There is one more star to find | Livna & Nobu

A friend is what the heart needs all the time.

(2021, début décembre 2021) Les rêves ont commencé il y a peu et si tu a vécu cette situation avec les autres membres de ta constellation, c’est la première fois que tu vis ça dans le sens où, une étoile vient de s’ajouter à vous et tu tiens pas à l’ignorer comme l’ont fait les trois plus âgés. De toute façon, t’es plus ou moins persuadé qu’ils feront tout pour ne pas à s’en occuper et tu te refuses de laisser une âme perdue dans cette situation. Situation à laquelle elle ne doit rien comprendre, si elle n’a pas eu la chance qui était la tienne – d’une certaine façon – à savoir connaître déjà l’existence des immortelles. Ou plutôt vénérer ces derniers, mais il s’agit-là d’un autre sujet et d’un passé qui n’a plus vraiment lieu d’être. Ça te prend plus longtemps que tu ne l’a pensé pour trouver où elle pourrait bien être, cette étoile. À peu près un mois, entre lesquels tu dois aussi gérer ton propre quotidien. C’est dans un de ces rêves que tu reconnais les rues de Londres, familières à tes yeux et tu dois trouver comment t’organiser avant de prendre un billet d’avion pour rejoindre la capitale Anglaise.

Peut-être que tu échanges avec Chiranth au téléphone pour avoir des conseils sur comment expliquer cette situation à une nouvelle étoile, puisque les exemples d’immortels de ta propre constellation ne sont pas à prendre. Tu aurais pu voir avec Yixi, mais la vieille bique n’est plus là et c’est toujours une plaie béante dans ton cœur. En repoussant son souvenir au fond de ton esprit, tu erres un moment dans les rues, cherchant les indices volés après chaque rêves pour retrouver la traces de la jeune femme. Ça te prendre une bonne partie de la journée et c’est le froid et la soif qui te font t’arrêter dans le premier café sur lequel tes yeux se posent. À croire que le hasard peut bien faire les choses, car une fois ta commande passée au comptoir, tu balayes la pièces du regard et c’est une silhouette que tu as vu dans un miroir qui te fait cligner des yeux. Maintenant demeure la meilleure façon de s’asseoir et entamer la conversation sans avoir l’air du premier connard venu et tu comptes sur les rêves vous liant les uns aux autres pour t’aider au minimum. Finalement, tu décides de t’asseoir à la table se trouvant à côté de la blonde, lui adressant un petit sourire quand tu croises son regard, « Bonjour. » C’est une entrée en matière comme une autre. Et même dans une situation différente, tu dirais bonjour à ton voisin de table.

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(2021, début décembre 2021) Livna est fatiguée. Il y a des cernes sombres sous ses yeux et son teint est pâle, et elle affiche une mine soucieuse qui plisse sa bouche — les quelques centaines de livres qu'elle a pu obtenir en revendant ses bagues ne vont pas lui durer très longtemps, et elle commence à en avoir marre de squatter au refuge, mais la recherche d'emploi s'annonce difficile pour quelqu'un qui n'a aucun diplôme et sait à peine comment construire un CV. Les rejets qui s'enchaînent ne font qu'assommer son moral déjà bas, et même le beau temps, surprenant pour un mois de décembre à Londres, n'arrive pas à lui changer les idées.

Parfois elle se dit qu'il vaudrait mieux qu'elle retourne de là où elle est venue. Puis l'idée disparaît aussi vite qu'elle est apparue, au souvenir de ses propres derniers instants — plus jamais, sa part égoïste murmure. Plus jamais.

Pour le moment, elle a préféré s'installer à l'intérieur d'un petit café coincé entre deux autres magasins plus grands — le propriétaire est gentil, les boissons sont abordables et il y a toujours les exemplaires du jour du Times et du Guardian qui traînent sur certaines tables, dans lesquels elle peut relever les offres d'emploi qui l'intéressent. C'est ce qu'elle fait, en ce jour de décembre, un crayon à la main et une page de son carnet noircie de son écriture en pattes de mouches. Elle repousse régulièrement une mèche blonde qui s'est échappée de son tichel, et la tasse d'Earl Grey qu'elle a commandée commence à refroidir dangereusement.

Serveuse en restaurant — elle a toujours été maladroite avec les interactions sociales, mais pourquoi pas. Babysitting — refus catégorique, elle ne veut plus voir d'enfants. Caissière en supermarché — elle note soigneusement les coordonnées du chargé de recrutement, le bout de sa langue pointant légèrement au coin de ses lèvres.

Livna est tellement concentrée sur ses notes qu'elle ne remarque même pas que la table à sa droite est soudainement occupée — et sursaute, violemment, au son d'une voix inconnue, un peu trop proche, à laquelle elle ne s'attendait absolument pas. La tasse de thé vacille un instant avant de basculer, et de répandre son contenu sur le carnet. « Oy vet, sérieusement, Liv... » Un long soupir, lourd d'épuisement, alors qu'elle éponge comme elle peut le thé renversé avec quelques serviettes en papier. Et enfin ses yeux tombent sur son voisin — un homme, plus âgé qu'elle de quelques années si elle avait à deviner, même si la barbe qu'il affiche rend les choses plus difficiles à déterminer. Il a un visage agréable, qui donne envie de lui faire confiance, mais Livna ne peut pas s'empêcher de regarder autour d'elle — il n'y a qu'eux dans cette partie de la salle, ce qui retire la possibilité qu'il se soit adressé à quelqu'un d'autre. « Um. Bonjour ? » Il reste de l'incertitude dans sa voix, cependant, et ses sourcils se froncent légèrement. L'après-midi vient de prendre une tournure étrange, et elle n'est pas sûre de la direction qu'il va prendre.

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(2021, début décembre 2021) Tu penses distraitement que par le passé, des immortels auraient dû écrire un mode d’emploi pour ce genre de situation, parce que tu te demandes seulement si les conseils de Chiranth fonctionneront réellement ou non et tu ne tiens vraiment pas à ce qu’on te prenne pour une terrible personne. Vraiment, tu veux simplement t’assurer que ta nouvelle se porte bien et de toute évidence, ça n’est pas le cas, si les rêves t’ont été d’une quelconque indication. Alors tu lances la discussion – si on peut appeler une formule de politesse une discussion. Qui a un effet assez terrible, « Oh désolé. » Tu t’alarmes en rattrapant la tasse avant qu’elle s’écrase à même le sol, « Um. Bonjour ? » As-tu l’air aussi perdu que la jeune immortelle en face de toi ? Probablement. « Okay. » C’est comme si tu te donnais toi-même du courage pour continuer, mais déjà, il faut des serviettes pour éponger le café, alors tu te lèves rapidement pour en demander au comptoir, tout en demandant à ce qu’on rapporte la même chose à la jeune femme. Après tout, c’est de ta faute si ça a été renversé, « Tiens. »  Tu en tends une partie à la jeune femme, tout en posant certaine sur la table déjà.

« Ça va être terriblement étrange, comme question, je préfère prévenir, »  Ça commence bien, c’est une évidence, penses-tu en continuant d’éponger la table, « Mon visage ne t’ai pas un peu familier ? » Tu roules des yeux et te pince l’arrête du nez, « Ça sonnait mieux dans ma tête. » Tu marmonnes, maudissant l’absence d’existence du manuel. Enfin, vu les jours qui courent, il faut mieux, mais c’est un principe. « Ainsi que trois autres. » Tu poursuis, alors même jusqu’à donner une description brève des fantômes de la constellation. Même si, maintenant, t’as pu en voir la majorité, alors que ça fait plus de trente ans que t’es mort la première fois. Tu te demandes si c’est ce que Yixi a ressenti, quand elle est venue te chercher, ou si la raison était plus égoïste, alors qu’elle souhaitait laisser derrière elle cette solitude, vieille compagne avec laquelle elle a traversé les siècles. Ça n’est pas vraiment le sujet. « Je te l’ai dis, c’était étrange. » Tu répètes, gardant une distance appropriée, alors qu’un petit sourire hésite ourle tes lèvres. Et quand un serveur apporte ta commande et le nouveau café de la blonde, tu peux enfin te réchauffer les doigts contre la tasse bien chaude. Les petits plaisir de la vie n’ont pas de prix.

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(2021, début décembre 2021) Il s'excuse de l'avoir surprise, mais Livna se contente d'agiter une main et la tête à la fois. « C'est rien. Ma faute, j'aurais dû faire attention. » Mais la fatigue tire sur ses nerfs, et elle peut déjà sentir les larmes piquer à ses yeux et une boule douloureuse se former dans sa gorge quand elle observe son carnet aux pages trempées de thé, l'encre de ses notes rendue illisible par sa propre maladresse. Il y a quelques années, elle se serait planquée sous sa couette pendant tout un après-midi, les yeux rivés sur la fenêtre de sa chambre, mais elle n'a plus vraiment ce luxe maintenant.

Alors elle se contente de soupirer, de ravaler soigneusement son envie de chialer tout ce qu'elle sait, et elle éponge du mieux qu'elle peut. Il faudra qu'elle renote tout ce qu'elle avait déjà retenu.

Il annonce la couleur, prévient que sa question va sembler étrange — et elle l'est, terriblement, et elle est prête à l'envoyer chier parce qu'elle n'est juste pas d'humeur. Et pourtant... les mots lui échappent avant qu'elle ne puisse les sortir, et elle plisse les yeux, la tête légèrement penchée sur le côté. Maintenant qu'il le dit... Il y a, effectivement, quelque chose d'étrangement familier dans ce visage qui l'observe, comme si elle l'avait déjà vu, alors qu'elle jurerait qu'elle ne le connaît ni d'Eve ni d'Adam. Et pourtant. Livna a un flash, d'un coup — il continue de parler mais elle n'écoute déjà plus. Il y a eu des rêves, elle se souvient. Flous, vagues, mais elle est prête à parier que c'est là-dedans qu'elle a vu son interlocuteur, aussi étrange que ça peut sonner.

Elle garde le silence un moment, une fois qu'il a terminé. Se contente de redresser le tichel sur sa tête, avant de refermer les doigts sur la nouvelle tasse de thé qui trône, fumante, devant elle. La chaleur lui fait du bien, alors qu'elle hésite sur les mots à employer. « Ca sonne complètement fou, oui. » Tout comme l'idée de se relever une semaine après s'être jetée dans la Tamise sonne folle. Et pourtant c'est bien ce qu'elle a fait, même après avoir senti plusieurs de ses os se rompre sous le choc, même après avoir senti l'eau s'engouffrer dans ses poumons. Elle secoue la tête un instant pour se sortir de ce souvenir, se frotte les yeux avec le talon de sa main. « Mais bon. Ca fait trois semaines que j'ai l'impression de devenir folle, alors un peu plus ou un peu moins... » Elle marque une pause. Elle n'ose plus trop le regarder dans les yeux, de peur de craquer et de se mettre à chialer, d'extérioriser un peu tout le poids de ces derniers jours. Livna n'a jamais été du genre à s'épancher, et encore moins devant un inconnu, aussi familier lui semble-t-il. « Enfin, j'avoue avoir du mal à saisir pourquoi vous me racontez tout ça. »

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(2021, début décembre 2021) T’es là, Rahim, à éponger ce que t’as causé tout en te demandant quel cataclysme tu risques d’engendrer avec ce que tu as à révéler. Tu n’as jamais été dans cette position auparavant et on ne peut pas vraiment dire que Yixi t’ai briefé, d’où ta demande d’aide à Chiranth. À voir si ça te sera bénéfique. Tu l’espères, sans quoi tu serais perdu sur la marche à suivre. Alors tu commences, conservant une voix calme, bien à l’opposé du stress qui t’habite. « Ca sonne complètement fou, oui. » Tu en as parfaitement conscience, raison pour laquelle tu as tenu à prévenir la jeune femme quelques instants plus tôt. « Mais bon. Ca fait trois semaines que j'ai l'impression de devenir folle, alors un peu plus ou un peu moins... » Tu es obligé de compatir, Rahim et tu sais que tu vas devoir parler des rêves. Cette sensation de se noyer – merci Matheus, vraiment (non) grâce à lui, tu sais quelles sensations ça fait et tu aurais vraiment souhaiter ne jamais en avoir connaissance, mais on n’a pas toujours ce que l’on veut, dans la vie. « Enfin, j'avoue avoir du mal à saisir pourquoi vous me racontez tout ça. » Tu prends une gorgée de ton café, appréciant les saveurs, avant de répondre.

« Parce que, » Tu soupires, « je sais ce que c’est d’ouvrir les yeux quand ils devraient restaient à jamais clos. » Tu devrais sans doute moins tourner autour du pot, mais les murs ont des oreilles, comme on dit, tout comme tu essaies de ne pas effrayer la plus jeune. « Tu vois plusieurs visages, dans tes rêves, tandis qu’on ne voit que le tiens. » C’est une explication terriblement vaseuse, « J’aurais tendance à vouloir te dire que ça serait plus simple de t’expliquer tout en détail dans un coin plus tranquille, mais ça me fait sonner comme un vieux pervers. » Tu ajoutes avec une légère grimace. « Et j’ai pensé que de te trouver au refuge risquerait de te faire plus paniquer qu’autre chose. » Passant une main sur ton visage, tu soupires à nouveau, « Je m’enfonce encore un peu plus, on dirait bien. » Tu nages dans des eaux troubles, toi aussi.

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(2021, début décembre 2021) Livna doit admettre qu'elle a du mal à suivre. Il tourne autour du pot, s'embrouille dans des explications moyennement claires, et elle ne peut que froncer vaguement les sourcils, une main serrée autour de sa tasse de thé, l'autre jouant machinalement avec l'étoile de David autour de son cou. Son regard se perd dans le vague un moment, observent les gens pressés à l'extérieur, qui passent devant la vitrine du café sans aucun regard en arrière. Le silence s'étire entre eux, sans doute inconfortable pour lui, avant qu'elle ne revienne enfin à l'instant présent — et à la conversation, compliquée, qui a commencé entre eux. Un nouveau soupir. Elle n'est même plus certaine de vouloir boire son thé.

« J'avais véritablement envie de mourir. Je me fichais un peu de ne pas recevoir le kavod hamet. » Elle ne sait pas vraiment où elle en vient, avec ces balbutiements — sa voix est hésitante, et elle ne sait pas vraiment où elle veut en venir, en racontant tout ça. Elle s'interrompt, fronce une nouvelle fois les sourcils, clairement à la recherche de ses mots. « J'aimerais bien me dire que Dieu a un but pour moi... que c'est pour ça que je me suis réveillée. Mais j'ai du mal à y croire. »

Ce n'est pas comme si son existence était importante. Elle n'est fille de personne, mère de rien, sa mort n'aurait eu aucun impact sur le monde qui l'entoure. Juste une âme perdue parmi tant d'autres, alors pourquoi elle ? Pourquoi eux, puisque apparemment, elle n'est pas la seule ressuscitée de ce monde ?

L'idée d'une raison précise à leur existence est réconfortante, mais elle a ses doutes.

Elle finit par secouer la tête légèrement, et elle ose enfin le regarder, droit dans les yeux — quelque chose qu'elle n'ose faire que rarement, surtout face à un homme. Elle peut encore entendre la voix de sa mère lui répéter qu'elle ne devrait pas être en tête à tête avec un homme qu'elle ne connaît pas, mais son instinct ne l'a jamais trahie jusque là, et quelque chose lui dit qu'elle peut lui faire confiance. Peut-être pas à cent pour cent, pas encore, mais un bon soixante-quinze. « Je crois qu'on a tout fait un peu de travers, aussi. » Elle hésite, finit par tendre une main. « Je m'appelle Livna. Enchantée. »

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(2021, début décembre 2021) T’es vraiment mauvais, Rahim et t’es certain que Yixi aurait été bien meilleure pour tout expliquer. Enfin, vous auriez été meilleur. Connaissant ton étoile, ça aurait pu vite tourner au désastre s’il elle s’était retrouvée seule avec la pauvre jeune femme. « J'avais véritablement envie de mourir. Je me fichais un peu de ne pas recevoir le kavod hamet. » C’est terriblement triste et te fait mal au cœur, Rahim. Tu as bien compris, grâce au rêve, son souhait de mourir, mais l’entendre le rend plus réel encore. C’est ce qui vous diffère, tu penses. Elle a voulu en finir avec sa vie, tandis qu’on ta poignardé dans le dos – et ce qui a suivit n’était en rien agréable. Finalement, c’est juste sur ce détail qui vous lie, la Tamise à remplis ses poumons tandis que c’est ton sang dans lequel tu t’es noyé. Il n’y a rien de poétique dans la mort. Ça blesse et c’est moche, qu’importe les honneurs qui peuvent t’être attribué post-mortem.« J'aimerais bien me dire que Dieu a un but pour moi... que c'est pour ça que je me suis réveillée. Mais j'ai du mal à y croire. » Tu secoues doucement la tête, avec un pauvre sourire, « J’en connais qui cherche ce but depuis plus longtemps encore. » Mille ans presque, voire plus pour d’autres, t’es quasiment certain d’autres à encore plus vieux.

T’as beau être un jeunot d’environ de soixante-dix ans, ça ne t’empêche pas de foirer royalement cette présentation. Le cliché même du libraire ayant pour unique compagnie ses livres. Et sachant que tu passes un certains nombres d’heures à jouer à la Switch … Il doit y avoir une bonne dose de vrai dans tout ça, « Je crois qu'on a tout fait un peu de travers, aussi. » Tu as une grimace pleine d’excuse en hochant la tête, souriant avec une certaine hésitation quand, finalement, tu croises vraiment le regard de la plus jeune, « Je m'appelle Livna. Enchantée. » Tu souris plus franchement en rapprochant ta main, pour serrer la sienne, « Rahim. Enchanté. » Et vraiment, tu l’es. Soulagé, aussi, de ne pas avoir trop tarder à la trouver. « Tout ce que j’ai essayé de dire, » Tu reprends après avoir prit une gorgée de café, « et vais probablement échouer à nouveau, » Tu ajoutes avec une expression remplie d’excuses sur le visage, « c’est que, » Tu secoues finalement la tête, « On va faire plus simple, tu penses que j’ai quel âge ? » Là, peut-être que ça mènera quelque part. Ou alors pas du tout. The suspens thickens.

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(2021, début décembre 2021) Des rêves, encore des rêves.
Cela ne s’arrête jamais. Puis cette sensation de se noyer dans l’eau… Elle s’en serait clairement bien passé. Elle a déjà subi ça depuis quasiment cent ans, à un tel point qu’elle s’en est habituée et qu’à chaque fois qu’elle ressent cette sensation de noyade, elle lève les yeux au ciel. Pourquoi il n’y a pas de ces gens qui préfèrent éviter la souffrance en se faisant tirer dessus. Ça aurait été rapide, sec, efficace. Parce que bon, c’est insupportable de sentir la mort bien lente, douloureuse et bon… La noyade, ça ne donne plus envie d’aller se baigner après. Dans tous les cas, ce n’était pas forcément dans les projets de Nobuko ces derniers-temps. Tout comme être à Londres, c’en est loin d’en être un de ses projets. On ne lui a pas demandé son avis quand elle a reçu les SMS, elle se retrouve donc obligée de devoir rejoindre le groupe des deux immortels qui sont dans un café.

Comment est-ce qu’elle le sait ?

Elle a tracé le téléphone de Rahim, dont Matheus et La Chose lui ont donné pour qu’elle le contacte directement. Ah non, Nobuko n’a pas eu trop envie de contacter Rahim. Alors elle a juste installé une application et puis voilà, elle suit le téléphone. Elle a vérifié les alentours par sécurité pour au final entrer dans le café, commander un thé. Aller trouver une place… Ou plutôt un indien discutant avec une blonde. Pas trop compliqué quand elle les voit assis côte à côte et pas face à face. Pas pratique pour la discussion, mais assez pour Nobuko qui peut s’installer en face d’eux.

Chose qu’elle fait. Elle interrompt la discussion, c’est sûr. Mais elle s’en fiche complètement qu’elle met son sac sur ses jambes. Elle les regarde sans dire un mot, peut-être vont-ils la reconnaître grâce aux rêves. Pour une fois que Nobuko ne cache pas vraiment son apparence. Elle lâche un petit soupir et sort le livre de son sac, sac qu’elle dépose par terre d’ailleurs. Puis le temps de trouver sa page.

« Continuez la conversation, je vous écoute. J’attends la réponse sur l’âge de Rahim… Ou faites comme si je n’étais pas là. »

Elle le dit ça comme ça, les regardant sans un sourire. Montrant même pas sa joie de les voir… Parce qu’il n’y en a pas. Ça l’emmerde sec qu’elle soit là. Elle baisse son regard et continue de lire son livre dont la couverture est cachée par une pochette en papier illustré tout en attendant qu'on lui serve son thé au jasmin.  

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(2021, début décembre 2021) Rahim. Un joli prénom, qui roule tout seul sur la langue, et qu'elle répète doucement, dans un souffle à peine audible pour s'habituer à la prononciation. Elle hoche la tête, comme pour elle-même, apparemment contente de sa prouesse, aussi minime soit-elle — mais déjà il enchaîne, sur le sujet dont il voulait parler de base, et qu'elle a encore un peu de mal à saisir. Livna est fatiguée, et ses neurones ont un peu de mal à additionner deux et deux.

La question qu'il lui pose la fait tiquer, toutefois, et elle fronce un peu les sourcils. « Um. Honnêtement... » Elle s'interrompt, prend le temps de la réflexion. Elle doit avouer qu'elle n'a jamais été très douée pour juger l'âge des gens, et elle a toujours trouvé qu'une barbe a tendance à vieillir un homme, mais si elle devait estimer, elle lui donnerait autour de trente-cinq ans. Peut-être quarante, au maximum. Elle se doute toutefois qu'il lui pose cette question pour une bonne raison, et elle s'apprête à pointer cette éventualité du doigt, quand quelqu'un d'autre rejoint leur table sans prévenir, sans même dire le moindre mot.

Une jolie femme, les traits asiatiques — Livna est cependant trop mauvaise juge pour deviner d'où elle vient exactement, et elle ne se permettra pas de faire des suppositions. Mais après un moment de flottement, elle finit par la reconnaître — un autre visage qui a hanté ses rêves, ces dernières semaines, et elle ne peut que la fixer, les yeux ronds et la bouche entrouverte.

Elle a la désagréable impression que sa vie se transforme en un film fantastique, et la sensation lui hérisse les poils, juste un peu.

« Um... » Livna hésite, encore. Elle ne sait pas trop que faire avec la soudaine présence d'une inconnue au visage pourtant terriblement familier, ni avec sa franchise, chose à laquelle elle est loin d'être habituée. « Pardon, je... Tout ça, c'est... c'est beaucoup d'un coup. » Elle secoue la tête, souffle sur la mèche blonde qui dépasse du tissu autour de son crâne. « Mais j'aurais dit trente-cinq ans ? Peut-être. » Un nouveau moment de flottement, puis elle se tourne de nouveau vers l'inconnue en secouant de nouveau la tête. « Excusez-moi, vous êtes ? »

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(2021, début décembre 2021) « Um. Honnêtement... » La question posée a de quoi rendre perplexe, t’en as conscience, alors tu as un signe de tête encourageant, avant d’entendre des pas s’approchant et ça te fait te tourner le cou Tu retiens un long soupire, Rahim. Très long. Dans le fond, tu aurais sûrement dû t’y attendre. Ils se sont tous donnés le mot, visiblement, alors tu te contentes d’arquer un sourcil, tandis qu’elle vous observe sans dire un mot. Apparemment être plus vieux ne signifie pas être plus adulte, tu peux donc te permettre d’entrer dans son jeu, un minimum. « Continuez la conversation, je vous écoute. J’attends la réponse sur l’âge de Rahim… Ou faites comme si je n’étais pas là. » Ca aurait été simple pour toi, t’aurais pris tes cliques et tes claques et auraient quitté le café après avoir bu d’une traite la boisson, mais Livna est là et la pauvre enfant ne doit rien comprendre à ce qui se passe, « Ça rien d’être l’une des rares bonnes idées que t’entendra d’elle, alors bon. » Tu ne peux pas t’empêcher de faire remarquer, « Um... » et voilà que la vieille japonaise a ruiné les avancées que t’avais pu faire à la plus jeune. Merveilleux. « Pardon, je... Tout ça, c'est... c'est beaucoup d'un coup. » Tu lui adresses un petit sourire, Rahim, « J’en ai bien conscience, prend ton temps. » lui réponds-tu doucement, « Mais j'aurais dit trente-cinq ans ? Peut-être. » T’as un petit reniflement amusé, « T’es pas très loin, dans un sens, mais ça serait trop sibyllin de ne pas préciser. » Tu baisses la voix, avant de reprendre, « Je suis né en 1950 et techniquement mort en 1985, à trente-cinq ans, effectivement. » t’as conscience du choc que du déni que ça va pouvoir engendrer, alors que la laisser avaler, « Excusez-moi, vous êtes ? » cette question est prévisible, aussi.

« Elle est Nobuko et le visage que tu verras le plus souvent dans tes rêves, parce qu’elle se fiche de fout bien des autres. » Tu réponds à sa place, aussi neutre que possible, « T’as de la chance, c’est la première fois que je la rencontre en trente-cinq ans. » T’ignore ce qu’il en sera des deux autres, mais ça lui fera un visage de moins dans ses rêves pour un temps. « Parce que c’est bien que pour ça qu’elle est là, pour que ses propres rêves cessent un moment. » Tu te désintéresses de ton aînée pour te tourner vers la plus jeune, « Ces rêves, ils ne cessent vraiment que lorsque tu rencontres ceux qui les habitent. » Tu lui expliques, la voix plus douce, « Par exemple, à partir de ce soir, tu devrais en avoir que des deux autres, jusqu’à ce que tu les rencontres. » Mais plus aucun de toi et Nobuko. « Et après un certain laps de temps, les rêves reviennent si tu n’as pas été en contact avec ces personnes, d’une façon ou d’une autre. »  

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(2021, début décembre 2021) Nobuko ne cille pas à la réplique de Rahim. Une des rares bonnes idées qu’ils entendront d’elle. Elle retient même un soupir, parce que les jérémiades d’un gosse abandonné est clairement d’un ennui. Elle est vraiment obligée de supporter les deux en même temps ? Oui. Elle continue de lire son livre, pendant que la nouvelle immortelle joue à la devinette de l’âge. Trente cinq ans et tout cela. Elle remarque que la pauvre héroïne dans son livre est largement plus dans les ennuis et attire beaucoup plus de sympathie que les deux personnes en face d’elle. Elle ne remercie pas la personne qui lui sert enfin le thé au jasmin et puis…

La question tombe. Elle doit répondre ?

Non. Heureusement qu’elle peut compter sur le fidèle Rahim, qui peut répondre à sa place. Elle n’a pas eu à gaspiller sa salive. Alors elle continue de lire, tourne la page… Une chose dont certaines personnes ne sont pas capables. Nobuko ferme son bouquin le temps de se verser du thé dans la tasse. Ensuite elle reprend la lecture, en tenant un livre d’une main, la tasse de thé de l’autre. Elle lâche un petit soupir déçue pour son héroïne dans son bouquin, vraiment la vie n’est pas juste du tout.

Oh ça parle de rêves. Ah oui évidemment, c’est un sujet important, mais ce n’est pas pour ça que Nobuko est venue en vrai. Bon si, en vrai. C’est pour ça qu’elle est venue, juste pour ne pas voir leurs sales têtes polluer ses songes de nuit. Mais c’est aussi pour mettre les choses au clair.

« Bienvenue en enfer Livna, même la mort ne pourra pas te faire échapper de là. Dans tous les cas, nous sommes coincés ensemble pour l’éternité. Sans aucun échappatoire. Il n’y a pas que les rêves qui nous lies: mais il y a aussi nos morts que nous ressentons. J’ai beaucoup aimé la sensation de noyade, ça m’a ravivé de bons souvenirs. »

Claque-t-elle en tournant la page de son livre, elle boit une petite gorgée du thé avant de reprendre la parole. Elle tourne son regard vers Livna puis vers Rahim.

« Je ne vous aime pas. Je n’ai pas envie de vous connaître. Donc ce sera du minimum syndical. Si vous avez des ennuis, ce n’est pas mon problème, quitte à ressentir encore une fois votre mort. J’ai bien réussi à ignorer un siècle de noyade de l’Obsédé du katana, cela ne me posera pas de problème pour le votre. »

Elle s’en fiche qu’elle mette la mauvaise ambiance, qu’elle fasse paniquer Livna comme ça. Elle n’en a clairement rien à faire, on lui a dit de venir, alors elle est venue. En plus il lui faut tenir encore quelques minutes. Elle regarde sa montre et lâche un petit soupir avant de se remettre à lire son livre.

« Je reste encore quinze minutes comme je l’ai promis et je m’en irais. Je ne serai qu’un petit cauchemar dont on oubliera vite avec une petite tisane. » 

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(2021, début décembre 2021) L'atmosphère s'est nettement refroidie avec l'apparition de la japonaise — Nobuko, Rahim présente. Une atmosphère presque polaire, et même Livna, en dépit de ses lacunes sociales, arrive à deviner. Les poils se hérissent sur sa nuque, et elle se tend, imperceptiblement. Elle a l'impression d'être une proie face à deux prédateurs prêts à se battre pour défendre leurs territoires, et elle déteste cette sensation.

Tellement qu'elle a du mal à se concentrer sur ce que Rahim lui explique. Il parle de rêves, qu'ils finiront par cesser au fur et à mesure qu'elle rencontrera les visages qu'elle ne cesse de voir dès qu'elle ferme les yeux et se laisse aller un moment. Ses oreilles, cependant, semblent percevoir une minuscule pointe d'amertume quand il parle de Nobuko, et la blonde ne peut s'empêcher de glisser un regard curieux vers la nouvelle venue, apparemment plongée dans son livre et dans sa tasse de thé. Elle ne sait pas trop quoi penser d'elle, pour le moment.

Livna est fatiguée, ceci dit. Oh, elle imprime les explications que Rahim lui donne, les range soigneusement dans une boîte au fond de son esprit pour y revenir plus tard, mais à cet instant précis, elle est trop fatiguée pour véritablement comprendre les implications. Elle se contente de hocher vaguement la tête, puis Nobuko prend la parole.

La seule mention de sa noyade suffit à faire disparaître le peu de couleur de son visage. Elle vire au blanc, digne d'un cachet d'aspirine, et une de ses paupières tressaute légèrement — elle aussi a encore le souvenir vivide de l'eau qui entre dans ses poumons et brûle sa gorge, lui volant tout son air jusqu'à ce qu'elle puisse enfin sombrer dans une obscurité réconfortante. Elle n'aurait jamais pensé se réveiller, vraiment. Ceci dit, entendre Nobuko en parler sur un ton aussi... froid, aussi dédaigneux, lui glace le sang. Encore plus quand elle continue, apparemment aveugle — ou insensible, au choix — aux émotions qu'elle n'arrive pas à faire disparaître de son visage.

Livna serre les poings sur ses cuisses, sous la table, puis finit par se lever tellement brusquement qu'elle en renverse presque sa chaise. « Vraiment désolée de vous avoir fait subir ça. Croyez-moi, j'aurais préféré rester morte quelque part au fond de la Tamise. » Elle s'empare du sac à dos qui contient à peu près toute sa vie après y avoir fourré son carnet avec des gestes maladroits, enroule sa vieille écharpe autour de son cou. Il y a une drôle de boule dans sa gorge, et des larmes lui piquent les yeux, mais elle ne fera ce plaisir à personne ici présent. « Mais bon, Dieu est injuste, n'est-ce pas ? Rahim, merci pour le café. Et pour les explications, aussi. » C'est avec ces paroles qu'elle se détourne de la table et sort de l'établissement, s'éloigne à grands pas — presque en courant, autant être honnête, mais elle préfère être loin des regards avant de craquer un bon coup. Ses nerfs en ont besoin.

A friend is what the heart needs all the time.

(2021, début décembre 2021) Tu laisses pas le temps à Nobuko d’ouvrir la bouche, ne serait-ce que pour limiter les dégâts, mais c’est une bien piètre tentative, ça n’aura servit qu’à la retarder, parce que son venin, elle l’exprime à ta suite, « Bienvenue en enfer Livna, même la mort ne pourra pas te faire échapper de là. Dans tous les cas, nous sommes coincés ensemble pour l’éternité. Sans aucun échappatoire. Il n’y a pas que les rêves qui nous lies: mais il y a aussi nos morts que nous ressentons. J’ai beaucoup aimé la sensation de noyade, ça m’a ravivé de bons souvenirs. » Ton visage se durci instantanément, autant à la mention de l’absence d’échappatoire – si elle tenait vraiment à s’éteindre, elle n’a qu’à demander à se faire décapiter, aussi extrême que ce soit, il paraît que ça fonctionne à moitié, ou sinon – qui te fait penser à Yixi directement et tu sens le reproche sous-jacent, voire même l’envie et ça te dégoûte un brin. Mais la mention de la noyade aussi, elle est malvenue et tu vois à la pâleur de  Livna qu’il lui faut tout le courage du monde pour ne pas prendre ses cliques et ses claques et déguerpir. « Vraiment désolée de vous avoir fait subir ça. Croyez-moi, j'aurais préféré rester morte quelque part au fond de la Tamise. » C’est un peu le concept du suicide, mais cette remarque tu la gardes pour toi, d’autant plus que ça t’attriste.

Nobuko n’en a pas terminé, cependant. « Je ne vous aime pas. Je n’ai pas envie de vous connaître. Donc ce sera du minimum syndical. Si vous avez des ennuis, ce n’est pas mon problème, quitte à ressentir encore une fois votre mort. J’ai bien réussi à ignorer un siècle de noyade de l’Obsédé du katana, cela ne me posera pas de problème pour le votre. » Tu serres la mâchoire, la réciproque étant tout aussi vrai, le plus important dans l’immédiat ce n’est pas ta petite personne et encore moins l’autre immortelle qui ne pense qu’à sa propre personne, éternellement égoïste, quel belle combinaison. Non. Le plus important, c’est Livna et la pauvre petite est déjà en train de ranger ses affaires, « Je reste encore quinze minutes comme je l’ai promis et je m’en irais. Je ne serai qu’un petit cauchemar dont on oubliera vite avec une petite tisane. » Tu t’en remettra, c’est certain – ou pas, t’en sais rien – mais tu devines facilement que ça travaillera Livna pour un bon moment, sans être devin. « Mais bon, Dieu est injuste, n'est-ce pas ? Rahim, merci pour le café. Et pour les explications, aussi. » Tu hoches la tête, activant ton ouïe pour la suivre de l’oreille alors que tu ranges tes affaires un peu plus calmement, finissant d’une traite ta boisson – on ne gaspille pas, jamais – et te lèves, adressant à Nobuko un des regards les plus froid, « Ta corvée se termine plus tôt, tu peux retourner t’occuper de ton égoïste et égocentrique personne. » Et tu pars sans un mot, ni un regard de plus.

Retrouver la plus jeune n’est pas très compliquée et si t’as pas vraiment le temps de décolérer – t’envoies un message à @Lova Pavlenko et @Matheus Morales, afin de savoir lequel de ces deux abrutis à inviter Nobuko à se mêler d’autre chose que de sa petite personne. Tu prends sur toi pour maîtriser tes expressions faciales, lorsque tu tournes sur une rue et voit la silhouette de la jeune immortelle, ne serait-ce que pour ne pas la faire paniquer encore plus. Tu t’éclaircis la gorge, « Livna ? » Tu prends une voix douce, Rahim, comme si tu parlais à un chaton trouvé dans un carton – ça t’ai déjà arrivé, d’ailleurs. « Je suis terriblement navré de la tournure que ça a pris. » Tu ajoutes, « J’ignorais ... » tu fais un vague geste de la main, qui en dit bien plus que des mots, « Je peux répondre à toutes les questions que t’as sûrement, si j’ai ces réponses, mais d’abord, souhaites-tu que je te laisse tranquille ? » Elle a le choix, Livna, « Je suis venu à Londres pour te rencontrer et tout t’expliquer et surtout ne pas te laisser toute seule. Mais j’ai conscience du choc que c’est. » Tu fais une pause, « Je reste ici pour plusieurs jours, je peux te laisser mon numéro si tu veux. Tu as le choix, d’accord ? »

A friend is what the heart needs all the time.

(2021, début décembre 2021) Vraiment désolée de vous avoir fait subir ça. Croyez-moi, j'aurais préféré rester morte quelque part au fond de la Tamise.

« Oh ne t’inquiète pas, moi aussi. »

Réplique-t-elle sans ciller. Elle est là, à enfin tourner son regard vers Livna, ignorant Rahim pour l’instant. Mais quand elle retrouve les regards des deux personnes. Elle sait qu’elle se fait détester justement maintenant, ça tombe bien, mais mal en même temps. Ils peuvent autant la haïr de tout leur être, ce ne sera rien en comparaison avec la haine que Nobuko ressent vis à vis d’eux.

Elle doit rester quinze minutes en tout cas, ou deux minutes parce qu’elle voit que Livna lui facilite la tâche et c’est excellent. Parfait, elle n’aura pas à attendre plus longtemps ici donc. Elle parle de l’injustice de Dieu, Livna, Nobuko ne peut pas s’empêcher de lâcher un rictus dédaigneux. Elle lève un peu la tête et c’est peut-être la première fois que l’on voit sourire comme ça.

« Dieu t’a abandonné. »

Dit-elle, sachant très bien qu’elle l’aura entendue même si elle était en train de partir. Elle regarde ensuite Rahim, haussant les sourcils face aux mots qu’il lui dit. Elle ne répond rien et le laisse partir d’un coup. Inutile de gaspiller sa salive avec lui.

Deux emmerdeurs en moins.

Elle sourit et boit maintenant son thé, qu’elle termine d’un coup. Elle ferme son livre et prend son téléphone pour composer un message à Matheus. Puis, elle continue sa vie, de son côté. En restant dans ce salon de thé pour terminer son livre. Elle pourra partir quand elle l’aura fini parce qu’elle est sûre qu’ils seront encore dans le coin pour le moment.

A friend is what the heart needs all the time.

(2021, début décembre 2021) Les larmes commencent à couler à l'instant même où elle passe le pas de la porte.

Livna renifle, frotte furieusement ses yeux avec la manche de son pull élimé. Ce n'est pas le moment. Pas en public, où elle pourrait bien passer pour plus pitoyable qu'elle ne l'est déjà — elle n'a pas besoin de la pitié des gens. Pourtant les paroles de Nobuko continuent de s'imposer dans son esprit, à cogner toutes les pensées à peu près rationnelles hors de leur chemin pour s'installer, bien confortablement, dans un coin bien sombre de son cerveau qu'elle aurait préféré oublier. Le même qui s'était imposé, il y a quelques semaines de ça, pour qu'elle finisse dans la Tamise.

Elle finit par prendre un virage serré sur la droite, vers une petite rue adjacente qu'elle sait bien moins fréquentée que les artères principales. Accroupie entre deux bâtiments, son sac abandonné sur le côté et le visage enfoncé dans ses genoux, elle chiale un bon coup — des sanglots silencieux, qui secouent à peine la ligne maigre de ses épaules.

Elle n'a pas vraiment le temps de se lamenter longtemps, ceci dit. La voix de Rahim, aussi douce qu'elle puisse être, la fait sursauter violemment — il lui faut quelques secondes pour le replacer, quelques secondes pendant lesquelles son instinct lui hurle de partir en courant sans se retourner, mais elle arrive à se retenir. Plus ou moins. Prend le temps de s'essuyer le visage frénétiquement, mais rien de ça ne cache son nez qui coule, ni ses yeux rouges.

Livna apprécie les excuses qu'il lui présente, ceci dit. « Qu'elle se comporterait comme une alte makhsheyfe* ? Mm. » Elle finit par se redresser, récupère son sac qu'elle glisse sur une épaule fatiguée. Elle aurait bien dormi une heure ou deux, mais l'idée de pioncer sur un banc, à la merci des éléments et des regards des passants, ne l'attire absolument pas. Tant pis — elle ira se caler quelque part, le temps que le centre d'hébergement rouvre pour la nuit.

Ses paroles la font réfléchir, ceci dit. Elle se mâchonne la lèvre inférieure, les sourcils froncés, les mains qui se crispent involontairement sur l'ourlet de son pull, pendant qu'elle considère soigneusement la proposition. « Je n'ai pas de téléphone, » qu'elle finit par lâcher, un peu à contrecoeur. Enfin, il y en a un au centre, qu'il est possible d'utiliser pour des appels personnels, mais elle préférerait éviter de parler de retour à la vie en public. « Je sais pas vraiment où aller non plus. » Aveu à demi-mots. De sa situation — de la rue, de la fuite, de l'envie de partir le plus loin possible sans en avoir les moyens.

Un espèce d'appel à l'aide, même si la fierté et l'éducation l'empêchent de le formuler ainsi.


alte makhsheyfe (yiddish) : vieille sorcière.