(lova & matheus) let's kill tonight

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(2021, fin décembre) Toronto est une jolie ville. Bien différente de Londres, et elle a encore du mal à y prendre ses marques — elle n'a déjà pas l'habitude de voir autant de neige, et elle s'est souvent retrouvée sur les fesses en voulant aller faire quelques courses, mais Livna commence à prendre quelques habitudes, lentement mais sûrement. Elle sait pertinemment qu'elle ne pourra jamais assez remercier Nobuko de ses quelques conseils avisés (hah, quelle ironie), et encore moins Rahim de lui avoir offert un toit et un filet de sécurité, même aussi loin de Londres, alors elle essaie de se rendre utile autant que possible. Elle se fait la plus petite possible, garde l'appartement impeccable entre deux recherches d'emploi, et se porte volontaire dès qu'il a besoin d'aide.

Même si aujourd'hui est un jour relativement solitaire. C'est le trente-et-un décembre, le réveillon de la nouvelle année pour une grande partie du monde, et bien que Livna n'y ait jamais vraiment participé, elle se laisse happer par l'ambiance festive dans les rues de Toronto. Elle a plutôt l'habitude des célébrations bien plus modérées de Rosh Hashanah, mais il y a quelque chose de presque magique dans l'air, et elle se sent détendue, pour la première fois depuis bien des années, même si elle sera seule pour le passage à 2022. Ce n'est pas très grave. Elle ne peut pas exactement demander à Rahim de mettre sa vie en pause juste parce qu'elle est là, et elle n'est pas étrangère à la solitude. Ce sera simplement l'occasion de passer une soirée tranquille, avec une émission quelconque en fond sonore et son dernier projet de broderie sur les genoux. Elle ne sait pas encore ce qu'elle va manger, mais il y a un petit restaurant casher qui livre, et si besoin, elle vient d'acheter de quoi se faire une bonne marmite de bouillon de poule aux kneidelach.

Elle est prête à rentrer, Livna, à se mettre au chaud et à se débarrasser de sa grosse écharpe et des gants qui rendent ses gestes maladroits autour de ses sacs de courses, mais son instinct lui balance toutes les sonnettes d'alarme possible et elle a la très désagréable impression d'être observée. La nuit est déjà tombée en cette fin d'après-midi, mais elle ne peut s'empêcher de s'arrêter un instant pour jeter un regard autour d'elle. Il y a encore du monde dans les rues, les passants ne lui prêtent pas la moindre attention, mais elle ne peut pas repousser la sensation d'être observée, fixement.

Suivie, aussi.

Une sensation désagréable, qui la pousse à presser le pas, le bas du visage enfoncé dans son écharpe et les doigts serrés sur ses sacs de courses. Elle est tellement concentrée sur l'idée de rentrer au plus vite qu'elle ne fait plus attention à où elle pose les pieds — et ce n'est pas une surprise quand elle ripe sur une plaque de verglas et finit le cul par terre, avec une douleur cuisante dans les reins et une partie de ses achats au sol. « Ah, sérieusement... » Livna grimace, se redresse comme elle peut, le tichel de travers alors qu'elle se frotte le bas du dos. « L'année finit vraiment bien, hein... »

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(2021, fin décembre) C'est apparemment l'année où Matheus aura le plus voyagé et séjourné à Toronto. Et voilà qu'avec Lova, c'est ici qu'ils vont célébrer la nouvelle année. Évidemment s'ils sont là, ce n'est pas seulement pour profiter de la patinoire à ciel ouvert du Centre Harbourfront, avec vue sur la rive du lac Ontario. Quoiqu'observer Lova dans ces moments-là c'est toujours magique. Non pour une fois, ils font de leur mieux pour ne pas profiter de leur temps libre en duo, mais en trio. Ce n'était pas gagné d'avance, il avait fallu convaincre Lova, reconvaincre Lova, puis forcer Lova à prendre cet avion, puis le suivant, puisqu'elle leur avait fait rater le premier. Ils avaient finalement débarqué chez Rahim tout juste après Noël, ce qui en y réfléchissant avait dû lui faire un sacré choc. On a merdé sur bien des points, Lovie. Tu sais ce que c'est vrai. Faut qu'on fasse mieux. Faut qu'on essaie. Cette année lui aura non seulement permis de revenir parmi les siens (Lova), mais l'aura surtout conforté dans le fait qu'il était impossible de les séparer vraiment. Qu'ils se retrouveraient toujours. Leur peur commune de voir de nouvelles étoiles interférer dans leur relation n'avait pas complètement disparu cela dit. Il pouvait toujours voir les éclairs dans les yeux de Lova lorsqu'il évoquait Nobu. Mais ils avaient plus ou moins réussi à se mettre d'accord sur le fait d'aller voir Rahim, constatant que de toute façon, c'était déjà ce qu'ils faisaient en douce chacun de leur côté. L'arrivée d'une nouvelle étoile en novembre avait cependant rebattu les cartes une nouvelle fois. Matheus était carrément flippé à l'idée de voir une nouvelle tête de plus liée à eux, parce que voilà, hormis Rahim qui était l'exception à la règle, les plus vieux n'étaient vraiment pas des cadeaux. On vient d'avoir une fille, qu'il avait dit à Lova le lendemain matin d'une nuit agitée par les rêves. On fait quoi ? On lui envoie une carte de bienvenue dans la famille ? Il s'était étranglé de rire avec son café en voyant la tête qu'avait fait Lova. La solution de facilité c'était de laisser Rahim gérer. Mais faire ça, c'était reproduire les mêmes erreurs, encore et encore. Et aujourd'hui, il n'était plus sous l'eau, et la vendetta était en suspend, au moins pour plusieurs années (avec un peu de chance, ce serait pour toujours, mais il n'avait pas pour habitude de se fier à la chance).

Posté à une fenêtre de leur bnb, choisi pour la vue qu'il offre sur l'appartement et la libraire de Rahim, absent pour la nouvelle année, Matheus alerte Lova. Y a du mouvement. Faut y aller. Parce que oui, ils vont bel et bien pister Livna, incapables de procéder autrement tellement ils sont socialement inadaptés lorsqu'il s'agit de leur constellation. Rahim avait pourtant proposé qu'ils viennent dormir chez lui, et profiter de l'occasion pour rencontrer Livna par la même occasion, mais en vain. Trop tôt. Ou juste, trop. Alors les voilà qui se pressent derrière la jeune femme qui fait ses courses, sûrement pour le repas du Nouvel An, qu'elle pense naïvement passer seule. De qui venait l'idée déjà ? De s'imposer à elle pour la nouvelle année ? Il presse Lova contre une vitrine de manteaux et de fourrures alors que la blonde se tourne une première fois. я замерзаю. Il a toujours été son propre radiateur, mais les températures extrêmes du Canada mette son soleil interne à rude épreuve. Мы с ним скоро поговорим ? Sous-entendu : tu l'abordes quand qu'on puisse se réchauffer et abréger cette idée débile qu'on a eue ? Certes les lumières de ce début de soirée sont belles, mais si ça continue, ils vont l'effrayer pour de bon. нет, я не пойду, это ты. Ils se chamaillent en russe quelques mètres derrière Livna. Elle va les griller, c'est inévitable, et pourtant elle a affaire à des experts en filature. T'es la plus vieille hein, tu y vas. Oops, elle va probablement le taper.

Puis Livna se casse finalement la figure sur une plaque de verglas. Moment de flottement, Matheus lève les yeux au ciel et se maudit de leurs bêtises. Alors qu'elle est en train de se relever, deux têtes entrent dans son champ de vision. « L'année finit vraiment bien, hein... » qu'il l'entend pester. Crois-moi, y a pire que glisser sur du verglas. Il lui tend finalement une main, l'air contrit. Désolé si Lova t'a fait peur. Elle fait toujours cet effet-là la première fois. Bon là c'est sûr, elle va le taper.

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Les traducs du texte en russe :
- я замерзаю : je gèle
- Мы с ним скоро поговорим ? : on lui parle bientôt ?
- нет, я не пойду, это ты. : non j'y vais pas, c'est toi.

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(2021, novembre) Une énième noyade, quelque chose d'étrange, un nouveau visage. Tout ce que j'en retire en me réveillant en sursaut, c'est le résultat d'une énième terreur nocturne. Une noyade faisant appel à une autre, et une autre encore. C'est quoi, une marque de fabrique ?! A peine réveillée que je suis déjà de sale humeur. Surtout que plus mes souvenirs de cette nuit s'éclaircissent, plus je réalise ce qu'il s'est produit. J'préfère autant pas y voir clair et passer à autre chose. Même pas encore sortie du lit, je chope la petite boîte en bois, sous ma table de chevet. La boîte magique spéciale Mathy. J'en sors un joli joint tout neuf tout beau, déjà préparé par ses soins. Un spécial pour les matins difficiles, pour les nuits pas terribles. Un qui calme cette angoisse qui je sens s'agite au fond de moi. Encore faudrait-il que ce soit complètement la mienne. Le portant à mes lèvres, je l'allume et me lève grognon vers la cuisine. Le joint coincé entre mes lèvres, je me verse un demi bol de lait froid et saisie mes deux boîtes de céréales préférées pour les y verser : Chocapics & Miel Pops. Je file ensuite m'installer en tailleur sur le canapé et allume la télé sur les dessins animés, choisissant le classique Oggy & les cafards. Mathy surgit de nulle part et me fait recracher le lait que je venais de boire, avec son annonce à la con. Une fille. Comme si je venais d'accoucher, il est pas dingue. J'ai rien demandé moi. Cet idiot poursuit sur sa lancée et je lui jette un regard noir. Une carte de bienvenue, et puis quoi encore, un panier garni ? < C'est ca, étouffe-toi donc ! > Je lui lance tandis qu'il est partagé entre le rire et le café qui passe de traver. Nerveusement je tire deux taffes pour le prix d'une et pose le joint sur la table basse. Une grosse cuillère de céréale plus tard, j'ajoute sur un ton mi-grognon mi-contente de le voir : < Bonjour à toi aussi, Cолнышко. > Il semblerait que ca ne suffisse pas, de ne pas y croire. Tout reste bien réelle et on a bel et bien une fille, qui traîne là quelque part. Mathy me rejoint sur le canapé et mon bol quasi fini, je le pose à son tour sur la table basse. Je m'allonge contre lui, un peu bourrine et revancharde alors qu'il sait parfaitement que j'ai besoin de son étreinte. < On vient à peine d'avoir Rahim franchement… > Je finis par lui lâcher les yeux rivés sur la télé, complètement absurde. C'est pas comme si ca faisait plus de trente ans qu'il errait dans le coin… < Où est-ce qu'on signale qu'on est compliqu…complet ? > J'ajoute en soufflant, déjà épuisée de ce que l'arrivée de la nouvelle implique.


(2021, fin décembre) Franchement, un mois, record. On n'a jamais été aussi efficace ! Heureusement que j'ai convaincu Mathy d'aller à sa rencontre. Ahem. Après avoir vu Rahim pour la seconde fois seulement, enfin, pour ma part, nous voilà sur les traces de Livna. Ouais ca fait animal traqué et alors ? C'est un peu ca dans le fond, un petit animal apeuré semblerait-il. Matheus a guetté à la fenêtre jusqu'à voir la jeune femme sortir, tandis que Rahim nous avait indiqué son absence pour la nouvelle année. Quelques secondes après le signal donné, nous voilà dans la rue à sa suite. Aussi discret que les pros que nous sommes. Enfin, au début. Plus on repousse l'échéance et j'insiste bien sur le on, plus nos esprits s'échauffent et on devient de vrais incapables. On capte bien qu'on a alerté l'instinct de Liv malgré nous. Ouais j'le capte bien quand Mathy me plaque limite contre une vitrine de fringues, se plaignant par la même occasion du froid. < T'avais qu'à te couvrir, идиот. > Je lui lance un brin hargneuse, dans mon manteau de fourrure. Lui avec son soleil interne là, même en Russie il est pas foutu de se couvrir correctement alors que j'ai à peine froid. Parce que j'ai pitié de mon âme-sœur, je lui saisis le bras en marchant, le frottant pour le réchauffer un minimum. Mathy s'impatiente à nouveau et je lui réponds d'une mauvaise foi certaine : < Мы только начали следить за ней. Тебе просто нужно пойти туда, ты скучный. > Elle a juste eu le temps de faire toutes ses courses et se trouve à présent sur le chemin du retour… Même la nuit a eu le temps de tomber. Mathy a beau me pousser au cul, je l'ai connu plus téméraire. Je m'agace dans un murmure moyennement contrôlé. < Quoi это ты, это ты. T'es vraiment que de la gueule. T'as vu comment tu te défiles, maintenant que tu m'as trainé à Toronto ?! > Un gosse. Pire qu'un gosse, j'vous jure ! Et le voilà qui me balance une excuse bidon. < Eh oh, le seul que je suis allée retrouver de bon cœur, c'est toi. Alors estime-toi privilégié et moi j'dirais, chacun son tour hein. > On n'ira pas préciser qu'il a été plutôt à l'initiative de toutes les rencontres qui ont suivi au sein de notre constellation… Une tête qui disparait suivie d'un bruit sourd nous sort de notre petite euh, entrevue. Au moins Mathy ne peut se retenir d'être chevaleresque. Alors finalement, j'ai gagné. Nan, c'était pas une compèt' du plus borné ? M'aurait-on menti. Il n'empêche qu'avec sa maladresse à l'autre, on finit par l'aborder. < T'auras un bleu au cul deux minutes, tu devrais survivre. > Je complète Mathy, légèrement acerbe sur les bords. Une main tendue, il peut pas s'empêcher d'y aller de son petit commentaire. < ты ничего не теряете за ожидание. > Je lui siffle, un petit coup de poing parti en réflex dans sa hanche. Je m'adosse au mur d'à côté, levant pas le petit doigt. < Lui c'est Matheus. Et c'est un menteur, je ferais pas de mal à une mouche alors que lui… > Oui bah je suis peut-être pas complètement innocente, mais lui il fait le ménage derrière moi, c'est pas franchement mieux. < Et toi c'est Livna. Voilà les présentations sont faites, tu vas poser tes affaires et on sort ? > La question n'en est pas vraiment une, c'est juste histoire d'y mettre les formes. Je me sors une cigarette histoire de calmer mon impatience de sauter ce moment gênant. Rien que la première taffe de nicotine me fait du bien. Je vous ai dit que j'étais pas particulièrement douée pour les retrouvailles ? Quoi, vous avez vu ? Ah bah pardon, monsieur madame je sais tout.

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Les traducs du texte en russe :
- Идиот : idiot
- Мы только начали следить за ней. Тебе просто нужно пойти туда, ты скучный. : On vient à peine de se mettre à la suivre. T'as qu'à y aller toi, t'es chiant.
- ты ничего не теряете за ожидание : Tu ne perds rien pour attendre.

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(2021, fin décembre) Toujours cette sensation désagréable d'être suivie. Son sourire un peu vague a complètement disparu, le menton enfoncé dans son écharpe et le regard méfiant, et elle ne peut s'empêcher de presser un peu le pas. Elle aurait bien flâné un peu plus dans les rues de Toronto, mais elle a la soudaine envie de rentrer, de se planquer derrière quatre murs solides et une porte verrouillée. Et c'est toute à ces pensées qu'elle finit par se casser royalement la figure sur une plaque de verglas. Rien de cassé, heureusement, juste les fesses et l'égo vaguement meurtris, mais rien qui ne se soignera avec un peu de temps. La moitié de ses achats ont fini au sol, cependant, et c'est avec un soupir qu'elle se redresse et commence à ramasser ses produits.

Elle ne s'attend pas à ce qu'une main apparaisse soudain sous son nez, cependant. Ni aux visages, l'un plus contrit que l'autre, penchés au-dessus d'elle. Il lui faut un moment pour replacer juste pourquoi ces deux visages lui semblent si familiers, puis — les rêves. Comme pour Rahim, comme avec Nobuko, comme pour à peu près toutes ses nuits de sommeil depuis un mois et demi. Elle ne peut pas s'empêcher de soupirer, bruyamment. « Bordel de merde. » Elle qui ne jure que très rarement lâche ces mots avec un air profondément fatigué, et elle a la soudaine certitude que non, elle ne tiendra jamais jusqu'à minuit.

Mais ils se présentent. Plus ou moins — Lova et Matheus, et d'une certaine façon ça ne l'étonne même pas qu'eux connaissent déjà son prénom. Elle se demande vaguement si Rahim les a prévenus, puis secoue la tête et se concentre sur son céleri, finalement revenu dans son sachet plastique. Et ce n'est qu'une fois ceci fait qu'elle accepte la main tendue et se remet bien droite sur ses pieds, l'œil toujours méfiant. Sortir ? Pour quoi faire ?

Il faut dire que les paroles de Nobuko résonnent toujours dans son esprit, aussi.

« Si c'est juste pour que les rêves s'arrêtent, on peut boire un café. » Elle se frotte les reins, redresse maladroitement le tissu coloré qui couvre soigneusement ses cheveux. « Comme ça vous pourrez retourner d'où vous venez. Possiblement quelque part où il ne neige pas autant. » Elle observe Matheus, ses derniers mots évidemment pour lui, les sourcils furieusement froncés au-dessus de ses yeux verts. Elle se demande comment il réussit à éviter l'hypothermie avec son blouson définitivement trop fin, quand elle se gèle le cul avec une paire de collants en laine sous sa jupe, quatre couches de vêtements sur le dos, et l'écharpe remontée jusqu'aux oreilles.

Puis elle décide qu'elle s'en fiche, finalement. « Peu importe. On devrait rentrer. » Elle se détourne, et n'essaie même pas de voir s'ils la suivent alors qu'elle prend le chemin de l'appartement. Elle se les gèle, ce n'est pas un mensonge, et ses sacs de courses commencent à devenir lourds. Elle devra peut-être penser à passer son permis, une fois qu'elle aura trouvé du boulot.

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(2021, fin décembre) Collés l'un contre l'autre à cause du froid et de l'absence de veste de Mathy, les 'parents' tentent de se renvoyer la balle, alors que ni l'un ni l'autre ne veut faire le premier pas. Ils ont survécu à bien pire, mais il semble que Livna leur fait peur. Ou alors ils sont vraiment socialement inadaptés, ce qui est fortement probable quand on les connait un peu. < Eh oh, le seul que je suis allée retrouver de bon cœur, c'est toi. Alors estime-toi privilégié et moi j'dirais, chacun son tour hein. > Mathy ne peut s'empêcher de sourire, tout 'privilégié' qu'il est, avant de rabattre le bonnet de Lova sur ses yeux. Bah, il veut bien se sacrifier, allez. Puis, la providence. La blonde chute et la légende retiendra que ce fut le verglas qui leur offrit l'occasion de se montrer. Et que ce n'était pas du tout de leur faute, la chute, non. < ты ничего не теряете за ожидание. > lui glisse Lova alors qu'il fait les présentations et qu'elle enchaîne en prévenant qu'il était dangereux. Matheus ouvre la bouche pour répliquer, mais ne sait que dire. Il hausse finalement les épaules, conscient qu'il y a une part de vrai là-dedans. Ils ne sont pas des enfants de chœur, ils n'ont rien d'un Rahim ou d'une Yixi, autant qu'elle le sache tout de suite. La soirée promet en tout cas d'être animée. « Si c'est juste pour que les rêves s'arrêtent, on peut boire un café. » Ah voilà que ça commence déjà, leur réputation de parents indignes les précède évidemment. A moins que ce ne soit la brève rencontre avec Nobu qui l'aura effrayé. « Comme ça vous pourrez retourner d'où vous venez. Possiblement quelque part où il ne neige pas autant. » Il capte son regard interrogateur et comprend aisément qu'elle puisse penser qu'il est un peu taré de s'exposer ainsi au froid. Alors que Lova arbore elle son plus beau manteau de fourrure. Non ça va. Je vous jure. C'est qu'il se sent obligé de se justifier là, avec leurs regards inquisiteurs. « Peu importe. On devrait rentrer. » Ils n'auront même pas eu à insister, Mathy était pourtant prêt à s'expliquer ou a appeler Rahim pour la convaincre de passer le Nouvel An avec eux. Elle tourne les talons, sans plus se soucier d'eux. Mathy tourne la tête vers Lova. Elle a l'air bien, qu'il décrète. Au moins elle a pas tenté de nous tuer avec un céleri. Nobu elle, aurait certainement essayé, si elle n'avait eu que ça sous la main et pas son magnifique katana hyper tranchant. Il reporte son attention sur la blonde qui s'éloigne. C'est qu'elle marche vite, mais heureusement, ils savent où elle se rend.

Mathy prend la main de Lova de force et la tire derrière lui sur quelques mètres pour qu'elle suive le mouvement. Une fois à hauteur de Livna, presque arrivée devant la porte de l'appartement de Rahim, il lui vole un sac de courses, puis un deuxième, si rapidement et facilement qu'on aurait dit qu'il faisait de la magie. C'était pas exactement ça mais il avait une fille à impressionner. Rahim t'a bien dis qu'on passerait te voir ? Désolé si on t'a fait peur. On n'est pas très doué pour ça. Ni pour... plein de trucs. Voilà hein, pas la peine de faire genre, cinq minutes avec eux et elle l'aurait de toute façon compris toute seule. Ils s'engouffrent finalement tous dans l'appartement de Rahim, qu'ils connaissent tous. C'est le lieu de rassemblement depuis quelques mois. C'est surtout que Rahim semble être le lien entre tous. Enfin, sauf pour Nobu, elle n'a visiblement pas l'intention de changer pour le moment. Il dépose les sacs de courses sur la table de la cuisine, et commence à les déballer et ranger un peu au pif dans les placards et le frigo. Puis c'est plus simple de regarder le frigo que les grands yeux verts de la petite dernière. Livna, en fait, on n'est pas juste là pour un café. Ou pour les rêves. Il jette un œil vers Lova, comme en quête de son soutien, car c'est bien à deux qu'ils sont venus. On n'aura peut-être pas beaucoup d'occasions de le faire, alors... voilà. On aimerait te connaitre. T'en penses quoi ?

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Traducs du texte en russe :
- ты ничего не теряете за ожидание : Tu ne perds rien pour attendre.

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(2021, novembre) Deux enfants, incapables de prendre en mains leurs responsabilités. C'est sûrement comme ca qu'on nous décrirait. Ce que Rahim sortirait, au hasard… L'âge rend sage, dit-on. Celui qui a créé cet adage n'était assurément pas un immortel. Tirant sur ma cigarette, j'arque un sourcil au commentaire de la fille redressée. Qu'ouïe-je ? On fait l'effort de venir à elle, se présenter, on l'invite même à sortir et elle, elle nous relègue au rang du café rapide ?! Je lance un regard à demi-outré vers Mathy, une seconde. En vrai, j'aurais très bien pu sortir cette proposition, avec plutôt une bière en boisson de prédilection. Mais sortie de sa bouche, je m'en sens étrangement vexée. Epargnant l'auditoire d'un autre commentaire acerbe, j'expire ma fumée et lâche un petit rire amusée, les mots s'échappant naturellement au constat de la demoiselle. < T'es jamais allée en Russie, mignonne. > Puis j'avise Mathy d'une œillade, mon sourire n'allant pas en réduisant. < Parfois je me demande si ca a un jour été son cas. > Jamais foutu de ce couvrir chaudement, l'aztèque. Une vraie chaudière, si vous voyez ce que je veux dire…!

Finalement, Livna semble sentir que les négociations sont perdues d'avance : elle ne sera pas épargnée par notre présence. On est venu ici pour elle après tout, on va pas se défiler maintenant ! Même si… l'envie s'est montrée bien forte jusqu'à il y a quelques minutes. Sans attendre une réponse, elle file vers l'appartement du Gupta et Mathy se tourne vers moi tandis que je tire une dernière taffe. < Elle a l'air bien. Au moins elle a pas tenté de nous tuer avec un céleri. > Sale habitude quand il m'agace, je lui crache la fumée au visage. Incapable de retenir ce petit rehaussement de mes lèvres, cela dit. < Encore heureux… > Que je lui souffle en laissant ma phrase en suspens. Elle n'aurait pas eu qu'un bleu aux fesses, autrement. Je ne fais pas plus de commentaire sur la nana et me laisse entrainer par Mathy, réalisant que Livna est presque à hauteur de l'immeuble.

Devant la porte de l'appartement, mon andouille d'âme-sœur joue au grand séducteur. Je ne le connaitrais pas autant, j'aurais pu carrément dire qu'il la drague. Mes yeux se lèvent au ciel face à son comportement et je m'empresse de corriger ses dires. < Mais on est doué pour plein de trucs ! Juste, d'autres, de trucs… > Ouais… vous êtes pas méga convaincu vous aussi hein… Histoire de passer à autre chose, j'entre dans l'appart sans gêne devant tout le monde, et file dans la cuisine m'assoir sur le rebord de l'évier. Non sans voler au passage un paquet de gâteaux dans le placard attitré. Picorant, j'observe Mathy ranger les courses, sans l'ombre d'une initiative à y contribuer. De toute façon, il fout plus le bordel qu'autre chose. Il fait jamais les courses. Oui je suis de mauvaise foi et alors. < Livna, en fait, on n'est pas juste là pour un café. Ou pour les rêves. > Les yeux de Mathy interceptent les miens, y lisant comme un livre ouvert. Pour tout soutien, je lance par habitude un < Ouais, comme il dit. > à demi la bouche pleine et pas très concernée. Je regarde la petite du coin de l'œil, comme s'il fallait se méfier d'elle pour une quelconque raison sûrement absurde. < On n'aura peut-être pas beaucoup d'occasions de le faire, alors... voilà. On aimerait te connaitre. T'en penses quoi ? > Curieuse de la réaction de Livna, je poursuis la phrase de mon étoile par les actes. Je pose ma bouffe, me lève vers le placard à alcool dont j'en tire une bouteille de… rhum, semblerait-il. Puis me dirige vers celui contenant les verres, en sors trois shooter et pose le tout sur la table dans un enchainement parfait. < Et pour ca, on veut sortir. S'amuser. C'est la nouvelle année, nous c'est notre anniversaire et toi, c'est ta première année. Que d'occasion de célébrer !... Ensemble. > Je détaille, tout en servant le breuvage. Ce dernier mot, il est loin d'être dénué de sens, anodin. On n'a jamais convié quiconque à notre petite birthday party. Et on n'a pas eu l'occasion de la faire depuis… plus de 150 années. Pour la première fois, mes iris se posent directement sur celles de la gamine. < On sait que t'en as chié. Et si on n'est pas les plus délicats, c'est parce qu'on en a trop vu nous aussi. On te force à rien, on n'a pas toujours fait les choses bien mais on essaye, là. Et on n'a rien à voir avec cette acariâtre de Nobuko. > Je lui tends finalement son shooter pour qu'elle s'en saisisse, jette un bref regard à Mathy. Je mériterais au moins un applause pour tant de sagesse. Ouais, mon niveau est pas élevé de ouf.