I'm tired (min-ji)

[1599] Naissance de Soon-Hee dans un village paysan au Sud du royaume de Joseon. Ses parents sont des fermiers cultivant leur propre terre. Elle est la quatrième enfant et la troisième fille.  [1609] Comme toutes les filles de son âge, Soon-Hee a appris à cuisiner, à coudre, à cultiver la terre, à être une bonne épouse et à suivre religieusement les saints principes du sage Confucius. Ce pendant, elle n’est pas encore femme, elle n’a pas encore saignée. Elle peut donc continuer à jouer au taekkyon avec ses amis dehors. [1612] Ca y est, elle saigne, elle est prête à être mariée, c’est son corps qui l’a annoncé. A la grande satisfaction de son père, elle épouse enfin son ami. La différence d'âge n'est pas si grande en plus, juste 20 ans, elle est chanceuse. Elle vit à présent dans les pièces qui lui sont attribuées avec les femmes de sa nouvelle famille. [1613] Son premier enfant, un fils. Elle a tellement hurlé Soon-Hee, quand il est arrivé. Elle a poussé et poussé, son corps lui semblant trop petit pour faire sortir la masse à l’intérieur d’elle. Mais elle a réussi. Son époux est satisfait et elle découvre ses seins en public afin de montrer ce devoir bien rempli. [1624] Les années passent, elle a toujours plus d’enfants. Peu survivent, beaucoup meurent. Ce n’est pas grave, son mari insiste toujours pour en faire plus. Ils grandissent, elle vieillit et elle se surprend à attendre le moment où les Dieux prendront son époux. [1626] Ca y est, enfin, il est mort. Son âme est partie, elle est veuve. Elle pleure pudiquement derrière son voile, derrière la porte qui la sépare du monde des hommes. Ce n’est pas de la tristesse, c’est de la joie : elle est entre les mains de son fils aîné, à présent.[DATE] description d'un événement important pour le personnage. [1636 - I] Les années ont passées, son fils s’est marié. Il est encore un peu jeune, mais c’est sa décision et elle n’a pas son mot à dire, quand le père de son épouse a accepté. Elle a donc préparé sa nouvelle brue du mieux qu’elle pouvait, la nettoyant au lendemain de ses noces. [1636 - II] Le royaume est en guerre, ou plutôt, le royaume est soudainement envahi. Un matin, ils attaquent le village. C’est un massacre : ils tuent les hommes et prennent les femmes en récompense. Soon-Hee en fait partie. [1636 - III] Elle se réveille dans la marre de son propre sang séché. Son corps hurle, son corps brûle. Elle est nue et allongée au milieu de cadavres. Elle se lève, chancelle, se lève encore. Elle entend des bruits, les soldats sont toujours là. A peine un petit groupe, juste quatre. Largement assez pour la maintenir de nouveau au sol. Elle tremble, elle tremble, elle est paralysée, elle ne peut plus bouger. Elle voit l’épée abandonnée, elle tremble encore plus. Elle la prend, elle s’avance, elle fend le crâne du premier. Un nouveau massacre. Ils la frappent, elle les coupe, elle les tranche, elle les charcute. Elle hurle et hurle et hurle et hurle. L’épée tombe, elle suit. Elle s'évanouit. [1636 - IV] Elle se réveille face contre terre, la bouche remplie de boue, de sang et de viscères. Elle pleure, elle sanglote, elle se replie sur elle-même. Elle reste là un temps, longtemps. Elle se lève quand l’odeur de la mort remplit sa bouche de vomit. Elle se traîne, Soon-Hee, elle va vers son village, vers ce qu’il en reste. On la voit arriver, on l’évite, on ne s’approche pas. Elle finit par trouver sa maison, son fils est là. Il la voit, il voit son état, il ne prend pas longtemps à comprendre. Elle a déshonoré son nom, Soon-Hee, il lui ordonne de laver son honneur de la bonne façon. Alors elle fait demi-tour et va se jeter dans la rivière. [1636 -V] Elle se réveille sous l’eau, le corps qui flotte, la tête à l’envers. Elle s’écrase contre la terre, elle tousse, elle vomit le liquide dans sa poitrine. Elle est vivante, elle est vivante. Elle se met en boule et se remet à pleurer. [1800s - I] Les années passent et pourtant elle reste la même. Elle ne change plus, elle ne bouge plus. Elle n’arrive même pas à mourir, pas assez longtemps en tout cas. Elle erre ça et là, elle a depuis longtemps quitté son royaume qui n’est maintenant plus. N'ayant plus aucun but, plus aucune chaîne, elle se met à faire tout ce qui était proscrit, tout ce qu’on lui a toujours interdit durant sa première vie. Ça lui laisse un goût amer dans la bouche et la brûlure de larmes qui ne coulent plus depuis longtemps. [1800s - II] Elle s’occupe comme elle peut, elle reprend ses entrainement, redécouvre le taekkyon, après des décennies d’abandon. Elle se découvre une fascination pour les belles armes, apprend à en admirer la forme et la force silencieuse. Mais ça ne suffit pas, elle n’a toujours rien : pas de famille, pas de passe-temps, pas d’occupation ou de but. Juste un énorme vide dans sa poitrine et l’écho de sensations étrangères dans sa tête. Sur un coup de tête, elle part en Europe et se met à vendre ses services en tant que mercenaire. Elle ne peut pas mourir, après tout, alors pourquoi pas ? [1900s] Après de longues années à se forger un nom sur le vieux continent, c’est vers l’Amérique qu’elle se tourne. Elle commence à faire trop de bruit en Europe, il vaut mieux partir. [1920] Elle est à Chicago, la ville est pourrie tout autant de l’intérieur que de l’extérieur. Il n’y a pas un seul pavé au sol qui ne soit pas touché par la corruption ambiante de la ville du vice. Et c’est pour l’une de ces tumeurs qu’elle travaille, pour la Triade. Ça se devait de finir mal, n’y avait pas d'autres possibilités. C’est ainsi que tu le rencontres : Dans une planque, au milieu d’une fusillade liée à une négociation ratée. Elle meurt, il meurt, vous vous réveillez, elle l’ignore, il t’insulte, elle le tue et elle se barre. Elle ne veut plus le voir, lui dont l’accent hongrois résonne dans sa tête depuis des siècles. [1936] Mais ça ne marche pas, évidemment. Maintenant que vous vous êtes croisés une première fois, ça ne pouvait que recommencer. Et il n’était pas seul, cette fois : une espèce de grand gaillard aux allures de gros toutou. Ça fait mal de le regarder, l’anglais. C’est douloureux de le voir si optimiste, si bon, si jeune. Elle aussi elle l’évite au possible. [1940s -I] La guerre fait rage dans le monde tout entier et elle en profite pour s'adonner à son nouveau passe temps : le vol et la collection. Et elle se débrouille bien, et ça l’occupe un temps. Elle essaie de se convaincre qu’elle arrivera à se satisfaire de cette vie. [1940s - II] Elle voyage, elle s’occupe. Elle voit du pays, retourne dans le sien, ne trouve pas ce qu’elle cherche et repart. Elle n’a définitivement plus de racines, elle est seule. Elle revient de temps en temps auprès de l’anglais, lui qui crèche avec l’hongrois, faible face à sa propre solitude bornée. Elle ne revient plus, une fois qu’il décide stupidement d’aller faire une guerre qui n’est pas la sienne. [1957] Visite inopinée en amérique, incapable de rester loin quand un jugement désaprobateur anglais pèse sur son esprit. Elle est là, quand ils sortent le cadavre de la voiture encore immergée. Elle est là quand la femme noire se réveille et vomit ses poumons. Elle la ramasse, elle relève ses cheveux. Elle entend sa douleur dans son esprit et elle a envie de fuir le plus loin possible. Elle résiste à peine, reste là où le hongrois part immédiatement. Elle reste une journée, puis deux. Elle part en la laissant avec l’anglais. C’est mieux pour tout le monde, si ni l’hongrois ni elle ne restent avec les plus jeunes. [1970s] Là où c’est maintenant sex, drogue et rock’n’roll, elle est purement et simplement alcool. Elle ne l’aime même pas, son poison, elle boit par habitude et que sa poitrine lui semble moins vide, quand elle la remplit ainsi. [2000s] L'ennui, l'ennui constant. Celui qui te prend aux tripes et qui rend séduisant le fait d’écraser ta tête contre le mur. Celui qui te fait accepter un téléphone pour garder le contact. Celui qui te fait presque supporter les jérémiades des plus jeunes dans ta tête. [2020] T’es épuisée.