italian recipes. ft Athénaïs Nemeth

« Parfois, il suffit d'un simple sujet. » Tu comprends enfin ce que voulait dire Jeremy la fois où il t'a parlé de cette façon. Qui aurait cru que cela t'arriverait à toi ? Toi qui n'a connu que le combat toute ta vie. Toi qui n'a jamais eu d'ami, que des adversaires. Toi qui a toujours estimé que rien dans cette vie ne mériterait de t'y intéresser plus que cet unique frère qui t'a tout donné sans même s'en rendre compte. Te voilà bien idiote devant toutes ces pensées du passé alors que ton regard ne cesse d'aller et venir sur ta compilation de recettes. Voilà combien de temps déjà que tu côtoies ta voisine maintenant ? Honnêtement, tu ne sais pas trop. Ce genre de chose se comptabilise réellement ? Tu n'en sais strictement rien. Ce que tu sais en revanche c'est que finalement, ce n'est pas plus mal d'avoir un bon voisinage. Pas que ton frère ne te suffise pas, bien au contraire. Mais pouvoir discuter avec d'autres personnes, pouvoir avoir leur avis et juste faire autre chose que parler Conclave ou protection est quand même un sacré plus. Avec Ada, il n'y a pas d'obligation. Ce n'est pas non plus une mission, mais juste un moment à discuter ensemble, un moment simple et tranquille. Certes, tu ne ris quasiment jamais, mais avec elle, tu as commencé à sourire, à t'épanouir un peu plus. Malheureusement, ce n'est pas comme si tu pouvais rester ainsi éternellement. Les sourires ne te viennent pas naturellement, malgré tout, cela ne semble pas déranger ta voisine et c'est tout aussi bien. Quoi qu'il en soit, tu te remémores votre première rencontre. Ton frère était encore au bureau et toi, bien évidemment, tu es partie faire les courses, parce qu'un frigo vide ne nourrit pas son homme, ni même ses frères et sœurs, et c'est là que tu t'es retrouvé avec quatre sacs et un autre plus petit à remonter. Pas que cela ne te dérange de faire des aller-retours, après tout, le sport est ta principale discipline. Cependant, ce jour-là, tu sortais tout juste d'une épaule déboîtée dont on venait de t'enlever l’attelle et l'envie de la remettre ne s'est pas fait très pressant. Le problème est venu après : comment monter cinq sacs de courses avec un seul bras ?

Force est de constater que c'est impossible. Cependant, laisser les sacs en bas n'était pas une option non plus. Et c'est là que ta sauveuse est arrivée. Pas très grande, pas très épaisse, mais ô combien serviable. Ton esprit ne se souvenait même pas de l'avoir rencontré ne serait-ce qu'une fois dans l'immeuble, pourtant, cela faisait un moment que tu y habitais avec ton frère et c'est là que vous avez commencé à parler. Elle avec une partie de tes sacs de courses, toi qui écoutait patiemment sans rien dire au départ. Faire la conversation n'a jamais été ton truc, on ne va pas se mentir. Ce qu'on t'a appris, c'est le combat et la dure loi de la rue et du fait que tu n'es rien d'autre qu'un objet que le Conclave peut utiliser quand bon lui semble. Il n'y a qu'à voir ton retour de traque de la dernière fois, une épaule démise et la seule chose qu'on t'ait dite c'est qu'il serait bon que ça ne se reproduise plus... la bonne blague. Comme si tu l'avais fait exprès. Alors tu as profité pour faire autre chose que combattre et tu as commencé à discuter avec cette jeune femme étrange. Ton visage fermé ne semblait pas la repousser, ni même la rebuter et puis cela a dérivé sur la cuisine et c'est là que tu as commencé à lui expliquer que c'est parce que tu vivais seule que tu as commencé à cuisiner. D'abord des petits plats et puis bien évidemment des plats plus compliqués suite aux cours de cuisine que tu prenais. Comme une femme normale... si normalité il peut y avoir dans ton maniement des couteaux, ou la rapidité avec laquelle tu coupes légumes et viande. Bah, peu importe, cela te fait sourire et c'est tout aussi bien comme ça. Tu as fini par l'inviter à la maison assez souvent, rencontrant par la même ton frère. Ainsi, vous aviez l'air d'une famille tout à fait normale, chose que vous n'êtes pas réellement, mais cela importait peu.

L'idée même de changer les cartes que tes parents t'avaient attribuées était tentante et tu n'as pas hésité une seule seconde à plonger tête baissée dans cette possibilité. C'est comme cela que tout a commencé. Comme cela que vous avez commencé à échanger des recettes, des idées. Que vous avez goûté la cuisine de l'une et l'autre. Un partage, une communion, c'était nouveau et ça t'a plu. C'est bien pour cela que tu l'as souvent invité ces derniers temps, pas seulement parce qu'elle a fini dans le rush concernant son boulot, mais aussi en partie pour la connaître un peu plus, un peu mieux, lui présenter ton frère, l'intégrer à votre vie d'une certaine façon. Est-ce un peu trop ? Qui sait ? Toi-même tu ne sais pas réellement, c'est la première fois depuis Sarah qu'il te prend l'envie d'intégrer quelqu'un dans votre famille, le truc, c'est que tu n'as pas envie de lui attirer des ennuis, alors tu évites quand même de trop l'impliquer. Malgré tout, les choses avancent petit à petit et alors que tu termines le repas pour ton frère ce soir et que tu lui laisses un mot, tu t'apprêtes à aller chez ta voisine. Cette fois-ci, c'est à ton tour de profiter de ses talents de cuisinière. Alors après une bonne douche, tu toques à sa porte, un bouquet de fleur et des chocolats fait maison. Tu ne savais pas trop quoi apporter alors tu as pensé à des trucs totalement bateau. C'est l'intention qui compte non ? L'important n'est pas tant le cadeau, mais d'y avoir pensé, pas vrai ? Tu l'espéres. L'odeur alléchante de la cuisine te vient rapidement au narines et c'est donc avec entrain que tu toques à la porte de ta voisine.

Debout devant la porte, tu te sens un peu idiote avec tes présents. Il faut l'avouer, tu n'as rien de très sociable et les seules références que tu possèdes sont celles que tu peux voir dans la rue, autant dire qu'elles n'ont rien de réellement correct. Est-ce que cela est déplacé d'amener ce genre de chose ? Tu te poses la question alors que tu viens de toquer à la porte. C'est un peu tard cependant pour revenir sur les présents que tu t'apprêtes à donner à Ada, mais après tout, se poser la question n'est pas un si gros problème si ? Ce n'est cependant pas comme si la réponse allait te tomber du ciel. Et puis, tu as autre chose à faire que de te poser la question alors que la porte s'ouvre montrant ta voisine. Sourire n'est pas ce que tu fais de mieux, cependant tu étires tout de même les lèvres dans une réplique presque parfaite d'un sourire aimable. Pas que tu ne sois pas contente de voir ta voisine, bien au contraire. C'est réellement agréable de passer du temps avec elle et de discuter cuisine. Même si ton odorat ne t'aide pas toujours à sentir correctement les odeurs, ton goût ne s'en est que plus développé et grâce à cela, tu apprécies encore plus la cuisine. C'est aussi pour cela que vous vous entendez plutôt bien elle et toi. Amoureuse des saveurs, vous avez su trouver un terrain d'entente sans même vous en rendre compte. Dire qu'il a juste fallu d'une rencontre dans les escaliers... Est-ce que toutes les rencontres sont ainsi ? Tu imagines que d'autres doivent être un peu plus sportives que celle-là et un peu moins agréables, il n'y a qu'à voir ce que tu fais comme second métier pour en tirer des conclusions peu agréables. Un soupir s'échappe de tes lèvres. « Je ne sais pas trop ce qu'on doit apporter dans ce genre de circonstances et je me suis dis que venir les mains vides serait un manque de savoir vivre, alors j'ai pris les basiques. Mais j'imagine que ce ne sont pas des choses qu'on apporte d'origine c'est ça ? » Tu as remarqué le regard légèrement étonné, mais elle ne semble pas s'en être offusquée, ce qui n'est pas plus mal.

Une fois à l'intérieur, ton regard ne cesse de faire des aller et retour, trouver les sorties, créer des stratégies de sortie, ton esprit le fait sans même que tu ne t'en rende compte, c'est une habitude, un jeu qu'on t'a fait faire petite et qui est resté ancré dans ton esprit. C'est aussi ce qui fait que tu es tellement toi au final. Haussant les épaules, ton regard se reporte sur la jeune femme. « Non tu ne m'en avais pas parlé. Est-ce un cocktail à base d'alcool ? » Il est vrai que vous n'en avez jamais réellement discuté, mais l'alcool et toi, ça fait deux. Pas que cela te dérange d'en boire, mais tu n'aimes pas vraiment ça. Pourtant, l'idée de goûter un cocktail ne t'effraie pas tant que ça, malgré tout, autant prévenir. « Je ne suis pas très alcool. À dire vrai, je ne suis pas fan des boissons alcoolisées. Désolé, je ne te l'ai jamais dit. Mais l'idée de goûter un cocktail avec toi me plaît bien. » Preuve d'une certaine confiance envers la jeune femme. Ne pas boire d'alcool est aussi un moyen de rester lucide. Tu as vu de nombreuses personnes parler sous l'effet de l'alcool et franchement tu n'as pas envie que cela t'arrive. Si tu avais le malheur de parler du Conclave a quelqu'un qui n'est clairement pas concerné, tu ne doutes pas une seule seconde de ce qui pourrait arriver à cette personne. Et ta voisine, eh bien tu l'aimes bien, beaucoup même. C'est quelqu'un de bien qui ne mérite pas d'être éliminé juste parce que tu as été idiote une fois dans ta vie. Mais tu ne peux clairement pas lui parler de ce genre de choses. Ça aussi, ça la mettrait en danger. « Donc ce soir, tu as fait un repas entièrement Italien alors ? J'ai hâte de voir ce que ça va donner. Tout ça donne l'eau à la bouche. » Elle n'est au courant pour ton défaut d'odorat et tu ne comptes pas le lui dire. Pas que cela te dérangerait qu'elle soit au courant, mais on t'a appris à garder tes faiblesses pour toi, alors autant les garder réellement peu importe le degré d'intimité que tu as avec ceux que tu côtoies.

Bien évidemment, tu ne sens pas grand-chose du plat malheureusement. Enfin, il y a bien quelques effluves qui parviennent à tes narines, mais ce n'est qu'en mangeant que tu pourras déterminer son odeur d'une certaine façon. C'est idiot de dire les choses de cette façon, mais c'est la vérité. « Oh super, merci. » L'échange de recette … Vous l'avez établie juste après quelques rencontres. À force de vous inviter, vous avez fini par vous échanger vos petits secrets et cela te plaît, d'une certaine façon, d'avoir quelque chose en commun avec quelqu'un d'autre qui n'a rien à voir avec le combat ou autre. Tu étires donc la main pour prendre la recette et la lis tranquillement avant de répondre. « Oh ça va. Mon boulot n'est pas si contraignant que ça. Après tout, je travaille avec mon frère et c'est bien suffisant pour me satisfaire. » Même si être son garde du corps est un peu étrange, tu l'imagines bien. C'est en partie pour cela que tu dis seulement que tu bosses avec ton frère, les gens comprendront ce qu'ils voudront. Elle sait au moins que vous bosser dans un le célèbre casino, c'est déjà pas si mal non ? « Et toi alors ? Fini ce roman, ça y est ? Tu sais quand il va sortir ? Tu dois déjà plancher sur le nouveau ? » Tu t'es toujours demandé comment fonctionnait le marché littéraire. Est-ce que les auteurs sont obligés d'enchaîner roman sur roman comme on enchaîne les heures dans un travail ? Parce que l'imagination c'est autre chose qu'utiliser son physique pour bosser quand même. Enfin, tu t'assoies dans un coin, attendant ses réponses ou alors le fameux cocktail. Quoi qu'il en soit, la soirée ne fait que commencer, tu as tout le temps pour discuter avec elle.