Sweetness (Nevada)

1541 - Naissance enneigée Tu pleures en plein milieu de cet endroit enneigé. C’est elle qui te trouve, grand-mère. C’est elle qui t’élèvera avec bienveillance et équité. Elle t’apprendra tout ce qu’elle sait. Elle te formera à prendre sa suite comme herboriste et accoucheuse. Tu ne sais pas qui tu es, ni d’où tu viens. Tu ne sais pas comment tu es arrivée là et grand-mère non plus, mais au final, ça n’a pas réellement d’importance. Parce que tu comprends qu’on a dû t’abandonner pour que l’hiver te croque et te recrache en terreau pour les plantes. Alors tu remercies grand-mère d’être passé par là, de t’avoir trouvé, de t’avoir emmené, de t’avoir élevé. Tu lui voues une véritable admiration, et toutes les deux, vous vivez tranquillement. Tu n’imagines certainement pas que les choses changeront au fur et à mesure des années. Que tu es née à une ère où les femmes ne font pas ce qu’elles veulent et où la superstition sera ton pire ennemi. Tu ne te doutes même pas de ce qui t’arrivera dans quelques années. Non, tu profites de tes jeunes années, découvres les sons, les couleurs, les odeurs. Tu apprends, désapprends, te concentres et te déconcentres. Tu aimes et tu détestes. Tu souris beaucoup, peut-être trop d’après grand-mère. En vérité, tu es une petite fille souriante, tu l’as toujours été et tu le resteras au fur et à mesure du temps. Tu apprends beaucoup de choses, sur la vie, sur la mort. Grand-mère ne lésine pas sur le savoir, sur ta façon de te tenir, sur ta propreté. Alors c’est vrai, vous n’êtes pas riche, mais cela importe peu pas vrai ? Tu comprends vite que la richesse ne vient pas de ces pièces que les nobles jettent sur leur passage comme s’ils en avaient trop, mais qu’elle vient plutôt du cœur et de l’apprentissage. La véritable richesse vient de ce que tu offres aux autres et ça, tu le comprends rapidement et tu sais parfaitement que tu redistribueras cette richesse dès que l’occasion t’en seras donnée.

1571 - Mort et résurrectionMalgré tout, rien ne t'avait préparé à cela. Qui aurait cru que les choses changeraient aussi vite ? Certainement pas toi. Tu étais encore la gentille accoucheuse du coin. L’herboriste, celle qui donne des conseils sur les herbes et qui permet de soigner les malades alors même que les médecins n’y arrive pas forcément. Tu sais bien que certains te regardent d’un mauvais œil, mais ça n’a pas réellement d’importance tant que tu peux faire le bonheur des autres, tout te va. Et puis, tu entends les rumeurs parlant de sorcières. Tu ne comprends pas trop pourquoi elles viennent jusqu’à toi. Tu te méfies, fais attention, mais tu ne peux pas t’empêcher de donner un coup de main. Alors, quand cette servante vient te chercher parce que sa patronne est dans un sale état et que le médecin n’arrive à rien, tu n'hésites pas une seule seconde à te lancer pour aller l’aider. Grand mal t’en prends. Empoisonnée par l’amante de son mari, la femme n’est vraiment pas en forme, pourtant, tu te sers de ta science des plantes pour lui sauver la vie… Tout en jouant la tienne. Ils viennent te chercher quelques semaines plus tard, te taxant de sorcière. Ils te jettent dans une cage où tu attends ton procès et c’est là que tu entends ce qu’il va t’arriver. On va te passer à l’épreuve. Si tu coules, alors c’est que tu es innocente et si tu flottes, cela signifie que tu es une sorcière. Tu sais déjà ce que cela donnera, tu essaies tant bien que mal de leur expliquer, mais personne ne veut t’entendre, personne ne t'écoute. C’est ce jour funeste que tu te noies. L’eau brûlant tes poumons alors que ces derniers ne faisaient que chercher de l’air.

Plusieurs jours s’écoulent. Sans famille, tu es jeté dans la fosse commune et c’est là que tu te réveilles. L’odeur est insoutenable pour toi et tu vomis la bile que tu as dans l’estomac. Ton corps bourdonne d’une énergie que tu ne comprends pas. Tu te souviens t’être noyé. Tu ne peux pas l’avoir rêvé. Et puis, il y a ces sons que tu entends, ces odeurs qui te prennent aux narines, ta peau qui brûle au moindre coup de vent. Tout semble exacerbé. Tu es perdue. Sans trop savoir comment, tu arrives à sortir de là, et tu t’enfuis, loin, dans la forêt. Tu ne cherches même pas à savoir ce qui s’est passé, tu te contentes de t’en aller, aussi rapidement que tes forces te le permettent. Il te faudra des mois pour appréhender ton nouveau toi. Des mois où tu te demandes ce qui se passe. Des mois où tu ne sais même plus qui tu es. Tu réapprends à vivre avec cette peur de ne jamais y arriver. Les bruits de la forêt qui t’apaisaient tellement ne font que t’agresser perpétuellement, et tu ne sais pas comment arrêter ça. Malgré tout, ils t’aident à chasser, à te nourrir. Tu deviens nomade, tu survis. C’est bien tout ce que tu peux faire pour l’instant. Les réponses, tu les chercheras plus tard, l’important pour l’instant, c’est de survivre et pour cela, tu donnes tout ce que tu as.

1789 - Odin à la Bastille Les années s’écoulent avec une régularité étonnante sans même que tes traits ne bougent. C’est … Tu ne sais pas comment l’exprimer, mais d’un côté, c’est perturbant. Mais il n’y a pas que cela. Il y a ces étranges capacités. Ces dons… Tu ne sais pas trop si tu peux les appeler ainsi vu que les cinquante premières années t’ont paru être une traversée de l’enfer tellement tu étais submergé par tout et rien à cause d’eux. Heureusement, tu maîtrises mieux, malgré tout, tu sais parfaitement qu’il ne faudrait pas grand chose pour en perdre le contrôle et repartir une fois de plus dans l’enfer qu’ont été tes premières années. Mais s’il n’y avait que cela, tu pourrais t’y faire. Non, il y a encore autre chose. Ces rêves, ces visions de cet homme. Tu ne sais pas qui il est, mais quelque part, chaque fois que tu le vois, ton esprit s’agite, ton cœur brûle de le rejoindre, comme si vous étiez connectés. C’est comme si tu le connaissais, sans trop savoir d’où, ni même comment. Bien évidemment, ça ne t’empêche pas de vivre et d’évoluer, mais tu as toujours ce petit quelque chose qui te pousse à chercher son visage dans la foule. Et c’est d’ailleurs en cette fabuleuse année que tu mets désormais un nom sur son visage.

Te voilà à Paris durant la prise de la Bastille. Toi, tu te contentes de t’occuper de ces centaines d'orphelins qui déambulent dans les rues et doivent voler pour manger. Tu as à ta charge une dizaine de gosses que tu as trouvés dans la rue un soir, sauvés d’une rixe ou autre. Les raisons ne manquent jamais pour s’en prendre aux plus démunis de toute manière. Le problème, c’est que tu as perdu Claude. Il est petit, chétif mais très agile et il ne cesse de te glisser entre les doigts. La raison ? Il cherche sa sœur disparue. Toi, tu sais qu’il ne la trouvera pas. Tu sais qu’elle a déjà disparu pour autre part, abandonnant son frère derrière elle qui n’était qu’un poids supplémentaire, mais tu n’as pas le cœur de le lui dire. Pourtant, il va bien falloir s’il ne cesse de se mettre en danger pour ça. C’est pour cela que tu es dans la rue alors que le ton monte de plus en plus, que les armes sont à portée de main. Et c’est grâce à cela que tu vas le rencontrer, cet homme qui ne cesse de hanter tes nuits. Alors que tu cherches le gosse, tu le retrouves dans les bras d’un mec baraqué, clairement fait pour la guerre. Ton sourire se dessine alors que tu relèves la tête pour le remercier et c’est là que tu les vois: ces pupilles. Un regard intense à couper le souffle, un regard qui a clairement passé les âges. Pourtant, tu n’as pas le temps d’ouvrir la bouche qu’une balle le fauche. Ton corps tremble, il y a bien longtemps que tu as appris à ne pas crier après la mort, mais tu ne peux toujours pas te résoudre à ces pertes humaines.

Terrifiée, tu récupères le gamin et tu t’enfuis, laissant le corps de cet homme et toutes ces questions qui te taraudent encore et encore. Pourtant, quelque chose te titille et tu ne peux t’empêcher de te dire que s’il est comme toi, alors cela veut peut-être dire qu’il est encore en vie. Alors, tu attends que la nuit tombe et lorsque l’astre solaire laisse sa place à son jumeau lunaire, tu te faufiles dans les rues de Paris. Tu les as étudiés durant des années ces rues, tu les connais par cœur et il ne te faut vraiment pas longtemps pour retrouver ton chemin. Pourtant, le corps a disparu. Tu pousses un gémissement inaudible jusqu’à ce qu’un bruit te tire de tes rêveries, qu’une main s’accroche à tes lèvres pour les sceller et que tu te fasses embarquer dans une ruelle. Tu le savais, tu savais parfaitement que ce genre de choses arriverait. Alors tu tentes de te débattre. S’ils veulent te tuer ou tu ne sais quoi d’autres, tu ne vas clairement pas les laisser faire. Pourtant, quand l’homme te colle contre le mur t’intimant le silence, quand ton regard rencontre le sien, tu le reconnais et c’est là que tout change. Lui, il a les réponses. Lui, c’est Odin et ensemble, vous formez désormais une famille.

1880 - Inventions, découvertes et intérêt grandissant Apprendre d’Odin, c’est étonnant, c’est distrayant. Lui et toi, vous avez eu des vies diamétralement opposées et cela vous permet de vous compléter naturellement. Pourtant, tu ne te reposes pas seulement sur tes compétences, ni même sur celles qu’Odin t’apprend. Le monde regorge constamment de nouveaux inventeurs, de nouvelles inventions auxquelles tu t’intéresses. Au départ, ce n’est que pour être à la page, ne pas être perdu dans ce monde qui évolue à la vitesse de la lumière. Et puis, tu découvres les premiers appareils programmables. C’est énorme, cela fonctionne bizarrement. Tu te dis que ce genre de choses ne passera pas le temps. Pourtant… Quelque chose te dit que peut-être, oui, peut-être que tout ça continuera finalement. C’est le début de ton addiction aux inventions et cette dernière continuera à travers le temps, jusqu’à ce que le mot informatique ne soit inventé et te fasse vibrer autant que les plantes.

28 septembre 1918 - Guerre et Avery Tu désespères de l’homme et de ses décisions. Tu te dis que peu importe l’époque, il réitère encore et encore les mêmes erreurs, comme si ces dernières étaient inscrites dans ses gênes. Tu ne comprends pas leur raisonnement. Pourquoi vouloir le pouvoir ? Pourquoi chercher à conquérir encore et encore plus de territoire ? C’est comme si rien ne pouvait satisfaire certaines personnes et très honnêtement ça te fait peur. Tu te dis que rien ne changera jamais, que les choses seront encore et toujours les mêmes et que l’homme, loin d’apprendre de ses erreurs, recommencera indéfiniment ses stupidités. C’est triste, tu le conçois parfaitement, mais ça ne t’empêche pas d’aider comme tu le peux. Alors tu prodigues des conseils dans cette guerre, tu distribues ton savoir des plantes, aux gosses des rues, aux femmes désormais veuve, à tous ceux qui semblent en avoir besoin. Et tu la cherches aussi, cette jeune femme. Celle qui, comme Odin, hante tes rêves. Cela dure depuis quelques années désormais et tu désespères de mettre la main dessus. Parce que tu commences à comprendre qu’elle aussi fera partie de la famille. Les règles du jeu commencent petit à petit à s’ancrer dans ton esprit. Tu sens presque le lien te tirailler pour te porter vers elle, mais c’est Odin, étrangement, qui est le plus attiré. Pas que ça te dérange, loin de là, mais tu te demandes s’il s’agit d’une question de hiérarchie ou alors s’il s’agit d’autre chose…

Les questions se bousculent toujours dans ton esprit. Tu as de plus en plus l’impression d’être un pion au service d’un jeu d'échecs géant dont la partie ne se termine jamais. Cela t’importe peu la plupart du temps. Même si tu n’es qu’un pion bon pour le sacrifice, tu sais parfaitement que tu donnerais ta vie avec plaisir si cela pouvait en sauver des milliers d’autres, même s’il s’agissait de la dernière, surtout s’il s’agissait de la dernière. Alors tu laisses ce fil qui semble vous lier te guider. Ton regard accroche les visages, les uns après les autres alors que tu ne cesses de dispenser des conseils, des soins, des herbes. C’est Odin qui la trouve, comme s’il possédait une boussole interne. Un regard, une manche tirée, tu accroches sa silhouette et voilà que l’hôpital explose. Corps éparpillés en tous sens, visages ensanglantés, cris de détresse. Tu sais déjà que les dégâts sont irréversibles et ton cœur saigne pour les morts, les blessés et les morts à venir. Tu remercies le destin de ne pas t’avoir fait don d’empathie, parce que tu ne sais pas si tu aurais pu supporter tout ça. Tu n’arrives plus à supporter toute cette cruauté, pourtant, tu ne cesses d’essayer de l’empêcher, encore et encore, mais plus le temps passe et plus tu as l’impression d’échouer. Alors au lieu de te lamenter sur les perdus, tu te concentres sur les vivants et sur la jeune femme. C’est Odin qui la trouvera et l’embarquera. C’est lui aussi qui te poussera à le suivre, comme d’habitude. Ton ancre, ton frère, ton cœur, ton âme. Il faudra plusieurs heures avant qu’elle ne reprenne connaissance et lorsque tes pupilles accrochent les siennes, tu sais déjà que tu vas l’aimer, elle fait partie de l’étoile, elle fait partie de votre vie Avery, elle est enfin entrée dans la meute.

Mars 1929 - Prohibition et Cain C’est Avery qui vous a emmené en Amérique, à la recherche de son frère. Tu redécouvres l’endroit avec nostalgie, toi qui l’a déjà visité quelques fois, il y a de cela très longtemps. Tu regardes le monde qui une fois de plus est au bord du chaos et tu te demandes bien quand ils cesseront de se taper dessus pour tenter de s’entendre ? Quand est-ce qu’ils arrêteront de le mettre à feu et à sang comme s’il s’agissait de la seule chose à faire ? Tu n’as pas de réponse toute faite malheureusement, parce qu’une fois de plus, tu sais que le monde recommencera, à une autre époque, sur un autre continent et ainsi de suite jusqu’à ce que tu t’éteignes enfin. Mais pour l’instant, tu essaies d’apprécier l’instant. Tu as laissé Odin et Ava seuls parce qu’ils en avaient besoin. Enfin ça, c’est toi qui le dit, mais tu sens quelque chose entre eux. Une attirance qui les tiraille, alors parfois, tu t’écartes de leur chemin, sans qu’ils ne le voient. De toute façon, s’ils le désirent réellement, vous vous retrouverez facilement. Tu déambules dans les rues de Chicago, ville de la prohibition, tu proposes ton aide à droite et à gauche et c’est ainsi que tes jours commencent à s’allonger. Entre soin de quartier, décoction d’herbe et aides diverses et variées, tes journées sont bien occupées. Malgré tout, tu trouves quelques minutes entre deux rondes pour aller dans les librairies et chercher ces livres rares que tu aimes tant, histoire de garnir un peu plus ta bibliothèque d’Oslo.

C’est lors d’une de ces rondes que les choses changent une fois de plus. Alors que tu sors quelques remèdes de ta besace pour les donner à une femme et ses enfants, tu vois ses yeux s’agrandir d’horreur et tu n’as pas le temps de faire demi-tour que tu te retrouves plaquer contre le torse d’un mec baraqué et gigantesque. Tu te débats un moment, jusqu’à ce qu’il t’intime le silence et te promet de t’en prendre à tous ceux que tu soignes si tu ne le suis pas lui et ses potes. Charmant et l’unique mot qui sort de tes lèvres à cet instant. Tu pourrais braver, mais le molosse serre tellement ton poignet que tu ne peux pas t’échapper. Il pourrait tout aussi bien le casser à ce rythme que ça ne t’étonnerait même pas. Pourtant, tu ne penses pas réellement à ton poignet, ni même à ce qui risque de t’arriver, non, tu penses plutôt au fait qu’il ait menacé des innocents pour te ramener, comme s’ils n’étaient rien d’autres que des insectes qu’il pouvait écraser sous sa botte. Cela te révulse, mais tu ne peux rien faire contre ça pour l’instant, mis à part te laisser faire. Une fois sur place, tu remarques une infirmière paniquée et un mec à moitié mort gisant sur un lit de fortune. On te pousse sans ménagement vers ce dernier, morceau de viande tout juste bon à aider avant probablement d’être éliminé. Tu te sens agacée sur l’instant, personne ne te dit rien mis à part qu’il faut que tu le soignes et ce, rapidement. La belle affaire, pas vrai ? Sauf que ni l’infirmière ni toi n’avez des connaissances en chirurgie. Tu regrettes qu’Avery ne soit pas avec toi pour le coup, elle, elle aurait pu aider plus efficacement. Malgré tout, tu t’actives rapidement, vérifies les constantes de ton patient. Ton professionnalisme aide la jeune infirmière à se remettre un peu de sa peur et ensemble, vous tentez de soigner le garçon tant bien que mal.

Il te faut plusieurs heures suite à ça pour ne serait-ce que le stabiliser. Cependant, tu sais déjà que s’il ne reçoit pas du sang rapidement, alors il mourra. Tu essaies tant bien que mal de le faire comprendre aux sbires de la pièce, mais aucun d’eux ne t’écoute. Ils se fichent pas mal de tes récriminations. Alors tu leur dis que tu vas chercher de l’aide et sur ce, tu t’élances en direction de la sortie avant qu’ils n’aient le temps de réagir. Pourtant, tu te fais stopper par un corps qui se met en travers de ta route. Dans ton élan, tu le percutes de plein fouet et te retrouve à rouler bouler sur un des côtés de la pièce, grognant à la douleur que cela t’a infligée. Pourtant, tu ne te laisses pas abattre et te relèves, tant bien que mal. Les bleus seront vite guéris de toute façon, alors tu fais face. Une fois debout, et ce malgré ta taille minuscule, tu lèves les yeux vers le nouvel arrivant et lorsque vos regards se rencontrent, c’est un frisson glacial qui descend le long de ta colonne. Au fur et à mesure des années, tu as rencontré de nombreuses personnes. Tu as commencé à savoir décrypter les visages, à comprendre leurs expressions, voire même à interpréter leurs sentiments. Tu as l’habitude d’anticiper mais lui… Son regard… C’est comme si un froid polaire y résidait. Un froid dont tu ne sais pas quoi faire et dont tu n’as pas l’habitude. Tu ne sais pas trop comment réagir, comme faire face à ce genre de regard. Alors tu recules, te disant qu’il vaut mieux être loin, pourtant, c’est le molosse qui te récupère et serre fortement tes bras à t’en faire gémir qui est la véritable menace. Tu t’attends à te faire frapper rapidement, pourtant, le nouvel arrivant lui dit de te lâcher. Un espoir naît en toi et tu lui expliques alors qu’il faut du sang à l’homme allongé pour qu’ils vivent. Il en a perdu bien trop.

Malgré tout, vous n’arrivez pas à être sur la même longueur d’onde. Il veut bien te donner du sang, le sien, mais il ne comprend pas. Tu as lu beaucoup de choses au fil des années  et il y a plus d’une vingtaine d’années maintenant, tu as lu un article qui parlait de la compatibilité du sang. Tu tentes d’expliquer que ça, tu ne peux pas le deviner et que si vous lui injectez ce qu’il ne faut pas, il pourrait mourir. Tu pensais rencontrer un mur, pourtant, il a l’air d’être compréhensif, mais cela n’empêche pas que tu n’es pas certaine de pouvoir soigner leur ami. Plusieurs jours passent alors que tu cherches un moyen d’au moins sortir l’infirmière d’ici. Mis à part être menaçant, ils vous traitent plutôt bien. Tu essaies de parler avec celui qui semble être le chef sans savoir qu’en face de toi se tient le frère d’Avery, Cain. Depuis quelques jours, tu as pu l’observer et quelque part, tu as pu le comprendre un peu, pas grand-chose, mais tout de même. C’est lui qui t’as assuré que vous ressortirez vivante d’ici dès que le gosse ira mieux. C’est lui qui prend soin de vous, vous nourrit, vous surveille. C’est étrange, mais quelque part, tu le crois, sans trop savoir pourquoi. Malgré la pellicule de glace qui semble entourer son cœur, quelque chose te dit qu’il tiendra parole. Pourtant, tu ne t’attendais pas à ce que ce soit la police qui vous débusque. Tu ne t’attendais pas non plus à l’effervescence qui suit, aux balles qui fusent des deux côtés. Ton regard glisse vers la jeune infirmière qui n’a rien fait pour mériter ça, alors tu t’élances vers elle, dans le but de la protéger d’une balle perdue, mais c’est toi qui te fais faucher à la place. Et alors que tu t’écroules, c’est ton regard vide qui fixe celui de Cain. Tu te réveilleras à la morgue sans trop savoir comment tu es arrivé là. Dans ta chance, il n’y aura personne à ce moment-là et il te suffira de récupérer une blouse pour sortir de l’hôpital ni vu, ni connu. C’est à la sortie que tu retrouves Ava et Odin, soulagé qu’ils aillent bien.

Juillet 1940 - Retour en France et départ en allemagne C’est un appel d’Henry qui te fait retourner en France. Henry, c’est cet immortel Français que tu as découvert au moment de la Bastille. Henry, c’est ton premier amour en quelque sorte. Henry, tu lui dois plus qu’une vie et lorsqu’un courrier te parvient à l’une de tes adresses, tu n’hésites pas une seule seconde à revenir en France pour lui filer un coup de main face au Nazisme présent. Henri adore se jeter dans les conflits, espérant les résoudre grâce à ses bons sentiments, ce qui n’arrive jamais soyons honnête. Malgré tout, depuis qu’il a rejoint les enfants de Prométhée, il s’efforce d’aider l’humanité et ça, tu ne peux pas lui retirer. Quand tu arrives en France pour lui filer un coup de main, c’est un pays ravagé qui t’accueille. Il t’embarque alors en Allemagne où tu choisis d’aider les Juifs. Une fois encore ton cœur saigne de voir tant de personnes se faire assassiner sur une base totalement vrillée. Tu vas l’aider pendant de nombreuses années, soignant ceux qu’il récupère, protégeant ceux qui restent, les aidant du mieux que tu peux. Ce n’est pas facile tous les jours. Tu ne comprends pas comment les choses ont pu tourner de cette façon. Pourtant, encore une fois, tu te dis que tu avais raison. Il y a toujours quelqu’un pour vouloir l’ascendant sur les autres. C’est triste, mais c’est ainsi.

Alors au lieu de t'apitoyer sur les erreurs que le monde réitère sans cesse, tu te concentres sur les vivants, sur le meilleur moyen de les aider. Tu aides Henry du mieux que tu peux, jusqu’à ce jour, cette descente. Cet homme qui vous a vendu lui, toi, votre organisation. Tu lui en veux d’autant plus que ce jour-là, personne ne veut faire dans le délicat. Les Juifs que vous n’avez pas réussi à faire sortir sont exécutés devant tes yeux alors qu’un cri de détresse sort de tes lèvres, Henry se jette sur l’un nazis mais reçoit une balle et meurt. Tous te tiennent en joue et alors que tu te relèves et leur fais face, chacun d’eux fait feu à son tour et tu t’écroules la mort t’emportant une fois de plus. Ton réveil est douloureux, pas à cause de ton corps, même si ce n’est jamais agréable, mais surtout à cause de ces cadavres non loin de toi. Les larmes coulent sur ton visage alors que tu avises le corps d’Henry. Tu te jettes sur lui, tente de le réveiller encore et encore, mais rien n’y fait. Henry n’est plus, son temps s’est écoulé. Ton chagrin n’en finit pas et tu ressens le besoin compulsif de te rapprocher des tiens, mais avant cela, tu donnes une sépulture digne de ce nom aux dix personnes présentes dont Henry, espérant quelque part que les pertes cesseront un jour ou alors que la mort vienne te prendre à ton tour.

1946 à 2017 - Mission humanitaire Alors que le monde se remet de la guerre, vous décidez de partir en mission humanitaire autour du globe. L’Afrique est le premier pays qui vous tend les bras et vous accueille. Vous y restez un certain nombre d’années. Puis, ce sera l’Inde et ensuite un autre pays. Vous ne pouvez pas rester trop longtemps à chaque fois, mais vous y restez assez longtemps pour les aider le temps qu’il faut. Passer de pays en pays te fait du bien. Aider juste pour aider te remonte le moral. La mort d’Henri pèse encore dans ton esprit et tu te demandes quand est-ce que viendra la tienne, la vôtre. Parfois, tu l'espères. D’autres fois, tu la redoutes. Le temps peut autant être ton allié que ton bourreau et ça… C’est quelque chose que tu as compris depuis la mort d’Henry. Alors tu profites des années qu’on te donne pour faire ce que tu as toujours voulu faire : rendre les gens heureux. Tu enseignes, tu montres, tu crées. Ce n’est pas grand chose à ton sens, mais ça leur fait du bien et en contrepartie, tu en apprends toujours plus sur les plantes, de quoi te ravir. Tu apprécies ces années de tranquillité au travers des divers peuples que tu découvres et aides.

2020 - Un chez soi à entretenir Les années s’écoulent avec une régularité consternante. Depuis qu’Avery a demandé à rejoindre son frère, il y a de cela trois ans, vous voilà installé à Londres. Honnêtement, tu as bien besoin de cette pause. Ces derniers temps, tu ressens le besoin d’être plus stable que tu ne l’as jamais été. Peut-être est-ce les morts, ou alors les guerres que tu as traversé. Peut-être est-ce autre chose, tu n’en sais trop rien. Ce que tu sais en revanche, c’est qu’à Londres, tu as ouvert ta boutique de plantes et parfums naturels. Qu’à Londres tu as presque l’impression d’être chez toi. Alors c’est vrai, tu vis seule avec tes chiens. Mais tu sais aussi qu’en cas de besoin, il y a toujours Odin et Avery. Et puis, il a l’intriguant Cain, sans compter son super copain Alastair. Même s’il est vrai que votre précarité est avérée au vu de l’époque, tu n’arrives pas à t’inquiéter ces derniers temps. Alors tu profites. Viendra un moment où il faudra fuir de nouveau. Un moment où il faudra encore se battre. Tu le sais parfaitement, mais tu évites d’y penser. Pour l’instant, tu as juste envie de voir ce que la vie te réserve et pour cela, il te suffit de la vivre.