I used to have a purpose | Jin

[1832, Changsha] Père pêcheur et mère travaillant comme couturière accueillirent leur second fils en soirée. Le vent particulièrement frais pour le mois de juin leur apparu comme bon signe, comme si la température aidante allait suivre leur enfant partout où il irait.  
[1839, Changsha] Premières hallucinations se rapprochant à des souvenirs qu'il a presque complètement oublié aujourd'hui. Ses parents inquiets à propos des hommes blancs tout près avec leurs bateaux et leurs cannons. Plus tard, il apprit que l'événement marquant avait été la première bataille de Chuenpi concernant la guerre de l'opium, drogue vicieuse qui étouffa la vie de son grand frère quelques années plus tard.
[1849, Changsha] Journée pluvieuse où il revient à la maison couvert de boue et d'ecchymoses, mais avec un large sourire vainqueur aux lèvres. Il a été accepté dans l'armée Xiang grâce à sa tête bornée qui n'acceptait pas un refus et après avoir fait preuves de sa ténacité. Sa mère chavire entre excitation et peur alors que son père ne peut être plus fier.  
[1852, Changsha] Le siège par la rébellion Taiping dura plusieurs mois, mais la ville tenue le coup. Yuelin se souvient encore de la savoureuse fatigue qui s'était infiltré dans ses membres en entendant que les rebelles battaient en retraite annonçant la mince, mais glorieuse victoire. Son sourire idiot qui sciait son visage en deux alors que ses genoux s'écrasaient au sol, il s'était senti respirer pour la première fois depuis des lustres. Ça avait été une soirée de célébration particulière pour lui puisqu'il avait reçu un mot d'honneur de son commandant et qu'il échangea son premier baiser avec un confrère et ami, He Chun.
[5 septembre 1861, Anqing] Avec un tel siège, ils ne s'attendaient pas à devoir se battre face à face. Le but était de les laisser crever de faim et de marcher à l'intérieur des murs sans réelle résistance. Pourtant, dans un acte désespéré, les rebelles attaquent et l'armée répond sans hésitation. Peut-être trop arrogant, Yuelin avait foncé tête baissée et s'en était bien sorti jusqu'à ce que ce ne soit plus le cas.
La vie défile devant nos yeux...
Il dû revoir ce court film jouer dans son esprit mille fois.
Reconnaître trop bien He Chun du coin de l'oeil, là, sur sa droite. Il s'entend encore et encore s'arracher les cordes vocales, puis cette douleur qui le lacère au ventre et à nouveau à la gorge. Le néant.
Il s'était redressé trop vite comme lorsque l'on se réveille d'un cauchemar. Le silence glacial et la pénombre l'avaient accueillis dans sa seconde vie, assit au milieu des autres malheureux déchus au combat, l'odeur de fer au nez. Sa main droite était enfermé dans un glaçon, la main de pierre de son amant décédé. Ses pleurs et ses cris hantèrent jusqu'à ses songes pendant plusieurs années. La même phrase s'était éteinte au creux de sa gorge à force de déchirer l'air. Pourquoi moi et pas lui ? Personne ne lui répondit.
[20 septembre 1863, province Anhui] Un nom parmi tant d'autres qui ne veut rien dire dans un village vivant de la rivière Yangzi, un visage qu'on camoufle dans le paysage. Yuelin était l'ombre du guerrier au large sourire. Un simple pêcheur qui offrait ses mains habiles pour venir en aide aux autres villageois. Tantôt il réparait un toit, tantôt on pouvait le surprendre partager ses récoltes, mais on ne se souvenait jamais du ton de sa voix puisqu'on l'entendait à peine.
En cette journée, il énonça plus de mots qu'il ne l'avait fait la dernière année. Les deux pieds dans l'eau, sa lance en bambou se figea alors qu'un voile de couleurs couvrait ses yeux. Il vit un homme, un de ceux qu'il voyait en rêve, mais sur la rive, derrière lui. Ce ne fut donc pas une surprise qu'à l'instant suivant il se retrouva face à l'homme blanc. Britannique ? lui demanda-t-il presque sèchement dans sa langue maternelle sans réfléchir. La curiosité fut piqué lorsque l'homme lui fit signe que non. Il pouvait le comprendre ? Oui. Parler ? À peu près. Un accent dur rendait quelques mots difficile à traduire et les phrases n'avaient rien de sophistiqué, mais ils arrivaient à échanger. Malheureusement, trop peu de réponse ressortit de la conversation dû à leur manière de s'exprimer. Une chose fut toutefois certaine. Yuelin savait ce qui l'attendait s'il restait dans ce village à pleurer la perte de sa moitié. Il ignorait l'avenir s'il suivait cet homme qui était connecté à lui, mais il avait la chance de comprendre ce qui lui était arrivé. Alors il suivit les pas d'Halfdan, l'homme venu du Nord.  
[1889, Tibet] La date exacte lui échappe de nos jours, mais l'année lui est très importante, car une belle journée de printemps, il vainquit son maître d'arme en combat aux jians. Certains diront qu'on l'a laissé gagner, mais il défendra son honneur bec et ongle même s'il sait reconnaître que vaincre un immortel de mille ans son aîné est très peu probable.
[1915-1917, Angleterre] Entendant que sa terre natale envoyait des travailleurs pour aider les Alliés, Yuelin se senti concerné. Il quitta Singapour pour l'Europe où il aida les siens, puis joignit Halfdan dans quelque missions pour Prométhée.
[6 août 1945, Shanghai] Les mots Little Boy ne furent jamais aussi terrifiant qu'à ce jour. Sa haine dans laquelle il avait puisé si souvent pour éliminer ses ennemis japonais lui avait semblé ridicule. C'était la peur qui l'avait alourdit et pétrifié alors que la foule sautait de joie.
En un instant, il revécu tous ses champs de bataille, il ralentit sur chaque expression au visage de ceux qu'il avait tué. Il repensa à Akiko. Et c'est la honte, l'horreur, qui l'enlaça. Tant d'innocents venaient de perdre la vie.
Ce fut le début.
Lorsqu'il réfléchit au moment où il perdit foi en l'humanité, ses pensées retournent trop souvent à cette date trop affreuse.