Trade that typical for something colorful (Salome & Camille)

Trade that typical for something colorful
@Salome Vargas

Tout ce bordel avait commencé avec un banal sondage sur Twitter, parce que oui, t'étais p't'être un vieux de la vieille, mais t'étais une antiquité connectée (puis t'étais pas si vieux, tu connaissais quelques dinosaures qui avaient pris le thé avec Da Vinci ! Fallait pas abuser non plus, t'allais juste sur tes deux siècles, t'étais encore jeune.)

Enfin bref... Une maison d'édition t'avais contacté, un livre de cuisine, pourquoi pas. Mais t'avais été formel, pas de photo de ta gueule, du moins pas en entier, tu t'étais toujours démerdé pour cacher suffisamment ton visage sur les réseaux, y'avait déjà des photos de toi en circulation, datant de l'époque où tu apprenais auprès de quelques chefs étoilés. Y'avait même une émission de cuisine où tu jouais les p'tits commis. Y'avait déjà bien assez de traces de ton passage comme ça.

C'est pour cette raison que t'avais décidé d'illustrer les recettes et le livre avec des photos, bien entendu, mais aussi avec des dessins, des p'tits strips de comics en fonction des recettes proposées. Et ils avaient acceptés les moindres de tes demandes. Quand t'avais demandé à pouvoir choisir l'artiste qui illustrera le livre, ils avaient, là encore, acceptés. C'est ainsi que t'avais commencé à échanger avec une artiste dont t'aimais bien le style (... Bon avouons le, tu suivais chaque semaine son webtoon du moment, t'étais accro et t'aimais un peu trop les charadesigns de ses personnages.). C'était une suite de mails, le courant était assez vite passé, et vous aviez décidés de vous rencontrer histoire de régler les derniers détails. Direction le Canada, t'allais la voir à domicile. Bah oui t'allais pas la forcer à se pointer en France, elle te rendait déjà un bien fier service. T'avais donc choisi un bar qui servait, selon les réseaux, des cocktails qui étaient déjà BONS ET Esthétiques. Et en plus ils faisaient de la bonne bouffe. Tu te rendais jamais dans un bouiboui où tu savais que tu en ressortirait malade et nauséeux pour la semaine. Ton immortalité avait impacté ton palais, et t'étais vachement sélectif.

T'avais fais ton Camille, une nouvelle fois. Si à ton époque tu pouvais pas faire ce que tu voulais de ton look, si c'était mal vu et que t'étais toujours tiré à 4 épingles, avec tes chemises, tes bretelles et tes pantalons (bon sang qu'est-ce que tu les avais raccommodés ceux là, mais c'était tes outils de travail), l'immortalité t'avais débarassé de ce fardeau. Et les années passant avaient finis par te rentrer dans le crâne qu'on se fichait bien pas mal de comment tu t'habillais. Si les gens étaient pas contents, ils changeaient de trottoir. Oh y'avait des coins où tu te le permettais pas, parce que ça finissait bien souvent avec des mecs voulant t'apprendre à rentrer dans le moule par la force. T'aimais pas vraiment te faire démonter la gueule.

Tes petites mains étaient parées de multiples bagues; t'en portais une à l'index sertie d'une petite rose noire, de nombreux bracelets étaient accrochées à tes poignets, l'un d'entre eux était un simple bracelet de ficelles tressées avec les couleurs de l'arc en ciel. Tu portais des converses violettes -ta couleur préférée-, un pantalon noir, simple, et un t shirt blanc sur lequel était représenté une multitudes de personnages de Steven Universe. en noir et blanc. T'avais enfilé une veste en faux cuir rouge. Tu t'étais installé à ta p'tite table en attendant la personne à qui t'avais donné rendez-vous, et on te servit bien vite un cocktail coloré, rose et bleu. Quelques fruits nageaient dans le verre. Un p'tit sourire satisfait étira tes lèvres, alors que tu le goûtais du bout des lèvres. C'était le genre de boisson traitre. Le sucre cachant le goût de l'alcool. Et tu finissais rond comme une queue de pelle assez vite. Fallait dire que t'avais passé 30 ans à observer une sobriété très strict. Tu mâchonnais ta paille quand tu la vis finalement débarquer dans ce lieu de débauche (c'est faux !). Tu lui fais signe, un énorme sourire sur ta bouille.

"M'dame Vargas ! Par ici !"
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Elle a commencé S et les petits tracas cacas en 2018, comme une échappatoire à la situation sombre dans laquelle elle se trouvait. Salomé, trois ans plus tôt, le nez dans les petits boulots sans réussir à décoller. Isolée en Colombie, à manger cher mais à vivre planquée de peur qu’on découvre sa parenté. Un mois ou deux de vacances, entre les commandes d’illustres inconnu.es et celles d’ami.es ou de fidèles revenu.es la voir. Un mois au fin fond d’un pays où les Vargas avaient le bras long et les armes pour convaincre qu’elle était, d’une certaine manière, la meilleure de l’endroit.
Contre toute attente, le webcomic bourré de clichés et d’histoires d’un quotidien canadien presque trop triste et fade pour être vrai a attiré son lot de lecteurices ! Salome n’y a pas cru une minute. A chaque planche proposée, dessinée entre deux commandes, elle recomptait les vues et les commentaires et traquait scrupuleusement les bots. Histoire de ne pas être la gagnante d’une foule illusoire.

Et c’est grâce à ça, un peu, qu’elle a obtenu ce nouveau travail. Unique en son genre, si l’on peut dire. La fille de Colombie n’a encore jamais fichu les pieds dans le monde éditorial de son plein gré, et n’a sûrement jamais feuilleté un livre de cuisine de sa vie (information qu’elle gardera clairement au chaud pour son client.) Ils sont tous les deux des enfants de l’Internet. Quoi de plus normal que pour eux de collaborer ? Du word wide web étaient nés le critique et la dessinatrice, l’union de leurs deux arts ne pouvait être qu’une nouvelle œuvre parfaite, bénie par la Toile elle-même (si l’on supposait, bien évidemment, qu’une déité de l’Internet guide les pas des internautes et les protège du mauvais sort. )

Parée d’une tenue sobre comme on enfile une armure, son sac en bandoulière fait affreusement faux chic et nouvelle riche alors qu’elle a tout de la jeune fille discrète du fond du bus sur laquelle jamais nos yeux ne s’attardent. Son maquillage, à son image, est si léger qu’il pourrait ne pas exister. Avancer, dans les rues de Toronto, ne pas laisser les passants sur soi s’attarder. Ombre parmi celleux qui marchent avec un but, se faufiler plus qu’ouvertement avancer : voilà ce que les années ont laissé en héritage à une fille Adoratrice, à une enfant qu’on ne veut pas voir car elle tâche l’école et le monde. Elle prend la direction du restaurant dans lequel elle a été invitée à se rendre, n’a pas le temps de donner son nom qu’elle se fait apostropher par un petit lutin.

Enfin petit… Plus ou moins. C’est elle qui est minuscule – et sa présence fade ne fait rien pour la grandir. Elle se dirige vers la table et sourit à son futur collaborateur (du moins elle présume). « Enchantée, monsieur. Avez-vous attendu longtemps ? » manière réthorique d’effacer les secondes qu’elle n’a pas gaspillées : comme toujours, elle est parfaitement à l’heure.
Ses fesses trouvent le siège de la table, une carte lui est fourrée au fond des mains par un serveur qui disparaît avant qu’elle ne le voit, avec moultes courbettes qui laissent son odeur derrière lui. « Charmant endroit pour une rencontre, en tout cas. Je ne pense pas être déjà venue par ici. » L’entrain dans sa voix, les petites politesses qui cachent qu’elle ne sait pas trop ce qu’elle doit dire. « Je suis désolée de vous faire vous déplacer aussi loin. »

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@Salome Vargas

Ton sourire se fait plus grand encore quand tu l'avais vu. Cette petite dame qui, t'avais l'impression, cherchait à prendre le moins de place possible, là où toi, t'en prenais le plus possible de peur qu'on cherche à te réduire au silence. T'avais renoncé à l'ombre pour vivre au plein jour, et cela passait par trop de petits détails pour que tu puisses vraiment tous les dénombrer. Ton expression ne se fait que plus douce, bienveillante, comme celui d'un aîné qui a déjà vécu ça, qui a traversé la même période de discrétion. Car après tout, t'avais l'âge d'être son grand père. Mais comme tu disais toujours, la vieillerie c'était qu'un état d'esprit. Tu regardes un moment ta montre, une montre à gousset que tu portais toujours en collier, un vieux souvenir.

"Moi de même Miss. Rassurez vous, je n'ai absolument pas attendu. Et quand bien même... J'ai tout mon temps."

Tu déguste tranquillement ton cocktail, détaillant la jeune femme du regard avec curiosité, ainsi donc vous vous rencontriez enfin. Une expression gamine et émerveillée passe sur ton visage quand elle parle de l'endroit, et tu penches doucement la tête, tu sens tes longs cils qui caressent tes joues. T'avais mis un peu de mascara pour donner l'impression que tes yeux étaient encore plus grands.

"Il est pas assez connu malheureusement, mais on m'en a beaucoup parlé, et j'avais envie de tester cet endroit depuis un moment, c'est l'occasion ! On peut se tutoyer si tu veux, après tout... C'est ce que je fais depuis le début avec toi. Si c'est trop... Informel n'hésites pas à me le dire, mais on va être emmené à communiquer pas mal toi et moi, alors tant qu'à faire... Autant pas s'embêter avec la formulation."

Tu regardes un peu sur sa carte, et tu lui montre deux ou trois cocktails, en parlant des mélanges de saveurs qui peuvent être agréables en bouche selon ce qu'elle aime, tu joues les bons petits conseillers. Ce serait dommage qu'elle passe à côté et qu'elle se contente de demander un simple verre d'eau. Et finalement... Finalement tu balayes ses excuses d'un revers de la main. Rien n'est grave, rien n'a d'importance, et y'a zero offenses.

"Je suis toujours en déplacement à droite à gauche, si t'as lu mes critiques, y'a pas mal de restos qui sont dans le monde entier, et pas seulement en France. Y'a aucun soucis et... En réalité j'suis assez peu allé dans ces coins là, c'est l'occasion. Pas besoin de s'excuser t'en fait pas."

Un agréable sourire qui se veut rassurant s'étire sur ta bouille alors que tu la regarde avec douceur. T'es pas le genre à te prendre la tête, loin de là. Et tu finis par parler.

"J'pense que pour le projet, j'aimerais te laisser carte blanche pour les strips, inventer ce que tu veux comme petite histoire. Si tu veux faire des mini strips indépendants, pas de soucis, si tu veux faire une histoire... pas de soucis. ça pourrait permettre à mes followers de découvrir ton travail, ce serait pas mal."

Une petite expression douce étire tes traits.

"ça te dérange si je commande à manger ? On partage quelque chose ? Histoire de voir si leurs cocktails sont les seules choses que je recommanderai ou pas !"

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Comment traiter quelqu’un qui a la richesse et le savoir, la popularité et la beauté ? Face à lui, Salome est insignifiante. Il l’impressionne : sans doute n’en a-t-il pas conscience, de cette aura solaire et magnifique qui trône autour de lui, illumine le monde. Ses mouvements sont calculés pour être élastiques, ses cheveux réfléchissent assez de lumière pour ne pas paraître trop soyeux. L’univers entier semble s’être accordé pour déclarer que Camille est beau. Pas au goût de Salome, mais beau dans le sens le plus esthétique du terme – celui, qui, au fond, fait sonner le palpitant déconnant de la brune. Il sera un bon sujet, même si c’est pas lui qu’elle est supposée dessiner. On peut toujours s’arranger.

« Tutoiement, donc. Accepte la brune en hochant la tête. Ses dents quittent la lèvre mordillée par habitude. Je suis plutôt ouverte et friendly, je n’impose la distance à mes clients que quand ils le désirent. » Et son sourire de perles révèle toute une sincérité honnête.

Devant elle, un verre rose pâle finit par se poser. L’odeur d’hibiscus mêlé au gin et à… L’orange ? Avec un soupçon de cerise qui tourbillonne dans le fond grimpe dans ses narines avec une précision trop certaine pour que ça soit naturel. C’est sûrement une bêtise chimique à ce stade-là, enfin ! Et lorsque la paille glisse entre ses lèvres, c’est tout le contraire qui explose contre son palais. Le tout ne se décompose pas mais se marie avec passion et flamboyance, si bien qu’elle en oublierait presque la conversation qu’ensemble ils doivent mener.
(c’est de sa faute à lui, quoi qu’il en soit, pour l’avoir amenée ici. )

« Donc j’ai une totale liberté pour le tout ? La question est honnête et lui fait pencher la tête en une cascade brutalement stoppée de cheveux autrefois peignés. Tu sais ce que toi, tu préférerais ? Je sais que, par habitude, il y aura sans doute une forme de récurrence entre les strips, mais ça m’intéresserait de savoir aussi ce que toi, tu veux y voir. » Une autre gorgée du cocktail finit au fond de sa gorge sèche. Délicieux. Elle fait tournoyer la paille dans le verre et joue avec la mousse formée sur le dessus. Un petit sourire reste ancré sur ses lippes sombres. L’heure dorée n’est pas encore là et sa peau n’a pas la teinte du plus rare des métaux – statue vivante pour quelques minutes.

« On peut commander, sans souci. J’ai un peu ... Son ventre se rappelle à eux et, par respect, elle plaque ses doigts contre celui qui grogne. Un peu faim. Désolée. » Une excuse dans le vent. « Je te laisse le choix, je ne suis pas difficile. Et je te fais confiance pour trouver la perle rare ! »

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@Salome Vargas

Les mortels... Ils avaient cette beauté dans l’éphémère. Ce petit tu ne savais quoi de fascinant. Si tu détournais trop longtemps les yeux, ils finiraient par s'étioler, par s'éteindre. Alors ton regard parcourait la jolie femme, sa belle bouche pleine, ses boucles soignées, sombres, sa peau au teint olive. Elle était belle, quoi que, avec un style un peu plus coloré, tu savais qu'elle serait capable d'attirer toute l'attention sur elle, mais encore fallait-il qu'elle le veuille, tout le monde n'était pas fait pour la lumière. Tu hausses les épaules à ses mots.

"On peut se tutoyer et respectueux, et j'ai énormément de respect pour ton travail, et pour toi."

Elle avait choisi un cocktail vraiment joli, l'odeur sucré qui s'en dégageait te semblait vraiment agréable. En plus y'avait du sucre bleu sur les bords, un cocktail qui avait tout de la photo instagram. Mais t'avais déjà pris le tien sous tous les angles possibles et imaginables, t'utiliserai la meilleure pour ta review. Quand tu vois son expression, lorsqu'elle goûte son cocktail, un sourire et un rire tout aussi doux t'échappe. C'était un spectacle amusant à voir.

"Oui une totale liberté tant que... Les comics respectent tout le monde." Tu réfléchis un moment à sa question... Avant de te faire songeur. "Ce livre, il aura des recettes simples, du monde entier, des recettes qui se partagent, qu'on cuisine ensemble pour les partager ensuite autour d'une bonne table. J'ai envie que chaque strip rappelle un peu l'origine du plat. J'veux donner aux gens qui seront réceptifs quelque chose à partager. Pour le reste, tu peux utiliser les mêmes personnages si tu veux, ou un fil conducteur."

T'attrapes ton sac, pour en sortir une jolie pochette, sur le devant, on peut y voir quelques licornes. Tu l'ouvres délicatement, et tu en sors quelques pages. "Voilà comment ça va se présenter. T'as la photo du plat" Tu pose une à une les pages que tu met côte à côte. " Puis la recette et les conseils, ensuite je pense qu'on pourrait mettre ta partie. Et une dernière partie pour parler un peu de l'origine du plat tu vois ?"

Quand tu entends le cri du ventre de ta comparse, tu souris doucement. Une nouvelle fois, avec plein d'indulgence. "Si elle n'est pas trop prégnante, la faim est une bonne maladie." Oui... T'étais mort une fois de cette faim, et c'était une fin que tu souhaitais à personne. T'aurais presque pu te croire drôle à jouer sur les mots. Mais cette mort avait laissé ses marques sur ton être. Tu te laissais jamais aller à sauter un repas. Cela avait tendance à t'angoisser. Alors t'ouvrais finalement la carte, et tu choisis, une farandoles de petits plats, des petits amuses bouches en petite quantité, à partager, histoire de faire le tour, il y avait un peu de tout. Le serveur qui prit ta commande partit. "On va tester au large, on verra ce que ça donne. J'ai pris des cours de cuisine auprès des meilleurs à une époque... J'me débrouille pas si mal, je sais reconnaître un plat quand il est bon ou pas. T'en fait pas."
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Elle hausse les épaules pour accepter sans vraiment trop y croire. C’est Camille. C’est le mec qui a plus de savoir sur la cuisine qu’elle n’en aura jamais, qui a plus d’abonné.es qu’elle, qui est drôle, respectueux et sans doute un amour dans le privé. Il a l’air des gens affables et délicats, celleux qui, sans se laisser marcher sur les plate-bandes ou les pieds, savent se faire respecter d’un sourire et d’un regard. Et quels iris que ceux de Camille ! Emplis de cette passion papillon, fragile et brillante – mais, peut-être, est-ce la lumière qui joue au fin fond de ses pupilles ou une affabulation de l’inconscient de Salome. Elle voit l’extraordinaire partout : à cotoyer des gens qui le sont, à les servir en acceptant d’être plus bas qu’elleux, elle voit la magnificence surréelle trouver un écho en chacun.e. C’est un fardeau.

« Je ne suis pas du genre à dire ou dessiner du mal de quelqu’un. Ou alors, ils finissent au feu après. C’est bien assez libérateur. » sourit la Colombienne, états-unienne, enfant du Nouveau Continent. Ancien Nouveau Monde, oxymore qu’elle incarne dans ses valeurs et son sang. (Oh, comme elle voudrait connaître l’extérieur. Voir l’Europe et s’y découvrir des racines, juste une fois ! )
Déjà, au fond de son cerveau les petits personnages dansent. Bonne mémoire, elle repousse les dessins à venir tout au fond pour se permettre de ne pas les oublier dans le hall d’entrée mémoriel. Là où les idées passent et refluent aussi vite qu’elle respire sans avoir de temps de marquer durablement. Gentille, silencieuse, une plante verte ferait aussi bien qu’elle le sourire en moins, elle se penche sur les pages qu’il sort de sa pochette magnifiquement décorée. Concentrée, elle hoche la tête – feuilles bercées par le vent, rien de plus. Une potiche. Le véritable travail commencera réellement quand elle sera seule : partager ses idées sous le feu de l’émotion et sur le moment n’est pas son fort. La réflexion est la seule force qui pousse son crayon, la volonté de fournir la perfection l’empêche de montrer des brouillons incomplets. Pas qu’elle ne soit pas passionnée ! Juste trop perfectionniste pour jouer au jeu des esquisses pour faire rêver. Des premiers, seconds, troisièmes jets seront fournis jusqu’à trouver le visuel final.

« Ca me semble parfait, écoute, murmure-t-elle, le visage penché sur les feuilles avant de se relever et de ranger ses cheveux correctement. Leur lissage était un peu mis à mal par l’humidité d’une fontaine non-loin. Certes, ils ne sont pas aussi… Frisés ? Peut-on dire ça ? Que ceux de ton collaborateur, mais tu n’as pas vraiment envie d’un style wavy, là, de suite. Ou d’avoir l’air d’une personne aux cheveux gras.
« Je te fais entièrement confiance sur la cuisine. Sinon, je n’aurais pas accepté de travailler avec toi… Ou de te suivre au restaurant. Un clin d’oeil appuie son sourire léger. Encore désolée du bruit. Certaines personnes peuvent se retenir de gargouiller, le savais-tu ? Manque-t-elle de demander pour meubler le silence bien trop confortable jusque là. Elle ne va pas se laisser aller à lui balancer à la figure des petits faits divers vaguement dégoûtants, tout de même ! Alors elle questionne, revient sur ce qu’il a dit, tout en sirotant son cocktail. « A une époque ? Tu as l’air bien jeune pour parler comme un vieux… Ca remonte à quoi, cinq ans ? C’est une éternité, cinq ans. » Elle joue comme seul.es les mortel.les savent (peuvent, surtout) jouer. Car iels sont trop peu, ses supérieur.es, en ce monde, pour qu’elle puisse tomber au hasard sur l’un.e d’entre elleux qu’elle ne reconnaîtrait pas, pas vrai ?

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@Salome Vargas

Vous discutez, vous buvez, et d'un point de vu extérieur ça pourrait presque ressembler, plus à un rancard qu'à un entretien à propos d'un quelconque travail. L'ambiance y est détendue. Toi même, on va pas mentir, tu te sens bien. La jeune femme est discrète, c'est sûr, mais tu perçois en elle une beauté, un petit quelque chose d'unique qui ne demande qu'à éclore. Mais... Les gens ne sont pas tous prêts à embrasser la différence comme toi. Certains ont besoin de temps, d'autres ont peur et ne le feront jamais, et tu juges pas, toi t'es pas là pour ça, chacun vit sa vie comme il l'entend tant qu'il fait pas chier les autres. T'as d'la haine pour personne, de l'amertume pour ton père, seulement, au final... T'es p't'être le type bien que tout le monde dit. Mais non... Non c'est pas possible, t'es un menteur à mille visages, un parfait petit caméléon. Alors t'abandonne cette idée. T'es pas un mec bien.

"Hé bien... C'est parfait alors. J'ai hâte de voir ce que tu nous prépare. On a prévu une partie présentation aussi, alors il faudra que tu rédiges un petit texte pour te présenter, hésite pas à mettre le lien vers ton site, ça t'offrira un peu de pub gratuite, la maison d'édition n'y voit pas d'inconvénients."

C'était le premier pas, la première impulsion vers ton nouveau plan de vie. Plan de vie qui ne durerait qu'un temps, parce que tu sais que tu peux pas être immortel et vivre à la lumière. Mais toi... Tu l'aime cette lumière, de tout ton coeur, c'est elle qui veut pas de toi. Cinq ? Six ans ? C'est le temps que tu donnes à la phase B de ton petit plan de carrière, la boutique. Car... Elle est en projet. T'as déjà commencé à chercher un endroit pour vendre tes petites pâtisseries. Londres sera ton terrain de jeu. Tu penches finalement la tête à ses mots, et un sourire d'une grande douceur t'échappes. T'étais mort, dans ton ancienne vie, de faim, ce genre de bruit ne t'indisposais pas. T'avais appris à vivre avec et tendre l'oreille aux signes que ton corps t'envoyais. Tu l'apaises d'un geste.

"Y'a pas à s'excuser, c'est naturel. Puis c'est que tu as faim; alors on va remédier à tout ça"

Ton trouble s'affiche un moment sur ton visage, avant que tu ne fronces les sourcils, et que tu ne reprenne la pleine mesure de tes émotions, un petit rire, un visage d'une neutralité prudente.

"ça dépend de comment tu vois ta vie, mais oui... 5 ans, ça peut paraître extrêmement lointain parfois. Ou extrêmement court selon ton point de vue." Tu pestais intérieurement contre ta jeunesse, ce corps de gamin dans lequel t'étais coincé.

"Excuses ma maladresse. Oui." Tu citerais pas de nom, la plupart des chefs que t'as cotoyé étaient morts de vieillesse il y a 5-10, 50 ans, de vieillesse. T'avais appris, t'avais su t'abreuver de leur connaissances, être un élève appliqué. Ton regard se fait lointain un instant.

"Parfois on bouge tellement dans tous les sens qu'on a l'impression de vivre mille vies."

Et sur ces bonnes paroles, une farandoles de petits amuses bouches, petits plats à partager et autres, des trucs typiques des environs arrivèrent, viandes fumées, soupes, bouchées, tu respirais doucement, avant de chopper ta fourchette

"Bon appétit."

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