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 Habana Blues (iván)

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(#) Habana Blues (iván)    Mar 23 Fév - 0:19

Le vin rouge tache ses lèvres, le tanin laisse un goût âpre, rugueux et légèrement aigre sur sa langue. Servi dans un petit verre à pied en plastique, ridicule simulacre de luxe et de raffinement. Elle tapote légèrement du bout de l’ongle sur le contour du verre, elle y a laissé une trace de rouge à lèvres qu’elle brouille avec son pouce. Tout pour se donner de la contenance, tout pour oublier qu’elle se trouve dans une boite en métal à 10 000 mètres au-dessus de la terre ferme. Elle observe l’avion, sur le petit écran dans le siège de devant, elle observe sa progression, un joli arc de cercle parfait au-dessus de l’océan. Qu’adviendrait-il d’elle, si l’avion venait à plonger ? Si elle se réveillait, dans un nouveau cercueil de métal, personne pour venir la sauver cette fois. Seule. Désespérément seule. Une petite fille est assise, deux sièges plus loin, deux petites tresses sur ses épaules, gluée sur ce qui doit être son cinquantième visionnage de La Reine des Neiges. Et si elle ferme les yeux, Dottie peut la voir, le petit corps opalin flottant entre deux eaux, les yeux grands ouverts, ses cheveux autour de son visage comme des algues dorées. Combien d’hommes et de femmes se sont perdus entre les vagues ? Leur peau cadavérique rongée par les crabes, elle peut tous les voir, tous les imaginer, leurs mains putrides qui attrapent ses chevilles pour l’attirer vers le fond. Et Dottie est glacée jusqu’aux os, cris silencieux qui laisse pénétrer l’eau dans sa gorge, la pénombre d’un tombeau. Elle a du mal à respirer, du mal à calmer son cœur qui s’emballe à l’idée de la mort sous ses pieds. Elle s’agite, se contorsionne pour retirer sa veste. Lorsqu’elle regarde par le hublot, elle ne voit rien d’autre que du blanc. Ses mains tremblent légèrement, lorsqu’elle termine son verre d’une gorgée, une petite tache ronde et rouge sur sa cuisse. « Are you a nervous flyer? » Elle se tourne vers l’homme assis sur le siège à sa gauche. Il vient de retirer ses lunettes, posées sur son livre fermé, un doigt pour marquer sa page. Il l’a aidé à mettre son bagage à main dans le coffre au-dessus de son siège à leur embarquement à Zurich. Trop petite pour le faire seule, habituellement James est toujours là pour s’en charger, chevaleresque jusqu’à supporter qu’elle lui écrase la main durant toute la durée du vol. Elle se demande si elle vient d’interrompre la lecture de l’homme, s’il est en colère de se retrouver assis à côté d’elle, s’il peut sentir son angoisse. « I’m sorry, I’m just slightly claustrophobic. » Il lui sourit, fermant totalement son livre qu’il dépose sur la tablette devant lui. « Don’t be sorry. » Il doit avoir la soixantaine, elle perçoit un léger accent qu’elle suppose être allemand. « Is this your first time in Cuba? — No, but it feels like it was a lifetime ago. — Oh you know, Cuba never change much, unless you were there before the revolution, but you’re way too young for that. » Un petit rire qui lui échappe, nerveux et sincère. « And what brings you to Havana, are you there for the festival? — Yes, I have a friend playing. I haven’t seen him in a long time. »

64 ans, une dernière danse au Mocambo, à West Hollywood, Dottie dans une robe en sequins qui cache son ventre qui s’arrondit. « I would have married you Dottie, and I would have been the luckiest bastard from there to New York. » Et elle est un peu ivre, parce qu’elle ne savait pas qu’il ne fallait pas boire enceinte, petite idiote qui rit au-dessus de sa flûte de champagne. « Oh, Malcom, I would have loved to marry you. How pretty we would have been, me in white and you in black. Ella would sing and we would dance all night. But you see, I’m a free woman, I would be bored to death in a marriage, besides you would steal all of my lovers. That’s hardly fair. » C’était le genre de choses qui se faisaient, un mariage couleur lavande, comme Rock Hudson et Phyllis Gates. Il lui aurait évité l’humiliation, lui aurait évité certainement de finir au fonds du lac Hollywood. Mais elle a embrassé sa joue, lui a souri en lui promettant une nouvelle danse, ses chaussures dans ses mains pour attendre sa voiture. La dernière fois que quelqu’un verrait Dottie Sinclair en vie, pieds nu, ivre et un peu triste.

Dottie ne dort pas. L’avion est silencieux, l’homme sur le siège à côté d’elle marmonne dans son sommeil. Hans est médecin, il se rend à Cuba pour un congrès sur la chirurgie reconstructrice. Dottie a prétendu s’appeler Dolores, c’est ce qui est marqué sur le passeport que lui a fourni Min après son dernier changement d’identité. Elle sait que bientôt, il faudra changer encore. Elle ne s’appelle jamais Dorothy, elle a peur qu’on associe son nom à son visage, que quelqu’un la montre du doigt en hurlant un « ah ah » triomphale. Elle fait attention, porte des lunettes dont elle n’a pas besoin, comme Clark Kent. Les rumeurs sont bien assez pesantes, les suppositions et les légendes. En attendant sa correspondance, elle s’est retrouvée en face d’elle-même. Cherchant dans les rayons du marchand de journaux pour une revue d’anthropologie pour laquelle James a écrit un article, c’est là qu’elle l’a vu. Un bandeau rouge et de grandes lettres capitales qui annoncent une enquête-vérité, son portrait en noir et blanc qui lui sourit. Cela arrivait périodiquement, bien sûr. Dottie avait mis une alerte à son nom sur Google actualité et mis à part quelques sites complotistes qui l’imaginent sur une île paradisiaque avec Elvis et le programme télé, les choses étaient plutôt calmes. Ce nouveau livre n’était pas une bonne chose, peu importe son contenu. Ça pouvait donner des idées à Netflix et elle n’en verrait jamais la fin, et Dottie n’avait aucune envie de voir son visage entre Joe Exotic et Riverdale. Question de principe. James lui a glissé des livres dans sa valise, pour l’occuper, des romans qu’elle ne lira pas et dont elle ira voir le résumé sur internet pour pouvoir en parler avec lui. Elle regarde Roman Holiday une nouvelle fois, qu’importe qu’elle pleure toujours à la fin, quand Audrey Hepburn croise le regard de Gregory Peck dans l’assistance. Elle pleure encore lorsqu’elle s’endort, deux Valiums pour lui garantir un sommeil sans rêves. Si l’avion s’écrase, elle ne sentira rien.

Il fait chaud dans le taxi, même avec la fenêtre ouverte ses cuisses nues collent aux sièges de cuir, la musique qui s’échappe du poste de radio, les doigts du chauffeur qui marquent la cadence sur son volant. « Mucha gente en La Habana esta semana. ¿ Está aquí para el festival? », elle lui sourit et acquiesce, son espagnol rouillé qu’elle a pratiqué sur son téléphone avant de partir. « Hay que ir al Malecón. —What’s on El Malecón? » Il lui rend son sourire, une main sur le cœur. « True music from Cuba Miss. You will love it ». Contre sa cuisse, son téléphone vibre dans son sac. Elle le laisse sonner et retourne à la contemplation de la vieille ville par la vitre. Elle passe sa langue sur sa lèvre inférieure, l’humidifie légèrement, le léger voile de transpiration à un goût de sel.

Le rhum lui embrume légèrement l’esprit, non aidé par le décalage horaire avec La Hongrie, le sommeil qu’elle aurait certainement dû rattraper cet après-midi au lieu de trainer dans la vieille ville, à la recherche de souvenirs perdus. Il y a une certaine mélancolie, à revenir dans un endroit qu’on a connu. Une sensation de déjà-vu, la nostalgie un endroit qui n’existe plus. La terrasse de La Guarida qui surplombe la vieille ville, le soleil se couche sur La Havane, la lumière qui s’infiltre entre les immeubles colorés. Elle croque les glaçons au fond de son verre, mord le citron qui explose entre ses dents, imbibé de soda et d’alcool qui lui brûle légèrement la langue. On joue de la musique quelque part et Dottie a chaud, malgré la robe d’été et ses cheveux remontés sur sa nuque, malgré les glaçons qu’elle continue de sucer distraitement. Elle commande un autre cocktail au bar, un Negroni Habanero, le verre dans sa main est frais, humide, laisse ses doigts mouillés lorsqu'elle allume une cigarette accoudée à la rambarde. Elle ferme les yeux.

Et soudain, sa présence est comme un coup entre ses côtes. Brûlant et douloureux, une main chauffée à blanc qui caresse son cœur le saisit entre ses doigts et serre de toutes ses forces jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien qu’une braise incandescente.

Iván.

Elle ne se retourne pas. N’esquisse pas un geste, autre que celui de porter la cigarette à ses lèvres, prendre une longue gorgée de son verre. Si elle le regarde, alors ne pourra pas faire marche arrière. Si elle le regarde, elle ne pourra pas faire semblant. Il est étouffant Iván, constant, accablant. Il est partout, sur sa peau et dans son âme. Il brûle et il fait trop chaud, beaucoup trop chaud et Dottie voudrait partir. Elle pourrait l’ignorer, bien sûr. Elle pourrait prétendre ne pas l’avoir vu, et Iván fera de même, elle en est certaine. Il ne le mentionnera pas et elle non plus, comme toutes ces choses qu’ils se forcent à ignorer. Deux inconnus sur une terrasse dans un pays étranger, rien d’extraordinaire, rien de remarquable. Elle pourrait finir son verre, écraser sa cigarette, frôler son coude avec le sien et disparaitre. Les choses n’ont pas besoin d’être compliquées. Mais elle ne serait pas Dottie, et il ne serait pas Iván, si les choses étaient simples. Alors Dottie attend, immobile et incandescente à son tour.
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(#) Re: Habana Blues (iván)    Lun 21 Juin - 21:51

Il y a de l'or qui s'accroche dans ses cheveux, une ambre lumineuse happée par la nuit de ses boucles sombres et détrempées. Elles serpentent et collent sur ses épaules rondes, se mêlent à tes doigts qui cherchent à la fuir comme un vulgaire insecte prisonnier de la fine étoffe d'une toile d'araignée. L'une de tes mains est posée sur le carrelage à côté de sa tête, la mosaïque complexe qui réfléchit la lumière tamisée de la chambre et lui offre ce halot de sainte. Les petits carreaux brillants ruissellent entre tes doigts, paume robuste appuyée contre le mur sur lequel ton regard est obstinément fixé. Il te semble que tu peux déceler les motifs de ta folie dans l'entrelac doré de la frise géométrique. Pas exactement la délicatesse d'un tableau de Klimt que votre étreinte, ton autre main pressée contre sa hanche épouse sa chair d'une passion habilement feinte. Ta prise ne laisse que la marque hantée du geste sans l'intention, de l'extérieur il serait aisé de voir combien tu essaies de la toucher sans réellement le faire. C'est ainsi que tu la préfères, dans la pénombre informe de la honte ; ta honte. La lumière est éteinte dans la salle de bain, un accident récurrent dont elle soupçonne de plus en plus la nature. Tu ne peux pas la regarder en face, voir ton propre reflet dans ses yeux noircis par l'envie. L'eau cascade sur tes épaules et lave vos corps impies, couvre les bruits erratiques de sa vie. Parfois tu voudrais te défaire de ce fardeau qui ne t'appartient pas, enfermer ces mots au creux de ta main pour les semer loin de tes attentions. I love you, Iván. Ses lèvres sont la morsure d'une autre violence, un poison particulier contre lequel tu as toujours été immunisé mais en reçoit toujours la brûlure caractéristique.

Ainsi tu disparais, dans les méandres d'un entre-deux que tu connais bien, tombeau des automatismes salvateurs. Si elle savait, que tu es plus mort que vivant, que c'est la faucheuse qui s'affaire vraiment contre elle dans cette agonie à deux. Si elle savait, Arietta, que tu ne la hais jamais autant que lorsque l'une de ses mains se glisse sous la tienne et l'autre sur ta nuque à la recherche d'un contact qui t'es tout sauf tendre. Elle te ramène au présent de tes actes, te guide et te contrôle comme elle sait toujours si bien le faire, marionnettiste au sommet de son art manipulateur. Car cet anneau identique au sien, cette phalange qui brille contre le carrelage est le point d'ancrage de la symphonie dissonante d'une vie imaginaire. Un millier de fils qui s'enroulent autour de tes poignets et de ton coeur, un mariage parfait dans lequel tu joues volontiers le rôle qu'elle t'a attribué. Tu n'es rien qu'une carcasse vide de sens qu'elle peut habiller des oripeaux de mensonges hors de prix ; c'est plus simple ainsi. D'être constamment à la dérive mais guidé par une intention ferme et extérieure. C'est presque moins douloureux ; pour toi incapable d'assumer encore ta propre existence. Alors tu te fais vulgaire accessoire de la sienne, un Playboy désirable mais faux. Un instrument de plaisir et de fantasmes, outil indispensable à la réalisation de ses rêves grandioses de réussite et de paraître. Les vôtres, ceux qu'elle pense partager avec toi par les liens sacrés de votre tragédie en devenir. Sans doute te hais-tu encore plus que cette femme à la mélopée tremblante, que chacuns de ses souffles tu les prends en toi pour mieux étouffer ce qu'il reste de la flamme. Tu as toujours su t'infliger la meilleure des souffrances, après ces siècles de douleur reçue tu te reconnais le meilleur de tes bourreaux. Qu'elle te laisse donc te poignarder ainsi, de cet amour à sens unique que tu t'imposes pour ne pas risquer d'espérer encore mériter autre chose que le pire. Que la pire. Qu'elle continue de profaner ton nom de ses gémissements et de ses ordres, contrôler ta vie au métronome incisif de ses envies égoïstes. Plus jamais d'honnêteté, de sens ni de liberté. Une éternité à passer, esclave encore, toujours. Ses doigts serrent un peu plus leur prise, griffes animales fixées sur leur proie, son corps se repaît du tiens qui pourtant le domine. Purgatoire matrimonial jusqu'à ce que la mort la sépare enfin de toi. Dégoût assumé, tu ne pourras jamais lui en vouloir malgré ses abus : après tout elle ne fait que réclamer ce que tu acceptes de lui donner sans refuser. Le compte trouvé des deux côtés, autant de raisons de ne pas t'épargner, de ne pas la quitter. Malheureux sont les bienheureux et les fous perdus dans l'erreur de leurs choix auto-destructeurs. Car tu es de l'homme le pitoyable écran de fumée, l'amertume qui s'étrangle dans ta gorge lorsque tu te mets à gronder l'apogée. I love you Iván. Il y a quelque chose qui se brise en toi un peu plus chaque fois, tu crèves de ces petites morts forcées du contact physique marqué au fer rouge sur ta chair. Toute l'eau du ciel ne saurait purifier combien tu te sens sale à cet instant, personne pour absoudre cette haine de toi. Tu sombres alors, dans le siphon de la solitude et des endorphines, noyé dans la crasse du tourment. Et un cri de désespoir silencieusement partagé malgré toi, de ce cœur battant pour quatre ; la rage inavouée d'une rébellion que tu as depuis longtemps tuée de tes mains. Oh tu voudrais disparaître Iván, mais il y a cette présence en toi qui finit toujours par te retrouver même dans les tréfonds. Lentement, du bout de l'âme elle remue les braises, te force à recommencer à respirer.

Dorothy.

Elle te transperce comme une douleur de plus, une douceur sur laquelle tu as peur de refermer tes doigts. Une présence que tu ne mérites pas, une simple existence qui force son jugement indirect et accablant.

You are a sickness, a contagion running through too many souls. Free her, let her go.

Mais t'as toujours été égoïste Iván.


***


La chaleur te colle à la peau, une lourdeur bienvenue, la sueur du monde entier pour oublier la sienne. Tu as vidé les miniatures de savon et de shampoing de l'hôtel, frotté jusqu'à t'en faire mal. Une odeur de verveine et de citron dans ton sillage, cheveux encore détrempés qui mouillent à grosses gouttes le col noir de ta chemise. Tu n'as pas attendu qu'ils soient secs avant de sortir, ne t'es pas attardé à garder une face de paraître élégant lorsque cela signifiait passer un moment de plus avec elle. Débraillé, échevelé, les valises laissées ouvertes sur le sol. À peine arrivés que sa main s'est refermée sur ton poignet, l'urgence d'une alarme sur son téléphone, le glas du maintenant ou jamais. Sitôt le devoir fait, tu t'es précipité hors de la chambre d'hôtel pour t'épargner une seconde de plus cette vision terrifiante. Celle de ta femme dans l'attente, les jambes nues relevées contre le mur, une montre en main et un carnet de l'autre. Tu sais qu'elle y note ses cycles et les conseils de son médecin, y griffonne parfois des idées de prénoms. La nausée ne t'as pas quitté lorsque tu t'es engouffré dans l'ascenseur, la simple idée que cette fois ci soit la bonne suffit à inviter la peur au creux de ton estomac. Tu as tout fait pour éviter ce voyage, échapper à cette obligation fatidique. Les premières vacances passées ensemble depuis longtemps, le prétexte d'une conférence à laquelle elle est invitée pour servir d'excuse à votre couple pour passer à la vitesse supérieure. De ce ventre qu'elle veut rond et son cœur qu'elle exige plein de toi, ce que tu refuses de lui offrir. Ce que tu ne peux décemment lui donner, ce qui te tords dans tous les sens de l'intérieur rien que d'y penser. Ce qui te tuerais pour de bon et signerait ton point de non retour. Voir un enfant de plus mourir en ton nom, oser te demander de créer la vie lorsque tu ne sais faire que la mort.

T'as mis ta main contre ton ventre dans l'ascenseur, pour toutes les fois où t'as senti les échos de ces souvenirs qui n'étaient pas les tiens. T'as mis la main contre le fantôme de sa rondeur, caressé du bout des doigts la douleur de la perte que tu partageras pour toujours avec elle. T'as pensé un peu trop fort à elle et c'est ainsi que tu as senti sa présence, toi qui as appris à les bloquer si facilement avec le temps. Mais elle était là Dorothy, même à l'autre bout du monde elle était proche comme jamais. Tu n'as pas hésité, un papillon solitaire aveuglé par une flamme au milieu d'un océan glacé.

***

Le soleil se couche sur la Havane, rythmé par ton téléphone qui vibre dans la poche de ton pantalon. Arietta te le fera payer, mais tu trouveras bien un prétexte à lui servir. Tu as besoin de vérifier cette coïncidence, cet infatigable destin qui t'appelle à ses côtés. Au milieu des rues animées, lorsque l'autre Cuba s'éveille et poursuit les couleurs du jour, tu te laisses guider par cet hameçon qui tire sur ton cœur. Tu sondes les autres, t'attends à trouver l'habituelle proximité de James mais il ne semble pas être là. Intrigué malgré toi, perplexe de la présence de Dorothy dans un lieu que tu te retrouves aussi à fréquenter par le plus mauvais des hasards. Lorsque tu finis par la localiser elle est si proche que tu dois t'arrêter un instant au pied des marches de la terrasse, tiraillé entre l'envie de partir ou de rester. Tu es hermétique à l'ambiance autour de toi, uniquement animé d'un seul but. Tu ne comptes pas rester. Tu veux juste t'assurer qu'elle n'est pas en danger, un instinct dont il t'es impossible de te défaire. Tu peux sentir exactement le moment où elle te remarque, comme un coup entre tes côtes qui te fais retenir ton souffle. Elle ne bouge pas et tu hésites à avancer, l'un comme l'autre vous vous donnez l'occasion de fuir. Elle te laisse le choix Dorothy, son dos et sa nuque dénudée sur lequel tes yeux n'osent pas se poser. Elle brûle comme un soleil qui remplace l'astre se couchant, dans sa robe jaune éclatante. Toujours trop éblouissante, pour tes yeux habitués aux ténèbres.

Tu t'avances lentement vers la rambarde, viens t'y accouder à ton tour en gardant bonne distance de sa silhouette. Tu ne la regardes pas, ton attention est fixée sur un point imaginaire en contrebas. Lentement tes mains s'animent, portant une cigarette à tes lèvres pour l'allumer. Tu passes ton pouce distraitement contre ta barbe avant d'en tirer une longue bouffée, crachant la fumée sur le côté. Tu peines à savoir quoi dire, si même il est judicieux de lui dire quoi que ce soit. Tu ne sais même pas à quand remonte la dernière fois que vous vous êtes parlés directement, si même vous avez déjà eu l'occasion de vous regarder en face. Tu laisses ta cendre tomber dans le vide, les épaules légèrement affaissées alors que tu prend appuie de tes avant bras sur le bord du balcon. Tu peux clairement distinguer de la musique autour de vous, l'esprit brièvement distrait par le rythme avant de reporter ton attention sur elle. Cette fois tes yeux sombres se posent sur son visage, cessant de tourner autour du pot. « You look lovely, Dorothy. » Que tu articules d'un ton neutre presque froid en reportant ton attention sur la ville. Tu ne dis rien d'autre, te contentant de tirer sur le filtre de ta cigarette, ne la finissant même pas avant que tu ne l'éjecte d'un mouvement dans le vide. Tu te redresses et te détourne, esquissant un geste pour partir. C'était mieux ainsi, c'était plus sain, la meilleure solution pour elle. Tu étais venu t'enquérir de sa bonne santé et maintenant que la réponse t'es satisfaisante tu peux partir sans crainte. Tu n'as rien d'autre à lui offrir, aucune autre raison de lui infliger ton contact. Alors tu t'apprêtes à disparaître encore aussi vite que tu es venu Iván, rien qu'un souffle, une illusion. Le souvenir de choses qui ne pourront jamais être.





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