Looking for someone maybe? ❅ Charlie

♪ Paris, Else

(Londres, Janvier 2022) Qu'est-ce que je déteste me faire traquer. L'avantage d'être Conseillère, c'est d'avoir toute une équipe d'adorateurs qui veillent sur les diverses identités que j'ai pu emprunter au fil des siècles. Qu'elles soient d'actualité ou non, mieux vaut toutes les surveiller. J'ai jamais eu trop de soucis. Les rares fois où le Conclave a pu commencer à tirer une ou deux ficelles me concernant, les identités ont disparu avec ces mortels prétentieux. Cela dit, cette fois et pour la première fois, les petites alertes ne se sont pas retrouvées liées au Conclave. Ca a mis un certain temps à remonter à la source, plus qu'habituellement. Le gars sait bien se dissimuler, mieux que n'importe quel mortel. Le pire, c'est quand le virtuel a commencé à rencontrer le réel. C'est le moment où je me suis dit qu'il fallait que ces conneries cessent. Je l'ai dirigé sur de fausses pistes, finissant par trouver son nom. Un certain V. Un mois que ca m'a pris. Enfin, que ca a pris aux Adorateurs. Fin novembre, j'ai enfin pu commencer à inverser la partie, chassant le chasseur. Aucun intérêt d'y envoyer Matheus pour régler l'affaire, vu que c'est un immortel. De toute façon, ca n'aurait rien réglé du tout. Ce qu'il me faut, c'est savoir qui est l'investigateur de toutes ces recherches. Et qu'elle ne fut pas ma surprise, en découvrant le petit Charlie.

Mathy n'avait pas pu s'empêcher d'aller à sa rencontre, l'air de rien. Histoire de tâter le terrain, voir comment le nouveau vivait son immortalité. A croire qu'il s'en sentait plus responsable que moi. Ce qui… n'est pas loin de la vérité. Pas que je n'ai pas de cœur, comme tout le monde s'amuse à dire, mais ca fait partie de ces choses incontrôlables. J'vous mens pas, ca m'a fait chier que ce mec crève alors qu'il m'avait rendu service. Qu'il m'avait épargné de mourir, même si y a de grandes chances pour que j'en revienne. Enfin… c'est toujours mieux de pas s'y risquer hein. Loin de moins l'envie de tenter la mort, bien qu'il m'arrive de faire de la merde, soyons honnête. Maintenant que j'ai retrouvé Mathy, mes arrières sont mieux gardés que jamais ! Le retour de ma conscience aussi. Il a le chic pour tout remettre en perspective, me raisonner un tant soit peu. C'est grandement à cause de lui, ou grâce oui, si ca vous fait plaisir, que je me retrouve à Londres. Encore, si seulement c'était pour rendre visite à Alastair… Ca faisait un petit moment que j'étais pas venue dans la capitale. J'irai pas jusqu'à dire qu'elle m'a manqué, mais j'y ai un bel appartement, c'est pratique. Je pénètre dans l'hôtel qu'un de mes adorateurs m'a indiqué, où Charles séjournerait. La marge d'erreur est plutôt très faible. Je l'ai moi-même mis sur la piste de Londres, alors que j'ai sûrement dû y atterrir après lui.

Son numéro de chambre vérifié, je monte au troisième étage, frappe à sa porte et annonce dans mon anglais le plus distingué : < Room service ! >

(Londres, Janvier 2022)

Les infos tombent au compte-goutte. Pas facile, ça fait déjà des mois que ça dure. Heureusement qu'il est aidé. Sans V. il n'aurait pas su où commencer. Sans doute ne l'aurait-il d'ailleurs jamais fait. C'est une saute d'humeur, une lubie passagère ou là pour rester, qui sait. A la base, il ne devait rien chercher, il s'était promis de tout mettre derrière lui, d'effacer le sang, la poussière et le visage qui va avec. De se concentrer sur le présent et pas sur le passé, voir peut-être même un peu sur le futur. Mais cette dernière année avait été éprouvante. Eprouvante mais pourtant, déjà en sursis, en fin de compte. Car à cause d'elle il n'aurait pas dû se relever. Et à cause de quoi, exactement ? Qu'est-ce qui avait été si important ? Ce n'était pas des combattants comme les autres, pas leurs ennemis habituels. Tout était surement lié à une histoire d'immortels que les simples humains ne peuvent pas comprendre, ou sont dépassés. Des simples humains comme lui, à la base. Comme lui, avant. Et dans son sillage, s'il s'en était relevé, ce n'était pas le cas de ses amis et collègue, de tout ceux avec qui, au quotidien, il bossait pour rendre le monde moins pire. Cette dague là elle restait en travers de la gorge. Alors oui, pour ne pas devenir fou, il fallait essayer de mettre au second plans les trauma, de se concentrer sur les nouvelles rencontres et sensations, de gérer les dons, de faire bonne figure avec la famille, de gérer les patients "normaux" et les urgences moins glauques. Mais dans le fond, le ressentiment s'installait tant que la curiosité malsaine qui allait avec ne serait pas assouvie.

Il lui fallait des réponses : Qui était-elle ? Pourquoi ça lui était tombé dessus ? Quel était le projet derrière, qui étaient ces types ? Il avait peut-être aussi besoin d'entendre des excuses, une once de remord, ou quelque chose de grand qui justifierait la mort de ses amis, en plus de la "sienne". Donc sans trop savoir comment il en est arrivé là, une obsession de réponses ou autre chose, Charles cherche. Il veut chercher seul, sans sa constellation. D'ailleurs, aucun d'entre eux ne connait vraiment les circonstances de sa mort. Personne ne lui a demandé ouvertement, et il n'est pas prêt pour en parler. Ce n'est pas un sujet qui s'aborde facilement, de toute façon. Les grandes lignes, mais rien de concret.

En tout cas, après des mois de recherches sur les pauvres informations qu'il possédait, il était clair que : -Elle était comme lui, immortelle -Elle ne ressentait pas la moindre once de douleur -Elle avait mentit sur son nom.

Le problème, si Charles changeait de couleur de cheveux comme de chemise, alors pouvait-on se fier à sa descriptions physique ? C'était tout ce qu'il avait, donc il faudrait faire avec. Les infos avaient été transmise et il attendait que V. démêle les rouages. Au moins, avec la technologie et la connaissance de savoir où chercher, il ne mettrait pas 100 ans à trouver son inconnue. Pas comme certains  

La piste la plus récente menait à Londres. Pratique, il y allait souvent. Surtout qu'il s'était dit que février sonnerait bientôt l'anniversaire de sa mort, et janvier son anniversaire tout court. Il était peut-être bientôt temps d'y retourner. Il profitait donc de ce voyage pour un rendez-vous avec son employeur international le lendemain.

Effectuant quelques recherches sur son ordinateur tard le soir, Charlie était concentré et absorbé par ce qu'il faisait. Les minutes défilaient alors que les infos du monde passaient devant ses yeux sur son écran, les mails de Médecin du Monde également. Il avait probablement oublié de manger à ce niveau, mais son esprit se réveille quand on frappe à sa porte. Il entends distinctement une voix derrière celle-ci qui éveille sa curiosité. Il n'avait rien commandé, puisqu'il avait oublié. Le raclement significatif de la chaise doit s'entendre de l'autre coté de la porte. Il s'est levé et il vient ouvrir.

« Je pense que vous vous êtes trompée de ... » commence-t-il en ouvrant la porte sans trop faire attention. Il reste muet, ça, il ne s'y attendait pas. Si il cherchait, il ne pensait pas trouver, ou être trouvé, ce qui était encore pire -pour son égo déjà bien atteint par cette personne-. En tout cas, il n'avait pas pensé à ce qu'il se passerait lorsqu'il trouverait - où se ferait trouver mais je me répète-.
Il veut fermer la porte, mais il reste là, les yeux baissés sur ce petit bout de femme. Une main passe devant ses yeux, il se frotte les paupières, elle est toujours là oui.

« He bien, entre, j'imagine. » De tout façon, il ne restait plus qu'à parler maintenant, non ? Puisqu'on en était là.

♪ Paris, Else

(Londres, Janvier 2022) Aller à la confrontation, c'est tellement pas mon genre. Faire face à mes conneries, c'est bien la dernière chose au monde dont j'ai envie. Je repousse généralement ca à jamais. Puis, on n'est pas tous d'accord sur le terme. Enfin, comment je pouvais deviner qu'il allait devenir immortel ? Tant mieux pour lui au fond, non ? Vous dites qu'heureusement, parce qu'il serait mort sinon ? Boh, y en a tous les jours, des morts. Je retiens un soupire contraint, j'me sens repoussée dans mes retranchements et c'est foutrement désagréable. De toute façon, tout est de la faute de Mathy ! Bon, d'accord, c'est un gros mytho. Il n'empêche que je me casserais moins la tête à pas être ici, à m'être tout bonnement effacée de ses radars aka V. Et pourtant, me voici face à Charlie.

Ouvrant la porte, le jeune immortel s'apprête à reconduire feu l'inconnue que je suis, avant de s'interrompre. Il reste là à me fixer, l'air de réaliser qui je suis. Surtout l'air de ne pas y croire, de me voir ici à la porte de sa chambre. Charles se frotte les paupières et je lui adresse un grand sourire. Quoi, j'ai l'air si fantomatique que ca ? Je sais que j'ai la peau plutôt porcelaine, mais ca va devenir vexant. Enfin il se décide à me laisser entrer et je me félicite silencieusement d'avoir attendu si longtemps ! A peine eut-il fini son invitation qu'une de mes mains pousse la porte sans gêne pour me permettre le passage. < T'as grandi. > Je lui lance l'air de rien, comme on peut dire à un enfant qu'on revoit depuis longtemps. Comme toujours, je prends mes aises, observant la chambre avec une petite moue. C'est pas le genre de suite que j'aurais choisi, un brin trop à l'étroit. Je libère mon bras, posant un seau à champagne et sa bouteille sur la première table, puis m'assois sur le lit. On m'a toujours appris à ne jamais venir les mains vides et pour les choses importantes, je sais me montrer poli. N'y voyez pas là un moyen de ramener de l'alcool en douce, ce serait mal me connaître. Hum.

D'un léger coup de tête, je remets ma mèche en place, dégageant mon regard pour observer le gamin. Je mentirais, si je n'admettais pas le reluquer un chouilla au passage… Quoi ? Il est plutôt mignon, je vois pas pourquoi je me priverais. Puis, j'ai pas tellement eu l'occasion de l'observer là-bas, au Mali. A vrai dire, je ne me souvenais plus tout à fait de sa tronche, avant de voir sa carte d'identité. Mon cerveau a cette tendance à me préserver des mauvais souvenirs, à enfouir ce dont je n'ai pas envie de me rappeler. En général, ca fonctionne plutôt bien. D'autres appelleraient ca effacer l'histoire, ca reste leur opinion, pas la mienne. < Bon, maintenant que tu m'as trouvé, qu'est-ce que t'espérais ? > Ouais, j'ai rarement tendance à tergiverser dix ans. On me dit souvent que je manque de tact, mais ce n'est qu'une de mes nombreuses qualités.

(Londres, Janvier 2022)

S'il pensait innocemment que tout cela n'était qu'un rêve éveillé, force était de constater cela n'en était pas un. Un "rêve" entre guillemets, évidemment, car revivre cette fusillade nuit après nuit relevait plus du cauchemar que du rêve, et ce visage qui le hantais se trouvait sur le pas de sa porte sans que cela ne soit de son propre fait, ce qui rendait la chose encore plus exceptionnelle, et la personne, encore plus mystérieuse. Une multitude de question passait à travers l'esprit de Charles, trop vite pour qu'il en saisissent vraiment le sens, passant du coq à l'âne dans son cerveau aux sens brouillés. Il ne savait pas comment réagir.

Il l'invite à entrer, un peu sonné de cette apparition, alors qu'elle lui sourit de toutes ses dents. C'est comme si pour elle, ils s'étaient quittés hier après une soirée tranquille, comme de bons vieux amis. Mais non pas du tout, c'était tout l'inverse. Des circonstances que peu de personnes ont vécus, l'horreur, la poursuite, les tires et la fuite, surtout ! Bientôt, ce serait l'anniversaire de sa mort, en plus. Tout ce qu'il y a de plus morbide à ses yeux, que de penser à la date officielle à laquelle il aurait du rendre son dernier souffle... à cause d'elle, probablement. Alors certains dirons que c'était la faute à pas de chance, mais lui il n'était pas vraiment de cet avis. Il avait eu le loisir immmennnnse de repasser ces derniers moments traumatique lorsqu'il était seul. Il n'en avait parlé à personne, et aucun membre de sa constellation ne lui avait demandé comment il était mort. S'ils l'avaient fait, il aurait simplement répondu de manière très vague "A la guerre" ou "sur le front", rien de plus. Mais la réalité était un peu plus complexe que ces phrases toutes simples. Dans tous les cas, le médecin méritait des explications.

T'as grandit, qu'elle lui dit. Il sourit nerveusement et ferme la porte derrière lui, sans oublier de jeter un coup d'œil à droite et à gauche, parano qu'il est maintenant. « Et toi t'as vieillit. » souffle-t-il sans perdre de son répondant, le dos à la nouvelle venue. Ouh, la raillerie était sortie toute seule, vraiment, pardon.  

Il se retourne dos à la porte pour la trouver comme chez elle, assise sur le lit face à un seau et une bouteille de champagne. Il hausse un sourcil un peu surpris. Que fêtions-nous ? Il a l'impression de ne pas être dans sa chambre tout à coup. Il tire une chaise en reportant son regard du seau jusqu'à elle. Sans tout le sang, ce n'était plus la même personne. Des cheveux pas en bataille, des fringues correctes ... une douche et pas de blessure ça vous change une personne. Il pose les coudes sur ses genoux et la dévisage un instant, suspicieux, alors qu'elle demande ce qu'il espérait en la trouvant. « En toute honnêteté, je ne pensais jamais te trouver. Et je ne l'ai pas fait, comment tu m'as trouvé, toi ? Et pourquoi ?  » C'est vrai, pourquoi elle s'était donc donné la peine de faciliter ses recherches ? Elle s'en voulait ? « Comment t'as su que je te cherchais ? Que j'étais pas....» la phrase laissée en suspend entre ses lèvres. que j'étais pas mort. Il avise la bouteille. « Et ça, c'est en quel honneur ? ». Il essayait de contenir ses questions, ce n'était pas à lui de parler.

♪ Paris, Else

(Londres, Janvier 2022) La raillerie de Charlie fait mouche et je me retourne très amusée de sa répartie, un léger oh échappant mes lèvres. Rapidement suivi d'un < Menteur > tandis que je m'installe tranquillement comme chez moi sur son lit. Moi, prendre une ride ? Dans ses rêves. Quoique mon œil reste fixé une seconde de trop dans le miroir devant lequel je passe. Un doute imbécile. L'échange s'annonce intéressant. Mathy m'avait dit que le gamin en valait le détour, bien qu'il soit du genre à enjoliver les choses pour que j'aille dans son sens. Vrai ou faux, me voilà ici en partie poussée par lui.

Le blondinet tire une chaise et s'installe face à moi. Quelques secondes on s'observe sans un mot. Faut dire, se voir en parfait état l'un l'autre, dans une chambre bien tranquille, ca change. Je brise ce silence pour aller droit au but. Me trouver, c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Difficile mais pas impossible en soit. En son cas il n'y serait pas parvenu si je ne l'avais pas décidé. < C'est simple, > je commence doucement, un petit air qui en agace plus d'un sur mon visage. Je lève mon petit doigt et le désigne d'un geste de la tête, < c'est lui qui m'a dit où t'étais. > Oui, je le prends un peu pour un idiot. Je préfère dire, pour un enfant, malgré sa carrure impressionnante. < Mort ? > Je finis pour lui, un brin dans la provoc. Alors que je suis loin d'être la plus à l'aise avec le terme. Que l'image de son corps sur le sol, sur le point d'expirer son dernier souffle, me revient en pleine tronche, hanter ma rétine. Avec plus de sérieux dans la voix, je complète. < Il l'a deviné. > Assisté d'une clairvoyance pratique, quand elle ne se retourne pas contre moi… Toujours là pour guetter mes arrières, nettoyer mon merdier. Mon âme-sœur. < Il t'a retrouvé le premier d'ailleurs, Mathy. Matheus. > Il s'est soucié bien avant moi du devenir de Charles. Quand il m'a annoncé l'immortalité du gamin, j'ai préféré faire la sourde oreille, le laisser gérer, comme d'hab. C'est plus simple d'ignorer la réalité, d'ignorer autant que possible les conséquences. < Tu peux lui dire merci. Enfin… tout dépend, j'en sais rien. > Après tout, se retrouver en tête à tête avec moi n'est peut-être pas le meilleur des cadeaux. Ouais, sûrement pas. Il n'empêche qu'il l'a cherché. Je suis loin d'être convaincue de ma venue ici, si Charles ne s'était pas entêté à me chercher. Entre lui et Mathy, j'me suis un peu sentie poussée au cul. Puis faut dire que cette rencontre sert un peu mes intérêts, vis-à-vis de Bastian.

Répondant à ses questions dans l'ordre qui me plait, de façon plus ou moins complète, je poursuis. < Tu pourras dire à Vivienne d'aller fouiner ailleurs, mmh ? > Il n'y a là aucune menace, mais le ton n'en est pas loin. Cela dit, je me demande bien comment il a pu arriver à entrer en contact avec ce mec assez doué, faut le reconnaître. < Je n'apprécie pas être traquée, il a manqué de passer à la guillotine. > Je lui lance avec ironie. Quoique. Avec ma position, la moindre recherche sur ma personne fait pop. J'ai toujours été hors des radars du Conclave, hors de question que ca commence avec la curiosité du mioche. Le sourire un peu malicieux, je me redresse allant vers la bouteille, la ferme intention de l'ouvrir. Buvons buvons, mon petit doigt me dit qu'il risque de me prendre le chou, l'autre mioche. < En l'honneur de ce qui te fera plaisir, je n'ai jamais eu besoin de justification pour boire un bon champagne… >

(Londres, Janvier 2022)

Menteur, répondus doucement après avoir encaissé la remarque. Il souffle, l'ombre d'un rire n'est pas loin. Une fraction de seconde, quelques remarques, et c'est un début de complicité qui se dessine.

Sur sa chaise, il la dévisage dans son mutisme, alors qu'elle semble parfaitement à l'aise, à lui rendre son expression en miroir. Vraiment, chez elle. Lui, géné, a même des difficultés à prononcer les mots qui font mal. Le jour et la nuit dans cette petite pièce perdue de Londres.

La chaise en face, bien campé sur son installation peu confortable, Charlie ne cille pas quand son invitée reste muette un instant en évaluant sa capacité à soutenir son regard. Après ses questions retenues qui n'ont qu'une envie : sortir, le silence s'installe un instant. Temps suspendu,  puis le mutisme est rompu. Peut-on s'attendre à une vraie discussion ? Des premières réponses ? Et s'il est hyper attentif au premier abords, il aurait du se douter que rien n'était sérieux de son coté à elle, comme "d'habitude" si je puis dire.  Ses traits se fichent de lui, accompagnant gestuelle aux mots prononcés. Charles soupire en tournant la tête vers le mur. Il s'apprête à se lever, déjà terriblement exaspéré. Il se ravise quand elle reprends la parole pour compléter ses dires. Appuyant volontairement sur le mot qui sonne faux, creux. Des flashs sonnent sa tête et éclaboussent ses souvenirs, il les chasse d'un revers de main inconscient. Main qu'il pose par pur réflexe sur les traces de ses anciennes blessures fatales, lorsque cette unique syllabe morbide est prononcée. Il ne s'en rends pas compte tout de suite, et quand ses yeux se posent sur son bras tenant son flanc, il la chasse.

Enfoncé dans son silence, Charles écoute toujours les premiers mots repris. Elle prononce le nom de Mattheus. Ainsi dont ... « Ah... Je vois. Vous vous connaissez donc. » marmonne-t-il, un peu véxé d'avoir été utilisé en sujet d'enquête, alors que lui-même le faisait subir, à elle. « Et de quoi dois-je le remercier exactement ? » De pas l'avoir achevé, peut-être ?
Le petit ton amer s'installe. On est pas là pour être désagréable, Charlie. L'avait-il, Matheus, convaincue, elle, de se montrer devant lui aujourd'hui ? D'arrêter de jouer les ombres ? D'écourter ses recherches et les tribulations de son esprit ? Si c'était le cas, peut-être bien qu'elle avait raison, et que des remerciements pouvaient s'imposer. On ne le saurait qu'à la fin de cette entrevue, finalement.
Elle évoque ensuite son acolyte de recherches, qui s'était fait repéré puis devancé, mais tout de même. Les yeux roulent dans leurs orbites, plus fort que lui. « La guillotine, carrément ! C'est vrai que ça court les rues de nos jours. Mais je lui transmettrait le message.  » On arrête avec ce ton sarcastique, maintenant, Charlie -mais c'était un peu plus fort que lui, surement l'aura de son invitée qui le poussait à agir ainsi, aucune autre explication-. Il fallait quand même saluer Vivienne, qui avait suffisamment attirer l'attention de celle qu'ils cherchaient pour qu'elle se montre d'elle-même. Mais comme ce n'était pas l'approche voulue, on pouvait aussi en conclure qu'il avait manqué grandement de discrétion.

« J'ai l'impression que tu passes beaucoup de temps à être traquée, pour quelqu'un qui n'aime pas ça. » Petit sourire en coin malicieux alors qu'elle le son du bouchon de la bouteille résonne dans la pièce. Désormais debout les bras croisés en signe de protection, il observe les deux flutes pétillantes. Il hésite et se saisit de l'une d'elle, fraichement servie. A hauteur de ses yeux, il fait passer son regards des bulles hynotisantes aux yeux de l'immortelle. Il la détaille un instant. « Si tu veux trinquer, ça te couteras ton nom. Le vrai. »

♪ Paris, Else

(Londres, Janvier 2022) Charles a le mérite d'une chose; échanger avec lui est étonnamment agréable. Pas de prise de tête, pas de pleurnicherie, une certaine répartie. Ça pourrait pas mieux se passer ! N'allez pas sortir à Mathy qu'il avait raison, ça lui ferait trop plaisir. De toute façon, ça se serait passé autrement, je serais déjà sur le départ. < On se connait un peu ouais. > Je lui lâche avec un petit sourire, riant très fort intérieurement. < Que je ne t'ignore pas plus longtemps, que je garde mes manières, j'en sais foutrement rien, tu peux juste être poli aussi. > Quoi je suis absurde ? Jamais, allez voir ailleurs. < Après tout tu me cherchais et je fais l'effort d'être là, t'as de la chance. > Si on peut dire ça. Ça n'a jamais été une grande chance de me connaître... Mais il a l'avantage d'avoir ses réponses. Enfin, de voir ma face pour mieux hanter ses rêves peut être. Pas sûre que cette rencontre ou retrouvaille lui apporte grand chose de plus. < Oh vraiment? Depuis quand on a arrêté de couper des têtes? Quelle dommage, ça faisait de l'animation... > Je lui réponds à moitié sur l'humour parce qu'en réalité, je les ai connu et ai soigneusement évité ces spectacles peu appréciables. Je me retiens de préciser que j'irai voir Vivienne de mon propre chef. J'ai pas tellement envie que le jeunot me fasse une petite crise de stress.

La bouteille de champagne en main, le bouchon tapant le plafond, je nous sers deux flûtes, écoute d'une oreille son petit commentaire. Il fait son malin et pourtant, il reste sur ses gardes... < Figure-toi qu'il est rare, que les recherches à mon sujet parviennent à mes oreilles. Va vivre un millénaire sans rameuter le Conclave, en particulier de nos jours. > Vivre tel un fantôme, en mouvement constant, il n'y a pas d'autre solution miracle. Vivienne a au moins ce mérite là, d'avoie abouti dans ses recherches. Habituellement, elles sont très vite étouffées, grâce aux adorateurs il me faut l'admettre. En redirigeant ailleurs ou de manière plus radicale... < C'est la première fois que je crée un immortel. Félicitations, heureux élus. > Je lui lance avec un enthousiasme feint, lui tendant une flûte. Je le vois m'observer, hesitant et je ris de bon cœur à sa demande. < Quel fin négociateur tu fais Charlie ! Loin de moi l'envie de te priver de ce fabuleux champagne. > Parce qu'avec l'alcool, on déconne pas. Celui-là, c'est pas de la pacotille. D'une révérence moqueuse, je lui réponds donc. < Lova, ta créatrice. Heureusement que ça ne veut rien dire. > Manquerait plus que je sois liée par de quelconques obligations, vous pourriez rêver pour que je les respecte. Je tchin sans son consentement et bois deux trois gorgées de champagne. L'alcool n'attend pas.

(Londres, Janvier 2022)

Ses lèvres s'écartent en un sourire absurde quand le terme poli parvient à ses oreilles. « Poli ! Qu'est ce qu'il ne faut pas entendre ! » Il ne fallait pas pousser non plus. Maintenant qu'il était au fait des potentiels pouvoirs que les immortels acquéraient avec le temps, il savait très bien ce qu'elle lui avait fait subir. Et ce n'était pas très poli par rapport au service rendu. En voyant sa mauvaise foi derrière ses bulles, il ne lui en tenait pas rigueur pour l'instant. Si elle n'avait pas eu une once d'un dizième de millième de remords, elle ne se serait pas pointée ici, et ne serait pas en train de parler pour ce qu'il voulait entendre et savoir. « Mais je le reconnais, tu es là. J'ai toujours un peu de mal à analyser la situation. Est-ce que ta présence sonne le début de mon second trépas ? » Est-ce que la mort la suivait, comme une ombre dans le sillage de la brune ? Un frisson lui parcoure l'échine, l'ambiance est indescriptible.

Elle ironise sur les engins de mise à mort de l'époque. Impossible de savoir si derrière son apparente humour se cache une part de vérité, ou si elle ment, ironique. Elle est trop difficile à lire pour lui. Pour l'instant.

Puis, en servant les flûtes, elle réagit à ses remarques. La traque, cela semblait tout de même rester une belle partie de sa vie, malgré les apparences. « Un millénaire, alors... Rien que ça. » murmure-t-il en écho à ses paroles. Il réfléchit à voix haute, commentant sans rien attendre en retour. Il avait beau en connaître quelques uns de cette trempe, notamment dans sa propre constellation, ces chiffres lui semblaient toujours si loin d'une quelconque réalité. Lorsque le bruit caractéristique des bulles mousse dans les verres, le crépitement accompagne ses félicitations. Très heureux d'avoir été une créatrice. Pour peu, il s'attendait à être un gros numéro sur une liste plus longue que son bras, mais si le nombre de morts l'était peut-être, il était vrai que les immortels ne courraient pas les rues. Il serre les lèvres, suivant du regard ses mains qui lui présentent leur apéritif.

Il se saisit de la flûte tendue, attendant de pouvoir trinquer quand bon lui semblerait, après avoir obtenu gain de cause sur une information qui, pour quelqu'un de cet âge, n'était plus si anodin. Et l'information vient, mais pas sans peine. Elle annonce, mais est-ce bien le vrai ? Son instinct lui dit que oui, lorsque le verre effleure ses doigts. Le don incontrôlable se met en route, pas grand chose à raconter, d'ailleurs, pour son plus grand plaisir. Assez pour validé les mots prononcé, sans savoir pourquoi il sait que c'est vrai, il sait, c'est tout. Il percera les mystère de ses "pouvoirs" un jour. Dans 1000 ans, peut-être ? Le tchin le réveille, il n'a même pas tendu la main, pourtant le bruit sonore est caractéristique. Il résonne au creux de ses oreilles, et le réflexe se fait : Pas mal, ce champ. « Deux fois le mot créatrice en quelques minutes, j'ai pas l'impression que ça ne veut rien dire. » Il attrape son regard un instant et s'amuse d'elle, sans contrepartie. « A la tienne alors, créatrice. » Le mot est exagéré dans sa voix, il appuie le ton. Une gorgée et un sourire en coin plus tard, les bulles éclatent contre son palais.

« En parlant de 'création', c'était qui, ceux qui te poursuivaient ? Ils ont anéantis mon camps, et nous ne sommes pas tous immortels.  » Il fait une pause, songeant à ses paroles un peu plus tôt. Il avait perdu des collègues, des amis... il devait se convaincre que c'était le risque, et que ce n'était pas sa faute à elle. Il le fallait. Son attitude est plus sérieuse, moins rieuse. Il veut des réponses. « J'ai entendu parlé de ce Conclave, mais je n'en sait pas grand chose... C'était eux ?» La flûte de Lova est vide, et en la resservant, il espère que c'est sa langue qui se déliera.

♪ Paris, Else

(Londres, Janvier 2022) < Je ne tue pas moi, Charles. Pas volontairement. > Un bref instant, une seconde à peine, un air sérieux traverse mes traits. Il n'est pas dans mes habitudes de faire dans la sincérité, mais pour je ne sais quelle raison, sa question m'a touché. Ca ne m'a jamais dérangé pourtant, qu'on me prenne pour ce que je ne suis pas. Cette fois seulement, avec cette situation dans laquelle nous nous retrouvons, ca sonne trop réel. Fait écho à cette immortelle dont j'ai sonné la dernière heure, malgré moi. La vérité reste là, il est comme une sorte de progéniture non désirée… Et alors qu'il se moque, la question m'effleure. Peut-être que ce terme de créatrice porte un sens, au final. Ce n'est pas chose si anodine. Pour autant, cette interrogation disparait aussi subitement qu'elle était apparue, par crainte du mal de crâne face à la prise de quelconques responsabilités. Je finis ma flute de champagne, n'accordant pas plus de commentaire.

Notre échange prend un tournant plus sérieux, que je n'avais pas prévu. Je n'avais de tout façon pas prévu grand-chose, à me pointer, manigancer ces retrouvailles sur un coup de tête. J'aurais dû me douter, qu'il me questionnerait sur sa mort. Le pourquoi du comment. Comme si je savais tout sur tout. < La curiosité est un vilain défaut. > Je lâche en soufflant, me laissant tomber de nouveau sur son lit, la coupe vide. C'est le poêle qui se fout du chaudron… < Tu veux pas savoir. > Je statue sans concession. A la fois parce que mes petits secrets doivent rester tel quel, mais aussi pour le protéger lui. Le pauvre chaton n'a certainement pas envie de se retrouver au cœur du merdier des immortels, sitôt sortie de l'œuf. < C'était la guerre. Et dans ce village là-bas, où était ton camps médical, je t'assure que ca aurait fini par éclater. Moi-même je ne m'étais pas attendue à un bordel si énorme. > Mission d'infiltration mon cul. J'aurais jamais dû y aller seule, c'est certain. Je conçois que ca sonne comme des bobards, de fausses excuses. Peut-être que c'en est, mais je m'y conforte. J'y crois dure comme fer, parce que me considérer pleinement responsable de tout ce désastre m'est impossible. Les tensions qui y régnaient, l'armement qu'ils avaient, évidemment que ca allait finir par exploser, avec ou sans moi. D'une traite je finis cette flûte que Charles venait de me remplir et conclus. < Tout ca, ca faisait pas partie du plan. Si ca peut te consoler. S'agissant du Conclave, tiens-toi éloigné de certaines grandes villes, si t'as pas envie de mourir ou te retrouver traqué. Comme tu l'as fait avec moi… > Je lui précise avec un petit sourire accusateur, énumérant sur mes doigts les villes à éviter. < New York en particulier. Mexico, Paris, Rome, Caracas, Buenos Aires, Singapour, Le Cap. Elles ont une bonne concentration d'apprentis chasseurs… C'est pas pour autant que le reste du monde est plus sûr hein. >

(Londres, Janvier 2022)

Le jeune immortel a beau avoir plaisanté en l'accusant de semer potentiellement sa mort derrière elle, une seconde fois, il capte un tressaillement dans le regard de son interlocutrice. Un centième de sincérité, peut-être, semblait transparaitre dans sa voix lorsqu'elle disait qu'elle ne tuait pas. Elle ne tuait pas, elle, disait elle. Quel était ce sous-entendu ? Que d'autres tuaient volontairement au sein des immortels ? Qu'il n'était pas le premier dérapage 'involontaire' à subir les conséquences de ses actes irréfléchis ? Le silence rebondit à travers les murs de la petite chambre d'hôtel, et les flutes sont vidées.
Cependant, bien qu'il ne s'attendait jamais a obtenir aucune réponses réelles à sa quête, il rencontra un mur. Lova ne semblait pas particulièrement encline, malgré le nombre de coupes, à lui dévoiler quoi que ce soit. Elle esquivait les questions avec habilités. Et si la curiosité était un si vilain défaut, elle en était l'incarnation même, posée sur son lit sans aucune gêne.
Mais, peu de temps après, elle comble le silence elle-même face à son mutisme.
Il ne veut pas savoir, qu'elle ose lui dire. Il en dort mal tellement il a besoin, au contraire, de connaitre la vérité. Mais il se contente de la resservir pour que tout cela serve enfin a quelque chose. D'ailleurs, la bouteille est vide, remarque t-il juste avant que la plus si jeune que ça immortelle ne se lance dans ses explications bancales pour justifier le massacre qui s'était produit ce jour-là. Il aurait simplement voulu entendre un je suis désolée. Car il le savait que non, ce n'était pas censé éclater de la sorte, d'après leur informations. Ils avaient des accords de non attaque sur zone de soin. Mais peu importe. Ce qui était fait était fait. Il fallait qu'il essaye de clôturer l'évènement, bien que cela était plus facile à dire qu'à faire.

Elle continue. Il y avait donc bien un plan, quelque chose, une mission. Une raison qui justifiait ce bordel. « Et c'était quoi le plan ? » demande il du tac au tac, sans sourciller une fois les différentes villes à fuir énumérées.  Il ne savait que penser de ces informations, laissant la trace d'un air songeur sur ses traits.  « Il se passe quoi, dans le cas où... on se fait avoir ? » Il ne savait pas pourquoi il continuait à s'enfoncer dans les questions sombres, auxquelles la curiosité vous pousse à penser, mais dont vous ne voulez pas vraiment savoir la vérité. La naïveté et l'ignorance sont souvent mères du bonheur. « Je ne sais même pas si je veux savoir, tout compte fait. » Fiou. Il reprit une grande inspiration avant de se lever et de se planter devant elle. «J'ai une mauvaise nouvelle. » Il se penche légèrement et présente, goulot en bas, la bouteille vide à la hauteur des yeux de Lova. « Il n'y a plus rien à boire. » Cela sonnait il la cloche pour la suite d'une soirée encore plus étrange en dehors de ces quatre murs ?