Eldrid ~ Valhalla can wait a little longer

[857] Tu es née d’une union ayant permis l’alliance de deux clans environ un an avant que tu ne pousses ton premier cri. Chacun de tes parents était le frère ou la sœur d’un des deux jarls concernés par cette alliance, faisant ainsi de toi la nièce de non pas un mais deux jarls ! Premier enfant du couple que formait tes parents, si ta mère aurait préféré donner naissance à un fils, ton père était ravi que tu sois là, en bonne santé et pleine de vigueur, quelque soit ton sexe. C’est lui qui t’a donné ton prénom, ayant toujours vu une battante en toi. D’ailleurs, d’aussi loin que tu te souviennes, il t’a toujours appelé sa petite guerrière. Première enfant née de cette alliance, tu seras pourtant rejointe au fil des années par trois frères et une sœur. Pleine de vie, tu avais le don de faire tourner ta mère en bourrique, elle qui fut une skjaldmö respectée et crainte même par les tiens jusqu’à ce qu’elle ne raccroche son épée, peu avant la fin de sa troisième grossesse. Ton père, lui, prenait le moindre prétexte pour t’apprendre tout ce qu’il savait, aussi bien concernant le combat que la tactique ou même la survie, la chasse, la navigation et les légendes autour de vos dieux. Et tu ne rêvais que d’une seule chose déjà dans ton enfance : rendre tes parents fiers de toi et leur faire honneur, à eux, ainsi qu’à tes deux jarls d’oncles. Tu les admirais autant les uns que les autres et tu espérais être un jour digne de leurs héritages.

[864] Tu avais tout juste 17 ans quand ton père accepta enfin de t’amener avec lui pour des raids sur le nord de la Lotharingie. Un pays qui portera le nom de Pays-Bas d’ici plusieurs siècles même si tu ne le savais pas encore à ce moment-là. Et si ce fut tes premiers raids, tu ne tardas pas à te distinguer des autres jeunes participant pour la première fois aux attaques de ton peuple, rendant fier ton père, malgré la blessure au ventre que tu avais reçu lors de la dernière attaque avant de rentrer chez vous. Une blessure qui ne fut pas sans conséquence pour toi en tant que femme quand on t’annonça que tu ne pourrais probablement jamais enfanter à cause d’elle… Si devant les autres tu prenais ça à la légère, disant que ce n’était pas grave, que tu pouvais compter sur tes frères et ta sœur pour continuer votre lignée, tu restais quand même assez touché par ça en réalité. Quoi qu’il en soit, pour te faire oublier cela, ton père et ton oncle paternel t’offrirent ton premier tatouage, amplement mérité selon leurs dires. Ce fut sur une pièce assez importante que ton choix de dessin se porta, demandant à te le faire faire dans le cou… La première partie d’un tatouage qui deviendrait bien plus important au fil des ans et qui te distinguera encore des autres plus d’un millénaire après ça, sans que tu ne le saches encore au moment de faire ton choix.

[885] Les années ont passé depuis ton premier raid et ta réputation de skjaldmö n’est plus à faire. Tu formes même depuis une dizaine d’année un duo particulièrement efficace avec Thorstein, un de tes amis d’enfance, qui est devenu ton mari après un arrangement entre vous. Lassés l’un comme l’autre de votre entourage vous poussant à épouser quelqu’un, vous avez décidé de vous marier ensemble pour les faire taire, même si chacun mène sa vie sentimentale de son côté en réalité, sachant l’autre prêt à divorcer sans problème si jamais l’un de vous rencontre vraiment le grand amour un jour. Même si cela ne vous empêche pas de vous retrouver à passer la nuit ensemble de temps en temps, profitant des bénéfices du mariage en quelque sorte, mais ceci reste une autre histoire. Toutes ces années de combat et de ta montée en puissance parmi les tiens semblent t’avoir conduit à ce jour, entourée de ton ami et mari, tes trois frères et ton père, amputé désormais au niveau du coude gauche mais toujours présent en tant que stratège de ton oncle, devant les murs de la ville de Paris.
C’est sous ces murs, durant l’assaut lancé le 26 novembre sur le Grand Chatelet, une tour en pierre inachevée mais qui vous barre à la route jusqu’à l’entrée du Grand Pont menant à la ville, que tu trouves la mort pour la première fois. Tu ne sais pas laquelle des trois flèches reçues dans le torse t’a été fatale. A moins que ce ne soit, de façon un peu plus évidente, celle que tu t’es prise dans le cou, mais en tout cas, tu es morte la hache à la main, prête à aller au Valhalla, presque même le sourire aux lèvres. Mais Odin et les Nornes semblent avoir d’autres plans pour toi… Après des flashs te montrant le visage de deux personnes, dont plusieurs fois celui d’une femme aux yeux aussi bruns que ses cheveux et à la peau mate, tu t’es relevée. A la stupeur de certains de tes compagnons d’armes, plus que certains de t’avoir vu rendre ton dernier soupir une vingtaine de minutes plus tôt, tu t’es relevée, les plaies laissées par les flèches ayant déjà disparues, sans même laisser une cicatrice. D’ailleurs, toutes tes cicatrices ont soudainement disparu… A l’incompréhension et la surprise succèdent rapidement la joie, les remerciements aux dieux et surtout les théories sur la bénédiction que t’as donné Odin. Ça, et les migraines abominables en découvrant que tes sens sont devenus plus sensibles qu’avant, te vrillant le cerveau au milieu des cris et fracas des champs de batailles qui se succèdent. Sans même parler de ce que tu ressens parfois au contact des gens, des lieux, des objets, comme si tu étais capable d’un coup de voir des brides de leurs histoires, de leur passé et même de ressentir les émotions des vivants… Rien de plus normal au final que les tiens te voient comme une Valkyrie marchant parmi eux, ton prénom ne faisant que renforcé la légende qui commence à se construire autour de toi sans que tu ne puisses rien y faire.

[Mars 886] Les cris de la fête retentissent dans tout le campement, fêtant avec les tiens votre victoire sur les troupes francs qui ont tenté de vous déloger de là, pour libérer Paris du siège que vous tenez. La plupart des toasts portés le sont pour toi, celle que tous voient maintenant comme la bénie d’Odin, la Valkyrie parmi les hommes, celle incapable de mourir, se relevant à chaque fois que cela arrive pour retourner au combat. Les hommes te suivent sans hésitation dans les attaques les plus suicidaires, persuadés que se battre à tes côtés leur permettra de recevoir eux aussi, même quelques instants, la bénédiction que le Père de tout t’accorde. Et toi, tu adores ça. Mais qui n’aimerait pas ? Et c’est au milieu de cette fête, ta corne de bière tout juste vidée en mains, que tu croises son regard, te figeant alors, perdant ton sourire, pour la fixer durant quelques secondes sous la surprise. Ce regard, cette femme, dont tu ne cesses de voir le visage dans les rêves que tu fais entre chaque mort que tu fais, celle que tu as commencé à identifier à Freyja, Première des Valkyries, qui se retrouve soudainement là, un peu à l’écart de la fête, à te fixer aussi. Après ces quelques secondes de surprise, tu finis par t’excuser auprès de deux de tes frères avec qui tu discutait pour te diriger vers elle, sans savoir pourquoi tu te sens attirée. Parce que c’est Freyja sans doute ? La déesse elle-même qui te sourit en te voyant approcher avant de s’écarter encore un peu plus de la foule, te faisant la suivre jusqu’au milieu de la forêt avant de s’arrêter pour te parler.
Non, ce n’est pas Freyja, elle se nomme Mithra et vient d’un pays lointain d’après ses dires. Elle se dit bien plus âgée que son apparence ne le laisse à penser car elle est comme toi. Une Valkyrie ? Ta question innocente la fait rire avant qu’elle ne te réponde que non, ni elle ni toi n’êtes une guerrière divine. Vous êtes simplement immortelles. Elle commence alors à t’expliquer toute cette histoire d’immortalité, de constellations et pourquoi vous vous voyez l’une l’autre dans vos rêves et pourquoi également tu vois une autre personne, un autre membre de votre constellation. Elle dit être morte lors de l’attaque des troupes d’un certain Alexandre le Grand sur la ville de Tyr, sur la côté du Liban aujourd’hui, de l’empire Perse à l’époque, des noms et des lieux que tu ne connais pas, ne situes pas. Mais elle te propose de la suivre, de venir avec elle pour rejoindre et rencontrer le troisième membre de votre constellation. Ce qu’elle te propose alors ne t’intéresse pas et tu lui ris presque au nez en le lui disant. Croit-elle vraiment que tu vas abandonner les tiens et la dévotion qu’ils te portent pour aller courir à travers le monde, errer sans doute et sans gloire ? Elle ne semble pas mal le prendre, t’adressant alors un sourire en te disant simplement que tu finiras par changer d’avis, et qu’elle sera là ce jour-là. Mais ces paroles te font rire alors que tu tournes déjà les talons pour retourner à la fête. Finalement, peut-être que tu aurais préféré que ce soit Freyja…

[Fin 886] Elle a tenu parole, cette Mithra aux yeux bruns. Elle est toujours là, rodant autour du campement des tiens sans que personne n’ose l’approcher après t’avoir vu disparaitre dans la forêt avec elle quelques mois plus tôt. Peut-être qu’eux aussi la prenne pour ce qu’elle n’est pas et ne veulent pas prendre le risque de contrarier une déesse. Elle a pu assister à ton arrivée au sommet de ta gloire, mais aussi au début de ta déchéance. Le vent a commencé à tourner pour toi depuis quelques mois, la jalousie de certains commençant à monter mais aussi la peur. Est-il vraiment normal que tu sois celle qu’Odin ait choisi pour t’accorder l’immortalité ? Si tu es vraiment une Valkyrie, pourquoi n’as-tu pas pu empêcher ton mari et ami d’enfance de mourir à tes côtés lors d’un autre assaut ? Oui, le vent commence à tourner et on commence à murmurer sur ton passage, à détourner le regard, à ne plus t’associer à Odin mais à un autre de vos dieux : Loki le fourbe. Qui mieux que lui pour te faire passer pour une Valkyrie et t’aider à te jouer si facilement de la mort ? Et maintenant, c’est même ton père qui n’ose plus te regarder dans les yeux, qui évite ta présence, depuis que, hier, ton plus jeune frère est mort dans tes bras, alors qu’il ne rêvait que de partager ta gloire et tes exploits, toi sa grande sœur, celle bénie des dieux… Tes deux autres frères aussi te font des reproches à ce sujet, le plus âgé n’ayant pas hésité à te confronter dès qu’il a appris pour le plus jeune d’entre vous, te demandant comment tu peux encore oser porter le nom de ton père alors que tu as laissé son plus jeune fils mourir, toi la soi-disant Valkyrie, toi qui aurais pu le protéger, partager avec lui ton immortalité… C’est de voir ton plus jeune frère allongé sur cette barque à laquelle les archers viennent de mettre feu, couplé aux paroles de ton autre frère t’ayant appelé "Lokadóttir" en te regardant droit dans les yeux, qui a fini par te convaincre. Non, ta place n’est plus parmi les tiens. Non, tu n’es en rien celle que tu prétendais être depuis le premier assaut sur cette ville maudite où tu as trouvé la mort. Oui, Mithra avait raison au final. Il est temps pour toi maintenant de quitter les tiens pour la rejoindre elle et cet autre qui partage la même malédiction que toi. Car peut-être en effet que les tiens ont raison aussi : tu n’es pas bénie d’Odin, tu es simplement maudite par Loki… Les funérailles tirant sur la fin, tu t’éclipses discrètement pour rejoindre ta tente. Et au profit de la nuit, tu rassembles rapidement tes affaires avant de prendre un cheval et quitter le campement pour rejoindre Mithra, qui t’attend à l’orée de la forêt, comme si elle savait parfaitement que c’était ce soir que tu allais te décider à la rejoindre et à partir avec elle. Pas un mot n’est échangé entre vous, simplement un regard mais qui semble suffire pour tout dire… Juste avant de t’enfoncer dans les bois sur ses traces, tu tournes une dernière fois le regard vers ce qui fut ton campement, ce qui fut les tiens, ton peuple… Finalement, peut-être que tu aurais préféré mourir pour de vrai un an plus tôt…

[891] Tu n’es qu’une gamine face à elle, avec tes pauvres 34 ans face à ces 1256 ans. Et pourtant, elle reste avec toi durant ces années, te guidant à travers un monde que tu ne connais pas, te faisant découvrir des terres et des cultures dont ton âme de viking n’auraient jamais pu rêver. Elle te parle de temps et de guerres lointaines, de civilisations aujourd’hui disparues qui n’ont laissé que des vestiges derrière elles. Elle essaye de te faire ouvrir sur les yeux sur ce qu’il y a de bons à aider son prochain plutôt qu’à courir après la gloire et le pouvoir. Mais tu es encore trop jeune, trop viking pour comprendre réellement ce genre de chose. Tu ne sais pas vraiment ce qui t’attire le plus chez elle : ses connaissances, sa façon d’être si différente de la tienne, votre complémentarité, ou son regard et son sourire sur presque tout ce qu’elle voit, tout ce qui l’entoure. Mithra est la plus ancienne de votre constellation de trois, celle que tu places naturellement comme votre leader à cause de son expérience mais aussi de son savoir. Elle a le don de prescience, qui se complète si bien avec celui de clairvoyance que tu as. Et c’est grâce à ça d’ailleurs qu’elle savait que tu changerais d’avis, que tu finiras par accepter de la suivre. Et aujourd’hui, oui, tu la suis sans la moindre hésitation jusqu’à des terres qui te sont inconnues. Tu en es tombée amoureuse sans même t’en rendre compte, mais en ne cessant de te répéter que tu n’avais pas la moindre chance. Comment aurais-tu pu en avoir une de toute façon ? Toi qui es si jeune et si différente d’elle. Non, l’amour entre deux femmes ne te choquent pas, ni entre deux hommes à vrai dire. Tu as toi-même eu des aventures avec d’autres femmes quand tu étais encore parmi les tiens, aussi bien avant qu’après ton mariage. Mais tu sais que dans certains peuples, l’amour entre deux personnes du même sexe est mal vu, interdit, puni… Alors, comme tu ne sais pas ce qu’il en est pour Mithra, et persuadée qu’elle ne te voit que comme cette gosse que tu as l’impression d’être face à elle, tu ne dis rien, ne tente rien. Mais sans que tu le saches, tes yeux parlent pour toi, comme ils l’ont toujours fait depuis ton enfance, et Mithra l’a bien compris. Et si elle le sait, si cela lui plait, elle te fit pourtant patienter jusqu’à ce jour où vous êtes finalement arrivées chez elle, dans la ville qui l’avait vu naître et mourir plus d’un millénaire avant aujourd’hui. Elle te fit patienter jusqu’à cette nuit où elle te rejoignit dans ta chambre pour te donner sa réponse à cette question que tu n’osais poser.

[1517] Aucun nouveau immortel dans votre constellation en plus de 600 ans et voilà que tu rêves de deux d’entre eux en moins de 24h. Mithra t’accompagne encore au moment de ces rêves, te confirmant ce que tu penses déjà : ils sont bien deux, et même elle ne l’explique pas. Un homme et une femme. Tu décides de commencer à te lancer sur les traces de la femme, ayant l’impression de la sentir plus proche. Mithra te répond simplement que non, elle est simplement celle qui te guidera jusqu’à l’homme. Foutu don de prescience. Quoi qu’il en soit, si Mithra reste avec toi les trois premiers mois de ta "traque" de cette femme, elle finit par devoir te laisser, devant retourner à Tyr et te donnant rendez-vous là-bas avec les deux nouveaux quand tu les auras rejoints et convaincu de te suivre. Heureusement que celle qui partage ta vie est patiente en tout cas car il t’en aura fallu du temps pour enfin réussir à les rattraper, à arriver devant eux. Et encore une fois, Mithra avait eu raison : c’est bien Gabriella qui t’a mené à Dante. Des demi-âmes, des jumeaux comme ils disent sur ces terres, à cette époque. Et si tu commences par les saluer en leur disant dans un italien approximatif avec un fort accent scandinave que jamais un lièvre ne t’avait fait autant courir qu’eux, tu te rends vite compte que tu n’es pas aussi douée que Mithra pour expliquer à de nouveaux immortels ce qui leur arrivent. C’est là qu’on sent les douze siècles d’écart entre vous deux… Mais au final, et non sans mal, tu parviens à te faire écouter, à les convaincre que tu peux les aider, que vous êtes désormais du même clan. Freyr merci, ils ne sont pas aussi arrogants et idiots que tu avais pu l’être quand tu étais à leur place et Mithra à la tienne. Et c’est donc après presque deux ans de course poursuite avec les jumeaux que tu les guides jusqu’à Tyr, là où vous attendent les deux autres membres de votre constellation.

[1552] A peine 35 ans après l’arrivée des jumeaux dans la constellation, voilà que tu fais de nouveau un rêve annonçant l’éveil d’une nouvelle immortelle lié à votre clan. A vrai dire, tu as fait le premier rêve d’elle environ deux ans plus tôt mais il était assez évident qu’elle n’était pas sur le même continent que vous. Ce sont Dante et Gabi qui se sont chargés d’aller la chercher. Il faut avouer que tu souris un peu en voyant le temps qu’ils ont mis pour convaincre la nouvelle de les suivre, ne pouvant t’empêcher de te dire qu’au moins, maintenant, ils savent ce que tu as vécu quand c’est toi qui leur courais après. Quoi qu’il en soit, te voilà au port de Séville avec Mithra, à attendre que les jumeaux et la nouvelle ne débarquent du bateau les ramenant tout juste du "Nouveau Monde". Et quand elle apparait enfin, le regard aussi terrifié que sauvage, tu comprends presque immédiatement que cela ne va pas être des plus simples avec elle. Mais Mithra est là, déjà en train d’adresser un sourire rassurant à la nouvelle, nommée Citlalli comme tu finis par l’apprendre un peu plus tard. Pas besoin d’user de ton don de clairvoyance pour comprendre que cette femme a dû voir bien des choses avant d’arriver ici. Espérons que Mithra saura lui montrer qu’elle est en sécurité avec eux, avec leur clan, leur constellation.

[1605] Vous vous êtes tous rassemblés à Tyr, dans cette maison qui est désormais la tienne, pour les funérailles de Mithra, même si tu restes un peu en retrait des autres… La plus âgée de votre constellation, celle avec qui tu as formé un couple durant plus de 700 ans a connu sa mort définitive il y a peu, de la façon dont elle l’a sans doute toujours voulu : en protégeant l’un d’entre vous. Avec le temps, Mithra avait réussi à se rapprocher de Citlalli, à lui faire comprendre tout ce qu’elle avait besoin de savoir sur sa nouvelle nature, et même, avec un peu de ton aide grâce à ton don de clairvoyance, à exorciser certains démons que l’aztèque avait en elle. Les deux s’entendaient bien, partageant la même passion pour les religions et cultures des autres peuples que les leurs. Si bien qu’il n’était pas rare de les voir partir en voyage toutes les deux, à la découverte d’un autre peuple, d’une autre façon de vivre… Parfois, tu les accompagnais, parfois pas. Cette fois-ci, tu étais avec elles quand des stupides brigands de grands chemins ont cru pouvoir s’en prendre à vous, vous, trois pauvres femmes sans défense. Comme si tu les avais laissés vous menacer… Leur réponse fut immédiate, un tir de mousquet touchant Mithra au niveau du foie alors qu’elle s’était interposée entre le tireur et Citla. Sur ses ordres, tu avais fait un massacre parmi vos assaillants avant de retourner vers elle et découvrir avec horreur qu’elle n’avait toujours pas cicatriser. Elle ne le fit jamais d’ailleurs, finissant par mourir de façon définitivement d’une hémorragie que vous n’avez pas su arrêter Citla et toi…
Tu n’as pas prononcé un mot depuis, à peine quelques soupirs et grognements quand on essaye de te parler. Tu as quand même fait ce qu’elle voulait que tu fasses, t’occupant de ses funérailles, rassembler les autres membres de la constellation pour cela, heureusement pas très loin pour le coup... Tu as appris aussi qu’elle avait fait en sorte que tout ce qu’elle possédait te soit léguer, comme cette maison à Tyr qui vous servait plus ou moins de QG à vous tous, de lieu de rassemblement. Et Citlalli… Tu sens bien que ta sœur de constellation a besoin que tu lui parles, que tu lui dises qu’elle n’est en rien responsable de ce qu’il s’est passé, que tu ne lui en veux pas le moins du monde, que rien n’a changé entre vous, au contraire… Mais tu n’y arrives pas, ayant déjà du mal à gérer ton propre deuil pour le moment. Tu finis enfin par utiliser ta voix peu après les funérailles, disant à chacun qu’ils seraient toujours les bienvenues dans cette maison, que rien ne changeait à ce sujet. Tu ne sais pas vraiment ce qu’ils attendent de plus de toi mais tu finis par te renfermer dans ton mutisme suite à ta déclaration. Toi, en réalité, tu n’es pas sûre d’avoir la force de rester ici. Tout dans cette maison te rappelle Mithra : les objets, les sons, les odeurs… Si bien qu’après un dernier verre en mémoire de celle qui fut votre leader, votre grande sœur, votre guide, ta moitié durant 700 ans, tu as fini par simplement quitter cette maison, sans un mot, et prendre la direction du nord. Comme un besoin d’exil pour essayer de te retrouver, de gérer ta peine.

[1637] Tu avais choisi le pays qui t’avais vu naître pour ton exil, cherchant peut-être à retrouver tes racines. Mais un rêve a fini par y mettre fin, te rappelant alors que le monde continuait de tourner et qu’il était temps pour toi de retourner auprès des tiens. Encore une nouvelle. Vous qui n’aviez pas connu un seul éveil en 600 ans après le tien, voilà que vous en avez connu quatre en moins de 110 ans. Mais une chose te semble étrange cette fois, c’est la netteté avec laquelle tu as rêvé de cette blonde écrasée par un arbre. Si tu t’es réveillée avec un petit sourire aux lèvres en te disant que c’était vraiment une mort à la con qu’elle avait connu, quelque chose te poussa pourtant à te mettre aussitôt en chemin. Oui, il était temps de mettre fin à ton exil maintenant, et c’est en te décidant à aller chercher cette nouvelle que tu l’as fait. Même si tu n’es pas allée bien loin, t’arrêtant à Amsterdam, devinant presque et sans vraiment comprendre comment, que la nouvelle immortelle allait arriver ici. Et c’est effectivement quelques temps plus tard, encore au niveau du port, que ton regard finit par croiser le sien pour la première fois. Espérons maintenant que tu es un peu plus douée pour les explications que lorsque tu étais face aux jumeaux…

[1700] Une chose est sûre, c’est qu’entre la Xandra que tu as rencontré pour la première fois 63 ans plus tôt et celle qui est devant toi, il y a un monde. Si la première était presque chou à être complètement perdue, celle d’aujourd’hui est juste parfaitement agaçante à te faire du rentre dedans à la moindre occasion. Alors qu’elle avait fini par prendre son envol après être restée presque 40 ans avec toi pour apprendre autant de chose que possible de ta part, vous avez fini par vous retrouvez dans ton pays natal pour le début d’une nouvelle guerre. Si d’autres membres de la constellation ont déjà compris que vous étiez des âmes sœurs elle et toi, de ton côté, tu es dans le déni le plus complet. Pour toi, ton âme sœur, c’était Mithra, pas cette fanfaronne de blonde insupportable qu’était devenue Xandra. Bon, d’accord, tu avoues toi-même que malgré tout ce que tu peux dire sur la dernière arrivée dans la constellation, elle a pas mal de point commun avec ton ancienne amante. Les mêmes dons, la même soif de connaissance, la même capacité d’écoute – du moins quand Xandra n’est pas occupée à faire la petite conne insolente – et le même sens du sacrifice pour les autres membres de la constellation. Sans parler du fait que Xandra est venue au monde quelques jours seulement après les funérailles de Mithra, ce qui fait que tu ne peux t’empêcher de cogiter à ce sujet, de repenser à ces histoires de réincarnations que tu avais entendu plus jeune. Et pourtant, tu ne cesses de rejeter Xandra quand elle cherche à obtenir ton attention, malgré tout ça, malgré l’attirance importante qu’il semble y avoir entre vous et que tu essayes d’ignorer au maximum… Enfin, jusqu’à cette nuit peu après vos retrouvailles où tu as un peu dérapé. Même si, le matin venu, tu es simplement partie, comme si de rien n’était et te comportant comme si rien ne s’était produit entre vous. Mieux vaut que ça reste comme ça.

[1940] Encore une guerre qui secoue le monde, mais tu as préféré rester dans ton pays, sous occupation nazie. Si le comportement du Danemark occupé est assez atypique par rapport aux autres pays dans lequel les officiers SS font régnés la terreur, tu fais quand même en sorte de te rendre utile au maximum, profitant du port d’Aarhus et de tes contacts avec pas mal de pêcheurs locaux pour aider des familles juives à fuir le pays en direction de la Suède, encore neutre dans ce conflit. Tu sais que chaque membre de ta constellation est occupé d’une façon ou d’une autre de son côté avec ce nouveau conflit. Même si tu regrettes un peu de ne pas pouvoir être avec eux, à les aider ou recevoir leur aide. Mais comme les autres habitants de ton pays, tu prends sur toi, avec résilience et espoir, en te disant que tout ceci ne durera peut-être pas. De toute façon, vous n’êtes pas les plus à plaindre au Danemark tant les nazis vous foutent la paix de peur que vous coupiez le ravitaillement de leurs armées. Résister et attendre des jours meilleurs, il n’y a que ça à faire de toute façon.  

[1950] Allongée dans ton lit, à Aarhus, tu es en train de discuter avec Xandra, allongée elle aussi à côté de toi. Cinq ans maintenant que la guerre est finie et que l’Europe mais aussi le reste du monde panse les plaies laissées par six années de conflits. Jamais tu n’avais connu de guerre ayant fait autant de ravage et pourtant, tu n’es plus toute jeune. Xandra est arrivée deux jours plus tôt, s’imposant un peu, mais de passage à côté de ta presque ville natale. Et de votre discussion de ce matin semble se dégager une envie commune de changer d’air, de voir autre chose, comme pour essayer de vous remettre vous aussi de ce conflit qui a secoué le monde. Et alors que vous commencez presque à vous mettre d’accord sur les pays à aller visiter, tu réalises la situation : vous deux, nues, allongées dans ton lit, en train de discuter comme si tout était parfaitement normal. Tu te redresses alors soudainement et fuis ton propre lit en jetant à Xandra que cela ne veut rien dire !... Oui, tu es toujours dans le déni, et Xandra, elle, s’est sans doute habituée depuis le temps à ta manie de faire un pas en avant, cinq en arrière.
En tout cas, tu l’as entrepris ce voyage à travers le monde pour te changer les idées, en profitant pour aller voir tes frères et sœurs de constellations mais aussi découvrir des pays que tu n’avais pas encore pris le temps de visiter. De temps en temps, tu as recroisé Xan’ sur la route, remplissant parfois des missions pour les enfants de Prométhée ensemble. Mais une chose est sûre, ce voyage t’a fait du bien. Et avec plus de trois siècles de retard t’a aussi permis de faire de façon presque définitive le deuil de Mithra. Même si cela ne veut pas dire pour autant que tu es prête à laisser une chance à Xandra. Pour ça, il faudrait déjà que tu sortes de ton putain de déni concernant votre relation.

[De nos jours] Le temps a passé, le monde a fini par se remettre de la Seconde Guerre Mondiale, recommençant par-ci par-là les guéguerres stupides et puériles que tu connais depuis un moment maintenant. S’il t’arrive d’y participer indirectement par moment, c’est uniquement lorsque tu remplis une mission pour le compte des enfants de Prométhée, commençant à te laisser de ces guerres incessantes. Oui, toi l’ancienne skajldmö fière et avide de gloire t’es bien calmée depuis ta première mort. L’œuvre du temps et de tes proches sans doute. Aujourd’hui, tu gagnes ta vie en tant que tatoueuse, ne voulant pas faire un métier qui pourrait trop vous exposer toi, ton immortalité et potentiellement aussi le reste de ta constellation. Tu partages ton temps entre Copenhague et Tyr, où tu retrouves régulièrement les autres. Même si les nouvelles technologies vous permettent de rester en contact bien plus facilement qu’avant, tu dois le reconnaître. Finalement, tu as appris à aimer de nouveau ce riad au Liban que tu as hérité de Mithra. Parfois, tu as encore le réflexe de t’isoler un moment dans ta maison à Aarhus, mais cela n’arrive plus qu’un ou deux mois par an maximum. Et encore, parfois, tu es simplement en vadrouille dans un autre pays pour le compte de ta faction. La seule chose qui perturbe encore l’équilibre que tu sembles avoir trouvé, c’est cette agaçante blonde de Xandra… Et dire que les autres de la constellation commencent aussi à s’y mettre pour te faire ouvrir les yeux et sortir de ton déni. Autant dire que tu n’es pas prête d’avoir la paix avec cette famille de cœur de timbrés que tu t’es trouvé. Ou peut-être qui t’as trouvé ? Qui le sait réellement au fond ?