and the waltz goes on (amanda)

[001] Amanda est née au sein d’une famille de banquiers et planteurs de cotons – père et fils se transmettant une vocation qu’elle n’a entraperçue qu’entre deux conversations où on lui faisait – toujours très poliment – comprendre qu’elle n’avait pas les aptitudes pour se prononcer sur le sujet. N'importe quel sujet. C’est peut-être parce qu’on lui a appris à se taire avant de lui apprendre à parler qu’elle possède, encore aujourd’hui, une retenue presque naturelle qui lui donne tantôt un aspect réservé et presque timide, tantôt un côté distant. [002] Il y a des choses qui ne changent pas, qu’elle a peur de ne jamais voir évoluer. C’est peut-être prétentieux – le peu de fois où elle a abordé le sujet, elle a eu l’impression de l’être, en tout cas – mais ça fait près de 200 ans qu’on lui répète la même chose et, qu’inconsciemment ou consciemment, on la rabaisse à une seule et unique chose : son physique. Amanda est belle, elle le sait parce qu’on vante la douceur des traits de son visage dans le meilleur des cas, accompagne le compliment sur ses longues jambes d’un regard lubrique dans le pire. Et parce qu’Amanda est trop gentille, qu’elle ne veut pas froisser son interlocuteur ou créer un quelconque froid, elle s’est longuement contenté de la même réaction figée – un sourire contrit gorgé du malaise ressenti – avant d’oser s’indigner. Il lui aura fallu une centaine d'années. [003] Parce qu’elle en a tant été privée, Amanda possède une affection particulière pour le savoir et un attachement profondément marqué envers l’instruction. Qu’elle soit interdite ou volontairement bafouée, son éducation a longuement frôlé le néant et ce n'est pas quelque chose qu'elle avoue aisément. De la demeure familiale à celle maritale se sont toujours élevé les suppliques d’un apprentissage refusé par tous, sauf son oncle. A fortiori, elle n’a que très peu d’empathie et est même plutôt dédaigneuse envers ceux qui, d’une façon comme d’une autre, dénigrent la culture – en la refusant, en la maltraitant ou pire, en la détruisant. [004] New-York et, dans la même intervalle, Londres, ont été ses réels coups de cœur – Roaring Twenties ou Tawdry Twenties, tout dépend du point de vue et à cette époque, Amanda est très douée pour fermer les yeux tout en restant témoin d’un snobisme qu’elle passe sous silence. Elle préfère les soirées masquées, grecques, victoriennes ou russes, déguisée entre les murs de Belgravia ou ceux de Saint-John Wood, puis les garden parties plus calmes où elle ment sur son âge, sur son identité, sur son passé et se laisse passer la bague au doigts pour que cessent les questions. De la Grande Dépression, elle ne retient, très égoïstement, que les patronymes des emblèmes qu’elle fréquente et dont elle se sert pour se faire une place dans la société mondaine : des dramaturges, acteurs, photographes, compositeurs, auteurs et danseurs. Son goût pour les arts déjà marqué ne fait que s’accentuer, tout comme l'hédonisme auquel elle se prête. [005] Parce qu’Amanda est sensible et qu’elle a du mal à ne pas ressentir de compassion pour le monde qui l’entoure, elle sait qu’elle est le genre de personne qu’on apprécie sans qu’elle n’ait besoin de se donner le moindre mal. C'est pas compliqué de l’aimer quand on sait combien elle peut être attentionnée – c’est la voisine qui n’a pas oublié l’anniversaire de la vieille acariâtre au bout de la rue, qui se souvient de la façon exacte dont ses collègues prennent leur café ou qui dispense des cours supplémentaires pour clarifier les potentielles zones d’ombre à l’approche des examens. [006] C’est parce qu’elle dégage ce truc et sans doute parce qu'elle est trop timide pour avoir la verve qui soulève les cœurs, que son calme olympien a au moins le mérite de lui conférer un port altier qui dédouble son charisme. C’est comme une carte qu’elle sortirait de sa manche par surprise – ça lui permet de capter l’attention de son auditoire sans sourciller et rallier autrui autour d’elle sans vraiment se fouler la cheville, et surtout sans réellement se dévoiler. [007] Étrangement, elle n’a été capable de brûler que très récemment l’échange épistolaire qu’elle a entretenu avec son frère une fois envoyée chez son oncle à New-York. Rien de très glorieux, elle en a même particulièrement honte en y repensant. Un ramassis de jérémiades, des syllabes à l’encre colorée par l’amertume, forgée par ce passé sudiste dans lequel il se complaisait et se réfugiait. Et des reproches, particulièrement nombreux et cuisants envers son mode de vie jugé léger depuis son départ de la Géorgie. [008] anecdote, information importante, détail à savoir sur le personnage. [009] information importante, anecdote, détail à savoir sur le personnage. [010] anecdote, information importante, détail à savoir sur le personnage.