until we meet again

may the road rise up to meet you. may the wind be always at your back. may the sun shine warm upon your face; the rains fall soft upon your fields. -- @Astra Ackerman

Suède, région de luleå, fin avril 2020.

Aux rendez-vous qui se prennent pour se conclure sur un départ précipité. Quand les habitudes se perdent dans le temps, quand l'Historienne n'obtient plus de nouvelles de son amie, l'agitation se naît. Astra, postée de l'autre côté du globe, animée par les mêmes passions, elles sont celles qui racontent les histoires du passé. L'antiquité comme point commun, l'une spécialiste des grecs, l'autre de l'urartu.

Les appels ont subitement pris fin, tout comme les emails ou autre messages. Une dissonance qui crispe l'Arménienne. Bien que chacune possède sa vie, les deux jeunes femmes ont toujours pris le temps de se prévenir.

Depuis novembre, les mois ont passé. Dans cette situation désagréable, et malgré les relances, l'Amie n'est plus qu'un lourd silence. Sous cette évidence, Yeva s'est laissée mener par son intuition, quelque chose s'est produit.

Le réseau immortel façonné sur les années, elle trouve auprès de Rosalyn une aide précieuse. Malgré son appartenance aux Adorateurs de l'Hydre, ce qui déplaît à l'Immortelle, enfant de Prométhée, leur appartenance n'a su empêcher le tissage de leur lien. Yeva chérit leur différence, trouvant dans ce chemin contraire, un apprentissage passionnant sur les deux structures. L'esprit analyste aime associer, comparer et opposer, et même si les mots de Blackthorn sont séduisants, il n'en atténue pas sa loyauté. L'Historienne a tant accompli avec les Adorateurs qu'elle ne pourrait s'en détourner.

Aux côtés de l'Amie et de son époux, le voyage s'entreprend pour retrouver Astra. Dans un hasard qui n'existe pas, elle serait accompagnée d'une descendance que Rosalyn, un Immortel.

Les pistes les mènent vers un nord sans fin. Au sommet de la Suède, niche de vaste paysages vierges, là où les villes sont espacées par des centaines de kilomètres : l'endroit parfait pour se cacher. Une aiguille dans une botte de foin. Là où l'expression prend tout son sens. Pourtant, c'est en ville que Rosalyn décide que le groupe s'arrête, à la promesse qu'Astra y est et qu'elle sera seule. Il y a comme une idée derrière la tête de l'Anglaise.

Petit matin, après une nuit où l'agitation a pris le dessus sur le repos, Yeva découvre un mot sur la table, annoté d'un lieu et d'une heure. Les deux époux sont absents et elle ignore où ils sont partis.

L'Arménienne s'emmitoufle dans des vêtements bien chaud. Un long manteau vert sapin, le bonnet anthracite et l'écharpe bordeaux pour sortir en ville et se rendre au magasin indiqué.

Magasin de décoration, elle y franchit l'entrée, et parcourt d'un oeil averti les allées, dans l'espoir d'y percevoir Astra. À cette recherche qui dure depuis novembre, l'appréhension se naît, d'être enfin si proche du but.

Après quelques minutes à tourner en rond dans l'espace, une silhouette l'interpelle. Astra ! Son coeur bondit, et au lieu d'agir avec prudence, elle laisse submerger par l'émotion. Sa main attrape le bras de son amie, concentrée au rayon peinture, pour lui donner une étreinte. « Je suis si heureuse de t'avoir enfin trouvée. » Les mots tombent en même temps que son apaisement. Elle relâche leur contact et le regard tombe sur ce ventre en grossesse. La surprise se dessine sur son visage jusqu'à en perdre quelques secondes ses moyens. Il s'en est passé des choses depuis novembre.


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Everyone suffers at least one bad betrayal in their lifetime. It’s what unites us. The trick is not to let it destroy your trust in others when that happens. Don’t let them take that from you. @Yeva Gabrielian

Cette fois, Eirik a craqué. Impossible pour lui de rester une demi-heure de plus planté au rayon peinture du magasin de décoration de la ville, pendant qu’Astra vit une sorte de petite crise existentielle. Elle ne parvient pas à se décider entre le violet lavande et le violet lilas pour la chambre des jumeaux. Eirik a beau avoir les sens surdéveloppés, il ne voit aucune différence entre les deux nuances de violet. Astra affiche une moue boudeuse en lui disant qu’il n’a tout simplement pas l’œil d’un artiste. De la nuance du violet dépendra celle du vert qui l’accompagnera : vert amande, vert céladon, vert d’eau… Eirik veut bien peindre tous les murs de n’importe quelle couleur mais par pitié, qu’elle les choisisse une bonne fois pour toutes. Face au désespoir de son âme sœur, Astra se résout à le libérer de ses obligations – autrement dit, elle le laisse aller faire le reste de leurs achats dans la boutique d’à côté. De quoi laisser à la jeune immortelle tout son temps pour se décider sur les couleurs parfaites. Au fond, Astra sait que c’est futile. Ils devraient se contenter du strict nécessaire pour leurs enfants, parce que leur petit chalet au cœur de la forêt n’est qu’un refuge temporaire. Eirik lui a promis que personne ne les y trouverait, qu’ils pourraient y rester quelques années… Mais elle n’en est pas convaincue. Quand elle songe à l’avenir avec les jumeaux, elle ne parvient pas à les imaginer vivre paisiblement en Suède, loin des horreurs du Conclave Écarlate et de leurs complices. Elle a pourtant besoin de ces pots de peinture, aussi ridicule que cela puisse paraître. Peu importe combien de temps ils séjourneront au chalet, Astra veut que les jumeaux viennent au monde dans un endroit parfait pour eux, et dans un semblant de normalité. Alors, oui, elle a besoin des teintes parfaites pour leur chambre. Et après une longue réflexion, son choix se porte sur le violet lavande et le vert amande ; elle met deux pots dans son panier, plusieurs pinceaux et elle s’apprête à se diriger vers les caisses pour aller retrouver Eirik à côté lorsqu’un terrible frisson la traverse et lui glace le sang. Un mauvais pressentiment ; son don de prescience qui s’éveille pour la mettre en garde juste avant que quelqu’un ne l’attrape par le bras. Le geste a beau être délicat, Astra a un violent mouvement de recul pour se défaire de ce contact étranger.

Son rythme cardiaque accélère, elle fait tout juste attention aux mots prononcés par la jeune femme qui lui fait face. Yeva. Un autre fantôme de son ancienne vie. Une autre personne qu’elle n’aurait jamais dû revoir. En une seconde, elle se revoit à Saint-Pétersbourg, violentée et menacée par Lazarus, elle revoit Eirik et elle fuir la Russie et la seconde d’après, elle imagine un nouveau départ précipité pour échapper au Conclave. « Ne me touche pas. » Ce sont les premiers mots qui lui échappent, tandis qu’elle pose doucement son panier à ses pieds – c’est un miracle qu’elle ne l’ait pas lâché sous le choc. Par réflexe, elle recule d’un pas, une main posée sur son ventre de façon protectrice. Une grimace déforme ses lèvres, elle dévisage la femme qu’elle considérait autrefois comme amie et qui lui apparaît soudain comme une menace potentielle importante. Après tout, toute douée de clairvoyance et de prescience qu’elle soit, elle avait été incapable de déceler le monstre qui se cachait en Lazarus. Elle ne l’avait vu que lorsqu’il avait montré les crocs et l’avait mordue. « C’est… C’est le Conclave qui t’envoie ? Shani ? Mon père, peut-être ? » Dans sa voix il y a du dégoût, et surtout de la peur. Elle se demande si elle ne serait pas victime d’une malédiction : à chaque fois qu’Eirik et elle se séparent, il se passe quelque chose, quelqu’un la retrouve et elle se sent comme un animal acculé par les chasseurs. En plein milieu d’un magasin, entouré par des dizaines de personnes, elle ne risque pas grand-chose… Mais, et après ? « Combien de personnes Eirik va-t-il devoir encore tuer pour que vous nous laissiez tranquilles ? » Astra prend une profonde inspiration ; expire longuement. Elle meurt d’envie de prendre ses jambes à son cou pour aller rejoindre Eirik, mais elle ne peut pas se permettre de se faire remarquer. À chacune de leurs sorties, c’est la même chose : ils doivent garder profil bas, éviter les endroits où il y a trop de caméras, ne sympathiser avec personne… Être invisibles, capable de disparaître aussi vite qu’un magicien dans un nuage de fumée. « Va-t’en, Yeva. Retourne d’où tu viens, oublie que tu nous as trouvés. Crois-moi, cela vaudrait mieux pour tout le monde. Tu n’as pas envie de savoir de quoi un immortel déterminé à protéger les siens est capable. » D’une main légèrement tremblante, elle reprend son panier et se dirige le plus calmement possible vers les caisses du magasin, ignorant du mieux qu’elle le peut les battements affolés de son cœur et sa respiration erratique.

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