All Hail Hydra ♔ Marius Di Mercurio

[L’an -578 av JC] Sa naissance fut marquée du sceau de l’infortune, son père apparemment mort pendant l’une des campagnes militaires contre Véies, laissa derrière lui une veuve dont le statut différait guère de celui d’un esclave. Autant qu’il aimait la première femme de sa vie, il comprit très vite que sa mise au monde ne lui offrirait rien de mieux qu’une vie médiocre tout au plus. Dans une société où le mérite prime et où la faiblesse est condamnée, ces premiers pas sur cette Terre eurent pour seul but entamé sa longue ascension vers le sommet. [L’an -530 av JC] La trahison, en soit, fut moins surprenante que l’identité de la personne qui le perpétra. Sous son influence, jamais encore le Sénat n’avait eu pareil pouvoir à Rome. Bien sûr, c’est tout naturellement que sa place attira la convoitise de ses pairs. Souvent, il voyait le regard avide de son propre fils convoiter sa place. Marcus n’était ni dupe ni aveugle mais il avait cru son fils trop pleutre pour mettre à exécution ses envies de grandeur. Enfin…  Ce fut jusqu’au jour où, lasse d’attendre ce qu’il pensait lui être dû, celui-ci se rendit coupable de parricide. Même après être revenu à la vie, Marcus ne fit rien pour se venger. Comment aurait-il pu ? S’il y a bien une chose dont le romain fait l’éloge, c’est l’ambition. [Du VIème au Ier siècle av JC] Si les siècles furent longs, la solitude se fit plus pesante encore. Les saisons changeaient inlassablement, alors qu’il essayait, en vain, de comprendre les raisons du don que les dieux lui avaient offert. Ses pérégrinations le portèrent à travers toute la République romaine à en quête d’un semblable. Si ses recherches rencontrèrent ultimement leurs limites, il put tout de même apprécier l’étendu de ce monde dont il ne connaissait qu’une fraction. Laissant brièvement tomber la politique, il fit carrière dans le militaire, assouvit sa soif de connaissance, voyagea. Pour autant, il ne s’aventure que très rarement au-delà des frontières de la République. Par sentimentalisme ou par peur ? Qui sait. Toujours est-il qu’il n’était pas prêt à laisser tout ce qu’il connaissait derrière lui. [L’an -48 av JC] Toujours proche de toute source de pouvoir, il se glissa dans l’entourage proche de Jules César se faisant son plus fidèle conseiller. Le consul est un homme complexe et ambitieux, Marcus se reconnaît dans ses aspirations et met toutes les ressources possibles à la disposition de l’homme afin de le voir gouverner Rome. Nommé Sénateur lorsque l’imperator prit le rôle de Dictateur à vie, Marcus pensait vivre là une énième des vies qu’il avait mené jusque là. C’est alors qu’il la vit. Plus époustouflante encore que le spectacle de Cléopâtre se déroulant dans un tapis au pied du dictateur, ce fut l’une des servantes de la Reine égyptienne qui lui coupa le souffle. Pendant des décennies, il n’avait vu en elle que le produit de songes dont il avait préféré dédaigné l’existence. Et voilà qu’elle se tenait devant ses yeux. Aucun mot ne fut échangé durant cette rencontre pourtant Marcus sut aussi sûrement que l’air gonflant ses poumons que leur destinée était depuis la nuit des temps liée. Elle fut le premier membre de sa constellation, et encore aujourd’hui, elle tient une place particulière à ses côtés. [L’an -44 av JC] S’ils éprouvaient un manque d'intérêt commun pour l’idylle entre Jules César et Cléopâtre, il consacrèrent tout de même leur temps à mieux se connaître. À ses côtés, Marcus découvre l’ampleur de son ignorance. Nephtys est certes sa cadette, pourtant, elle en sait plus sur leur l’immortalité que tout ce qu’il a pu apprendre après plusieurs siècles d'errance. Elle lui révèle le but de leurs rêves, lui explique ce lien qui semble les unir mais surtout elle lui parle de cette organisation dont elle fait partie. L’Ordre de l’Hydre. Si Marcus ne croit déceler aucun mensonge dans ses paroles pour autant, il ne rejoindra pas les rangs de l’Ordre dans l’immédiat. Il ne voit pas l'intérêt de rejoindre ces immortels de l'ombre si ce n'est que pour souffrir de leur compagnie. Parallèlement, César se montre de plus en plus arrogant, Marcus avait bien essayé de le mettre en garde contre ceux qui complotaient sa perte, mais voyant ses conseils tomber dans l’oreille, c’est tout simplement qu’il laissa l'inéluctable se produire. Lorsque César meurt, Marcus ne le regrette pas, au contraire il saisit l’opportunité pour quitter lui aussi la scène du pouvoir. [Du Ier au Vème siècle] Voyageant ensemble au-delà des limites de l’Empire romain. Ce ne fut qu’après de longues années qu’il ne décida enfin de céder aux insistances de sa compagne. Encore incertain d'adhérer aux idées du groupe, il limite sa contribution au strict minimum. De même, la succession de chef à la tête de l’Ordre ainsi que les querelles intestines fragilisait cette organisation déjà bancale. Malgré l’immortalité de ses membres, Marcus ne leur donnait pas longtemps à vivre. Néanmoins, l’Ordre de l’Hydre dispose de certains moyens dont il se plaît à profiter, notamment de leur réseau tentaculaire de contact. Peu à peu, il se familiarise avec les politiques du monde, les influençant dans l’ombre et s’appropriant lentement l’allégeance des immortels qu’il rencontre. Tout ne se fait pas en un seul jour, bien sûr. Mais Marcus ne manque ni de patience ni de persévérance. [L’an 610 ap JC] Il devait l’avouer il avait commencé à perdre foi. Ils avaient cherché ce troisième membre plus d’un siècle et demi. En vain. Il avait vraiment cru s’approcher du but lorsqu’ils avaient exploré les Royaume anglo-saxons, mais ce fut peine perdue. Pourtant, étrangement, Marcus brûlait d’envie d’aller à sa rencontre avec une ferveur qu’il n’avait pas connu avec Nephtys, dès le premier rêve Marius n’avait cessé de ressentir cette attraction tenter de le guider vers l’autre avec la précision d’un boussole déréglé. Ironiquement, c’est lorsqu’il cessa de le poursuivre qu’il le trouva enfin. Leur rencontre aurait pu être un fruit du destin si Lorcan n’était pas en train de se faire botter les fesses par une troupe de Francs aux intentions plus que douteuses. Lorsque Nephtys lui avait parlé d’âme-soeur au sein d'une constellation, le romain avait pris ses paroles avec une pincée de soupçon, force était de constater que la réalité surpassait amplement ce à quoi il s’imaginait. Ce fut instinctivement qu’il se rapprocha du Celte. Et pour quelqu’un les ayant évité tout ce temps, Lorcan se trouva étonnement facile à convaincre lorsqu’on lui proposa de rejoindre l’Ordre. [VIIIème siècle ap JC] Sans être des plus paisibles les années suivantes furent pour le moins enrichissantes. L’Ordre de l’Hydre affirma son emprise sur le monde. Au yeux de tous, leur “chef” Darius avait apporté à l’organisation la stabilité qu’il lui manquait depuis si longtemps. Marcus, lui, se complaisait à ses côtés dans son rôle de “bras-droit”. Il ne répugnait pas à laisser Darius se pavaner autant qu’il le veut à la tête de l’Ordre, agitant la cible collé dans son dos. Cependant, les moins crédules, eux, savaient dans quelles mains se concentraient réellement le pouvoir. À la même époque sa constellation se vit agrandi par l’arrivée d’Ibrahim, musulman d’Espagne. Et pour la première fois Marcus rencontre quelqu’un d’aussi obstiné que lui. Leur caractère est semblable pourtant leurs objectifs ne pouvaient être plus diamétralement opposés. Ibrahim considérait qu’un grand pouvoir impliquait de grandes responsabilités, pour lui les immortels devraient révéler leur existence aux humains et assurer un rôle de guide auprès de l’humanité. Marcus n'est pas sûr d'adhérer à son point de vue. Il a observé les humains assez longtemps, pour se rendre compte qu’ils n’avaient pas de qualités rédemptrices, le romain préfèrent les utiliser à ses propres fins plutôt que de leur accorder son aide. Pour autant, sans s’en rendre compte, il se prit au jeu des aspirations d’Ibrahim faisant parfois preuve de plus d’humanité que ce dont il était habitué. [L’an 1480 ap JC] La faute lui revenait dans toute son entièreté. Se gravant dans son âme comme son plus grand regret. S’il avait accepté de suivre Ibrahim à Venise comme celui-ci le lui avait demandé, peut-être qu’il aurait pu éviter le pire. Peut-être qu’aujourd’hui il serait encore avec eux. Marius ne se souvenait même plus de la raison qu’il avait invoqué pour justifier son refus. Qu’avait-il eu de plus important à faire ? Son souvenir le plus vivide est celui de ce sentiment de panique irrationnel lorsque Ibrahim disparut. C’est tout. Les semaines, les mois, les années passées à chercher leur compagnon, se mélangeaient dans un entrelacs confus de pièces disparates. Et lorsqu’ils retrouvèrent enfin Ibrahim, il était déjà trop tard. Il n’eut pas de derniers mots. Pas même un adieu. Juste une douleur lancinante le transperçant au point de l’aveugler, une plaie qui ne guérira jamais tout à fait. Et le nom des responsables. Que cette humanité que Ibrahim chérissait tant puisse causer sa ruine, ne rendait sa perte que plus amère encore. Finalement il avait bien eu tort, les humains n’en valaient pas la peine… La haine aurait été une échappatoire séduisante, si elle ne risquait pas de lui faire perdre de vue son objectif. Il réaliserait le rêve de Ibrahim, du moins à sa façon… Mais surtout, il s’occuperait de ceux ayant osé mettre fin à sa vie. Le Conclave s’était engagé dans une guerre, sans se douter qu’il se dirigeait vers une extermination à sens unique. [L’an 1500 ap JC] C’est alors qu’il comprit, les limites de son orgueil. Il lui restait encore tant de chemin à faire. À quoi bon s’emparer du monde, caché dans les ombre, s’il était incapable de protéger les rares personnes en qui il tenait. Tout ce temps, il avait profité de sa position sans jamais s’exposer ou assumer ses responsabilités. Et il avait durement payé le prix de son arrogance. Il ne ferait plus jamais la même erreur, n'accepterait plus aucun échec. Le moment était venu pour qu’on lui accorde les lauriers de tous ces siècles de labeur. Et sa première résolution fut de se débarrasser de Darius. Cela faisait longtemps que son pion avait perdu son utilité à ses yeux. Si l’enlever de son échiquier ne fut qu’une formalité, ôter la vie de l’immortel par contre se révéla plus ardu. Marius l'aurait volontiers enfermé dans un coffre et balancé au fin fond du Triangle des Bermudes, laissant le temps faire son œuvre, mais ce serait prendre le risque qu’on le repêche par inadvertance… La moindre marge d’erreur était simplement inadmissible. Chaque obstacle pouvant se dresser sur son chemin se devait d’être soigneusement annihilé. Et si pour cela il devait d’abord écraser de ses propres mains le cœur de Darius jusqu’à ce que celui-ci cesse définitivement de battre, il ne répugnerait pas à faire de l’excès de zèle. [XXIème siècle] Il a beau avoir connaissance du dégoût de son âme-sœur pour les anglophones, Washington était une destination obligatoire. Dès le début du deuxième millénaire Marius focalisa ses efforts à la conquête politique de la capitale américaine. Au vu de l’influence qu’exerçait les États-Unis sur les gouvernements mondiaux, s'infiltrer au cœur du pouvoir législatif du pays servirait inéluctablement la cause de l’Ordre. Bien sûr, jongler entre ses obligations à la tête de l’Hydre et celle en tant que Sénateur de Washington n’est pas sans être chronophage mais Marius n’a jamais été du genre à ménager ses efforts. Et puis qui sait… S’il persiste sur cette voie, il est bien capable de devenir le prochain Président. [De nos jours] Il avait toujours eu ses doutes sans pour autant avoir de preuve concernant ses soupçons, mais maintenant il tenait entre ses mains les documents attestant du secret le mieux gardé de l’humanité. Dévoiler leurs existences au yeux de tous était un pari risqué. Il le sait, bien sûr. Sa décision divise, même au sein de sa propre constellation. Pour autant, il ne compte pas faire marche arrière, il est déjà trop tard pour ça. Il ira au bout de son plan quoi qu’il en coûte. Les Enfants de Prométhée, le Conclave Écarlate et même Amaranth Pharmaceuticals, tous pourraient bien essayer de l’arrêter. Leurs tentatives se solderont par un échec. Il est temps que le monde apprenne la vérité et le nom de leur véritable maître.