tuyên — all these open windows but no fresh air

MARS 1969 → Naissance de Tuyên
Tuyên est la première enfant et l'unique fille d'un couple modestement à l'abri. Phâm Son Nam est le fier propriétaire d'un petit stand de légumes au marché tandis que Nguyen Xoân Hoa est couturière. Installés dans une petite maison de ville dont le rez-de-chaussée sert d'atelier à Hoa, iels fondent leur famille dans un quotidien peu marqué par la guerre qui sévit alors dans le pays. Les misères du conflit armé ne résonnent pas jusque dans la dynamique et bruyante Sài Gòn mais l'inquiétude est toujours là, quand les nouvelles arrivent, de voir le sud s'effondrer face au nord, de voir la vie être bouleversée, renversée par un changement dans l'équilibre des forces.

30 AVRIL 1975 → Prise de Sài Gòn par l'armée populaire vietnamienne
Sài Gòn chute, devient Hô Chi Minh Ville en l'honneur de feu le leader de la république démocratique du Viêt-Nam. Pour Nam et Hoa, Ngày Thống nhất (ou le jour de la réunification) n'est pas un jour de fête mais Ngày mất nước (littéralement le jour où nous avons perdu le pays). La chance ne leur sourit pas, à l'ambassade étatsunienne vidée de ses fonctionnaires et envahie par la population saïgonnaise, et le désespoir est amer quand le drapeau Viêt-Cong flotte au dessus du palais présidentiel.

tw (camps de rééducation):

1979 → Fuite du Viêt-Nam
Serrer les dents, ravaler la colère et vivre avec la peur au ventre. Hoa tient, sans son époux, pour l'amour de sa fille et de son fils. Nam lui est rendu en 1978 et en février 1979, iels décident de quitter le pays, alors sous invasion chinoise. Ce sont des voisin·es qui leur parle de leur projet de rejoindre clandestinement n'importe quel autre pays à proximité grâce à une embarcation de fortune. Une vieille barque inadaptée à la navigation maritime, le droit de passage et les pots de vin dépouillent les deux familles de leurs dernières possessions alors qu'iels s'échappent du pays.

tw (morts, boat people, camp de réfugiés):

1981 →  Arrivée en France
Tuyên a douze ans quand elle arrive en France, sa famille accueillie au sein d'un centre pour réfugiés vietnamiens. Le logement de fortune est petit, mais mieux que tout ce qu'elle a connu depuis la fin de la guerre du Viêt-Nam. Dans la chambre qu'elle partage avec Liên (fille des défunts voisins, "adoptée" par ses parents au moment d'un recensement du camp), il y a la croyance que les années de fuite et de peur sont terminées, qu'iels sont enfin en sécurité.

tw (harcèlement scolaire):

1987 →  Premier travail et premiers "travaux"

tw (harcèlement & agressions sexuelles):

A cette même époque, elle vole discrètement des pièces électroniques pour réparer la carcasse d'ordinateur que le fiancé de Liên a trouvé aux encombrants et passe ses après-midis à comprendre le fonctionnement de la machine, nouveau puzzle à déchiffrer. Sur l'ordinateur réparé, Tuyên fait ses premiers pas dans l'informatique en compagnie d'un collègue de travail qui se passionne de science-fiction. Il ne lui faut pas longtemps pour s'aventurer dans le dark web et apprendre le hacking, d'abord pour la recherche d'adelphes vietnamiens et de nouvelles sur son pays.

1989 → Première console
Liên a déménagé depuis plusieurs mois dans un appartement avec son mari, alors c'est en paix que Tuyên savoure la découverte des jeux vidéos sur la NES d'occasion pour laquelle elle a économisé et s'est privée pendant des mois. Les premières amours avec l'univers vidéoludique naissent vite, l'attachement pour le pixel art prend immédiatement. Elle déménage dans son propre studio (provoque un bouleversement familial), quitte son travail sans rien dire à ses parents et sa soeur pour accélérer les contrats de hacking qui financent à la fois son quotidien et sa passion.

Fin 1994 → Première mort

tw (mort graphique):

tw (self-harm & suicide):

Printemps 1995 → Rencontre avec Ziya
Le toc toc qui agresse sa porte et ses tympans est violent, brutal. Pourtant la voix qui lui parle juste après est douce, réconfortante. Méfiance et confiance se battent dans le chaos qu'est sa tête, envahie, embourbée par des milliers de sensations. « Qui êtes-vous ? » demande-t-elle. Et quand il dit être un ami, un instinct primaire l'enjoint à le croire sans restriction, à lui faire confiance sans concession. C'est quelque chose de plus fort que la méfiance qui la pousse vers lui - alors elle ouvre la porte. Et il y a un sentiment de renaissance quand elle ouvre les yeux à nouveau au soir, il y a quelque chose qui sent les lendemains plus doux auprès de Ziya. Les semaines suivantes, c'est comme si elle apprenait la vie, à nouveau, à ses côtés alors qu'il lui raconte qui sont ses nouveaux adelphes, comment iels sont ; qu'il promet une rencontre avec chacun.e d'elleux, bientôt, plus tard dans l'année. Mais la douceur de ces jours se teinte d'une amertume puissante quand elle comprend, apprend qu'une fois encore, le monde n'accepte ni ce qu'elle est, ni qui elle est - et qu'il faut fuir encore pour se protéger et protéger sa famille. Qu'il faut être seule, à nouveau, car elle n'ose pas demander à Ziya si elle peut rester encore (quelques jours) (quelques semaines) (quelques vies) avec lui. De Paris, elle décolle à nouveau, cette fois en sachant qu'elle ne reviendra plus. Avec le sentiment qu'elle a, à nouveau perdu sa maison et son monde, alors qu'elle quitte à la fois la France et Ziya dans le hall d'aéroport.

Et le sentiment de renaissance persiste à chaque retrouvaille avec chacun.e de sa constellation.
Le sentiment de perte persiste à chaque séparation qu'elle vit avec un de ses adelphes immortel.les. Qu'il s'agisse du stoïque Eirik, du turbulent Santiago, de la douce Ekaterina ou de la sagace Annabelle ; iels sont tou.tes dans son coeur, ancrés dans l'évidence d'un amour familial.

Mais avec Ziya, c'est son air qu'elle perd et retrouve, tour à tour, au fil des années qui les séparent et les rassemblent. Un peu naïvement, un peu stupidement, elle refuse d'ouvrir les yeux tout de suite - elle se dit que c'est parce qu'il est le premier.

Elle ignore qu'il sera aussi le dernier.

1995 → Lancement de Alice in Wanderland sur Youtube
La chaîne Youtube est modeste mais grandit en popularité avec régularité, la variété du contenu plait au public de la vietnamienne, dissimulée derrière un avatar mignon et un modulateur de voix pour partager des chroniques sur les jeux old school, les licences indépendantes ou étrangères et tout ce que les autres YouTubers délaissent. Sa chaîne décolle, en particulier, quand elle offre les premiers Let's Play français sur la licence Pokemon - qui n'arrive dans l'Hexagone que trois ans plus tard. Avril 2014, elle arrive sur la plateforme Twitch quand elle acquiert une PlayStation 4 pour jouer à Child of Light. Au fur et à mesure, son contenu se diversifie : elle teste les nouvelles consoles, les nouvelles sorties et attire plus de gens (et de revenus) jusqu'à devenir sa source principale de revenus.

Eté 2020 → Sauvetage d'Eirik
L'idée est insupportable, le crime inadmissible. Elle a trop perdu pour perdre encore. Pas sans faire tout ce qui est en son pouvoir, et plus encore, pour libérer Eirik des laboratoires d'Amaranth Pharmaceutics. Il y a comme un malaise quand l'escale lui fait poser pied dans l'aéroport de San Francisco avant que l'avion la mène à la destination finale. A New York City, elle loge dans un hôtel modeste de Brooklyn, loin de l'agitation qui s'empare des locaux de l'entreprise pharmaceutique quand ses adelphes se frayent un chemin dans les couloirs. Depuis sa chambre, elle trace la route pour elleux, détournant les communications, hackant les systèmes de surveillance et de sécurité. Elle tremble quand elle voit chacun.e d'elleux risquer sa liberté face à la sécurité de l'organisation, elle tremble quand, à travers une caméra de surveillance, elle trouve Eirik, séquestré et torturé. De sa vie d'immortelle, c'est la première fois qu'elle voit le danger d'aussi près, qu'elle sent le souffle du Conclave sur leurs nuques.

Alors quand, à Anchorage, Ziya propose de rester et de poser valises, elle accepte.
Bien sûr.

Il y a trop à perdre pour ne pas savourer l'accalmie.

Fin 2020 → Mort d'Astra et renaissance dans la constellation
La mort d'Astra est une surprise, un étonnement pour Tuyên mais aussi un amour infini qui s'étend, s'agrandit pour inclure la femme dans leur constellation. Alors la question ne se pose même pas pour la vietnamienne : elle aimera sa nouvelle soeur comme elle aime ses autres adelphes. Elle la protègera comme elle protègerait les autres. La curiosité la pousse à faire des recherches sur internet et les réseaux sociaux, à trouver sa nourriture préférée pour lui offrir à leur première rencontre, à en apprendre plus sur ses loisirs pour en discuter avec Astra.