mad world (lydie)

[TW : Maltraitance, viol et dépression]

[16 février 1987] Naissance de Lydie. Enfant inespérée, enfant certainement inattendue, elle entre dans le monde d’une famille déjà constitué du petit Gordon McGowan. Elle est le second choix pour les parents rois, elle est la fille d’une lignée qui s’avèrera trop dure pour elle. [5 septembre 1993] Anna lui a relevé ses cheveux blés pour les attacher en cette tresse bien spécifique des petites filles de son âge. Elle est vêtue d’un justaucorps rose pale, de collants blancs et de chaussons noirs à ses pieds. Son premier jour est immortalisé par le biais d’une photo. S’en suivra plusieurs autres dont elle ne comprendra jamais l’intention. Mais elle a fini par se mettre en tête que cela devait au moins en conforter un. [25 octobre 1996] Elle s’oppose à Ransom pour la première fois. Lydie ne veut pas suivre de cours d’escrime et n’en voit aucun intérêt. Elle crie, s’offusque, lance des choses pour essayer de taire le son de la voix de son père. Elle essaie surtout de la couvrir pour dissimuler sa peur. Cette peur qu’elle ressente à chaque fois qu’elle voit qu’il déboucle sa ceinture. Il exécute ce même mouvement, elle court, part se cacher derrière Ana dans un premier temps. Mais cette dernière ne dit rien, ne fait rien… Elle lui en veut tellement. Alors elle s’échappe et file tout droit dans la chambre de Don, absent, il joue dehors avec ses copains. Elle est seule face à la brutalité. Seule face aux remontrances, face à la solitude de l’instant. Les claquements marquent aussi bien sa peau que son esprit, elle hurle de douleur, pleure de désespoir sans recevoir une once de compassion. Lydie se plie indéniablement à ce qu’elle doit faire, à qui elle doit être selon lui. Elle n’a aucun autre choix et comprend à cet âge qu’elle n’en aura pas d’autre. [2002] Il part pour l’Armée au lendemain du chaos. Il se décide à vivre sa vie sous les encouragements de Ransom et de leur grand-père. Lydie craint pour lui, sait qu’elle risque de ne plus le revoir et se sent une fois encore seule. Le Conclave félicite les McGowan pour cet exemplarité, mais elle, elle tient simplement à garder son grand frère auprès d’elle. Elle essaie, elle échoue, elle s’isole pendant plusieurs semaines. Elle refuse de lui parler dans un premier temps, il l’a abandonné. Il l’a laissé dans cette famille qui lui demande des médailles dans les domaines qu’on a choisi pour elle. Lydie pleure beaucoup en secret dans sa chambre, mais garde la tête haute et le regard dur devant le reste. Son grand-père l’initie à la forge, se montre dur avec elle aussi. Il n’existe vraiment aucune compassion dans cette famille. Elle les déteste tous autant qu’ils sont et entrevoie une échappée en songeant à ses études supérieures. Bientôt, elle partira et elle espère qu’elle ne reviendra pas. [10 mars 2005] Sa dernière année high-school, elle participe au Spring Break pour la seule et unique fois de sa vie. Lydie s’amuse, boit, rit, vit comme n’importe quelle adolescente de son âge. Elle en oublie les examens, le poids sur ses épaules. Elle connaît un garçon avec qui elle perdra sa virginité. Elle ne le reverra plus, mais au moins, elle a pu vivre normalement. Elle a pu oublier ce qui dépendait de son nom de famille, elle était une adolescente. Elle sait qu’elle part l’année prochaine à l’université et espère rejoindre une confrérie. [2007] L’appel téléphonique de son père devient insistant. Elle finit par lui répondre, prête à lui raccrocher au nez au moment où la nouvelle tombe. Anna n’est plus. Le sentiment d’abandon lui revient en pleine figure, elle ne l’avait pas vu venir encore une fois. Lydie raccroche sans même se rappeler les mots qu’elle a échangé avec son père. Le vide la submerge d’un coup alors qu’elle n’aurait jamais cru ressentir ça pour l’un d’entre eux. Elle retrouve rapidement ses affaires, part en direction de la maison familiale. Tout s’est enchaîné trop rapidement pour elle. La veillée, l’afflux de monde, les visages connus du Conclave, les échanges d’informations. Il y en avait trop d’un coup pour elle. Don n’a rien arrangé non plus, ivre, violent. Ce n’était pas le moment pour elle. Mais elle est ravie de le savoir à ses côtés. Elle a tant eu besoin de lui pendant tout ce temps. Les funérailles se terminent, la réalité les rattrape. Il part à nouveau, il l’abandonne encore. Et c’est à elle de tenir bon maintenant. Elle se décide à déménager depuis sa chambre de colocation pour revenir ici. Continuant à suivre ses études, sa vie lui échappe complètement et elle se retrouve bien souvent à accompagner Ransom en Italie pour des réunions. Elle ne sait pas vraiment ni le pourquoi ni le comment, elle est un fantôme. [11 novembre 2009] Lydie est devenue la fille parfaite pour Ransom. Le suit comme un vulgaire chien, tient sa place auprès du Conclave et montre qu’elle sait tenir tête. Elle ne craint rien ni personne, parce qu’elle sait qu’elle est protégée. Elle se voile complètement la face au point de croire que ceux qu’elle déteste dans le fond, puissent être des bonnes personnes. Elle participe à certaines missions, aide, renseigne. Diplôme en poche, elle use de cette carte pour s’infiltrer là où elle se croit importante. Elle est à un apogée qu’elle aurait dû éviter, mais elle est bien trop naïve pour en prendre conscience. Ce qu’elle recherche : de la reconnaissance.  [12 décembre 2012] Le jour de la fin du monde selon les Incas. Le jour de la fin de son monde. La soirée a bien commencé pour le Conclave. Tous parfaits dans leurs costumes, toutes élégantes dans leurs robes. Elle ne déroge pas à la règle. Elle boit, elle danse, elle se laisse berner, se laisse entraîner parce qu’elle ne craint rien. Elle se croit protégée. L’erreur la submerge, le démon l’immobilise, agrippe sa chair, bâillonne sa bouche. Elle tremble, hurle, pleure à en vomir, mais il ne la relâche qu’une fois son office faite. La laisse gisant au sol, souillée, effrayée. Il lui donne des directives, l’oblige à se taire sous peine d’attenter à la vie de son père et son frère, il l’informe qu’il recommencera encore et encore. Jusqu’à ce qu’elle finisse par accepter, jusqu’à ce qu’elle le supplie. Il croit au syndrome de Stockholm, Lydie, elle, ne croit qu’à sa fugue. Avril 2013 : Elle a fui depuis, Lydie. Elle a cherché à protéger son frère sans rien lui donner d’autre que son absence. Elle ne sait plus qui elle est vraiment, si ce n’est cette peur qu’elle entraîne avec elle partout. Elle se dégoute, elle est malade à chaque fois qu’elle y repense et il lui arrive même la nuit de se réveiller dans le même état. Elle en cauchemarde, rêve de le voir mort. La solitude l’enlace de ses affres les plus virulentes, elle perd complètement pied, ici en Islande. Seule solution qu’elle a trouvée pour survivre ou pour mourir. Elle ne le sait pas encore très bien. Et puis l’annonce la frappe au visage d’un coup de poing qui entre jusque dans ses entrailles. Les pleurs ne couvrent pas assez son chagrin, contre toute attente, elle le garde. Parce qu’elle ne peut pas ôter une vie qui n’a rien demandé à personne. [13 septembre 2013] Les contractions se succèdent de plus en vite, elles ne ressemblent en rien à ce qu’elle a pu ressentir avant. Le travail a commencé depuis la veille midi, les heures se sont enchaînées comme un calvaire. Et puis la délivrance arrive enfin. Lui fait rencontrer pour la première fois le petit être qu’elle prénomme Laurits pour parfaire la couverture qu’elle met en place depuis. Elle lui donne, malgré lui, des origines norvégiennes et un nom qu’elle ne porte que sur un morceau de papier. Mais elle l’aime. Comme elle continuera de l’aimer tout au long de sa vie. [2014] Sa couverture a failli lui échapper. Prix d’un manquement à sa vigilance, heureusement une immortelle du nom de Lova lui vient en aide. En échange de quelques informations concernant le Conclave. Ce qu’elle lui demande en plus d’une identité infaillible avec un passé, qu’il n’arrive rien à son frère. Gordon n’y est pour rien et doit certainement fouler ciel et terre pour la retrouver. Mais Lydie ne le veut pas. Elle préfère garder sa petite vie, ici, en tant que volcanologue. Personne ne connaît rien d’elle, elle s’invente un passé, un père parfait pour Laurits. Elle n’est qu’un nombre, rien de plus. [Fin 2021] Laurits a huit ans aujourd’hui, il est un beau petit garçon plein de vie avec une soif d’apprendre de son âge. Il en fait sa fierté à Carol. Ils continuent leurs petites vie dans cette ville islandaise, sans savoir exactement quand le monde les rattrapera. Peut-être maintenant ? Parce qu’il lui a demandé un voyage à Disneyland Paris et elle a cédé. Le Père Noël a été très généreux cette année et voilà qu’ils risquent de se mettre en danger pendant ce voyage. Carol appréhende beaucoup, regarde sans arrêt les billets en date de 2 au 6 février 2022. Mais elle est accompagnée moralement par celle qui restera pour toujours une mère pour elle. Cette immortelle qui l’a recueilli pendant neuf ans.