permission to come aboard, doll (akiko)

[001] la vie d’akiko n’a pas connu un départ particulièrement simple. fille d’une prostituée et d’un chirurgien suédois de passage sur le territoire insulaire, elle a grandi dans la misère et la pauvreté en voyant sa mère se faire traiter comme une moins que rien. c’est surement de ce traumatisme que lui vient cette propension à agir avec des desseins féministes en tête de poupe. parce que sa mère n’a pas eu le choix, parce qu’elle non plus ne l’a pas eu, elle voudrait pouvoir offrir la liberté à toutes celles qui en sont aujourd’hui privées. [002] sa mère s’étant saignée aux quatre veines pour lui offrir un semblant d’avenir, elle est partie très jeune pour kumamoto dans le but d’intégrer un okiya réputé de la ville et de commencer une formation de geisha. cinq ans de d’entrainement aux arts traditionnels tels que la danse, le chant, la poésie ou encore l’art du maquillage et de l’habillement pour abandonner son col rouge au profit du col blanc des geishas confirmées. à dix-neuf à peine, elle devient une femme cultivée et capable d’envouter les hommes d’un seul regard. [003] difficile à croire lorsqu’on la voit aujourd’hui se balader de sa démarche patibulaire et siffler des bières avec les godasses sur la table. akiko traverse sa nouvelle existence immortelle comme une sulfateuse, prenant un malin plaisir à tout dégommer sur son passage. la délicatesse, elle a déjà donné. franche, directe et souvent brutale, elle vous dira clairement ce qu’elle pense en jurant comme un charretier. pas du genre a tortiller du cul pour chier droit, elle n’ira jamais par quatre chemins pour dire ce qu’elle pense. [004] akiko ne peut pas saquer les amerloques. ni leur pays, ni leur culture, ni même leur langue. lorsqu’elle est forcée de converser en anglais, c’est avec un plaisir à peine dissimulé qu’elle massacre la langue tout en conservant soigneusement un accent à couper au couteau. elle est incapable de digérer les horreurs qu’elle a vu pendant la guerre et garde envers le peuple américain tout entier une rancune tenace que les autres associent souvent à de l’obstination aveugle. elle boycott farouchement l’ensemble des produits américains (à part l’alcool mais là il y a jurisprudence, et le coca qu’elle boit en cachette de temps en temps même si elle ne l’avouera jamais). elle parle couramment, en plus de sa langue maternelle, le mandarin, le coréen, le vietnamien, le thaïlandais, le cambodgien, le laotien et l’indonésien. par soucis d’intégration, elle a également mis un point d’honneur à apprendre la langue natale des autres membres de sa constellation. [005] lorsqu’il s’agit de se mettre sur la gueule, akiko est toujours partante. qu’il s’agisse d’une rixe de bar, d’un règlement de compte ou de foncer dans le tas en première ligne en temps de guerre, elle ne se fera jamais prier et ne restera jamais en retrait. les arts martiaux n’ont plus de secret pour elle, mais son art préféré reste encore le kenjutsu. parce que trancher des têtes au sabre de samouraï, ça ne se démode pas (pas comme ces conneries de corsets ou de pantalons pattes d’éléphant). probablement que si le diable venait la chercher en personne pour la trainer jusqu’en enfer elle le taillerait en pièce en lâchant une bordée de jurons, les cheveux au vent. [006] la jeune femme pratique le bouddhisme theravāda, qu’elle considère plus comme une philosophie de vie que comme une religion, avec assiduité. il n’est pas rare de la trouver en train de méditer ou de se lever aux aurores pour faire des offrandes aux bonzes ayant fait vœu de pauvreté. là où beaucoup d’immortels ont perdu la foi, celle d’akiko n’a été que renforcée par sa résurrection. elle part du principe que cette honneur qui lui a été accordé doit servir à réaliser de grandes choses et bouleverser l’ordre établi.  [007] akiko a eu une fille qui est aujourd’hui décédée. se refusant à avorter, bien que sachant très bien qu’elle ne pourrait jamais accorder suffisamment de temps et d’amour à une enfant mortelle, elle l’a confiée à un orphelinat réputé de nagasaki pour qu’ils l’élèvent à sa place. elle a pris soin de subvenir aux besoins de l’orphelinat de manière anonyme en regardant la gamine grandir de loin sans jamais se révéler. même si elle ne l’avouera jamais, elle l’a vécu comme un véritable déchirement. le neuf aout mille neuf cent quarante-cinq, alors qu’elle observe sa fille de loin comme à son habitude, ils sont tous emportés par le bombardement américain. akiko reprend vie au milieu des cendres et des flammes, et passera des jours entiers à tout retourner pour essayer de retrouver le corps de sa fille. en vain. [008] akiko est une femme farouchement indépendante et se lie difficilement avec les autres. elle n’aime pas parler d’elle ou de son passé et déteste qu’on la questionne de manière indiscrète. sa grossièreté et son mauvais caractère sont un moyen comme un autre de se protéger en tenant les gens à distance. les seuls qu’elle tolère près d’elle sont les membres de sa constellation. probablement qu’elle serait capable pour eux des plus grands sacrifices et des pires bêtises, même pour ce con de borso. [009] plus la brune se tient loin de la technologie et mieux elle se porte. ces conneries de progrès technique, ça la gonfle plus qu’autre chose. à peine le temps de comprendre le fonctionnement d’un objet qu’il en sort déjà un nouveau encore plus compliqué. elle possède deux vieux téléphones à clapet, un pour les affaires, qu’elle garde toujours sur elle, un pour le reste, qu’elle pense à charger une fois sur deux et de toute façon, elle ne répond jamais aux appels. si elle a besoin de vous dire quelque chose, c’est elle qui vous contactera. si c’est le contraire, il faudra vous accrocher. de manière générale, éviter de lui mettre du matériel informatique entre les mains, parce qu’elle finira invariablement par cogner dessus. [010] derrière ses allures de rustaude mal dégrossie se cache une femme d’une redoutable intelligence qui ruissèle littéralement d’inventivité pour parvenir à ses fins. elle a souvent plusieurs coups d’avance sur ses ennemis et se laisse rarement prendre par surprise. un plan a, un plan b, un plan c, si la porte se ferme, elle passera par la fenêtre. loin de l’image de bulldozer qu’elle veut bien se donner, elle réfléchit toujours avant d’agir et anticipe chacune de ses actions pour ne jamais être prise au dépourvue.