Croquis et corruption (Zyanya)

@Zyanya Sáenz
Le loup, redoutable carnassier aux airs angéliques qui peut traquer la brebis égarée. Babines qui s’écartent pour savourer l’approche du faible animal. Mailles du filet qui se referment. D’ordinaire, les griffes de Klara trouvent de précieux butins et ravissent son ego. Néanmoins, avec Zyanya, les choses différent. L’équation est incomplète. Ou, plutôt, l'équation se joue de toute normalité et ne suit le cours d’un dessein imposé. Fervente admiratrice de ce qu’il publie. Ses mots qui s’insufflent en son être comme un écho à une réalité bien fade. Ces romances qui trouvent oreille attentive et œil assidu. Fanatique de poésie. Fanatique de tout ce qui touche au beau et au paraitre. L’ancienne lady n’a que faire de son goût prononcé pour le luxe et ne triche lorsqu’elle assure apprécier la littérature sous toutes ses formes. Guère ces pavés qui n’ont ni queue ni tête mais ces histoires romanesques où se plonger est un pur délice. C’est qu’elle trépignerait presque face à l’attente. Des questions plein la tête, des dessins plein le brouillon. Aventure débutée il y a déjà un moment dans celle de l'expectative du bellâtre parmi l'Ordre de l'Hydre. Chasse qu'on lui a réservée. Traque qui n'a abouti qu’à une fervente affection envers le bellâtre. Non pas qu'elle soit révélée au grand jour mais l’immortelle apprécie réellement le personnage. Et si elle revient sans cesse à la charge, tempestant face à leurs idéaux qui ne s’accordent, c’est toujours un réel plaisir que de converser et argumenter en sa compagnie. Mais d’autres buts l’appellent dans les rues de New York où elle vagabonde, talons crépitant contre le sol, cheveux balayant ce monde qui a besoin d’elle. Ce monde où le regard des humains la dérange. Sagesse qu’ils ont perdue, utilité qu’ils n’ont plus si ce n’est de détruire la terre. Lassitude qui l’envahit soudain lorsqu’une grimace se pose sur ses lèvres face à la consternation de scènes toujours plus usuelles. Heureusement, la belle s’incline bientôt à la porte du restaurant où ils ont rendez-vous. Elle pense avoir réussi à cristalliser les idées de Zyanya afin de lui proposer le bijou qui ravira ses mires tout comme ses écrits embellissent ses pommettes de notes carmin, synonyme de son intérêt accru. Poussant la porte de sanctuaire, elle se déleste de ses apparats, manteau et écharpe contre le serveur environnant. Transpirant la suffisance, Klara s’avance vers la table où son brille en lettres d’or, réservation de grande envergure pour délier les langues autour du fameux bijou. Confection dont elle se chargera elle-même. Néanmoins, pour l’heure, c’est une coupe de champagne qu’elle somme qu’on lui apporte tout en posant son carnet rempli d’esquisses sur la table à la nape immaculée. L’air chargé de musique adoucit son humeur alors qu’elle pourrait presque s’emparer de ces notes et les coucher sur le papier. Le serveur brise sa bulle stérile en apportant son dû et repart avec l'affront d'un air courroucé guère dissimulé.

@Grace Allen
Des siècles qu'il n'a pas mit un pied aux Etats-Unis, une des destinations qu'il a le plus boudé dans sa longue vie d'immortel. La dernière fois qu'il s'y est aventuré, c'était pour rencontrer Aurora, celle qui allait drastiquement changer le cours de sa vie, lui donner un sens et une direction, une raison d'exister. Celle qui serait son guide autant qu'il serait la sien ; une famille, une soeur, un repère. Sa boussole, le nom officieux qu'ils ont donné à leur constellation. Il a l'impression de la trahir en posant un pied sur le sol américain et se trahir lui même au passage. L'immortel se réconforte en restant pragmatique, ce n'est qu'une visite de routine, il a quelque chose à accomplir et il n'a pas d'autre choix, les affaires sont les affaires. C'est entre lui et sa conscience. Si il a su faire table rase du passé et se rendre en France, il peut bien s'écarter de la voie et venir serrer la main de l'oncle Sam pour la bonne cause. Il a besoin de Grace et c'est ici qu'il peut la trouver. Le jeu en vaut largement la chandelle. Ce n'est pas la première fois qu'il agit dans le dos des autres, à faire ses petites manigances. Cette fois ci, personne ne saura blessé dans le processus. Pour une fois ses intentions ne sont pas de nuire.

Ils se sont donnés rendez-vous avec Grace dans un restaurant chic. Ce n'est pas le genre d'établissement qu'il fréquente, mais personne ne pourrait le deviner. Tiré à quatre épingle, il n'a pas été difficile de sélectionner une tenue qui irait avec les circonstances. Costard, cravate et même les lunettes de star sur les yeux, il se fond dans la foule avec aise. Zyanya sait faire semblant. Le cadre est à tomber, et il regrette de ne pas avoir le temps du profiter du repas. Il a eu le temps de commander deux verres avant qu'elle arrive. Il ne sait pas encore ce qu'il va manger en revanche, il penche pour la menu végétarien. l'avantage des restaurants de ce genre c'est que les assiettes trop peu remplies pour les gros mangeurs font le bonheur de son appétit d'oiseau. Il se réjouit de sa présence, sans rentre dans l'effusion, il reste vissé sur sa chaise et retire ses lunettes pour la regarder, il faut le connaître suffisamment pour percevoir la délicate nuance dans ses yeux. Comme si quelqu'un avait appuyé sur un interrupteur et soudain allumé la lumière. Ses amitiés ne tiennent qu'à un bout de ficelle qui finit par rompre quand son mauvais caractère s'y met. C'est un miracle qu'ils s'accordent à car ils arborent de nombreuses différences. Grace est une main de fer dans un gant de velours alors qu'il n'est colosse aux pieds d'argiles. Il connait très bien sa position, un des sujets sur lesquels ils s'accrochent car elle n'a jamais réussi à le faire pencher d'un coté ou l'autre de la balance. Leurs passions sont ce qui font battre leur coeur à l'unisson et donnent vie à leurs conversations. Une relation curieuse, dans la lignée de tout ce qu'il a toujours connu. « Tu es ravissante. » Il attaque les hostilités en levant son verre pour trinquer. Il ne se donnerait pas autant de mal dans les commodités si il n'avait pas une once d'affection pour elle, même si la véritable raison de sa venue est intéressée. Zyanya fait rarement le déplacement si il ne peut pas tirer la situation à son avantage, au moins un peu.
Autant au venir aux faits. Le coeur n'est pas aux nouvelles de son dernier roman. C'est la page blanche depuis que ses recherches accaparent tout son esprit. Ce dont il a besoin c'est de son talent, tout comme elle l'apprécie pour la justesse de ses mots, quand il sait toucher la corde sensible de son coeur et éveiller l'émoi chez elle. Il zieute son plat qui ne l'intéresse que vaguement. « Comment vont les choses de ton coté ? » Il s'inquiète, poliment. « J'ai un projet qui va t'intéresser, j'espère. »