(zeenya #1) nothing left to loose

(@Zyanya Sáenz)
début janvier 2021

Après son voyage éprouvant à Berlin, Lupe fut surpris de trouver ses habitudes de professeur d’université réconfortantes. Lui, le vagabond et nomade, trouvait le quotidien qu’il avait à Hangzhou rassurant, comme s’il y retrouvait un équilibre. Il savait que ce n’était pas normal, il savait aussi que cette situation était temporaire, comme le reste. Parce que l’immortel n’était pas de ceux qui trouvaient cela attrayant, il avait toujours eu besoin de bouger, d’être surpris, de partir à l’aventure, tendre une main et prendre un risque pour quelque chose de juste.

Et les injustices en Chine, il avait cessé de les compter, il savait aussi qu’il était surveillé, pas seulement à l’université, mais en temps qu’un détenteur de permis de travail, étranger qui peut parler mandarin et cantonais, il pouvait aller creuser, se fondre dans la masse. Lupe savait qu’il devait évoluer en dessous du radar, encore plus aujourd’hui avec la technologie. Il avait par contre promis de reprendre ses lettres, de donner des nouvelles plus régulière, il n’avait pas de WhatsApp ou Snapchat (au grand désespoir de Mew), mais il leur avait laissé un numéro de téléphone et une adresse e-mail, pour les urgences, parce qu’il est encore old school et préfère envoyer les lettres par la poste. Il savait qu’il serait toujours le bienvenu à Berlin, mais ça ne sera pas pour tout de suite.

Debout sur l’estrade, il terminait son cours, pour la reprise, il avait attaqué le mouvement muraliste mexicain et ses héritages, un sujet qui sortait la plupart de ses élèves de leur zone de confort, mais il s’accrochaient tous pour suivre, le Mexique était de l’autre coté du Pacifique, mais Lupe ayant été là-bas par le passé, parvenait à les projeter là-bas. Quelques questions pertinentes s’élevaient dans l’amphithéâtre, d’autres avait plus des allures de clash culturels, promettant le professeur d’ajouter quelques conseils de lecture pour que ses élèves parviennent à se situer.

Fin des cours, l’immortel rangeait ses affaires, saluant les élèves qui passaient devant le bureau avant de quitter la salle. Il venait de passer la sacoche par-dessus sa tête quand son regard se posait sur une silhouette familière. Son cœur faisait un bond dans sa poitrine, coupant son souffle un instant, le temps de s’assurer qu’il ne faisait pas une hallucination. Une main se refermait sur la sangle de sa sacoche. Tout le monde avait décidé de venir le retrouver ces derniers temps. Peut-être existait-il une règle dont Lupe ignorait l’existence, une règle qui disait qu’après plus de trente-quatre ans de silence et de fuite, on finissait par perdre la main ou alors ceux qui vous connaissaient le mieux parvenaient à vous retrouver si vous ne venez pas à eux.

« Zyanya ?! » Le prénom lui échappait, écho dans la salle maintenant vide, alors qu’il descendait de l’estrade, les deux immortels en mouvement pour combler la distance entre l’un et l’autre. Lupe habituellement bavard était à court de mot, attendant un signal pour savoir s’ils se contenteraient d’une poignée de main amicale ou une accolade. « Qu’est-ce tu fais là ? » Demandait-il en éclatant de rire. Il était surpris de le voir, si loin de chez lui et surtout, il se demandait comment il l’avait trouvé, car il ne devait pas le retrouver. Il aurait même certainement dû arrêter de chercher, s’il avait commencé. Lupe qu’il ne pouvait pas en vouloir à son ami de le chercher, même après tout ce temps. Il appréhendait la raison de sa visite, comme les questions que Zyanya avait pour lui.

Zyanya sait de source sûre que si il se fait chopper, il risque de passer un sale quart d'heure, même si ça reste moins pire que de braquer une banque ou pirater des machines à sous. Ce qu'il ne nie pas avoir déjà fait par le passé, il faut s'occuper l'esprit quand on a toute une vie devant soi. Il a le vice dans le sang, mais cette fois-ci, la raison derrière son intrusion probablement illégale dans l'université est une bonne intention. Personne ne voudra l'entendre, sa conscience elle s'en satisfera pour aujourd'hui. Surtout qu'il ne passe pas vraiment inaperçu et qu'il n'est pas capable d'aligner deux phrases sans bafouiller et sentir ses mains trembler dans ses poches. Sortir un guide touristique maintenant serait griller sa couverture et le mettre dans de beaux draps. Heureusement pour lui, on ne lui a pas posé trop de questions et la technique du hoodie sur la tête est aussi efficace que dans un blockbuster, au grand dam de son amour pour le style. Il n'en a pas pour très longtemps, la faute de goût sera rapidement oubliée. Il rentre, il ressort avec Lupe et il ne remet plus un pied ici.

Trouver Lupe a prit un temps fou et même avec tout l'aide possible, il a bien failli abandonner. C'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin, trouver un immortel parmi sept milliards d'être humain relève de l'impossible. Ce qui est une bonne chose, il apprécie les défis et les probabilités. Bien que pour l'instant, il estime que tout est dû à un coup de bol monstrueux ou un grand coup de pied au cul de la part du destin. C'est le moment où Izel devrait se la ramener et lui rappeler que leurs dieux veillent toujours sur eux. Chercher les signes, elle dirait probablement un truc du genre.

Il n'écoute que d'une oreille ce qu'il est en train de raconter à ses élèves, un petit sourire en coin, parce que ça lui ressemble tellement d'être prof. C'est quelque chose qu'il lui colle à la peau et Zyanya l'imagine sans mal à ce poste ou en père de famille idéal. Il est pétri d'admiration pour cet homme et dans sa poitrine, son coeur bat la chamade. Plus de trente ans qu'il se pose des questions, chaque jour. Il fût un temps où les retards de lettres ne l'inquiétait pas. Des océans entre eux qui ne rendaient pas les échanges des plus faciles. Ce n'est plus vraiment une excuse maintenant, et au fil des années, il a commencé à se dire que quelque chose clochait réellement. Il a même imaginé le pire. Sachant que si pire il était arrivé, il n'aurait eu aucun moyen de le savoir. Lupe est bien vivant, il se tient à quelques mètres et la distance lui paraît encore plus insoutenables maintenant. Le son de sa voix est suffisant à calmer ses angoisses et lui faire oublier qu'il n'a rien à faire ici.

Lorsque le cours se termine enfin et que la salle se vide, il retire sa capuche en grand bandit qu'il est et s'approche de l'estrade. Il voit l'exact moment où le passé de Lupe lui revient en pleine figure et appréhende sa réaction. « Professeur Oakley, hm ? » Quelle question à la con, il pense. Qu'est-ce qu'il fait là ? C'est évident pourtant. L'autre ne donne pas de nouvelle, pas même un petit mot et il s'étonne que Zyanya fasse le tour du globe pour lui mettre la main dessus ? Au point où il en est, il pourrait même se catapulter dans l'espace pour retrouver des traces de Lupe. « J'ai envie de dire Joyeux Noël mais c'est un peu tard et je ne pense pas être un cadeau. » Puisqu'il ne fait pas le premier pas, Zyanya le fait après un bref regard de droite à gauche pour s'assurer qu'ils sont bien seuls et qu'aucun étudiant ne va débarquer pour venir chercher un livre qu'il aurait oublié. Il le prend dans ses bras un court instant, chassant toute ambiguïté possible qu'il n'est pas en mesure d'assumer ici, bien qu'il ne serait pas contre de rester là toute la journée. Il en oublierai presque ce qu'il est sensé dire, qu'il est sensé grogner - au moins un peu - et lui reprocher ce silence radio effrayant. Pour une fois, il n'a pas envie de lui prendre la tête et n'importe qui de l'entourage du mexicain trouverait à dire qu'il a du tomber malade ou qu'il a prit un coup sur la tête, parce qu'il aurait déjà pourri quelqu'un d'autre. Sauf que ce n'est pas quelqu'un d'autre et Lupe mérite amplement son respect et ce qu'il lui reste de tendresse. Le revoir est déjà un cadeau du ciel. « Je t'ai cherché partout, tu n'imagines pas à quel point ça a été difficile de te trouver. » Les questions se bousculent. Pourquoi est-il parti ? C'est ce qui l'intéresse le plus, pourquoi a t-il cessé soudainement de donner des nouvelles. Pourquoi vouloir à ce point qu'on ne le trouve pas. Il aurait du se douter que ça l'inquièterait, il espère. A force d'être égoïste et de dire à qui veut bien l'entendre qu'il se fiche des autres, si ce n'est Aurora et les autres membres de sa constellation - et surtout Aurora - il a peut-être réussi à convaincre le monde que c'est le cas.
Et, il y a quelques années oui, ça l'aurait été. Il aurait pu se dire que Lupe fait ce qu'il veut de sa vie et qu'ils n'ont jamais placés de barrière, de limites, de règles dans cette relation étroite qu'ils entretiennent, qui n'a même pas de nom, alors il n'y a rien à redire. Quelque chose à changé pourtant, quelque chose d'invisible qui le tracasse trop pour le garder secret. De toute façon, les secrets connaissent tous la même issue ; ils sont soit dévoilés, soit il va mourir avec.

« J'ai envie de dire Joyeux Noël mais c'est un peu tard et je ne pense pas être un cadeau. - Arrêtes de dire des bêtises, tu veux ? » S’esclaffait l’immortel, notant le regard que lançait son interlocuteur, avant de compléter la distance entre eux pour le prendre dans ses bras. Surpris, mais pas contre la marque d’affection du Mexicain, Lupe l’enlaçait à son tour. « Je suis content de te voir. » Déclarait-il doucement, alors qu’il le libérait presque aussitôt qu’il sentit son camarade libérer son étreinte. Zyanya n’était peut-être pas un cadeau pour tout le monde, mais Lupe n’avait jamais vu ce côté de son camarade, en tout cas pas celui que d’autres semblait avoir eu le droit de se confronter. Oui, l’immortel avait du caractère, comme tout le monde, mais il avait aussi un bon fond, en tout cas assez pour que lui trouve grâce, acceptant autant ses défauts que ses qualités.

Heureux de le voir oui, néanmoins, il ne pouvait s’empêcher d’avoir un sentiment de gênant, conscient qu’il n’était pas venu ici simplement pour prendre des nouvelles. Un peu à l’image de la visite d’Agnès qui l’avait confronter à ses trente-quatre, bientôt trente-cinq années d’absence et de silence pour le ramener à vivre des flash-back dans les rues berlinoises. Il était allé sur la tombe de Clarence avec elle. Il s’était excusé de ne pas être venu plus tôt, il lui avait répété que c’était un idiot d’avoir voulu le protéger d’une balle alors qu’il savait qu’il été un immortel. Il lui avait dit qu’il reviendrait le voir pour lui raconter ce qui s’était passé après le réveil. Une promesse à un mort, voilà des mots qu’il n’était pas obligé de respecter parce que personne ne lui en tiendrait rigueur. Au moins, Clarence n’était pas enterré dans le cimetière où Lupe avait enterré son fantôme, son squelette dans le placard.

« Je t'ai cherché partout, tu n'imagines pas à quel point ça a été difficile de te trouver. » La voix de Zyanya le tirait de ses réflexions, il le regardait à travers ses lunettes fumées un instant, hochant la tête distraitement, un sourire gêné s’esquissant sur ses lèvres. « C’était un peu l’idée, admettait-il, que l’on ne me trouve pas. » Précisait-il, ne voulant pas blesser son ami qui avait fait tout ce chemin pour le voir. Ses mains étaient revenues se poser sur la sacoche, l’une d’elle serrant la sangle alors qu’il haussait un sourcil. « Il faudra d’ailleurs que tu me dises comment tu m’as retrouvé, mais avant allons-nous en d’ici, demain matin j’irais voir l’administration qu’on te fasse un passe pour invité, histoire que tu ne rentres pas sur le campus comme un voleur. Tu pourrais avoir des ennuis. » Il le taquinait bien entendu, même s’il y avait du vrai dans ses propos, la Chine n’était pas réputé pour être la plus conciliante avec ses habitants et Lupe avait passé ses dernières années dans le pays à passer des informations à plusieurs organisations des droits de l’homme. Des fréquentations qu’il savait lui valait d’être surveillé lors de certain de ses déplacements, même si son poste de professeur lui avait donné une fausse impression d’immunité. Il parlait déjà de demain matin, comme s’il s’attendait à ce que Zyanya reste en ville quelques jours. Il l’espérait, même si bien entendu ça faussait un peu tous ses espoirs de se fondre dans la masse (autant qu’un occidental d’un mètre quatre-vingt-seize le pouvait). Il ne pensait pas qu’on ait pu suivre son ami, sauf s’il avait laissé des petits cailloux sur son chemin, dans l’espoir que s’il ne trouvait pas Lupe, ce dernier finirait par venir à sa rencontre. « Tu es en Chine depuis longtemps ? Il s’est passé quelques choses ? » Si Zyanya lui donnait l’impression qu’il été là pour lui, ce qui le dépassait, il était curieux. Qu’est-ce qui poussait l’immortel à entreprendre des recherches pour un homme qui ne voulait pas être retrouvé. Comme pour Agnès qui avait débarquer dans l’espoir qu’il reconnecte avec la Constellation et qu’il ne soit pas le seul absent à l’une de leur rare réunion, il soupçonnait que Zyanya avait quelque chose à lui dire. Ça ne pouvait pas être qu'à propos de lui, si ?

Dans l'idéal, il souhaiterait ne pas avoir à réitérer son intrusion dans une université, même de manière légale. Il n'a rien à faire ici. Les études, ce n'est pas pour lui, nombreux ont essayé de lui enseigner des choses. Zyanya est têtu et il se laisse vite, surtout quand il ne réussit pas du premier coup. Du genre à baisser les bras si rien ne va dans son sens, il imagine que des professeurs préféreraient volontiers s'arracher les cheveux que le supporter. Il ne pourrait pas s'empêcher de garder pour lui tout ce qu'il pense. Sans parler de côtoyer d'autres personnes. C'est oublier qu'il a passé les derniers siècles en petite comité, qu'il s'agisse d'Aurora, Lupe ou simplement sa constellation. Rarement plus de dix personnes à la fin. Même pour écouter la voix de Lupe, il n'a pas envie de passer une année entière enfermée avec des étudiants. Bien sur, il n'imaginait pas que Lupe allait tout quitter pour lui, mais il est peiné. Il a l'impression que l'homme est très bien ici et qu'il dérange, qu'il s'est bien accommodé à cette vie, comme si il n'avait pas fait le mort pendant trente ans. Coupant toute communication. Sa présence lui fait plaisir, mais elle n'était pas demandée et il aurait pu s'en passer. Il se concentre pour passer au dessus de ses doutes. Il a quelque chose à faire et il n'a pas le droit de baisser les bras avant de lui avoir dit ce qu'il a sur le coeur. Il s'est paré à toutes les éventualités, même si l'une d'entre elle est le tant redouté rejet.

« Il faudra d’ailleurs que tu me dises comment tu m’as retrouvé, mais avant allons-nous en d’ici, demain matin j’irais voir l’administration qu’on te fasse un passe pour invité, histoire que tu ne rentres pas sur le campus comme un voleur. Tu pourrais avoir des ennuis. » Si il savait le quart des choses qu'il a fait pour le retrouver, toutes les personnes qu'il a retrouvé et celles avant qui il aurait souhaité ne pas se frotter. Il était prêt à faire n'importe quoi pour avoir un nom, une adresse, il est étonné de ne pas avoir eu à en arriver si loin. C'est parce qu'il a du garder le secret, ne pas inquiéter Aurore ou faire naitre des soupçons, bien qu'il soit secret de base. Toujours en train de préparer un coup foireux, la jeune femme y est habituée. Haibutée aux réponses qu'il évite avec de belles pirouettes. Zyanya sait ce que c'est de fuir, souvent il le fait non pas parce qu'il a peur mais parce qu'il ne sait pas comment s'y prendre. Tout s'est joué sur des circonstances favorables et beaucoup de chance. « Un magicien ne dévoile pas ses secrets. » Il ironise.

Lupe lui semble nerveux, il se demande si il craint quelque chose ou si il est dans l'attente de quelque chose, ce que confirme son ultime question. « Tu es en Chine depuis longtemps ? Il s’est passé quelques choses ? » Tu es parti. Est la réponse acerbe qu'il lui aurait craché au visage si il était capable d'être aussi venimeux avec lui, comme il l'est avec les autres. Il a tendance à mordre. Avec Lupe, c'est différent, il ne sait pas l'expliquer, il est capable de faire un pas en arrière et y penser à deux fois. Il refuse de le blesser, de malmener ses sentiments. Avec lui, il ne veut pas jouer au chantage effectif, il veut être le plus authentique possible. « Deux mois bientôt, de longues vacances. Je n'avais jamais vu cette partie du monde. » En dehors de ça, il ne s'est rien passé, si ce n'est Izel qui est venu lui annoncer dans le blanc des yeux qu'elle allait mourir après des siècles de silence. Pas envie de balancer ce genre de fact qui risque de plomber l'ambiance. La mort définitive est un tabou entre eux, surtout après ce qui s'est passé avec Jorgen. Zyanya ne lui en veut pas, ce n'est pas de la faute de Lupe. C'est sa faute à lui, il n'avait qu'à dire oui et foncer tête baissée dans cette guerre barbare. Il y a beaucoup de choses qu'il aurait du faire plus tôt. Il aurait du l'embrasser quand ils étaient au Mexique mais il n'a trouvé de mieux à faire que retourne auprès d'Aurora. Il ne s'est vraiment rien passé depuis, outre quelques déconvenues très symptomatiques de l'immortel et c'est un peu le problème. Pas une lettre. Il n'a pas cessé de les attendre, d'ouvrir sa boite aux lettres avec appréhension. Il ne pensait pas le silence pouvait à ce point être assourdissant.

Il se rapproche de lui, n'ayant pas le droit de lui prendre la main il se contente de marcher à ses cotés. Tout rentre dans l'ordre comme ça. Il aime ça entre eux, c'est naturel. Qu'importe ce qui n'est pas dit. Il pourrait presque se passer d'explications -il en mérite - tant leur complicité lui importe. Telle qu'est elle. Devrait-il vouloir plus ? Il n'y peut rien si son coeur le veut. « J'avais juste envie de te voir, vérifier que tout allait bien. » Il fixe ses chaussures, effrayé que le rouge lui montre aux joues si il le regarde dans les yeux. C'est sincère. Dit comme ça, Lupe n'y verra sans doute aucun sous-entendu. C'est normal de se manquer entre amis. « Tes lettres me manquaient. » Tu me manquais. Et puis, il faut qu'ils aient une conversation. Une conversation qu'il ne veut pas avoir, mais qui doit arriver. Mais ça, il aura le temps de le brancher là dessus. Pour l'instant, il s'imagine qu'il vont rentrer chez Lupe. « Alors, c'est ici que tu habites maintenant ? » Il relance la conversation, l'air de rien. Les mains de retour dans ses poches.

Lupe souriait à la verve de son camarade, il était toujours aussi énergique et toujours aussi lui. L’immortel laissait échapper un soupire amusé, alors qu’il guidait Zyanya hors de l’amphithéâtre, parcourant le couloir qui menait au hall d’entrée du bâtiment et puis ils étaient dehors, dans l’une des cours du campus. Véritable labyrinthe pour ceux qui n’étaient pas familiers avec le lieu, il était d’ailleurs épaté que son camarade ait pu entrer sans trop de casse, puis réussi a trouver la bonne salle dans laquelle il donnait son cours. On dira que c’est leur sens ou peut-être autre chose. Lupe hochait la tête, « Et bien, j’espère que vous en avez profité un peu, et que tu n’as pas laissé Aurora seule dans une chambre d’hôtel pendant que tu menais ton enquête. » Faisait-il remarquer avec un sourire amusé.

Si Zyanya pensait pouvoir lui cacher la présence de la jolie brune à ses côtés, c’était mal connaître Lupe dont les sens développés lui permettait de sentir toute présence de personne avec qui il avait contact. L’immortel, n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer la belle, mais il avait fréquenté assez souvent Zya pour reconnaître l’odeur familière de cette dernière, revenant souvent au fil de leur rencontre, il avait même eu droit de voir un cliché. Et un jour, ils finiront par se croiser, que son camarade le souhaite ou non, s’il voulait de nouveau de Lupe dans sa vie, il allait aussi devoir partager sa sœur de cœur ou plutôt, il allait devoir le partager lui. Un secret plus ou moins bien gardé. En vérité, l’immortel n’avait jamais demandé à Zyanya pourquoi ils ne les avaient pas encore présentés, il avait toujours était respectueux du choix de son camarade de compartimenter sa vie, comme ses connaissances. Et s’ils devaient se voir, de nouveau, il ne voudrait pas que la belle reste seule dans son coin, il savait qu’elle était importante pour Zya, aussi jaloux qu’avait parfois pu être Lupe que ce dernier finisse toujours par préférer la compagnie de la belle à la sienne. Comme s’il ne pouvait pas avoir les deux.

« J'avais juste envie de te voir, vérifier que tout allait bien. » Lupe tournait la tête un instant vers Zya, ce dernier regardant ses pieds, alors il détourna le regard, un léger sourire amusé, le prenant par les épaules pour le décaler afin de ne pas rentrer dans le groupe d'étudiants venant dans leur direction. « Tes lettres me manquaient. » Le professeur eut un sourire triste, sentant la chaleur lui monter aux joues, se reprenant aussitôt en regardant ailleurs que Zyanya, parce que sinon il allait être pris dans un tourbillon d'émotions qu’il n’avait pas vraiment envie de livrer ici. Aussi grand que soit le campus, il était le seul professeur d’origine occidental qui faisait la taille d’un géant, donc on le connaissait bien. Un léger silence s’installa entre eux après cette confession, Lupe savait qu’il devait dire quelque chose, mais les mots manquaient, car il y avait de multiples raisons pour son absence, son silence et l’arrêt des lettres. Tout qui, avec le recul que lui avait offert Agnès, semblait trivial, ridicule, le parfait exemple du déni et le comportement d’un couard. Lui qui pourtant été un homme courageux, voilà qu’il avait choisi de vivre son deuil seul et partir à la recherche de quelque chose qu’il n’était pas certain qu’il avait trouvé après tout ce temps. Et maintenant son passé revenait vers lui, afin de lui rappeler qu’il n’était pas seul, qu’il n’avait pas à l’être, surtout s’il avait besoin d’aide. « Alors, c'est ici que tu habites maintenant ? - Oui, pour le moment, je vais te ramener chez moi d’ailleurs, j’habite au bord de la rivière, c’est à une trentaine de minutes. » expliquait Lupe alors qu’ils arrivaient à l’entrée du campus. L'immortel se chargera de demander les informations pour les visiteurs, obtenant un passe pour son camarade, sans que la personne en charge ne fronce trop le nez malgré le regard suspicieux à son égard. Une fois, celui-ci en main, l’immortel guidait Zya jusqu’au parking où se trouvait une moto. L’immortel sortait deux casques du coffre, en tendant l’un d’eux à son camarade ainsi qu’une couverture. « Histoire que tu n’attrapes pas la mort sur le trajet. » Même s’il restait plus résistant que les humains, ils devaient tout de même prendre soin d’eux. Il enfilé sa veste, puis son casque avant de monter sur l’engin, s’assurant que Zyanya était bien et confortable, ses bras autour de la taille de Lupe, alors que la moto quittait le parking pour prendre la direction de la voie rapide.

Une trentaine de minutes plus tard, ils étaient dans le parking sous-terrain de son immeuble, retirant leur casque et veste, l’immortel passant une main dans ses cheveux pour leur redonner un peu de volume, souriant à Zyanya. « On ne la ressortira pas ce soir pour aller manger, il y a quelques restaurants dans le coin, mais demain, si tu le souhaites, je t’emmènerai du côté de la montagne Dingjia que tu as aperçu et au temple Yue Fei, il y a plein de choses à faire par là-bas. » Lui proposait Lupe, avant de le guider vers l’ascenseur afin de rejoindre l’étage. « Du coup, où est-ce que tu as laissé Aurora ? Demandait-il en guidant Zyanya dans le couloir jusqu’à la porte de son appartement, ouvrant celle-ci pour dévoiler l'intérieur. Une pièce qui s’ouvrait sur un salon-salle à manger avec des baies vitrées et sa cuisine ouverte, un escalier contre le mur menant à la mezzanine ou se trouvait donc la partie chambre et la salle de bain. L'appartement été décorer et meubler de manière assez minimaliste, un tableau en laque chinoise dans le salon, des meuble au couleur clair ou noir, tout digne d'un catalogue ikea si on ignorait les vingtaines de théières, tasses assorties ou non qui se mêlaient aux livres et aux cactus, succulentes et autres terrarium. « Fais comme chez toi. Si tu as des affaires dans un hôtel ou quoi que ce soit, on pourra les appeler pour qu’il nous livre tout ça ici, on préviendra le concierge quand on descendra dîner. Tu veux quelque chose à boire ? »

Docilement, Zyanya s'élance à la suite de Lupe. Il le suivrait au bout du monde sans sourciller. Il est comme un enfant la veille de Noël, difficile de se contenir quand il a envie de se jeter dans ses bras. Il ne l'a pas vu depuis plus de trente ans et le manque se fait sentir. Chaque fibre de son être a envie de réduire la distance. Il a par dessus le marché l'impression d'être un jeune homme qui tombe amoureux pour la première fois, à la recherche d'un contact, d'une main qui se frôle. L'immortel se reprend. Il ne peut pas le faire devant tout le monde, pas ici, il a bien retenu la leçon qu'on lui a donné sur ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Il a du mal avec la culture ici, il ne juge pas car il y a un certains temps, il s'est retrouvé lui aussi dans une position où il était choqué des pratiques extérieures aux siennes. Il veut juste passer du temps avec son ami, son meilleur ami. Les mots lui semblent tellement faiblement comparé à ce qu'il ressent. Même si ce n'est pas un amour réciproque, le stade de l'amitié a longtemps été dépassé pour quelque chose de plus profond et plus sincère. Il hausse un sourcil en voyant la moto de Lupe, excité à l'idée de monter avec lui. Zyanya est un danger sur la route, Aurora et lui ont failli avoir de nombreux accidents parce qu'il n'est pas à l'aise avec la vitesse et les pédales. Le frein n'est pas un réflexe chez lui, si il y a un danger il a tendance à vouloir appuyer sur l'accélérateur. Un miracle qu'ils soient toujours en un seul morceau, pas de mort sur la route à déplorer. Il attrape le casque que Lupe lui tend et l'enfile. L'autre est toujours aussi précautionneux, attentif et aimant. Si il continue comme ça, il peut dresser une liste longue comme le bras de toutes les qualités qu'il lui trouve.
Il doit réellement se controller.

Il monte à l'arrière et encercle sa taille avec ses bras. Lui qui comptait réfléchir pendant le trajet se retrouve incapable de formuler la moindre pensée. Concentré uniquement sur le corps de Lupe entre ses bras. Vivant. Il a eu raison d'y croire, si il s'était vraiment passé quelque chose Agnès lui aurait dit. Lupe est là. Il le sent sous ses doigts. Il a l'impression que la virée moto n'a duré que le temps d'un battement de cil. L'endroit où vit Lupe est ravissant ce qui n'étonne pas l'immortel. L'autre a toujours eu un réel goût pour l'esthétisme. A coté, sa décoration est carrément éclectique, avec des babioles venant des quatre coins du monde, des tableaux d'Aurora et des petits trésors qu'il a chipé parce que ça brillait. Une véritable pie voleuse. Et c'est peut-être pour ça qu'il a tant envie de lui, parce que Lupe est une âme qui brille. Le casque retiré, le sourire de l'immortel se dévoile, en réponse à celui de Lupe, une chaleur sur ses joues. Il laisse ses cheveux dans un piteux état ; jamais coiffés de toute façon. « On ne la ressortira pas ce soir pour aller manger, il y a quelques restaurants dans le coin, mais demain, si tu le souhaites, je t’emmènerai du côté de la montagne Dingjia que tu as aperçu et au temple Yue Fei, il y a plein de choses à faire par là-bas [...] Du coup, où est-ce que tu as laissé Aurora ? » A peine de retour et Lupe prévoit déjà des choses. C'est suffisant pour calmer son angoisse. Il avait peur que sa présence ne soit pas très bien reçue. Si il s'est isolé aussi longtemps c'est qu'il avait une bonne raison. C'est aimable de sa part, mais Zyanya ne se fait pas d'idée. Lupe est comme ça avec tout le monde, charmant. Il donne de sa personne, il aime recevoir, il aime les gens et ce n'est pas faveur. C'est juste sa manière d'être. « Je n'ai aucune idée de quoi tu me parles mais je pense que c'est une bonne idée. Je suis aussi venu pour du tourisme après tout. » Il grince des dents, en revanche, pour Aurora effectivement... « Aurora est dans la chambre d'hôtel. J'imagine. » Il détourne le regard. Il ne lui a toujours pas dit pour "eux" comme si c'était une affaire d'état.

Il a presque envie d'appuyer sur le bouton d'urgence de l'ascenseur pour repousser l'inévitable, arrêter le temps et lui dire tout ce qu'il pense tant qu'il le peut. Avant de se défiler. Les portes s'ouvrent et Zyanya le suit. L'appartement de Lupe est magnifique. Il l'écoute à peine, occupé à tout observer, il lève la tête en l'air, du parquet jusqu'au plafond. Il s'approprie les lieux en les photographiant dans ses mémoires. Il émane une bonne énergie du lieu, rien qui le dérange. Son don n'est pas éprouvé et tant mieux, il a toujorus été envahissant. Moins sur les gens, les lieux en revanche... Sans doute pour cette raison qu'être enterré dans un cimetière a été une expérience aussi désagréable. « Fais comme chez toi. Si tu as des affaires dans un hôtel ou quoi que ce soit, on pourra les appeler pour qu’il nous livre tout ça ici, on préviendra le concierge quand on descendra dîner. Tu veux quelque chose à boire ? » Il a envie d'aller nulle part et de rester ici toute la soirée. De toute façon, peut-être qu'il se fera jeter d'ici dès qu'il aura dit ce qu'il a sur le coeur. Il ne pense pas l'autre immortel capable d'autant de cruauté. Il a préféré ne pas imaginer le rejet, il le pense assez poli et pragmatique pour juste lui epxliquer que ce n'est pas possible entre eux. « Je vais prendre du thé, s'il te plaît. » Il s'avance dans le pièce, Lupe qui s'affaire dans sa cuisine. Il peut encore changer d'avis et laisser les choses telles qu'elles sont. Pourquoi risquer de tout gâcher ? Mentir est une seconde nature chez lui, il serait plus simple de ravaler ses sentiments. « C'est sympa chez toi, j'aime beaucoup. » Il fait comme chez lui, puisque l'immortel l'a invité et s'assoit sur son sofa après avoir défait et abandonné ses chaussures dans l'entrée. La tête qui tourne. Vraiment, Lupe serait prêt à l'accueillir ici ? Avec ses affaires ? Alors qu'il vient juste de revenir. Il ne sait pas comment réagir, il ne s'attendait pas à ça. Il s'est fait des films, s'est imaginé le pire. Tout va bien, c'est le contraire, tout va bien. Il n'a pas l'habitude que tout aille bien. Il attend que l'immortel revienne pour se décider et se jeter dans la gueule du loup. Plutôt littéralement. « Lupe. Il faut que... J'ai quelque chose à te dire. » Il se mord la lèvre inférieure, nerveux.
Bien, maintenant il ne peut pas faire le pleutre. Fini de jouer.

« Je n'ai aucune idée de quoi tu me parles, mais je pense que c'est une bonne idée. Je suis aussi venu pour du tourisme après tout. - Tant mieux, je compte bien t’emmener faire quelques découvertes. » Répondait l’immortel avec un sourire et il ne lui donnait pas vraiment le choix non plus. Lupe avait eu la visite d’Agnès, il était aller à Berlin, maintenant il été de retour, mais dans quelques mois, il allait partir pour d’autres horizon, certainement même loin de l’Asie et donc, il devait en profiter lui aussi. Zyanya lui faisait savoir qu’Aurora était à l’hôtel, laissée donc libre de la présence du grand frère possessif, et âme sœur, qu’était son invité. Il pouvait sentir qu’il avait quelque chose qui le travaillait, ses sens ne lui faisaient jamais défaut (sauf lors des crises d’hypersensibilité), mais là en l’occurrence, il était bien, serein, attentif à son environnement et surtout à lui. Au point d’entendre son propre cœur battre un instant, en se faisant la remarque qu’il aurait l’air fin si ce dernier commençait à s’emballer par la présence de l’immortel.

Est-que Zyanya savait? Pour lui, pour ses sentiments, mais aussi à quel point il était désolé pour le membre de la constellation de ce dernier, de ces années où ils s’étaient séparés parce que leur ambition et implication dans les conflits humain qui n’était pas, ou plutôt, plus vraiment les leurs était différents. Et si l’Hydre avait de nouveau réussi à harponner Zya, et si Lupe était encore entre les mains de Goliath. On pouvait refaire le monde avec des si, mais il n’y avait pas un tel don dans leur monde. Il y avait déjà bien assez de personnes comme eux.

Il ne devait pas y penser, alors qu’il reprenait le fil de la conversation tout en invitant Zyanya à entrer dans son appartement, lui donnant le temps de s’acclimater a ce nouvel environnement, un sourire serein toujours sur ses lèvres. Si Zyanya été nerveux pour une raison quelconque, alors l’immortel devait trouver le moyen de le détendre le plus possible. Alors, il lui proposait quelque chose à boire, il avait de tout (oui, pas seulement du café), le sorcier passé déjà derrière l’îlot qui lui servait aussi de bar et séparateur entre le salon et la cuisine, retroussant les manches de sa chemise, après avoir posé sa veste sur l’un des tabourets.

« Je vais prendre du thé, s'il te plaît. - Pas de problème. Il partait sur le principe que Zyanya n’avait pas changé ses habitudes, sélectionnant un thé qu’il apprécierait, remplissant la bouilloire, avant de s’occuper de la machine à café. C'est sympa chez toi, j'aime beaucoup. - Oh, tu sais comme d’habitude, la plupart du mobilier était déjà là, mais je n’ai pas perdu mes mauvaises habitudes, comme tu as dû le voir, j’ai une nouvelle lubie... » Ou deux, ou trois. Il versait le café dans la machine, sortait un petit plateau, déposant sa tasse habituelle pour le café, avant d’aller récupérer une théière dans sa collection pour Zyanya, ainsi qu’une tasse pour faire un joli assortiment. « Je n'en reviens toujours pas que tu fais tout le voyage jusqu’ici pour venir me trouver, Zyanya, je dois admettre que je suis… Touché. Surpris. Curieux. Heureux. Je suis vraiment heureux de te voir. » Une déclaration sincère, en toute amitié bien entendu, et ce, malgré le regard pétillant, le sourire charmeur, rien, ne trahissait des sentiments plus fort, enfouis, et ce cœur, qui continuait à battre la chamade, tambourinant dans sa poitrine.

« Je vais même pouvoir prendre quelques jours pour te montrer la ville. » Ça serait une visite touristique entre amis, il se le rappelait, à lui, mais surtout pour le myocarde entre ses côtes qui s’emballait dès qu’il jetait un coup d’œil vers son invité. Lupe ne se laissait pourtant pas prendre au dépourvu, il avait été prudent, malgré l’arrivée d’Agnès, son voyage à Berlin. Est-ce que sa complice avait fini par vendre la mèche sur sa localisation, est-ce qu’il y avait tout un guet-apens pour le faire revenir pour de bon. Non, Zyanya été beaucoup de chose, mais il ne serait pas un de ceux qui lui demanderait de rentrer. Zya était… Lupe secouait une nouvelle fois la tête, dos à Zyanya, le regard passant de la bouilloire à la machine à café dont les effluves commençaient à s’échapper embaumant la pièce, venant se mêler à celle du jasmin en fleur.

Tout était prêt, posé sur le plateau que Lupe posait avec soin sur la table basse afin de s’installer sur l’un des fauteuil le plus porche de là où son invité s’était installé. « Enjoy ! Déclarait-il, avant de se saisir de sa tasse pour être interrompu a mi-mouvement. Lupe. - Hmm ? - Il faut que... J'ai quelque chose à te dire. » Of course. L’immortel n’était pas venu pour rien, personne ne voyageait à l’autre bout du monde simplement pour du tourisme, en tout cas pas sans être annoncé, pas lorsque la personne avait disparu pendant trente-cinq ans.

Le cœur de Lupe manquait un battement un instant avant d’apporter son attention vers Zyanya plus que pour sa tasse de café, sentant un frisson d’appréhension parcourir son corps. Est-ce que quelqu’un été mort, est-ce que son ami, qu’il avait délaissé ; ce crush, qu’il n’avait jamais avoué ; est-ce qu’il allait lui annoncer une mauvaise nouvelle, celle qui lui ferait regretter les semaines, mois, année et siècle de silence.

« Je suis tout ouïe Zyanya. Parvenait-il à articuler la gorge sèche, mais toujours ce ton réconfortant, safe space here. » Rien avait changé pour Lupe, il avait toujours donné le temps et l’espace pour l’autre s’il souhaitait s’exprimer, se confier… Tout. Il était prêt à tout entendre, ou presque.

De là où il est, son regard se pose toujours sur ses théières, attirés par les couleurs, il a envie d'y toucher par curiosité. « Oh, tu sais comme d’habitude, la plupart du mobilier était déjà là, mais je n’ai pas perdu mes mauvaises habitudes, comme tu as dû le voir, j’ai une nouvelle lubie... » Zyanya sourit, ça lui donne une idée pour son prochain cadeau, anniversaire, ou autre occasion. Ca lu ressemble tellement de collectionner des choses et d'autres. C'est quelque chose qui lui avait manqué, comme l'homme. « Je n'en reviens toujours pas que tu fais tout le voyage jusqu’ici pour venir me trouver, Zyanya, je dois admettre que je suis…- Je suis vraiment heureux de te voir. » C'est plutôt lui qui n'en revient pas que Lupe puisse penser une seule seconde qu'il ne fera pas le tour de la terre juste pour le revoir, ne serait-ce que passer un moment ensemble. Connaissant le spécimen, il est facile de penser que Zyanya est aussi rancunier qu'il est hargneux. Pas avec Lupe. Pas avec Lupe parce qu'il a confiance en lui, aveuglément certains diraient -et pas à tort- parce qu'il sait que la raison derrière son départ doit être importante. Il avait presque peur de débarquer dans une maison et voir qu'il avait rencontré quelqu'un, qu'il n'était pas vraiment désiré. Il l'a prit par surprise et ce n'était sans doute pas la meilleure méthode mais il ne pouvait pas s'annoncer. Il aurait prit le risque de donner une chance supplémentaire à Lupe de fuir et ils ont besoin de se parler. Zyanya l'a décidé ainsi et prie pour ne pas faire une erreur de jugement. Sinon, il s'en mordra les doigts.

Lupe lui a préparé son thé favori et il sourit, il s'en souvient. C'est ce genre de détail qui lui fait espérer. Il est rassuré et attristé par la solitude chez lui. Loin de sa constellation, loin de lui. Qu'est-ce qu'il a bien pu se passer pour qu'il en arrive là ? Il a tellement de questions qui trottent dans sa tête mais alors qu'il s'assoit sur le canapé, il sait qu'il ne peut pas perdre son temps à toute les poser. Parce qu'ils vont divaguer sur d'autres sujets, parler de divers choses, planifier les prochaines jours, puisqu'il vient de lui promette un vrai programme, et il va perdre cette ouverture. Il va se dégonfler si il ne lui dit pas maintenant. Pire encore il va le décevoir si après tout le temps qu'ils vont passer ensemble, il lui avoue ses sentiments et qu'ils ne sont pas réciproques. Ce serait comme profiter de lui. « Je suis tout ouïe Zyanya safe space here. » Zyanya doute qu'il soit prêt à recevoir les informations. Pas le choix. Trop tard pour reculer. « Ok. Par où comment ça fait... si longtemps ? » Il rit nerveusement et pique déjà un fard. Bien, il va aller loin comme ça. Ce serait tellement plus pratique si Lupe pouvait lire dans ses pensées, si c'était le cas, il n'aurait pas attendu 2021 pour envie lui dire ce qu'il a sur le coeur. L'autre aurait fini par le deviner. Pour n'être tombé qu'une fois amoureux dans sa vie, Zyanya a réellement eu du mal à réaliser que les siennes ont toujours été sous ses yeux, parce qu'il ne savait pas à quoi s'attendre. Pour lui l'amour, c'est surtout le coup de foudre, ce sont les baisers, les démonstrations qu'on voit dans la rue de tous les jours et les gens qui s'appellent par des surnoms ridicules. Il ne savait pas que c'était aussi, penser à lui à chaque instant, se réveiller et être heureux de savoir qu'il existe quelque part, sentir son coeur se remplir de joie chaque fois qu'ils passent du temps ensemble et n'en avoir jamais assez. Et encore pleins d'autres choses comme vouloir tout connaître de sa vie, son histoire, ses rêves, ses folies, les bêtises de sa jeunesse, les anecdotes honteuse. Juste, lui, dans tout ce que ça représente. C'est si évident pourtant et ça lui a demandé trois siècles pour que ça tilte.

L'immortel prend une grande inspiration, ses doigts refermés sur sa tasse fumante. Il baisse les yeux et fixe son breuvage, trouvant un certain calme à voir l'eau onduler quand il souffler dessus. Il se rappelle les exercies de respirations qu'il est sensé faire pour ses crises d'angoisse, et se lance. « Quand tu n'étais pas là, j'ai vraiment ressenti un vide. Tes lettres me manquaient, j'avais peur que tu sois mort. J'ai essayé d'accepter les choses et de continuer ma vie l'air de rien parce que je pensais que c'est ce que tu aurais voulu dans tous les cas. Que je m'inquiète pas. Et j'ai essayé, vraiment, Lupe, je dois dire que les dix premières années ça s'est bien passé et puis c'est devenu trop compliqué. Il fallait que je te vois... » Ce qu'il a fait est mal. Il a fouiné, enquête sur son propre ami et franchement dépassé les limites avec Agnès. « J'aurai du t'en parler plus tôt, j'avais l'intention de le faire en fait. Je suis allé à la Berlin pour ça et tu n'étais pas là. » Il n'était pas aussi déterminé qu'il l'est aujourd'hui, encore pleins de questions en suspend. Aujourd'hui, c'est une évidence, il ne peut pas y échapper. « Il y a des choses qui ont changé. J'ai passé beaucoup de temps à me mentir à moi même, c'est plus clair maintenant. » Allez, crache le morceau. « J'aime quelqu'un. , il relève les yeux, osant croiser son regard. Il veut le faire dans le blanc des yeux parce qu'il mérite qu'il prenne son courage à deux mains pour ça. C'est la personne la plus belle que je connaisse, il m'a sauvé la vie, il m'a fait découvrir le monde, il m'a tout apprit. Il fait taire la colère dans mon coeur, il me fait rire, il me dit ce qu'il pense et me blesse parfois, mais je sais que c'est pour la bonne cause et je ne lui en veux jamais. Il me rend heureux, tout simplement et ça peut paraître bête, mais pour moi, ça n'a pas de prix. »

« Et cette personne... » Son coeur n'a jamais abattu aussi fort. Il a presque peur d'en mourir. C'est toi. » Et avant qu'il n'ait le temps de se défiler et partir en courant, ce que ses jambes rêvent de faire, il se penche et l'embrasse chastement. Juste un baiser volé qui dure quelques secondes, le temps qu'il réalise ce qu'il est en train de faire et recule, la peur dans la regard. La peur de tout perdre, de balancer cette ambiguïté dans leur relation alors que tout allait bien. It's okay. Même si il devait tout gâcher, il doit se raccrocher à ça. Il a fait ce qu'il devait faire.

« Ok. Par où comment ça fait... si longtemps ? - Commence par le début ? » Suggérait Lupe calmement avec un léger rire, en écho avec le rire nerveux de Zyanya. C’était une offre sincère, bien qu’il appréhendait la nouvelle qu’allait lui partager son invité. Il voyait bien que ce dernier était un peu nerveux par la situation, ce qui le rendait nerveux lui aussi. Que venait-il lui annoncer, et il avait le cœur qui battait la chamade soudain. Qui était mort, qu’est-ce qui s’était passé. Aurora ? Lui ? Est-ce qu’il lui était arrivé quelque chose ? « Quand tu n'étais pas là, j'ai vraiment ressenti un vide… » Ah. C’était donc cela qu’il avait à lui dire, ce qui était rassurant, bien que son cœur se serrait dans sa poitrine, réalisant, une fois de plus, que son absence avait eu un effet aux conséquences qu’il n’avait pas anticipé. Car ce n’était pas uniquement sa constellation qui avait subit son absence, mais son ami, son meilleur ami, celui dont il était amoureux depuis toutes ses années.

Lupe savait que sa disparition allait créer des réactions, mais il avait pensé qu’avec le temps ça ne travaillerait plus vraiment ses compagnons. Naïvement ou peut-être parce qu’il ne pensait pas qu’il allait disparaître pour si longtemps, mais à partir de quelques années, ça devenait de plus en plus difficile de revenir, de faire un signe, de débarquer de nouveau dans leur vie encore. Il avait eu tort, il le savait à présent et il s’attendait que la colère de Zyanya augmente, qu’il allait lui faire la morale, lui rentrer dedans, mais il était si calme. Trop calme, il n’aimait pas cela, car il avait l’impression de recevoir d’étranges signaux de la part de son ancien partner in crime, incertain s’il devait s’excuser ou tout lui expliquer. Un mélange des deux peut-être. Dans tout les c’était une belle déclaration d’amitié qui le touchait, il n’était pas certain comment l’exprimer à son tour, non sans mettre en danger leur amitié et révéler qu’il était plus qu’un ami et correspondant. « J'aurai dû t'en parler plus tôt, j'avais l'intention de le faire en fait. » Lui parler ? Lupe relevait la tête, fronçant les sourcils. Pendant un instant, il se demandait s’il avait manqué une partie de la déclaration de Zyanya, ou le sens de ses propos. Des choses avaient changé, il s’était menti à lui-même, la conversation prenant alors un tournant auquel il ne s’attendait pas. Lupe l’entendait, mais il restait bloqué sur le faire que Zyanya été venu à Berlin, il avait envie de lui demander quand ? Si c’était quand lui et son fils adoptif y étaient, ou s’il parlait de son voyage tout récent, « J'aime quelqu'un. »

Le monde de Lupe se mettait alors à vaciller.

What? Le myocarde dans sa poitrine manquait violemment un battement, alors qu’il perdait soudain tout l’air qu’il avait dans ses poumons, comme si on venait de lui mettre un coup-de-poing dans le ventre. Et il devait faire un effort inhumain, le plus douloureux qu’il avait dû faire de ne pas trahir la sensation de vertige qui venait de le prendre, son visage avait certainement perdu de ses couleurs. C’était violent, et ça l’était encore plus, car il se retrouvait à soutenir le regard de son interlocuteur qui décrivait cette personne, qui semblait si spéciale à ses yeux. Lupe essayait d’esquisser un maigre sourire parce que Zyanya était si heureux et si nerveux à la fois en partageant cette confession avec lui. Et il voulait être heureux pour lui, le soutenir dans ce nouveau chapitre de sa vie d’immortel. C’était compliqué. Car à l’intérieur, Lupe avait l’impression qu’on venait de lui arracher le cœur. Il regrettait tout, son silence, le temps passé, le temps perdu, sa lâcheté, sa peur. Il avait envie de hurler, de pleurer, qu’il se taise, de tout lui dire, de lui demander de ne pas lui en dire plus sur cette personne.

« Et cette personne... C’est toi. - Q-quoi? »

C’était ce qu’on appelait un ascenseur émotionnel.

Lupe avait dû le murmurer, peut-être que les mots étaient restés coincés dans sa gorge. Peu importe, parce que Zyanya se penchait vers lui et venait déposer ses lèvres sur les siennes. Quelques secondes, Lupe restant un instant immobile, le temps de traiter les nouvelles informations. Le même temps que son invité pris pour reculer, mais l’immortel lui attrapait la main pour le retenir, ses mains prenant en coupe le visage de Zyanya afin de pouvoir l’embrasser comme il se doit. Un large sourire s’esquissait sur ses lèvres. Son cœur battait de nouveau, alors qu’il avait l’impression qu’on venait de lui donner une soudaine bouffée d’oxygène. Tous les regrets s’envolaient, le soulagement l’enveloppait, alors que l’émotion le prenait aux tripes, un léger éclat de rire nerveux s’échappait de ses lèvres lorsqu’il reculait, « J’ai cru que tu… Que tu allais m’annoncer que tu avais trouvé quelqu’un, que tu allais te marier. Je veux dire… Who cares at this point? Il gloussait doucement. Tu aurais dû commencer par la fin, j’ai failli… Lupe se coupait abruptement, repensant qu’il y a quelques minutes auparavant son monde semblait s’effondrer autour de lui, redoutant que son meilleur ami, l’homme qu’il aimait, comptait sur lui pour être présent pour son mariage, avec une nouvelle femme. Shut up. Je t’aime Zyanya. » Et ça ne datait pas de Berlin, ni du Mexique, mais bien d’avant, et avant d’en parler, il voulait éclaircir quelque chose dans ce qu’il avait dit. « Berlin ? Tu veux dire que tu étais là-bas à la fin des années 80 ? » C’était la seule possibilité, car maintenant, il se souvenait que l’immortel était en Chine depuis quelques mois. Il s’en fichait de Berlin, en vérité, il avait le cœur qui battait la chamade, et il était encore sous le choc et l’effet du roller coaster que venait de lui imposer Zyanya malgré lui. Il libérait son visage, caressant sa joue avant de reprendre sa main.

Zyanya est ce que l'on peut appeler quelqu'un de borné qui doute rarement de ses positions. Il se fait confiance et suit son flair, juste là il s'en est toujours sorti haut la main. Là, c'est différent, c'est l'inconnu et toute son assurance vole en éclat parce qu'il lui livre la part la plus intime de lui même. Et ça, ce n'est pas quelque chose qu'il à l'habitude de faire, il n'a pas fait ce genre de d'avance depuis... depuis presque toujours. Faire le premier pas est effrayant, pour tout un tas de raisons auxquelles il a eu tout le loisir de penser ces dernières années. Au début, il s'est dit qu'il ne pourrait pas survivre à son rejet et qu'il aurait probablement envie de se cacher au fond de la forêt amazonienne pour le restant de ses jours. C'est comme se jeter dans le vide, et Zyanya n'a aucune assurance qu'en bas ce n'est pas une chute mortelle, pour leur amitié, ou pour lui même. Il a retourné le problème dans tous les sens et imaginé suffisamment de scénarios, tantôt heureux, tantôt catastrophes. Jusqu'à ce qu'il finisse par être en paix avec cette décision. Il se dit que ce n'est pas grave, le plus important c'est ce qu'il ressent à l'intérieur, c'est d'avoir été honnête. Bien sur, il aimerait que Lupe retourne ses sentiments, mais ce n'est qu'un espoir. Il n'a aucune garantie. Quand l'autre attrape sa main, il est prêt à ravaler ses larmes, à encaisser le silence. Il y a ses mains qui s'approchent de son visage et cette attente interminable durant laquelle son coeur à le temps faire le grand plongeon.
Il s'est demandé aussi, pourquoi c'était aussi important pour lui, de le dire, parce qu'ils ont déjà cette formidable amitié qui a traversé les siècles, parce qu'il y a déjà cette tendresse entre eux et si ce n'est que de l'affection peut trouver ses bras ouverts sans problèmes. Il a réalisé qu'il avait surtout ce désir de construire quelqu'un de concret, l'envie de prendre sa main. Il ne saurait pas l'expliquer. C'était trop dur de le garder plus longtemps à l'intérieur, ça l'aurait tué de le voir partir avec quelqu'un d'autre. Il en serait mort de jalousie.

Et puis Lupe l'embrasse en retour et il ne saurait pas décrire ce qu'il ressent. Il a envie de rire, de pleurer, de sauter de joie. Il ricane d'abord et lui donne une légère tape sur la joue quand il s'éloigne. Idiot. Lui, marié ? Il ne s'imagine pas la bague au doigt, prêt à fonder une famille avec qui ce soit. Il a de très mauvais souvenirs de la seule fois où il a du prétendre être en couple, c'est incompatible avec sa nature et son secret. Ce n'est pas la vie qu'il veut mener, il est trop sauvage pour se lasser apprivoiser et il ne s'imagine pas se traîner un gosse dans de telles circonstances, même à quatre pattes. Cela ne mène qu'à des catastrophes, ils en ont l'exemple dans sa constellation. Et même si il devait un jour prononcer un vœux, il ne voit pas avec qui d'autre. Il n'y a que Lupe, ça l'a toujours été, mais il avait du mal à s'en rendre compte. Il n'y a que Lupe et Lupe l'a embrassé. Je t'aime. Il lui dit je t'aime et pour la première fois, il ressent cette sensation de papillons dans le ventre dont tout le monde lui parle. « Re-Répète pour voir ? » Il lui demande à bout de souffle, ses mains qui reposent sur ses épaules. Il a le coeur qui bat la chamade et qui pourrait s'évader de sa cage. Il m'aime. Plus rien n'existe autour, il n'y a qu'eux et leur petite bulle d'euphorie. Il se rejoue les dernières minutes en boucle, lui aussi est tout sourire.

« J'y étais pour toi...je voulais te le dire plus tôt. J'ai apprit que tu étais là bas, mais quand je suis arrivé sur place... » Rien ne s'est passé comme prévu, il a eu du mal à rentrer en contact avec ceux qui pouvaient le mener à lui, puis il a eu d'autres soucis qui se sont accumulés. Jusqu'à ce qu'on lui dise qu'il était du mauvais coté, qu'on lui annonce que Lupe avait disparu. Qu'il était peut-être mort. Tout son monde s'est effondré. On m'a dit que... que tu étais mort. Que tu avais disparu et j'ai... J'étais avec les enfants de Prométhée, je les ai aidé mais à la fin tu... Tu n'étais pas là non plus. Je suis resté plusieurs mois en ville, j'ai cherché partout. » Il s'autorise cette fois à vivre la vive émotion qui lui étreint le coeur, plongeant dans ses bras pour s'y réfugier et cacher les larmes qui perlent au coin de ses yeux. Il le serre de toutes ses forces, parce qu'il a aussi besoin de se dire que tout ceci est réel. Qu'il n'est pas en train de rêver, son cerveau ne lui joue pas un tour cruel en lui offrant pour quelques heures tout ce qu'il aurait voulu entendre. « Lupe... S'il te plaît ne refait pas ça, je peux pas vivre sans toi. J'ai besoin de toi... Je t'aime. Je pensais que tu ne voulais plus me voir. »

Je t’aime.

Deux mots que Lupe n’aurait jamais pensés un jour lui dire. Deux mots qui étaient restés longtemps dans le creux de sa gorge. Deux mots qu’il avait parfois habillés de nuance et de geste qui, pour un œil étranger, autre que le siens, n’était que de l’affection, une manifestation évidente de l’amitié sincère qui les liait. Cette même amitié qu’il craignait de briser en prononçant ces deux mots, nu, sans aucun artifice, ni sourire amusé, voir taquin qui serait rapidement suivi d’une quelconque justification. Leur amitié avait toujours eu bon dos, le meilleur moyen pour lui de ne pas trop mentir, tout en gardant pour lui cette vérité. Ces sentiments qu’il avait toujours repoussés, les enfermant à l’intérieur de lui, les laissant pousser peu à peu en lui, et s’il devait l’admettre, peut-être qu’il aurait fini par mourir de ce secret. Mourir d’un amour qu’il ne pensait pas réciproque, encore il y avait quelques minutes. Lupe sentait le tourbillon de ses émotions prendre le dessus, encore sous le choc, troublé par les montagnes russes. Troublé par les sentiments qui se mélangeaient dans son cœur, son ventre et sa tête. Il pouvait avoir plusieurs siècles derrière lui, lorsqu’il s’agissait d’amour, il n’avait pas plus d’expérience que ses élèves, surtout qu’il s’était fait une raison. Il vivrait seul, avec son secret et incapable de tenter d’autres relations sérieuses.

De toute façon, un immortel ne pouvait que former des liens éphémères avec les mortels, et chez les immortels, il n’y en avait toujours qu’un seul qui comptait, imaginer quelqu’un d’autre était difficile. Et Zyanya avait déjà une âme sœur, condamnant Lupe à n’être que le second, car évidemment qu’il enviait le lien entre son ami et Aurora. Même si son amitié avec Zyanya avait toujours été des plus précieuses, toute aussi inexplicable et intense. Amitié, qui s’était transformée en amour et que l’homme venait de lui retourner. Il n’y avait peut-être pas de Dieu, mais bon sang, il y avait une bonne étoile qui veillait sur eux. Après tout ce temps, il pouvait le lui dire. « Re-Répète pour voir ? - Je t’aime. » Zyanya n’avait pas besoin de lui demander, il le répéterait autant de fois nécessaire pour que cela rentre dans son esprit. Trop longtemps, il avait gardé ses sentiments pour lui. Trop longtemps, assez pour imaginer le pire, comme le meilleur, pour réaliser qu’il n’aurait jamais pu imaginer Zyanya être le premier à faire sa déclaration. Il sentait la chaleur lui monter aux joues, confus par le retournement de situation. Lui qui s’attendait à une leçon comme lorsqu’il avait retrouvé Agnès, lui qui pendant l’espace d’un instant s’imaginait seul, témoin du bonheur de l’homme qu’il aimait. Bon sang, si l’immortel savait à quel point, il avait eu peur de tout gâcher. Non, il savait, car il avait été celui qui avait fait le grand saut.

Et bon sang, ça faisait plus de trente ans que Zyanya gardait cette confession, Lupe se mordait la langue, pensant que si le timing avait été un peu meilleur, que si Clarence n’était pas venu s’interposer. Si. Il pouvait refaire le monde avec des ‘si’ et il avait souvent refait la sienne, à chaque fois qu’il avait croisée Zyanya, à chacune de leur rencontre, de leur tête-à-tête amicaux, à chacune de leurs disputes ou différents aussi. Pouvoir lui dire ce qu’il avait sur le cœur et bon sang, pour un homme amoureux, avec beaucoup de choses à lui dire, Lupe était rendu complètement muet, alors qu’il écoutait Zyanya lui expliquait qu’il avait appris sa mort. Et là son cœur se serrait brutalement dans sa poitrine, lui coupant le souffle un instant, alors qu’il baissait les yeux. Une nouvelle qui, si leur place avait eu été inversé, il n’aurait pas supporté, ni accepté, il aurait cherché des preuves ou brûler le monde entier. Voir les deux. Lupe savait de quoi il était capable lorsqu’il avait le cœur brisé et qu’on lui retirait des êtres chers. L’immortel avait cherché partout, et Lupe en savait rien, captif de Goliath, subissant ses tortures. Un flash dans ses yeux, alors qu’il tente de ne pas retourner là-bas. Il avait cette main qu’il tenait toujours, resserrant doucement son étreinte.

Incapable d’avouer ses sentiments, c’était chose accomplit à présent. Incapable de partager ce qu’il avait vécu, pour le moment. « Zyanya… L’immortel venait se blottir contre lui, et par réflexe protecteur, Lupe l’élançait, une main remontant pour lui caresser l’arrière de la tête pour le rassurer, le réconforter. Il avait perdu le fil de ses pensées, se concentrant un instant sur l’homme dans ses bras. - Lupe... S'il te plaît ne refait pas ça, je peux pas vivre sans toi. J'ai besoin de toi... Je t'aime. Je pensais que tu ne voulais plus me voir. » L’immortel esquissait un sourire triste, touché par les mots de son ami, une fois de plus ne sachant pas quoi penser, ni quoi répondre. Il y avait tant de choses à se dire, surtout au vu des circonstances dans lesquelles il avait disparu de la circulation. « Je suis désolé, murmurait Lupe contre Zyanya, par où commencer dans ces moments-là. je… Ils se sont passé tellement de choses depuis le Mexique, et à Berlin. J’avais besoin de temps. Et bien entendu, trente ans était peut-être un peu trop, Agnès, comme le reste de la constellation lui avait bien fait comprendre. Je n’avais jamais pensé que tu pourrais un jour partager les mêmes sentiments. Je ne voulais pas te faire de peine Zyanya. » Et s’il avait su, un seul instant qu'il existait cette possibilité, que ce soit le cas, alors, il aurait fait les choses autrement. Trente ans, même dans la vie d’un immortel, ce court instant pouvaient avoir des allures d’éternité. « J’espère que tu pourras me pardonner mon silence, l’absence de lettre, en vérité, je n’ai jamais cessé de t’écrire. » Confiait-il dans un murmure, dans le creux de son oreille.

Zyanya ne lui a pas laissé entrevoir beaucoup d'espoir. A l'époque où Lupe aurait pu se confier, il a sans doute eu des paroles décourageantes parce qu'il ne comprenait pas lui même ce qu'il ressentait. Il s'en veut d'avoir perdu du temps inutilement. Si il n'était pas parti à sa recherche, qui sait combien d'années auraient pu s'écouler avec ce secret qui pesait sur leurs coeurs. Pire encore, peut-être que Lupe aurait fini par passer à autre chose au moment même où Zyanya se sentait enfin prêt. Il n'ose même pas y penser, il préfère se rassurer, se concentrer sur la chaleur du corps contre lui et son souffle dans son oreille qui lui explique qu'il a continué d'écrire. Des lettres qu'il n'a donc jamais envoyées. Zyanya avale difficilement sa salive, prit d'émotion. Ces lettres, il en a rêvé et savoir qu'elles existent, ce serait pouvoir retracer ces trente dernières années comme si elle n'avaient pas été une absence aussi terrible et longue. Il en ressent enfin le contre-coup et ça lui parait encore plus évident qu'il a besoin de Lupe dans sa vie. Il sourit en imaginant ce que cela pourrait être, de vivre à nouveau ces semaines, ces mois à ne pas se quitter, à rire et explorer. Des moments auquel il peut rajouter de la tendresse. Il le serre fort contre lui dans ses bras parce qu'il n'a jamais vraiment au l'occasion de le faire.

« Te pardonner ? Il répète doucement entre prenant son visage entre ses mains, caressant sa barbe du bout des doigts. Mais de quoi ? » D'être parti ? D'avoir eu besoin de temps ? D'être resté silencieux ? Il a l'amertume d'Agnès en tête et ses messages encore sur son téléphone. Des deux, Zyanya pense être le plus rancunier ; mais quand il s'agit de Lupe, il ne ressent pas ce besoin de savoir absolument ni cette colère face à son exil. Son ami lui en parlera quand il se sentira prêt. Peut-être jamais. Après tout, Zyanya n'a jamais évoqué certaines choses du temps où il se prenait pour un dieu. Ils ont leurs secrets, ça n'affecte en rien la confiance aveugle que l'immortel lui porte. Il est prêt à tout entendre, à tout lui pardonner, à chaque un corps s'il le faut. Il tuerait pour lui. Il s'en prendrait au premier qui lui ferait du mal.
Il n'a pas besoin de d'excuser, d'attendre son pardon. Zyanya le lui a accordé avant même de mettre un pied sur le sol chinois. Il ne pourrait jamais lui en vouloir, surtout pas d'avoir eu besoin de prendre soin de lui même. Il s'est passé quelque chose, l'immortel le devine à mi mot, au delà de sa mort à Berlin. Il n'aurait pas disparu comme ça, ce n'est pas dans sa personnalité. Ce qui compte aujourd'hui, c'est que l'homme qu'il aime est vivant et qu'il a la chance d'être aimé en retour, aussi intensément - il n'en doute pas. Il a toujours trouvé leur relation belle, presque un peu trop pour être vraie. Même maintenant, il ne se sent pas totalement légitime, ni même méritant. « Tu es sain et sauf c'est tout ce qui compte pour moi, je veux simplement que tu sois heureux. » Il lui parle avec les même tendresse qui anime ses gestes, la même retenue, presque timide face au géant. Pourtant ils se connaissent depuis des siècles et Lupe l'a vu dans toutes les situations possibles et imaginables. Avoir ses émotions à nu, ce n'est pas évident. Surtout pour lui qui a l'habitude de les maintenir bien enfermée, cette manie de se maintenir hors de portée pour ne plus avoir à souffrir, mais qui ne trompe pas ses proches. Eux seuls savent à quel point Zyanya est une personne qui a beaucoup plus de coeur qu'il ne veut le montrer. Il a donné le sien à son peuple lors de sa première mort, désormais il le donne à tous ceux en qui il a confiance.

Et maintenant ? Il pourrait rester des heures contre lui à écouter sa respiration.
Il se sent un peu bête, ses yeux rivés sur ses lèvres à se demander s'il veut l'embrasser à nouveau, continuer leur conversation ou se cacher derrière sa tasse de thé. Beaucoup de choses se bousculent dans sa tête, une fois l'euphorie passée. « Je t'avoue que je n'ai pas réfléchi à la suite. » Il ricane, parce que ce n'est pas dans son caractère de ne pas imaginer toutes les issues possibles d'une situation. « Je ne sais pas combien de temps on a devant nous, tu veux peut-être te reposer après le travail... Je t'ai sauté dessus comme ça..., tiens je te rends ta tasse. Tu sens le café~ L'immortel se gratte nerveusement l'arrière de la nuque. Je suis désolé d'avoir été si... moi, par le passé. J'aurai dû te dire ça depuis si longtemps, c'est une évidence pour moi maintenant. » Que tu es l'amour de ma vie. Il tait.
C'est peut-être fort, pour quelque chose qui n'est concret que depuis quelques minutes. Pour tous ceux qui les ont vu ensemble, apprendre à se connaitre, vieillir côte à côte et voyager, ce ne serait pas une si grande surprise.

« Te pardonner ? Mais de quoi ? » Again, where to start. Lupe laissait échapper un léger rire nerveux, passant une main dans ses cheveux, incertain s’il lui posait la question pour obtenir une réponse ou simplement parce qu’il devait les lui demander, sans attendre de réponse en retour. Lupe voudrait tout lui dire, tout lui expliquer, mais il trouvait cela tellement superflus et pas nécessaire dans ses retrouvailles, cette confession ouverte. Il sentait bien que l’un, comme l’autre n’avaient pas vraiment anticipé la direction qu’allait prendre leur conversation, encore moins ce que cela impliquait pour eux. Ils devaient certainement en parler, Lupe essayait encore d’assimiler le fait que les sentiments qu’il ressentait pour Zyanya toutes ces années étaient devenus réciproque. « Tu es sain et sauf c'est tout ce qui compte pour moi, je veux simplement que tu sois heureux. - Avec toi à mes côtés, difficile d’être plus heureux ou comblé. » Répondait-il avec la même tendresse dans sa voix. Il y avait quelque chose de terriblement attachant dans les gestes de Zyanya, cette retenue, c’était tellement rare de voir l’immortel aussi… Doux. Soft. C’était le mot qu’il cherchait, parce qu’il connaissait l’immortel depuis des années, quelques siècles et s’il avait toujours était un peu plus tempéré à son contact, il ne l’avait jamais vu aussi timide, ce qui le rendait d’ailleurs encore plus craquant.

Lupe n’avait jamais pu expliquer pourquoi il était tombé amoureux, ni exactement quand il était passé de l’amitié qui les unissait, à ces amours qui n’étaient pas réciproques à l’époque. Ou en fait, si, il se souvenait de leur première rencontre, de ses yeux, de son visage et il avait fallu qu’ils soient séparés, qu’il lise et relise les correspondances échanger pour cesser d’être dans le déni de ce coup de foudre du destin. Zyanya avait toujours été l’homme avec qui il voulait être, même si ce n’était que platonique. Tenant à cette amitié qui les unissait, et qui se dresserait au fil du temps. Il se souvenait de la pique de jalousie, quand Aurora était venue, âme sœur de constellation. Un lien contre lequel il ne pourrait jamais réellement rivaliser, même s’il le voulait, même s’il en rêvait. Non, c’était une bataille perdue d’avance, et ce même si aujourd’hui leur sentiment étaient réciproque. Heureusement, la jalousie n’était plus aussi intense, et son instinct le confortait dans cette certitude que Aurora ne se mettra pas entre son frère de cœur et l’homme de sa vie.

Peut-être qu’il s’avançait un peu, après tout au début de cette conversation, il s’attendait à une dispute dont il se souviendrait pendant des siècles, gâchant leur amitié et tout ce qu’il espérait. Un véritable scénario catastrophe qu’il avait eu le temps d’anticiper, bien que Zyanya n’avait pas trop tardé à lui dire les raisons de sa visite, et alors son cœur s’était emballé pour un autre scénario catastrophe où son cœur aurait été brisé. Il était plus sage pour lui qu’il ne s’avance pas, qu’il se contente de suivre le courant sans trop s’inquiétait de la destination. Le voyage était déjà plein de surprise, et il n’avait pas envie qu’il s’arrête.

« Je t'avoue que je n'ai pas réfléchi à la suite. » Ah. Un rire s’échappait des lèvres de Lupe, voilà donc un signe de leur complémentarité, Zyanya ne réfléchissait pas à la suite et lui imaginait toutes les directions possibles. Lupe desserrait le nœud de cravate autour de son cou. « Je ne sais pas combien de temps, on a devant nous, tu veux peut-être te reposer après le travail... - Et bien… - Je t'ai sauté dessus comme ça..., tiens je te rends ta tasse. Tu sens le café~ - Merci. Il croyait. Il sentait café, toujours. Souvent. Il reprendrait bien une tasse, pour de l’énergie, il s’apprêtait à proposer autre chose à Zyanya, quand ce dernier reprenait la parole. Je suis désolé d'avoir été si... moi, par le passé. - Ne t’excuse pas. - J’aurai dû te dire ça depuis si longtemps, c'est une évidence pour moi maintenant. » Le cœur de Lupe battait la chamade et il attrapait Zyanya par le col afin de pouvoir l’embrasser de nouveau, parce qu’il était si mignon, si doux lorsqu’il était nerveux et incertain. Lorsqu’il se détachait à nouveau, l’immortel souriait, se mordillant la lèvre inférieur, lorsque son regard se posait sur les deux tasses entre ses mains, puis il regardait l’immortel. « Reste. Commençait-il dans un souffle, comme s’il avait peur que Zyanya décide de quitter l’appartement. Je veux que tu restes, chez moi, dans mon appartement. Comme ça, on aura tout le temps que tu souhaites. Pour découvrir mon quotidien, pour nous retrouver. Lupe souriait, un brin nerveux, les yeux brillants d’émotion. Je ne veux pas que tu t’excuses, parce qu'avant, tu n’en savais rien. Je ne te l’ai jamais vraiment dit. En tout cas. Pas comme aujourd’hui. Et il ne voulait pas qu’il y ait de regrets, qu’ils avaient tout le temps du monde devant eux. Qu’est-ce que tu en dis ? Il ne voulait rien lui imposer, conscient qu’il y avait Aurora avec lui, conscient que peut-être, c’était peut-être un peu trop lui demander. Je te raconterais tout. » Clarence. Goliath. Les années passées sans lui. Les trente ans qu'il avait vécu seul.

Reste, s'il te plaît.

@Zeev Oakley
Il n'avait pas vu les choses avant, il était trop occupé à regarder dans l'autre sens et il n'était pas disposé à admettre les choses. Surtout, il n'était pas disposé à être aimé et c'est un aspect important, même aujourd'hui, Zyanya est toujours épris de doutes. Sur sa personne, sur sa valeur et sur la relation qu'il souhaite engager avec Lupe. Ils sont très différents tous les deux, un atout qui a forgé leur amitié, qui leur permet d'avoir cette interaction et ces conversations, même après tant de temps. Malgré tout, Zyanya manque de confiance en lui quand il s'agit d'être intime avec quelqu'un. Il ne sait plus faire, si il a jamais su. Partager sa vie avec Aurora est une chose complètement différente, l'amour qu'ils se portent n'est pas le même. Le but n'est pas de comparer les deux, l'un et l'autre ne sont pas incompatibles. Il doute de lui, de sa capacité à être quelqu'un de bien pour cet homme qu'il estime autant et qui l'a sauvé des ténèbres. Toujours il gardera en mémoire la bonté sur son visage et sa patience. Avec le temps, il réalisera peut être que ses sentiments attendaient le bon moment pour éclore. Il a toujours aimé Lupe, aujourd'hui il le désire. Il brûle de construire ensemble cette vie qu'ils ont effleuré a travers leurs voyages. Complices.
Aujourd'hui Zyanya et Lupe regardent dans la même direction et se regardent dans les yeux. L'immortel initie un nouveau mouvement, il vient caresser la joue de Lupe, puis sa main glisse dans ses cheveux, pleine d'hésitation et de questions. Il reste confiant, il sait que l'autre respectera coûte que coûte son consentement. Il n'ira jamais faire quoi que ce soit sans son autorisation. Il sourit bêtement, quand on lui demande de rester. Quelle question.

« Do you really think I traveled half the world to go back there? » Qu'il comptait repartir après lui avoir dit qu'il l'aimait, l'avoir réalisé depuis quelques temps ? Comme on largue une bombe ? Hors de question, la séparation lui déchirerait le cœur. Zyanya ricane doucement, rien de méchant ou de méprisant. Juste touché, un peu surpris. Il trouve ça adorable que Lupe, ce géant si confiant et droit puisse lui aussi flancher quand il est là. Cette danse qu'aucun ne mène. « J'accepte. » Il sourit simplement, en venant une fois de plus enfouir son visage dans le creux de son cou, déposant ses lèvres sur sa peau claire. Écouter le battement de cœur régulier de l'immortel qui lui a tant manqué. Ses doigts qui se glissent dans les siens pour les entrelacer, l'autre main le débarrassant de sa tasse. Il découvre à nouveau cette proximité et tendresse, la chaleur d'un autre corps. Il a été seul pendant très longtemps, il a fait de mauvais choix, il s'est dévoilé à d'autres qui n'en valaient pas la peine. Là, c'est comme une pièce de puzzle. « Je ne t'en demande pas autant. Tu peux me parler, mais tu n'es pas obligé de le faire. Il attendra, si il doit attendre des mois, des années. Lupe est là, vivant, il l'aime. Il ne veut rien d'autre. Ça ne change rien à tout l'amour que je te porte. » Il sourit tendrement en se redressant juste pour croiser leurs regards. Il communique beaucoup par ce biais là, surtout avec lui. Une fenêtre sur l'âme, qu'il ouvre en grand. « Tu es magnifique, tu es la personne la plus belle et brave que je connaisse. Tu es tout ce que je veux. » Et tellement plus encore. Tellement. Il est la flamme qui met le feu à la poudre, il est son soleil, son énergie, son repère dans le noir, sa boussole quand il est perdu. « J'ai besoin de toi... »
Son cœur.

« Do you really think I traveled half the world to go back there? - Well, il soufflait amusé, I don’t know. » Il n’en savait rien, peut-être qu’au fond de lui il comptait bien sur l’immortel de rester avec lui, au moins quelques semaines, ce qui serait déjà présomptueux, car ils étaient bien deux à toujours être en mouvement, même si Lupe avait été capable de s’ancrer deux à cinq ans dans certaines villes. Zyanya aussi aimait cette liberté, ce luxe de pouvoir bouger, d’aller où le vent le mène sans attache. Un vrai nomade, un roublard aussi, sans que ce soit une critique, c’était aussi ce qui faisait son charme. Alors qu’il se moquait doucement du géant qui haussait un sourcil, Zyanya accepté, en souriant, avant de venir poser ses lèvres dans son cou, faisant frémir Lupe, qui laissait échapper un léger soupire. Il serait doucement cette main, les doigts entrelacés, alors que l’autre était libérée de sa tasse, glissant autour de la taille de Zyanya. Il souriait, doucement, alors qu’il venait se pencher un peu contre l’immortel, heureux de ce contact, aussi nouveau qu’il soit, mais qui lui semblait aussi naturel que familier. Il n’avait pas ressentit cela depuis longtemps, le contact, le contact intime, voulu et désirer. Qu’on ne lui imposait pas par caprice, bien qu’il n’en voulait pas à ses compagnons de sa constellation d’avoir exigé sa présence parmi eux pendant les fêtes et l’accueille d’une nouvelle âme. Ce n’était pas grave.

Mais avec Zyanya c’était différent. Ça ne pouvait qu’être différent. Parce que c’était Zyanya, l’homme, l’immortel pour qui il avait laissé des sentiments mûrir, pour mieux les enterrer profondément afin de ne pas mettre en péril leur amitié. L’homme qui n’aimait pas la guerre. L’homme qui avait peur de mourir. Même s’il ne lui avait jamais dit, même s’il n’avait jamais laissé cette peur le dompter. Lupe avait bien compris qu’après la mort de ce frère d’armes, ce membre de sa constellation, l’immortel se sentait responsable, un peu coupable. It should have been me, avait-il lâché lors de la révolution mexicaine. La dernière fois où ils s’étaient vus avant aujourd’hui. Lupe n’avait pas vraiment eu l’occasion de lui dire que ce n’était pas sa faute, qu’il n’aurait certainement pas mourut de cette balle et qu’il était aux côtés de Jørgen quand ce dernier avait été touché. It could have been him. He could have protected him. À ce jeu-là, il n’y avait pas de doute, l’un et l’autre étaient très bons pour endosser la responsabilité. Ils pourront travailler sur cette tendance qu’ils partageaient, au milieu de tout ce qui les différenciait et donc les complétaient.

Lupe avait envie de l’embrasser encore. Ça sonnait tellement comme un cliché dans sa tête, et ça le faisait sourire alors que Zyanya répondait qu’il n’avait pas besoin de tout lui dire. Non. C’est vrai, il y avait bien les lettres écrites, mais jamais envoyées. Il y avait aussi beaucoup de choses à lui dire, à raconter, ça durerait certainement des heures, plusieurs jours. Alors que l’essentiel finalement pouvait être aussi résumé en quelques mots (vraiment ? Non). L’immortel poursuivait, affirmant que peu importe ce qui s’était passé, peu importe les raisons de son absence, de son silence, ça ne changeait pas l’amour qu’il lui portait. Et pourtant, Lupe avait bien été un père pendant une vie entière, il avait vécu une perte douloureuse, il avait été torturé avant de laisser un de ses semblables dans une situation qui pouvait, elle aussi, s’apparenter à de la torture. Il avait changé, Lupe le savait, alors qu’il souriait à Zyanya, sentant que le rouge lui montait aux joues suite à la pluie de compliments de l’homme, sa main quittant sa taille pour venir se glisser dans ses cheveux.

« J'ai besoin de toi... Terminait l’immortel, Lupe venait poser sa main sur sa joue, les yeux brillants d’émotion. Je suis tout à toi. » Répondait-il, avant de glisser ses doigts sous son menton, et de se pencher pour remplir ce qui restait de distance entre leur deux visage pour venir l’embrasser. D’abord avec tendresse, puis, avec un peu plus de désir et de force, sa main se glissant dans la nuque de l’immortel. Montant un instant la température alors que son cœur s’emballait, il se retirait doucement, un rire remontant à la surface, il était tellement heureux. L’embrassant encore, un simple baiser, ses doigts jouant avec les cheveux de sa nuque. « Il faut que tu saches que je… Zyanya, il s’est passé tellement de choses depuis notre dernier voyage ensemble. Tu… Il s’interrompait, voyant la lumière pétillante dans son regard, un sourire en coin au bout de ses lèvres. Le cœur de Lupe ne cessait de battre la chamade, alors qu’il riait doucement. Je parle un trop... Constat. C'était un fait, il laissait échapper un nouveau soupir amusé, secouant doucement la tête avant d'ajouter, Tu es toujours aussi beau. » Et maintenant, il serait judicieux de le faire taire, avant qu’il ne trouve une autre excuse de les interrompre.

@Zeev Oakley
Chaque fois que Lupe pose ses mains sur lui, chaque fois qu'il l'embrasse, Zyanya se sent enveloppé par une douce chaleur réconfortante dans laquelle il voudrait se perdre et s'oublier. Qu'il n'y ait plus que ça, sa peau contre sa peau et sa respiration calquée à la sienne. Il se demande si c'est à ça que ressemble le désir, lui qui ne peut s'avancer et prétendre avoir ressenti cette chose de nombreuses fois au cours de sa vie. Il ne s'est jamais senti aussi bien, c'est certain. Il a passé de bon moments auprès d'une ancienne immortelle qui lui a tenu compagnie dans les premiers siècles de son existence, ce qui se passe entre eux cependant n'a rien à voir et ne peut pas être défini. Il ne cherche pas à mettre des mots dessus et essayer de comprendre ce qui se passe. C'est quelque chose qui se vit et ressent, qui le fait vibrer, l'emporte, le chavire. C'est d'autant plus grisant que la poigne de Lupe se fait plus autoritaire et ses lèvres plus demandeuses. Il pourrait disparaître dans ses bras, se fondre dans sa peau. Il en veut toujours un peu plus, lorsqu'ils ne se parlent pas ils s'embrassent et c'est une activité qui lui convient. Il certain de ne pas dire de connerie comme ça, de ne pas briser la magie de leurs retrouvailles. En même temps, Zyanya est confiant. Il ne pourrait pas gâcher ce qui se passe entre eux, il n'y a rien qui pourrait ternir cet instant. Sauf peut-être les révélations de Lupe et encore. Il est là, c'est tout ce qui compte, il est vivant.

Si il voulait se faire du mal, il pourrait essayer d'imaginer la double vie de son ami et amour, mais son imagination n'a pas ce talent, elle n'en est pas capable. Pas lorsqu'il lui dit qu'il est tout à lui. Quand il lui dit qu'il l'aime, quand il lui dit qu'il est toujours aussi beau impliquant qu'il l'était déjà dans le passé. Le feu aux joues et dans son ventre, le feu partout, très loin d'être aussi dévastateur que celui qui anime sa colère. Non, c'est totalement différent. Il gonfle son coeur et le rend légèrement nerveux. Zyanya veut lui plaire, il veut que Lupe puisse être fier de lui. « Si c'est pour me dire des choses comme ça... Il est beau. Surtout, il se sent beau pour Lupe Ne t'arrête jamais... » Il ne veut pas que ça cesse, il ne veut pas que Lupe disparaisse à nouveau et le laisse seul. Il serait incapable de survivre sans lui, il a l'impression - et c'est sans doute exagéré - qu'il pourrait s'effondrer si Lupe le lâche maintenant. Son front qui repose contre le sien, Zyanya s'autorise cette tendresse, cet échange physique et réconfortant. « Dis moi Lupe. Dis moi tout. Et laisse moi t'aimer en échange. Il le fixe droit dans les yeux jusqu'à ce qu'il soit obligé de baisser son regard, intimidé Tu n'es pas obligé d'être seul, je suis là maintenant. Et je veux être avoir toi » Il veut qu'ils soient ensemble, pas juste l'aimer et le cajoler, mais bien construire quelque chose à deux, qui se conjugue au pluriel.

Lupe savait que Zyanya avait quelques complexes sur son apparence, depuis des années. Peu importe le nombre de fois où il lui avait dit, ou murmuré, afin de booster sa confiance. Bien entendu, beaucoup de ses compliments, sincères, avaient parfois été livrés dans une confidence muette et des plus subtiles de sentiments qui était plus que ceux d’un ami qui souhaitait de remonter le moral de son camarade. Des compliments que Zyanya n’avait pas toujours relevé, accompagner de sentiment que Lupe avait toujours pris soin de garder pour lui. C’était important pour lui, pour eux, de préserver cette amitié. L’excuse préférée de l’immortel quand quelques âmes perspicaces avaient relevé un regard vers Zyanya, une envolée lyrique de la part du soldat, du journaliste, de l’espion. Elles ne sont plus de ce monde aujourd’hui, mais ils ou elles avaient vu, avaient su gardant ce secret précieux, pour laisser leur amitié s'épanouir comme ils le souhaitaient à l'époque. Et peu importait si le temps défilait, il y avait une constante chez l’immortel, ses sentiments pour Zyanya, et cette beauté qu’il voyait chez lui. Physique, oui, sans aucun doute, mais c’était plus que cela. Il n'y avait pas de mots, c'était certainement pour cela que l'on écrivait des chansons et des poèmes.

« Si c'est pour me dire des choses comme ça... Ne t'arrête jamais... - Je peux continuer… » Répondait l’immortel avec un léger sourire en coin, ses mains venant glisser le long des bras de Zyanya. Il fermait les yeux, leur front l’un contre l’autre, une de ses mains venant caresser son visage. Le professeur avait tant de choses à lui dire, il était bouleversé que Zyanya ait fait tout ce trajet, qu’il avait passé autant d’année à le chercher. Lupe espérait qu’ils pourraient rattraper ce temps perdu, tout ce temps qu’il lui avait arraché. Il savait que l’immortel dans ses bras ne lui en voulait pas, mais s’il avait su, il serait peut-être sorti de sa solitude plus tôt.

Un soupir soulevait sa poitrine, il n’avait pas été en couple depuis des années, voir des siècles, et il savait déjà que ça serait différent, parce que c’était Zyanya, parce qu’il l’aimait. Un sentiment qui l’excitait et le terrifiait en même temps. Tout lui dire, tout lui confier, ses joies, ses peines, ses peurs et que dire des cauchemars incessant, celui d’avoir une part en lui, beaucoup plus sombre, qu’il détestait, qu’il craignait. La même qui ressortait en temps de guerre, où la survie prenait le dessus. Dis-moi tout et laisse-moi t’aimer. Lui murmurait Zyanya, le regard plongeait dans le sien, avant qu’il ne le détourne, sa joue un peu chaude sous ses doigts. « Tu n'es pas obligé d'être seul, je suis là maintenant. Et je veux être avec toi. - Et moi avec toi. » Répondait Lupe, c'était une évidence.

Ses doigts venant les poser délicatement sur les lèvres de Zyanya, son regard brûlant l’observant un instant, comme s’il tentait de se souvenir de chaque grain de beauté, chaque marque sur son visage. « Zyanya, » il ne savait pas par quoi commençait, alors que tout se bousculait dans son esprit. Son fils adoptif. Goliath. Les trente-trois années d’exil qu’il s’était imposé. Zyanya, chez lui. Zyanya sur ses genoux. Il se mordait la lèvre inférieure, « J’ai l’impression que je devrais te proposer qu’on l’on sorte, pour un rendez-vous, une date. Ou, si tu ne veux pas me partager avec le reste du monde, je pourrais nous faire livrer par un ami. On pourra parler, de tout, de rien, de toi, de moi, pour se redécouvrir... Il souriait, ses doigts glissaient sur le cou de Zyanya, puis dans ses cheveux alors qu’il prenait une inspiration. Je ne veux pas tuer le mood, mais je ne veux pas aller trop vite, ni te cacher quoi que ce soit. Alors, dis-moi, qu’est-ce que tu veux, ou plutôt par quoi souhaites-tu commencer ? »

@Zeev Oakley

Il n'est pas allé à un rendez-vous galant depuis... Non, en fait, Zyanya n'a jamais eu de date à proprement parler. Sa dernière relation remonte à quelques siècles à une époque où la notion de date n'existait pas encore, il n'y avait pas de sorties à faire, pas de cinéma, pas de restaurants, pas de musées. Alors il imagine qu'un date à l'époque ce serait encore aujourd'hui une agréable promenade, l'échange de quelques baisers volés. Sur ce point, il a beaucoup de retard à rattraper et il espère que Lupe en est conscient ou saura se montrer patient avec lui. Il ne faut pas le brusquer, ni aller trop vite. Assumer ses sentiments, c'est déjà quelque chose qu'il doit digérer. Il n'est pas encore prêt à le dire aux autres, à se promener avec Lupe à ses cotés. Il en a même peur - et ils n'ont pas choisi la destination de rêve pour mener leurs premiers instants en couple. Il voudrait que cela reste un secret pour toujours, mais c'est une conversation qu'il doivent avoir ensemble. Il trouve ça excitant de penser à plusieurs, de savoir que toutes les grandes décisions seront faite en commun accord. « Je ne me vois pas parler de tout ça dans un restaurant au beau milieu des gens alors... peut-être une autre fois. » Il pense que ça va être difficile de décoller du canapé. Il a envie d'être au calme, juste tous les deux, sans avoir à contrôler le moindre geste et sans craindre qu'on les repère, que quelqu'un découvre ce qu'ils sont. Cette crainte ressort dès qu'il a quelque chose à perdre, ces trente dernières années il s'est laissé aller, aujourd'hui il compte redoubler de vigilance. Il n'a pas envie de bouger, avec les doigts de Lupe capable de trouve à chaque fois une zone sensible pour le faire fondre et ronronner de plaisir.

Zyanya ajuste leur position pour s'allonger au dessus de Lupe et poser sa tête contre sa poitrine, écoutant docilement les battements de son coeur. Une preuve nécessaire que tout ce qui se passe est bien réel, qu'il ne va pas se réveiller en sueur et en larmes. Il a besoin d'y croire, c'est vital à ce stade. C'est tellement parfait. « On a tout le temps du monde. Tu peux commander si tu veux, je ne sais pas si j'ai très faim. » En même temps, c'est toujours un sujet sensible chez lui. Lui qui a connu le manque ne fait pas partie de ceux qui ont le besoin de le combler. C'est l'inverse. Il contrôle chaque portion. On pourrait commencer par le début. Quand je t'ai vu la dernière fois et je ne savais pas encore que c'était la dernière... » Sa gorge se serre, il fait le choix de rester fort. Il n'est pas en colère, il est simplement triste, il aurait du se rendre compte plus tôt des choses parce qu'il a sans doute fait mal à Lupe au passage. L'autre savait bien que Aurora et lui, c'est plus fort que tout. A ce moment là, il ne pouvait pas s'imaginer que si Aurora a été liée à Zyanya par le destin, son coeur lui a toujours appartenu. « Ou on pourrait commencer par la fin. Comment tu t'es retrouvé ici, seul. » Zyanya lui offre des questions auxquelles il est bien sur libre de ne pas répondre, l'immortel ne le précise pas, il s'imagine que c'est évident. La communication entre eux est limpide, malgré quelques colères de sa part. Cela ne dure jamais longtemps, lorsqu'il a fini de bouder, Lupe est déjà à ses cotés pour lui proposer de faire quelque chose ou le nourrir. Pas de rancunes entre eux. Zyanya est incapable de lui en vouloir. Bien sur, il y a toujours des accroches et du conflit et des moments où les choses ne se passent pas exactement comme dans un conte de fée. Le plus important c'est qu'ils en ont toujours tiré des leçons et se sont toujours battus pour leur amitié. Alors ils en feront de même pour leur amour. « Si tu ne veux pas casser l'ambiance alors tu peux au moins me dire ce qu'il faut que j'évite de faire pour ne pas te ramener dans tes souvenirs. D'accord ? Il n'a pas envie non plus de ruiner leurs retrouvailles. Ca a l'air d'être assez grave pour impacter la beauté du moment. A califourchon, Zyanya se penche pour l'embrasser de plus belle. Je te propose que ce soit juste nous ce soir. Un bon repas et... je ne sais pas ce qu'on fait lors d'un premier date, on improvisera. Le reste, ça peut attendre. Je peux attendre. Encore faudrait-il que Zyanya se pousse pour le laisser attraper son téléphone et passer commande. Ce qui le fait sourire. Je ne veux pas te priver de ton repas, dis moi quand tu veux que je me bouge. » Et au fond de lui il espère que Lupe ne lui demandera pas.

Lupe avait conscience qu’un restaurant n’était pas une réelle option, surtout en Chine, même s’il connaissait des endroits safe où on ne leur ferait pas de remarques. Cela impliquait de sortir de nouveau, de faire finalement beaucoup d’effort et ils étaient tout aussi bien ici. Zyanya sur lui, et pour être tout à fait honnête, il ne voulait pas être ailleurs, ni ne souhaitait que ce dernier bouge. Et il souriait quand Zyanya admettait qu’il ne se voyait pas dans un restaurant, à parler d’eux, et du reste. Tant mieux, ils étaient deux, et l’un des bras de Lupe revenait autour de sa taille pour l’attirer un peu plus contre lui. « Bonne réponse. » Qu’il murmurait, soulager d’avoir exclu cette idée, aussi romantique qu’elle aurait pu être. Aucun des deux immortels n’avait vraiment envie de bouger, que les choses s’arrêtent, comme s’ils volaient un moment et qu’il fallait qu’il reste le plus longtemps suspendu. Au moins trente ans. Si possible un peu plus. L’immortel se callait contre le dossier, Zyanya venant s’allonger sur lui, tête contre sa poitrine, comme s’il tentait de repérer son cœur battre. Lupe souriait, alors que l’organe accélérer un instant avant de se calmer, sa main remontant dans le dos de l’immortel pour le caresser doucement à travers ses vêtements, comme un réflexe naturel, l’autre main, toujours dans ses cheveux. Il pourrait se laisser bercer par ce moment, si simple et pourtant qui lui offrait toute l’intimité qu’il avait toujours voulu avoir avec Zyanya. Il l’écoutait, attentif, souriant doucement. Zyanya n’avait jamais très faim, et Lupe lui, essayait toujours de s’imposer un rythme, même s’il sautait certainement plus de repas qu’il ne devrait. D’ailleurs, il ne se souvenait plus s’il avait eu un déjeuner, et il eut même un doute sur l’heure qui le fit regarder sa montre par réflexe.

« Pas tout de suite. Il fallait rester raisonnable, de plus, il venait de boire un café, éventuellement, c’était la seule chose qu’il se voyait avaler. On pourrait commencer par le début. Quand je t'ai vu la dernière fois et je ne savais pas encore que c'était la dernière... - Oof. Lupe se mordait la lèvre encore, réfléchissant un instant la dernière fois qu’ils s’étaient vus, face à face, physiquement. C’était au Mexique. » Qu’il murmurait à voix haute, plus pour lui-même que Zyanya, c’était il y a si longtemps quand il pense et certainement pas ses meilleurs souvenirs.

La fin d’une époque, bien que celle-ci avait déjà commencé à décliner avec la Grande Guerre. Personne, surtout chez les immortels qu’il connaissait, ne comprenait pas comment Lupe était capable d’en sortir optimiste et avec un sourire. Sa foi en l’humanité leur échappait, mais s’il savait à quel point elle lui échappait aussi. Et même les deux bombes atomiques de la seconde, n’avaient fait qu’ébranler légèrement les fondations. Pour sa défense, il avait un fils, un petit bout d’humain à prendre soin et il ne se voyait pas justifier de l’avoir sauvé si c’était pour vivre dans un monde qu’il détestait et dans lequel il ne croyait plus. « Ou on pourrait commencer par la fin. Comment tu t'es retrouvé ici, seul. - Oh, bon sang. Répondait-il en riant nerveusement, vu comme ça, ni l’un, ni l’autre sont attrayants. Admettait-il, repoussant les cheveux de Zyanya en arrière. Il reste quelque part au milieu. » Soufflait-il et ce n’était pas mieux, d’après ses calculs cela serait l’équivalent de son séjour à Berlin. Lupe ne voulait pas repousser le moment de cette discussion, mais ils n’étaient pas obligés d’en parler ce soir, n’est-ce pas ? Lupe aurait mieux fait de se taire, de l’embrasser, de le toucher, de le caresser. Les sens en éveil, et peut-être leur désir, éventuellement. Il ne comptait pas précipiter les choses non plus.

L’immortel baissait son regard vers Zyanya, alors, par où commencer. Son interlocuteur reprenait la parole, lui proposant qu’il lui dise ce qui pourrait éventuellement le renvoyer dans le passé. Lupe souriait, Zyanya ajustant de nouveau sa position pour venir l’embrasser. L’immortel l’embrassait en retour, resserrant ses doigts dans les cheveux de Zyanya, un léger ronronnement roulant dans sa gorge. Il n’allait jamais se lasser du goût de ses lèvres et ce contact, nouveau et pourtant si familier. Zyanya lui proposait que ce soit juste tous les deux, un bon repas et la suite, ils verront, et qu’il pouvait attendre. Lupe souriait, suite au mot, suite au sourire de Zyanya qui le faisait hausser un sourire intrigué. « Ne t’en fais pas, je pense que je n’ai pas trop envie que tu bouges d’ici. Admettait-il avec un léger rire, ses doigts peignant les cheveux de Zyanya de ses doigts. Ma dernière lettre, pour toi, celle que tu as reçue… Elle venait de Berlin. La ville a changé d’ailleurs… Il souriait en repensant aux retrouvailles avec sa constellation, les questions un peu gênantes, celles qui l’étaient moins. Tu sais, je ne pensais pas que j’aurais besoin d’autant de temps, et à partir d’un moment, c’était plus simple de continuer à être un étranger. Je suis parti me chercher, et je n’ai aucune certitude que je me suis réellement trouvé, mais je sais que cela faisait quelques années que je cherchais à revenir sans savoir comment parce que ça faisait tellement longtemps, trop de silence et… Je veux tout te dire Zyanya, mais j’ai aussi envie de passer un moment avec toi, où les mots n’ont aucune utilité, où tu n'a pas besoin de bouger et moi de manger. Qu'est-ce que tu en dis ? »

@Zeev Oakley
Tout commence et tout s'arrête à Berlin, tout s'articule autour d'un mystère enrobé d'une période de l'histoire sombre. Suite à la lettre de Lupe, Zyanya s'est rendu à Berlin, mais il a très vite réalisé qu'il ne se trouvait pas du bon coté de Berlin. Il aurait pu faire demi-tour, trouver un moyen de passer, mais à l'époque il n'avait pas les contacts pour et lorsqu'il est entré en contact avec les Enfants de Prométhée, ils étaient trop occupés pour lui venir en aide. Visiblement, la vie d'un des leurs à ce moment là n'était pas aussi importante que la situation critique et les tensions politiques. Alors il a attendu. Tout ça pour qu'on lui apprenne au final que Lupe était mort. Il n'a fait pas de crise devant eux, il les a aidé à finir le travail (Lupe l'aurait fait), il a attendu d'être rentré en Colombie pour s'enfermer chez lui et accuser la nouvelle (Lupe n'aurait pas fait d'esclandre). Il a relu leurs dernières lettres en essayant de comprendre comment ça avait pu foirer à ce point, en essayant de réécrire l'histoire pour que Lupe reste au Mexique. (Mais Lupe ne serait jamais resté parce qu'il n'avait pas les mots à ce moment là). Pour qu'Aurora et les autres ne posent pas de question, il a remonté la pente et enterré sa colère. C'était impossible. Si vraiment il s'était passé quelque chose, on lui aurait dit. Heureusement Agnès à pui lui confirmer. « J'espère que quelque part au milieu tu as trouvé un peu de bonheur. » Un bonheur dont il pourrait très bien être jaloux quand il l'apprendra.

Zyanya ne dit rien, il le fixe, ému et bouleversé et écoute son compagnon lui expliquer comment ça s'est passé de son coté, pourquoi ce geste. Il n'a pas de réponse satisfaisante à lui donner alors il l'embrasse à nouveau en priant pour que ce soit nécessaire. « J'en dit que... Demain est un autre jour... Il lui annonce simplement. ... Et que je t'aime. » Demain, peut-être, ils pourront briser la glace, s'asseoir autour d'une table et retracer les dernières années de leurs vies, sans filtre, sans essayer de rendre la réalité plus poétique et moins cruelle. Zyanya pourra lui parler de ses pertes, de ses recherches, comment il a finalement apprit à s'écouter, se faire confiance et découvrir qui il était. Tout ce que Lupe a continué de changer même a distance. Même dans son absence. Et Lupe lui, pourra lui dire ce qui l'a poussé à l'exil, ce qui a été si terrible à vivre qu'il a décidé de disparaître. Nul doute qu'il s'agit de quelque chose de très grave, l'immortel a toujours volé au secours des autres. Pour que soudainement il veuille qu'on l'oublie, il y a quelque chose qui s'est passé à Berlin qui a tout redistribué. Aujourd'hui, au moins, Zyanya est là pour lui. Enfin. Au bon endroit et au bon moment, le toltèque à l'espoir que finalement, leur trajectoire soit alignée. « Ferme les yeux. De la même manière qu'il s'était allongé pour entendre les battements de son coeur, il se décale pour que Lupe puisse coller l'oreille contre sa poitrine et lui caresse les cheveux à son tour. C'est tout ce qui compte. » Il est en sécurité maintenant. Ils sont ensemble et bien parti pour passer la soirée l'un contre l'autre dans le canapé en regardant une émission que Zyanya ne pourra pas comprendre, on en continuant de se parler de choses plus joyeuses, ou en s'embrassant.

Un peu de bonheur. Of course. Il y avait eu Clarence, son fils, qu’il n’aurait jamais pensé avoir et qu’il avait élevé, vu grandir, vieillir et mourir. Le sourire de Lupe se transformait un peu en un sourire un peu plus triste et nostalgique, il resserrait son étreinte. Il avait envie de lui dire qu’il y avait eu quelqu’un, mais certainement pas comme il pouvait se l’imaginer, même s’il pouvait peut-être le jalouser parce que c’était certainement la seule autre personne qui avait pu jouir de l’amour inconditionnel de l’immortel, même si ce n’était pas le même qu’il avait pour Zyanya. C’était aussi fort. Tout aussi inexplicable, celui d’un père pour un enfant, qui avait été le siens par la suite de circonstances particulières. Le seul humain qui finalement connaissait son secret, tout entier, le fils était devenu l’ami, puis le grand-père. Cela les avaient beaucoup amusés à l’époque, même si Lupe avait toujours été effrayé, de voir vieillir ce fils qu’il avait élevé.

C’était une belle histoire qu’il voudrait pouvoir raconter à Zyanya. Beaucoup plus belle que celle qui venait après, deux histoires qui se croisaient, par le drame qu’il avait vécu. Bon sang, qu’est-ce qui détestait Berlin, alors que la ville n’y été vraiment pour rien.

Zyanya l’embrassait de nouveau, contact presque salvateur, qui lui redonnait de nouveau un peu de chaleur et de lumière. Il y a cet accent qu'il parlait qui le faisait frissonner, et qu’il avait l’impression de goûter au contact de ses lèvres. Un autre jour, oui, mais il serait un peu plus spécial, comme tous les jours d’après parce que le Mexicain était avec lui aujourd’hui. Tous les deux réunis, par l’effort et la détermination de cet homme pour qui il avait fini par tomber amoureux quelques siècles auparavant. Cet ami de toujours, qui deviendrait (il l’espère), son amant et son compagnon. Celui d’une vie, la leur, quasi-éternelle. Il l’aimait aussi. Lupe l’embrassait à son tour, pour répondre à ses mots, son réconfort. Celui qu’il n’avait pas à tout expliquer ou à justifier maintenant. Ils avaient un peu de temps, oui, ils en avaient du temps, maintenant qu’ils étaient ensemble. Ça le faisait sourire que ce soit lui qui le rassure, plutôt que l’inverse, tout le contraste de leur position et leur taille vraiment. Il fermait les yeux, et venait se blottir un instant contre l’immortel. Si au départ, il se sentait un peu ridicule, au fur et à mesure, il commençait à s’acclimater à ce renversement, attentif au battement du cœur de Zyanya, à son souffle et ses doigts dans ses cheveux.

Lupe ne se souvenait même plus quand quelqu’un l’avait enlacé de cette façon. Ça remontait à bien avant que l’homme du 20e siècle ne parte en guerre, c’était peut-être un moment en France, un peu avant, un peu après. Incertitude. Ça remontait à bien avant que l’homme du 20e siècle ne parte en guerre, c’était peut-être un moment en France, un peu avant, un peu après.

L'immortel ouvrait de nouveau les yeux, levant la tête pour croiser le regard de Zyanya, un léger sourire amusé sur ses lèvres. « Tu es vraiment incroyable. Murmurait-il avec un sourire, caressant le visage de l’immortel avant de l’embrasser une nouvelle fois. Je ne vais vraiment pas pouvoir me lasser de ces baisers. Confidence dans un murmure un sourire amusé. Tu dois me trouver absolument irrésistible dans cet état, soufflait-il en se redressant légèrement, se détendant légèrement, une main passant dans les cheveux de Zyanya. Je réalise que je ne t’ai même pas demandé comment tu allais, comment tu te sens, après tout ça ? » Il espérait qu’il était au moins aussi impatient que lui pour la suite.

@Zeev Oakley
Etant donné leur taille respective, ce devrait être Lupe qui l'enlace, mais c'est l'inverse. De toute façon, eux et les conventions, ça n'a jamais fonctionné dans ce sens. Zyanya est encouragé par Lupe qui n'a pas besoin de lui dire quoi que ce soit. Il sent l'immortel se relaxer dans ses bras et il est fier d'avoir ce pouvoir, même si il ne peut pas vaincre la bataille à laquelle il se livre à l'intérieur de son coeur. Il le serre toujours plus fort contre lui, pour lui montrer sans avoir à lui dire ; il ne le laissera pas tomber. Il sera pour lui et peut tout entendre. Il s'est passé des choses pendant son absence qui ne pourront pas changer ses sentiments. Et ce n'est que le début, il pense. Zyanya a connu beaucoup de fin et finalement, assez peu de débuts. Le début de sa nouvelle vie est venu avec la fin de sa vie. La fin de son peuple. Un début, la rencontre avec Lupe. Aurora. Puis, la perte de l'homme qu'elle aimait, la perte de Jorgen, le Mexique et la fin de lui et l'immortel. Il ne pensait pas que le Mexique allait être à ce point un tournant dans leur relation et il sait maintenant que si il avait su tout ce qu'il sait aujourd'hui, il l'aurait invité à le suivre. Tout ceci est nouveau et il à hâte de voir où tout ça va les mener.
Zyanya ne s'est jamais senti comme ça. Au centre de l'attention de Lupe, ses mots le touchent en plein coeur et résonnent dans tout son être, font vibrer une partie de lui même dont il n'avait pas conscience jusque là et qui apprécie l'attention qu'on lui porte. Son rythme cardiaque s'accélère « Tu es... merveilleux Lupe, ne dis pas de bêtise. » Et il ne dit pas ça juste pour le flatter, c'est vrai. Ca ne le dérangerait pas qu'il continue de l'embrasser. « Tu n'es pas obligé de t'en lasser~ »

Il ne sait même pas quoi lui répondre. Comment il se sent ? Excité. En sécurité. Il a la tête qui tourne et les joues qui le chauffent, il est incapable de penser à l'avenir, tellement focalisé sur le présent et leurs corps qui sont si proches. Lupe, qui est enfin là, sa voix qu'il peut enfin entendre, ses mots qui viennent soulager des années d'attente, d'angoisse. « Tout ce que je sais Lupe, c'est que je ne voudrais être nulle part ailleurs que dans tes bras. » C'est la réponse la plus honnête qu'il peut lui donner. Oui, il va bien. Il n'a pas grand chose à lui raconter, sa vie n'avait plus de sens, il était obsédé. Il devait le trouver et entre temps, il a eu le temps de se glisser dans des mauvais plans. Il a perdu des proches (pour apprendre qu'ils étaient sain et sauf), il a fait des rencontres. Vraiment, cette chasse à l'homme a presque eu une bonne influence sur lui, le poussant à devenir quelqu'un de mieux, méritant de le retrouver. Ce n'est peut-être pas pertinent de lui dire qu'il a couché avec Bastian, vraiment, à part tuer l'ambiance, c'est tout ce qu'il risque de récolter. Mais il ne peut pas non plus le lui cacher. C'est une ombre au tableau. « J'ai eu une aventure avec Bastian. » Il lui avoue, sans oser le regarder dans les yeux. « Mais ce n'est pas ce que tu crois, c'était stupide et puis... Cette fois, il se sent presque capable d'affronter son regard. Quand il me touchait, je pensais à toi. » Voilà, il sait tout. Absolument tout ce qu'il y a à savoir sur les dernières années. Il n'a pas gardé de secrets, il veut pouvoir mettre son coeur à nu devant lui. Ne pas le ménager non plus, Lupe lui en voudrait si il cherchait à le préserver et n'étant pas honnête. Ils peuvent tout se dire et si Lupe décide de le rejeter en apprenant ça, Lupe ne lui en voudra pas. « Je t'aime Lupe, je te veux dans ma vie. Lupe... je veux construire quelque chose avec toi. Est-ce que.. Qu'est-ce que tu en dis ? Est-ce que ça te dégoute ? »

« Tu es... merveilleux Lupe, ne dis pas de bêtise. » Lupe laissait échapper un soupir amusé, alors que Zyanya affirmait qu’il n’était pas obligé de se lasser de ses baisers. Ça ne sera pas la seule chose dont il ne voulait pas se lasser. Ce contact, sa voix, sa présence. Il se souvenait d’une ligne qu’il avait lue quelque part, à propos du danger d’aimer, mais aussi celui de ne jamais tomber amoureux. L’immortel pouvait affirmer que malgré tout les dangers, les peurs, il serait certainement plus heureux amoureux, que s’il ne l’avait jamais été, peu importe si les sentiments de Zyanya avaient été réciproques ou non. Et quelle chance il avait, de pouvoir aimer et d’être aimé en retour. L’immortel pouvait tout sentir au contact de son invité, son ami, son partenaire, mais il savait que parfois, il suffisait d’un rien, d’un mot pour confirmer ce qu’il soupçonnait ou anticiper.

Nulle par ailleurs que dans ses bras. Lupe riait doucement, contre sa peau, alors qu’il le couvrait de baisers, décidé à lui donner un peu plus, bien plus s’il était prêt à aller dans cette direction. L’immortel glissait une main sous le tee-shirt de Zyanya, se permettant d’aller à l’encontre même de sa réflexion un peu plus tôt afin d’explorer un terrain qu’il n’avait pu qu’imaginer jusqu’à présent, bien qu’il avait vu l’homme dans le plus simple appareil par le passé, ce n’était pas la même chose. Peut-être que c’était trop pour Zyanya, qui devait avoir ses propres pensées et réflexions se mélangeant dans le tourbillon d’émotions dans lequel ils se retrouvaient tous les deux, pour laisser échapper une confession à laquelle Lupe ne s’attendait pas. « J'ai eu une aventure avec Bastian. L’immortel s’interrompait, sans pour autant retirer sa main, ni se détachait, son compagnon, le même qui se trouvait sur ses genoux et qui venait de lui avouer son amour, ajoutait, mais ce n'est pas ce que tu crois, c'était stupide et puis… Quand il me touchait, je pensais à toi. - Oh, ne lui dis jamais ça. » Murmurait Lupe en riant doucement, un rire entre la nervosité et la taquinerie, pris par surprise par cette déclaration. Il trouvait cela séduisant, et clairement, Zyanya le flattait plus qu’il n’était bon pour son ego, alors qu’il se mordait la lèvre inférieure, observant l’homme dans ses bras qui ne semblait pas aussi amusé par la situation, alors qu’il s'emballait un peu. « Je t'aime Lupe, je te veux dans ma vie. - Zyanya, tentait-il, sa main libre venant se poser sur le bras de Zyanya pour lui donner une légère pression pour le rassurer sans parvenir à le calmer. Lupe... je veux construire quelque chose avec toi. L’immortel au regard doux décida de le laisser finir, ses doigts glissant sur son bras, Est-ce que.. Qu'est-ce que tu en dis ? Est-ce que ça te dégoute ? »

Une lueur brillait dans le regard de Lupe, attrapant le menton de Zyanya pour l’embrasser. À la fois tendre, à la fois passionné. Peut-être parce qu’il avait dit assez de bêtises pour que l’immortel décide de le faire taire, autant de bêtises qui le rendait tout autant attachant, désirable. Il trouvait ce genre de confession extrêmement séduisante, certainement parce qu’il avait des sentiments réciproques pour Zyanya. Il se détachait, tenant toujours l’immortel par le menton, son pouce le caressant doucement. « Il semblerait que je ne sois pas le seul à dire des bêtises ce soir. Murmurait-il, venant poser son doigt sur les lèvres de Zyanya, miroir de ce qu’il avait fait un peu plus tôt. Il n’y a qu’avec toi que j’ai rêvé passer le reste de ma vie, et que tu m’offres cette possibilité de le réaliser me comble plus que tout. Tu me fais ressentir beaucoup de choses, mais c’est loin, très loin d’être du dégoût. Poursuivait-il, sa main baladeuse, descendant dans le bas du dos de l’immortel, alors qu’un sourire mutin s’esquissait sur ses lèvres, tu pensais donc à moi, ronronnait-il, son pouce caressant la lèvre de Zyanya, les yeux brillants d’une lueur bien différente. Je trouve ça très sexy. » Même si ce n’était pas très juste pour Bastian, et que l’immortel semblait autant s’en vouloir d’avoir eu cette aventure que d’avoir eu ces pensées-là. Il trouvait toute la situation actuelle sexy, Zyanya installé sur ses genoux, sa confession, cette situation maintenant et tout ce qu’il restait maintenant était un seul son, un souffle, pour encourager Lupe à poursuivre, ou à y mettre un terme pour ce soir.

@Zeev Oakley

Zyanya réalise un peu bêtement - brusquement - et au fil des gestes de Lupe ce qu'ils veulent dire, vers où ils mènent, ce qui n'est pas dit mais sous-entendu à travers les regards, les paroles et maintenant ses mains qui s'aventurent au delà de ce que sa peau exposée a à lui offrir. Lupe vient le chercher là où il se cache, en dessous de ses vêtements, tantôt trop larges pour effacer son corps, tantôt de luxe pour faire lui faire oublier que trop souvent, son reflet lui est intenable. L'immortel n'irait pas jusqu'à dire qu'il ne s'aime pas, mais il ne s'est jamais trouvé particulièrement désirable. Il y a bien quelque chose chez lui qui mérite d'être aimé, cependant, être aimé et désiré n'est pas exactement la même chose, l'un existe sans l'autre et parfois les deux se rencontrent au même croisement. Dans son cas, quand il aime assez fort, il se peut qu'il ressente cette étincelle particulière qui donne à chaque contact une chaleur étrangère. Quelque part, ça fait sens qu'il se soit retrouvé dans une position aussi intime avec Bastian, alcool mis à part. Il y a bien de l'amour entre eux, quelque chose de sincère et de brut. Ils sont tous les deux très authentiques dans leur manière d'être et d'interagir, entre eux et avec le monde. Avec le recul, il comprend son erreur et peut-être qu'il finira par l'accepter plus facilement et sans être dévoré par les remords. Il se retient bien de dire à Lupe que Bastian le sait déjà. Il lui a bien fait comprendre.
Si il ne l'avait pas dit, l'autre l'aurait deviné un jour ou l'autre, il aurait comprit avec que Zyanya ne fasse la connexion. Il a toujours eu de l'avance.
Avec Lupe, c'est autre chose, comme toujours. Heureusement ce n'est pas trop tard pour le réaliser et il voit à quel point il est soulagé qu'ils ne se soient pas manqués. Qu'il n'aient pas gardé le secret jusqu'à la fin, expirant dans un dernier souffle de vie toute la profondeur de ce qu'ils ressentent l'un envers l'autre. Lupe a été son sauveur, puis il est devenu un guide, un ami, quelqu'un de confiance et la suite logique des choses veut qu'aujourd'hui, Lupe devienne son compagnon et son amant. Il a redouté cet instant, il a redouté de ne rien ressentir, redouté de ne pas être à la hauteur des attentes. Zyanya se crispe légèrement, le temps de s'habituer à cette main étrangère, le temps de chasser ses complexes le plus loin possible. Ce qui est une chose plus facile à dire qu'à faire.

Tout comme Lupe l'a laissé parler, il le laisse à son tour le remettre gentiment à sa place, lui demander de ne pas dire plus de bêtises. Et Zyanya fait le silence, là haut, dans sa tête, pour se concentrer sur la voix de Lupe, pour laisser passer les émotions, pour s'ouvrir tout entier à lui. Tout se tait à l'instant où il dépose son doigt contre ses lèvres et il est tenté par une pulsion bestial d'y mordre. Traversé par un frisson qui réveille dans son ventre un appétit nouveau. Il se surprend à ne plus être attentif qu'à sa main qui redescend le long de son dos, ne l'écoutant presque plus. Il l'entend sans enregistrer et pourtant il ressent ce qui lui est dit. Une nouvelle tension écorche l'instant presque parfait. Il a peur que Lupe le dévoile, que la vision de son corps nu ne soit pas fidèle à ses fantasmes. Le doute qui ne le quitte jamais menace de l'emporter et Zyanya sait qu'il ne lui reste qu'une seule chose à faire.
Il doit faire tomber les barrières. Il ignore totalement si Lupe est spectateur du tumulte interne auquel il fait face. Zyanya cligne des yeux, il va pour prendre une grande inspiration mais Lupe lui vole son souffle et tout vole en éclat. Son don lui confirme ce qu'il sait déjà ; il peut lui faire confiance.

Il ne s'attendait pas à ressentir autant d'amour de la part d'une seule personne, jamais il n'aurat cru vivre quelque chose d'aussi beau. Lupe a rêvé de passer le reste de sa vie avec lui. Non seulement Lupe l'aime, Lupe le désire également. Dans sa vie, dans ses bras. Dans ses draps. Il sourit, veut rire à l'utilisation du terme "sexy" qu'il trouve, justement, plutôt sexy dans la bouche de l'immortel qui a toujours un langage approprié. Il réalise que le son qu'il entend en fond est celui de son cœur qui tambourine. Qu'est-ce qui lui arrive ? « Lupe... » A l'instant présent, tout ce qu'ils pouvaient se dire à été dit, il n'a rien d'autre à ajouter. Mais Zyanya...Zyanya veut toujours avoir le dernier mot. « C'est de toi dont j'ai envie. La lueur dans les yeux de Lupe se reflète à son tour dans les siens. Il se sent vivant, invincible, poussé par un élan invisible. Il éclate de rire, au diable la solennité brisée. C'est tellement eux Je pensais à toi, à tes yeux, à tes lèvres, à ta bouche... » Le reste n'est plus audible que pour leurs oreillers.

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