Down the rabbit hole (Zeev & Marisol)

How did it get so late so soon? It's night before it's afternoon. December is here before it's June. My goodness how the time has flewn. How did it get so late so soon? Dr. Seuss

(Londres, Janvier 2022) Cela fait des mois maintenant qu’elle vit à Londres et elle aime à penser qu’elle s’est bien adaptée. Si la maison lui manque parfois, elle aime son minuscule studio de tout son cœur : pas de parents pour lui dire quoi faire ou quand manger, pas de grande sœur affalée devant la télé qui monopolise le canapé, pas de remarque sur les boules de poils de Tarzan. La liberté. Elle est difficile à assumer, bien sûr, avec des moments de stress et de blues. Mais l’un dans l’autre, Marisol n’y renoncera jamais maintenant qu’elle y a goûté. Elle est revenue à Paris une semaine pendant les fêtes et le temps lui a paru beaucoup trop long. Après un petit crochet par New York pour le compte du Conclave, la voilà qui retrouve son quotidien londonien et, surtout, la vie de bureau. Maintenant consciente que le métro de Londres ne vaut pas mieux que celui de Paris et que toutes les capitales connaissent au final les mêmes problèmes, elle prévoit toujours le coup en partant avec un quart d’heure d’avance.

Aujourd’hui, ça ne suffit pas.

Bien sûr, il faut que ce soit le jour où elle ne peut absolument pas se permettre de tout foutre en l’air étant donné qu’elle a bossé une bonne partie de la soirée sur des documents importants qu’il faut que Caleb ait en main pour l’audience de ce matin. De quoi la faire bouillonner alors qu’elle est coincée dans le métro, sans aucune chance d’accélérer le mouvement. Elle doit attendre, comme tout le monde. Alors elle le fait de bien mauvaise grâce, se retient à grande peine de ronger ses ongles et regarde l’heure sur son portable toutes les deux minutes.

Enfin, Marisol arrive à destination. Elle sort du métro à grandes enjambés, se faufile entre d’autres travailleurs en costumes et esquive de peu des touristes un peu paumés qui prennent bien trop de place. Oui, exactement comme à Paris, sauf pour la langue. Quand elle sort enfin du souterrain, elle se croit sauvée. Plus que que l’angle de la rue à passer et elle sera à destination ! Qu’est-ce qui pourrait lui arriver ? C’est le genre de journées pendant lesquelles il ne faut surtout pas poser cette question. Alors qu’elle se presse du mieux qu’elle peut avec des talons qui commencent à lui tuer les pieds, elle percute un autre passant. Elle rencontre le sol brutalement, un cri de douleur lui échappant à l’impact, et ne réalise qu’après que les dossiers lui ont échappé et que les feuilles s’éparpillent désormais sur le trottoir londonien.

« Merde ! » Le cri vient du cœur. « Merde, merde, merde », elle peste et jure en français tout en se dépêchant de rattraper les feuilles. Rien ne doit manquer sinon Clarissa Clarke est foutue et elle encore plus ! « Oh god, non, pas sur la route ! » Et elle se précipite en avant pour saisir celle qui avait voleté jusque sur le bord de la chaussée, la tirant vers elle avant qu’elle ne se fasse écraser (et sa main par la même occasion). Elle lance un rapide coup d’oeil à l’homme qui lui est rentré dedans. « Je suis désolée. J’aurais peut-être dû commencer par ça, mais si je ne ramasse pas toute cette paperasse mon boss va me virer. Pire. IL va me tuer, c’est sûr et certain. » Elle n’a pas fait assez attention pour se rappeler quoi que ce soit de l’inconnu à part qu’il est brun. Elle n’a pas du tout le temps pour ça.

   

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Lupe était exceptionnellement à Londres aujourd’hui. Sa présence dans la capitale anglaise n’avait rien d’exceptionnelle (en tout cas pas depuis plusieurs mois), mais il était là un jour en avance. Après ce qui s’était passé quelques semaines plus tôt, il avait préféré venir un jour plus tôt que prévu pour sa rencontre au British Museum et la conférence sur l’art religieux dans l’histoire anglaise. Avec une journée libre supplémentaire, Zyanya le rejoignant plus tard, il avait décidé d’aller à la bibliothèque pour travailler un peu, apportant avec lui deux dossiers l’un concernant l’art chinois, afin de pouvoir compléter un article sur le sujet suite à ses deux ans passé dans le pays et quelques chapitres de l’un de ses doctorants à qui il avait promis d’envoyer des notes. Il se dirigeait donc vers sa destination, la sacoche sur son épaule gauche, son éternel café dans la main.

Le choc fut violent alors qu’il avait fait une petite accélération pour essayer de traverser au feu. Violent, certes, mais certainement moins que pour la demoiselle que lui, du haut de son mètre quatre-vingt-seize, peu de chose pouvait vraiment l’atteindre. L’immortel rattrapait donc la cup in extremis pour qu’elle ne vienne s’écraser au sol, ainsi que sur les feuilles qui volaient déjà autour de lui. Le liquide lui brûlant la main, il lâchait un léger sifflement de douleur, « Merde ! » S’exprimait la jeune femme qui à genou commençait à ramasser ses papiers. Il changeait de main, pour essuyer celle qui était brûlée, avant de poser en équilibre sur un rebord le café et l’aider à ramasser les papiers.

Et alors qu’elle se hâtait de récupérer quelques feuilles qui se dirigeaient vers la route, Lupe lui récupérait l’une d’elle pour voir le nom familier de Clarissa Clarke. L’œil s’éclairait d’une nouvelle lueur, alors que la brune lui tournait le dos, et il s’excusait alors d’avance mentalement pour ce qu’il allait faire, alors qu’il laissait une partie de sa propre paperasse s’échapper dans le vent, glissant quelques feuilles entre celles qu’il récupérait. Lupe relevait le nez vers la demoiselle.

« Je suis désolée. J’aurais peut-être dû commencer par ça, mais si je ne ramasse pas toute cette paperasse mon boss va me virer. Pire. IL va me tuer, c’est sûr et certain. - Ce n’est rien. Je crois que quelques-unes des miennes se sont mélangées avec les vôtres. Répondait-il en ramassant une pile de feuilles, faisant mine de vérifier, laissant quelques-unes de ses notes, avec celles de Marisol. Et les lui tendre avec un sourire aimable. Ce paquet est à vous. Il réorganisait les siennes, vérifiant que c’était bien les siennes, ainsi que quelques-unes à elle. Celles-ci sont à moi. Nous pouvons nous estimer heureux qu’il ne pleuve pas. Ajoutait-il avec espièglerie pour finir de récupérer ce qui restait et appartenait à la jeune femme. Voilà, je pense que vous avez tout. Je ne voudrais pas que votre boss vous assassine. »

L’immortel scannait les alentours, cherchant la destination possible de la demoiselle, avant de remarquer qu’il y avait une trace de pas sur l’une d’elle, « Ah, je suis navré, je pense avoir laissé une trace. S’excusait-il avec un sourire désolé, presque charmeur. Vous ne vous êtes pas fait mal au moins ? Vous vous rendiez au tribunal ? » Soit ça, soit elle revenait de la librairie, ce qui était tout aussi possible.

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(Londres, Janvier 2022) Comme si le comique de la situation ne suffisait pas à divertir elle ne sait quelle déité farceuse est responsable de son malheur, Marisol se rend bien vite compte qu’elle n’est pas la seule à avoir fait échapper des documents. Les feuilles s'égayent dans la rue remplissant ses oreilles d’un son de papier froissé qui hantera ses prochains rêves. Super. Son job n’est vraiment pas assez angoissant sans ce genre de péripéties, vraiment. « Ce n’est rien. Je crois que quelques-unes des miennes se sont mélangées avec les vôtres. » Elle perd une seconde à jeter un coup d'œil à sa montre. Dix minutes. Elle est vraiment très juste et elle voit d’ici le regard noir de Caleb. Heureusement, elle n'a pas heurté le dernier des connards, apparemment, car l’homme met du sien à l’aider à récupérer tous les documents éparpillés autour d’eux.

Et, comme il le fait remarquer, la pluie ne s’est pas encore mêlée de leur cas. Small mercies. « S’il vous plait, n’attirez pas plus de malheurs sur moi », réplique-t-elle avec un peu d’humour dans sa voix. « C’est ce type de journées où tout ce qui peut aller de travers va de travers. » Et ça ne fait que commencer, Marisol en est persuadée. Est-ce que ça irait mieux avec un peu de café ou est-ce que ça ne ferait qu’empirer l’état de ses nerfs ? Peut-être une bonne tasse de thé une fois l’audience passée. « Voilà, je pense que vous avez tout. Je ne voudrais pas que votre boss vous assassine. » Elle prend ce qu’il lui tend et le met à la suite du tas qu’elle a récupéré. « Si vous entendez parlé d’une affaire sordide à propos d’une jeune stagiaire dans un cabinet londonien, vous saurez la vérité derrière ce cas-là », plaisante-t-elle avec une voix très sérieuse. Elle ne se doute pas que sa disparition fera en effet l’objet de quelques communications, notamment de la part de sa sœur et de ses parents. Tout ça est encore bien loin et inimaginable à ses yeux, malgré le nombre de fois où elle a été mise en garde à propos de sa sécurité et des méthodes expéditives du Conclave

Cela étant dit, elle pose sa pochette rigide contre sa hanche et commence à éplucher les feuilles en sa possession. « Ah, je suis navré, je pense avoir laissé une trace. Vous ne vous êtes pas fait mal au moins ? Vous vous rendiez au tribunal ? » Elle grimace en essayant de lisser le papier, mais la trace restera. « Tant pis. Ça ne fait pas très professionnel, mais personne d’autre ne verra ce document et il reste lisible. » Marisol relève la tête, un peu curieuse. « Comment vous sa-... Ah oui, les documents sont légèrement incriminant quant à ce que je fais dans le coin. D’ailleurs, si vous avez deux minutes, restez ici s’il vous plait. » C’est un peu plus autoritaire qu’une simple question. Elle ne veut pas perdre un moment à courir après une possible feuille échangée dans la collision et, ici ou au tribunal, il lui faudra remettre de l’ordre dans le dossier de toute façon. « Ces documents peuvent faire la différence dans une affaire sérieux, j’espère que vous comprenez le désagrément », explique-t-elle simplement tout en remettant les pages numérotées dans le bon ordre. « Et vous alors ? Qu’est-ce qui vous amène dans le coin si ce n’est pas indiscret ? » Il n’est pas interdit de faire la discussion pendant la vérification, estime-t-elle, d’autant que ça rend plus facile de garder l’homme près d’elle jusqu’à ce qu’elle ait fini de s’assurer que tout soit bon. « Oh, voilà quelque chose qui est à vous, je crois. Vous voyez, on fait bien de faire ça maintenant, plutôt que vous ayez à reprendre vos recherches sur…. » Elle jette un coup d’œil à la page en question. « L’art chinois ? » Elle tend la feuille à son propriétaire légitime et continue sa besogne. Au final, il y a plus d’un papier qui se sont ainsi glissés dans le mauvais tas. Et il y en a quelques uns des siens qui se sont fait la malle dans le même temps. « Est-ce que vous pourriez vérifier votre tas ? Il me manque quelques documents et je ne vois rien d’autre dans la rue… » Elle prie n’importe quelle divinité voudra bien tendre l’oreille que ses papiers sont dans les mains du bruns et pas éparpillés aux quatre vents, dévalant les rues et les toits de Londres, s'éloignant avec chaque souffle d’air du tribunal.