentielle valeur a sauvé le tiens ? >
   

(New York, fin janvier 2022) Ca y est, je souffre de cette distance. Attitude dramatique avant de croiser les bras. A tout son laïus, je réponds par un fou rire. Vous êtes ridicule l'un comme l'autre au final. Faites vous un steak et allez chacun dans votre coin. C'est bien aussi. Je sais même plus pourquoi je rends service à Carlito. Je savais juste que devais traquer la dame, et c'est le gout de la chasse qui me rend ivre d'allégresse. Mais à présent, cela pointait vers la fin. Et mon âme n'a clairement plus besoin d'être sauvée. Cela dit, je suis bien heureux qu'on reconnaisse que je suis le meilleur dans mon domaine. Tu n'es en rien une victime. Surtout quand on sature l'esprit d'un homme. Dans une autre époque, on nommerait ces machinations ; de la sorcellerie. Sourire en coin, quand les esprits ne savent pas identifier un phénomène, c'est forcement une œuvre contre Dieu. Pourquoi tu refuses de lui faire face ? Une discussion et on en parle plus.